Текст книги "Cyteen, vol. 1 "
Автор книги: C. J. Cherryh
Жанр:
Научная фантастика
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– Je suis pressée de rentrer chez moi, c’est exact.
Ils exécutaient une danse. Et l’amiral menait le bal.
– Parlez-moi franchement du projet Lointaine, dit-il.
– Disons qu’il se rapporte à des études génétiques, de la recherche pure.
– Aurez-vous des labos et utiliserez-vous des techniques de pointe, là-bas ?
– Non, une simple antenne médicale. Analyses. Travaux administratifs. Rien de top secret.
– Dois-je en déduire que vous y effectuerez de simples activités de surveillance ?
– C’est exact. Aucun labo de naissance.
Gorodin regarda sa tasse vide puis les deux azis. Il la leur tendit.
– Florian, dit Ariane.
L’azi inclina la tête et alla prendre la cafetière posée sur le placard. Le militaire suivit le serviteur des yeux, paraissant absorbé par ses pensées.
– Vous pouvez compter sur leur discrétion, déclara Ariane. Ils ont été programmés à ne répéter aucune discussion. La plus belle réussite de Reseune. N’est-ce pas Florian ?
– Oui, sera, approuva l’azi.
Il servit une deuxième tasse qu’il lui proposa.
– La beauté alliée à l’intelligence, commenta-t-elle.
Mais seule sa bouche souriait, pas ses yeux.
– En outre, l’Alliance ne souhaite pas se doter de labos de naissance. Elle n’a aucun monde à peupler.
– Il convient de bien étudier la question. Qui sera responsable des installations de Lointaine ?
– Yanni Schwartz.
Gorodin se renfrogna et but une gorgée de café.
Ah !pensa Ariane. Nous approchons du but.
– Je vais vous dire une chose, D r Emory. Certains membres de mes services doivent aller régulièrement à l’hôpital psych de Viking et – pour des raisons politiques – j’aimerais disposer d’un établissement de soins plus proche de la route que doit suivre votre station Espoir. Je parle d’un centre capable d’accueillir les cas les plus graves, sans qu’ils aient à transiter par la station.
– Pour des raisons particulières ?
– Je me réfère à nos agents spéciaux qui doivent changer d’identité et dont nul ne doit voir le visage. Ces hommes vivent dans l’angoisse. Ils se sentent vulnérables, à bord des grandes stations. Leur stress serait moins grand dans un établissement qui dépendrait de Reseunec mais pas sur Cyteen, c’est évident.
Ariane ne prit pas la peine de dissimuler sa perplexité. Tout cela lui paraissait absurde.
– Ce que je veux, c’est disposer d’un lieu où mes agents se sentiraientc en sécurité, conclut Gorodin. Où je saurais qu’ils ne risquent rien. Je compte y consacrer une partie du budget occulte de la Défense, ainsi que du personnel.
– Pas de militaires.
– Je parle d’une contribution importante à cette installation. Je peux vous la fournir.
– Aucun soldat. Que des gens de Reseune. Et il serait préférable que votre participation soit conséquente, amiral. Vous nous obligez à revoir la totalité du projet. En outre, je ne tolérerai pas que l’expérience en cours soit compromise par la présence de vos hommes. J’exige une séparation totale entre la section militaire et la nôtre.
– J’accepte bien volontiers. Il sera toutefois nécessaire d’assurer une liaison permanente et je pense à un homme qui bénéficierait de la confiance des deux parties concernées, quelqu’un avec qui nous avons déjà eu l’occasion de travailler.
L’idée la cingla comme un jet d’eau glacée. Il lui était difficile de ne pas réagir, de ne pas briser entre ses doigts l’anse fragile de sa tasse.
– À qui pensez-vous ?
– Au P rWarrick, à l’homme qui a conçu nos bandes d’entraînement. C’est lui que nous voulons, D r Emory.
– Et lui, veut-il de vous ?
Avec calme. Un calme admirable.
– Il suffit de le lui demander.
– Je crois désormais savoir qui est votre informateur, amiral. Je suis même certaine de connaître vos sources. Que vous a-t-il encore appris ?
– Vous sautez à des conclusions hâtives.
– Non. Je redoutais quelque chose de ce genre. Vous voulez cet homme ? Vous désirez qu’un individu qui n’a eu aucun scrupule à trahir son employeur devienne le responsable de vos opérations ultra-secrètes ?
– Je vous ai fait part de mes sources.
– Disons que vous voulez sacrifier un sous-fifre de chez Hayes, un pauvre bougre de technicien auquel ils feront porter le chapeau si je leur reproche ces indiscrétions. Vous êtes donc parvenu à un accord avec Jordan Warrick, mais cet homme vous a-t-il parlé de ses motivations ?
– Comment l’aurait-il pu ?
– Vous êtes un bon joueur de poker, amiral, mais vous semblez oublier quelles sont mes activités. Et les siennes. Que vous a-t-il proposé ? D’exprimer son point de vue devant les médias ? Est-ce ainsi que vous me garantissez la non-intervention de Corain ?
– D rEmory, vous savez que je peux tenir mes promesses.
– Je n’en ai jamais douté. Et à propos de promessesc Jordan Warrick vous a fait celle de vous apporter ma tête sur un plateau, de vous obtenir des voix au sein du bureau des Sciences. Mais qu’importec je vous laisse cet homme. Je le ferai transférer, avec toute son équipe. Si vous voulez le nommer responsable d’un service ultra-secret, ne vous gênez surtout pas. S’il fait des discours et écrit des articles dirigés contre moi, grand bien lui fasse.
Elle posa la tasse.
– Sommes-nous d’accord, amiral ? Nous pourrons quitter cette maudite ville bien plus tôt que prévu, si c’est le cas. Vous me soutiendrez quand je réclamerai un scrutin à bulletins secrets pour le budget Espoir, et si vous me permettez d’avoir une majorité nous n’aurons pas de comptes à nous rendre. Affaire conclue ?
– Vos conditions sont acceptables.
Elle sourit.
– Parfait. Si vous voulez obtenir le transfert de la section de Warrick à Lointaine, il faudra le solliciter par écrit. Je vous demande de charger votre équipe de rédiger le formulaire. La mienne est débordée de travail. Mais vous devrez attendre la fin des travaux pour avoir Warrick. Je présume que vous savez comment le joindre pour lui faire signer cette demande.
Gorodin avala d’un trait le reste de café contenu dans sa tasse.
– Merci, docteur Emory. Je suis certain que cet accord sera profitable à toutes les parties concernées.
Ils se levèrent, et l’amiral lui présenta sa main.
Ariane la serra avec énergie, puis elle lui sourit tant qu’il n’eut pas atteint la porte.
Catlin referma le battant. Le visage de l’azie était aussi inexpressif que celui d’un soldat au garde-à-vous.
Florian ramassa les tasses. Il tentait lui aussi de ne pas attirer l’attention.
Ils savaient en quelles circonstances ils pouvaient avoir peur.
Audiotexte extrait de :
Formes de croissance
Bandétude de génétique n‹1
« Un calendrier de Reseune, 2396 »
Publications éducatives de Reseune :
8970-8768-1 approuvé pour 80 +
LOT AL-5766 : QUATRE UNITÉS
Le technicien débute une opération de routine, un transfert de matériel génétique dupliqué. Il laisse dix unités AL-5766 inutilisées dans la génébanque, ce qui constitue une mesure habituelle tant pour les expérimentations que pour les commandes commerciales.
AL-5766 est de sexe féminin et de type Alpha. Alpha, la plus développée des intelligences dans la classification de A à Z des non-citoyens, correspond à une fourchette allant de 150 à 214 sur l’échelle de Rezner. Les AL-5766 atteignent 190, à la limite du génie. Engendrer des Alpha est rare, hormis pour permettre l’exécution de tâches spécifiques, à des fins d’étude ou dans le cadre d’opérations coloniales à faible densité de population où l’esprit d’initiative est un facteur déterminant. Faute d’une socialisation dès un très jeune âge, les Alpha sont sujets à des troubles de la personnalité : les meilleurs résultats obtenus chez des individus isolés ont été réalisés par une rétroaction positive dans la formation et un programme de bandétudes accéléré portant sur la découverte du monde ainsi que le développement des capacités de lecture et de calcul ; les interventions étant réduites au minimum hormis pour accorder des récompenses. Les Alpha qui ont les meilleures chances de réussite sont ceux confiés à des parents humains sitôt après la naissance, et leur comportement est alors comparable à celui des individus nés-citoyens de valeur Rezner équivalente. Il convient de garder à l’esprit que les caractéristiques du généset d’un azi et dans une certaine mesure sa classification sont déterminées par les bandes conçues pour ledit généset et que les échecs antérieurs semblent dus à des lacunes dans leur conception.
La conduite des AL-5766 placés dans un milieu parental humain peut être considérée comme normale, avec toutefois une indéniable propension à l’agressivité. S’ils sont élevés au sein des communautés azies, les statistiques s’écartent de la norme : réactions violentes, brusques sautes d’humeur, anxiété irrationnelle. Les bandes s’avèrent inefficaces pour atténuer de tels troubles du comportement et les méthodes de rééducation sont inadaptées, bien qu’on ait enregistré certains progrès lors du transfert des sujets sur des théâtres d’opérations militaires où les conditions d’existence et les contraintes physiques étaient extrêmes.
Dans aucun cas, leur potentiel dans le domaine des mathématiques n’a pu être pleinement exploité. Le généset des AL-5766 n’est plus utilisé depuis 2353, même pour des expérimentations. Mais Reseune souhaite tester sur eux une bande-réparatrice dont l’intérêt s’est accru depuis que la série AL-5767 semble entrer en fait dans la catégorie Bêta, tout en étant privée des caractéristiques qui rendent les 5766 à la fois si intelligents et asociaux.
Ce groupe comporte quatre séries. Les concepteurs de bandes ont en effet mis au point deux types de programmes de rééducation différents et ce nombre permettra d’établir des comparaisons suffisantes pour un premier essai. Nul contrôle ne sera effectué avec la bande originale : les AL-5766 bénéficient de données qui couvrent une période de quarante-six ans et vouloir démontrer les lacunes des anciens enregistrements serait pour le moins superflu.
Les œufs ne disposent d’un code personnel qu’après avoir reçu un ensemble complet de cellules diploïdes d’AL-5766. C’est une procédure normale, tant pour la production d’azis que pour la duplication de citoyens.
La matrice qui reçoit chaque œuf est bioplasmée et contractile. Cet environnement qui reproduit une grossesse naturelle est utilisée à Reseune depuis quarante-neuf ans. Tous les mouvements, les sons, les états chimiques et les cycles interactifs d’un utérus organique y sont reconstitués.
LOT EU-4651 : DIX UNITÉS
Les AL-5766 ont un jour quatre points de vie aux codes génétiques identiques affairés à se diviser et croître dans les ténèbres de la matrice. Il en va de même pour les EU-4651, de sexe mâle, dont dix unités ont été stockées dans la génébanque.
Les EU-4651 sont de type Êta, entre 90 et 95 sur l’échelle de Rezner, et leur stabilité est exceptionnelle. Ce sont sans doute les azis les plus demandés par l’industrie et l’armée. Leur emploi n’est pas restreint à Cyteen et toutes leurs séries et variantes ont fait l’objet d’un dépôt de brevet. En d’autres circonstances Reseune se serait contenté de vendre les ovules à un laboratoire, mais il s’agit en l’occurrence de donner une utilisation différente à ces EU-4651. Un EU-4651 a en effet démontré posséder des aptitudes exceptionnelles qui se sont développées tardivement dans une situation d’urgence ; ce qui pourrait entraîner une reclassification et un changement de type si une bande-programme parvenait à inclure ces nouvelles données, tant pour les EU-4651 existants que pour ceux qui restent à créer.
LOT RYX-20 : VINGT UNITÉS
Cette série est de type Rhô, Rezner 45 et inférieur. Le type Rhô correspond à la plus basse des classifications d’azis que Reseune produit à des fins commerciales. Leur comportement est satisfaisant, avec une rétroaction positive et une intervention minimale. Ils sont peu enclins à dévier du programme. Leur résistance aux problèmes provoqués par les bandes considérées comme défectueuses en fait des sujets d’expérience idéaux pour tester les nouvelles bandes. Telle sera la principale utilité de ces vingt azis. Étant prédisposés à subir des contraintes physiques importantes tout au long de leur vie, ils ne bénéficient pas comme les types de N à P de cures de réjuv mais reçoivent une structure qui donne entière satisfaction pour la perpétuation du génotype.
LOT CIT-*-**-**-**-**** : UNE UNITÉ
CIT– *– **– **– **– **** va passer directement de sa matrice à un conteneur cryogénique, pour être transportée par un jet de la compagnie à un service d’expédition de Novgorod d’où elle prendra la navette régulière du week-end, si le temps l’autorise.
Reseune dispose d’une section spéciale destinée à satisfaire les besoins du grand public, ce qui lui permet de bénéficier d’exonérations fiscales et d’amortir le matériel pendant les heures creuses.
CIT– *– **– **– **– **** provient d’un prélèvement effectué sur le cadavre d’une enfant de sept ans dont la mort a été accidentelle. Le bon de livraison comporte les mentions obligatoires informant la mère qu’aucun transfert d’identité n’a pu se produire et qu’une réplique doit obligatoirement avoir un conseil de tutelle, mais que si les parents le désirent, le clone pourra porter le nom et le matricule de la défunte en raison de son statut de double posthume de l’enfant, fille aimée de Susan X. (Nom de famille et matricule ne pouvant être divulgués.) L’embryon se développera dans le labo de ***, et seul le coût du transport à tarif réduit d’un petit conteneur sera facturé. Arrivée à terme, CIT– *– **– **– **– **** sera transférée de la cuve utérine dans les bras de sa mère génétique.
LOT CIT-*-**-**-**-**** DP : UNE UNITÉ
Le clonage d’individus qui préfèrent avoir un jumeau au lieu d’un enfant aux gènes provenant de deux sources est devenu une activité lucrative pour de nombreux labos. Le coût d’une telle opération peut en effet s’élever à 500 000 crédits. Mais les laboratoires de Reseune sont un centre de recherche et de développement et ils ne s’intéressent pas à ces pratiques appelées par certains le clonage narcissique, hormis pour les rares génotypes jugés d’un intérêt commercial ou expérimental exceptionnel. C’est le cas de ce fœtus qui arrive presque à terme. En fait, Reseune a assumé la totalité du coût de cette duplication désignée par le code CIT– *– **– **– **– **** DP : le sujet-parent possède en effet des capacités hors du commun et souhaite partager son unicité génétique avec une réplique. Il a signé une décharge autorisant les labos à accéder à tous les enregistrements qui le concernent. Reseune a stocké ces données pour un développement ultérieur du généset en s’engageant à ne commercialiser ce dernier qu’à l’expiration d’un délai de cinquante ans après les décès du parent et de son double.
Reseune a stocké dix génésets à A**-1.
LOT AGCULT-789X : UNE UNITÉ
AGCULT-789X se développe depuis un jour dans une des cuves utérines d’un grand immeuble situé au bas de la colline. AGCULT-789X, un expérimental comme son matricule l’indique, ressemble aux RYX-20 et aux EU-4651, si ce n’est que les codes génétiques des RYX-20 et des EU-4651 prévoient deux membres inférieurs et un épiderme lisse, alors que les siens lui donneront quatre pattes, un pelage bai et des possibilités de déplacement bien plus rapides.
AGCULT-789X est une créature d’origine terrienne. Les laboratoires ont procédé à une nouvelle tentative sur des espèces pour lesquelles les succès ont été à ce jour limités. Les programmes AGCULT s’appliquent à des repré sentants de la faune et de la flore, et ils ont permis d’obtenir des résultats plus significatifs avec les algues et les organismes occupant l’extrémité inférieure d’une chaîne alimentaire qui constituera un jour la base de l’alimentation de tous les descendants des espèces terriennes. Afin de cimenter la paix, la Terre a fourni à Cyteen les génésets et les données correspondantes d’un échantillonnage important d’animaux, en mettant l’accent sur les espèces disparues ou en voie d’extinction, ainsi que sur les génésets humains contenant des informations ayant pu s’effacer du pool génétique de l’Union et de l’Alliance.
En contrepartie, l’Union a adressé aux archives génétiques terriennes des génésets représentatifs de ses populations, dans le cadre d’un programme d’échanges qui permettra d’effectuer des comparaisons et de fournir des références en cas de catastrophe universelle ou de perte de contact aux causes imprévisibles.
Downbelow, l’un des deux mondes sur lesquels se sont installées des colonies humaines, a un statut de protectorat et il n’est pas question de modifier l’environnement en mettant en péril l’existence des populations autochtones. Les humains resteront de simples visiteurs, sur cette planète.
L’autre, Cyteen, est moins hospitalier et n’abrite aucune forme de vie plus évoluée que les platythères et les ankylodermes. Il se prête à un terraformage radical. La capacité des laboratoires de ce monde à stocker du matériel génétique en prévision d’éventuels bouleversements climatiques et atmosphériques irrévocables permet d’entretenir l’espoir d’une réapparition sélective des espèces dans certains habitats protégés, si de tels changements devaient s’avérer catastrophiques.
Calamité pour les espèces locales, le terraformage offre une opportunité unique d’étudier les régions interfa-cielles, de comparer l’adaptation des espèces terrienne et indigène et de faire ainsi progresser notre compréhension des bouleversements cataclysmiques qui ont autrefois affecté notre planète-mère et des changements subis par les humains lors de ces transformations radicales de leur cadre de vie.
Après avoir compris que l’évolution est inévitable mais pas toujours souhaitable, la Terre voit en Cyteen le dépositaire des codes génétiques des espèces en voie d’extinction. Certains des projets les plus ambitieux incluent un habitat pour les gros mammifères. Fait paradoxal, les expériences de terraformage de Cyteen – si destructrices pour la vie indigène de ce monde – ont permis de recréer des écosystèmes terriens menacés et l’application de ces techniques sur Mars, la quatrième planète du système de Sol dont l’équilibre écologique est encore plus fragile.
L’intérêt de certains des échanges proposés peut paraître moins évident.
La Terre souhaite par exemple acclimater sur Cyteen des cétacés et des primates. Elle a proposé un programme d’étude conjoint pour l’observation du développement des baleines et la comparaison des chants des spécimens des deux mondes.
Si de tels projets ont une indubitable valeur scientifique à long terme, le terraformage de Cyteen et son nouvel écosystème posent des problèmes plus pressants : bouleversements atmosphériques à l’échelle planétaire, cas des régions interfacielles, salinité importante et présence de minéraux à Baie de Swigert, dans la zone à forte densité de population du delta de la Novaya Volga qui offre les conditions les plus favorables à l’implantation d’un système d’aquaculture intensivec
Chapitre II
1
Vue depuis les airs, Reseune était une tache de verdure, une bande de vie encastrée dans la profonde vallée de la Novaya Volga. Chaque année, la Ville empiétait un peu plus loin sur les berges du fleuve : immeubles blancs de construction récente, enclos de l’AG, baraquements, laboratoires qui s’étendaient sous le hublot de gauche. Ariane Emory réunit ses papiers au moment où l’avion entamait sa descente et Florian apparut à côté de son siège pour prendre son nécessaire de voyage.
Elle ne se sépara pas de sa mallette.
Comme à son habitude.
Le jet prit contact avec le sol et la piste bétonnée grimpa à la rencontre des ailes delta. Le pilote freina et alla immobiliser l’appareil devant les bâtiments de l’aéroport pendant que le personnel au sol passait à l’action : chauffeurs, bagagistes, mécaniciens. Une intervention rapide et précise qui permettait de tout régler à la fois, de la décontamination au débarquement. Ceux de Novgorod n’auraient pu les égaler.
La totalité de l’équipe était constituée d’azis nés à Reseune. Les critères retenus pour leur formation dépassaient de beaucoup ceux jugés satisfaisants partout ailleurs. Mais cela s’appliquait à la majeure partie du personnel de ces laboratoires.
Elle voyait des visages et des modèles connus, et tout ce qui les concernait était stocké dans les banques de données.
Et, pour la première fois depuis des jours, Ariane Emory parvint à se détendre.
Sur le plan de la sécurité, le transfert s’était opéré sans problème. Les services de Reseune avaient pris la relève à l’instant où l’information selon laquelle RESEUNE UN décollait de Novgorod parvenait au bureau de Giraud Nyec en ne lui laissant qu’une heure de battement. Les déplacements d’Ari étaient souvent imprévus et elle n’en informait pas toujours à l’avance le responsable de la sécurité, mais cette fois elle avait battu tous les records.
– Avertis notre équipe, dit Giraud à Abban, son garde du corps.
L’azi s’en chargea avec son efficacité coutumière. Il veilla à faire procéder au transfert des registres et des rapports pendant que Giraud contactait son frère Denys, à l’administration. Ce dernier informa la section un du retour d’Ari dès que l’appareil entama la phase d’approche finale.
Le reste était de la routine, la procédure standard lorsque RESEUNE UN arrivait dans un grondement de turbines et qu’Ariane Emory revenait s’installer chez elle, dans sa section, sa résidence.
Au cours des informations de la veille des commentateurs avaient déclaré que le vote sur le projet Espoir venait d’être ajourné. La Bourse en avait été ébranlée et l’onde de choc risquait de se propager très loin dans l’espace, bien que les analystes aient qualifié ce contretemps de retard procédurier. Mais ils avaient aussi eu droit à une bonne nouvelle sous la forme d’une brève dépêche accompagnée d’une vid biographique fournie par le bureau des Sciences : un obscur chimiste de Lointaine venait d’obtenir un statut de Spécial. Au moins cette demande avait-elle été accueillie favorablement. Puis le Conseil s’était lancé dans une session marathon qui s’était poursuivie jusqu’au petit matin, ce qui avait engendré d’autres remous dans les places boursières interstellaires où les incertitudes n’étaient pas plus prisées que les brusques renversements de politique. Les porte-parole de tous les gouvernements de l’Union avaient organisé des conférences de presse pour commenter la situation et tenter de l’analyser – des interventions diffusées sous forme de flashes spéciaux avant même les informations du matin – et les journalistes avaient fait de leur mieux pour proposer des interprétations, faute de se voir accorder des interviewsc même de la part des conseillers de l’opposition.
Seul le chef de la faction abolitionniste de la coalition centriste avait accepté d’exprimer son opinion : Ianni Merino, un personnage aux cheveux blancs en bataille, au visage encore plus rouge et aux propos encore plus outranciers que de coutume. Il voulait réclamer un vote de censure et envisageait de se séparer des centristes. S’il ne disposait pas des voix nécessaires pour mettre sa première menace à exécution, il pourrait réaliser la seconde. Giraud Nye avait écouté ses déclarations avec attention. S’il savait bien plus de choses que les commentateurs, il se demandait comme eux quel genre d’accord venait d’être conclu en coulisses et ce qui avait pu inciter Mikhaïl Corain à l’accepter.
Un triomphe pour Reseune ?
Une catastrophe politique ? Une perte ?
Il n’était pas dans les habitudes d’Ariane de le consulter pendant les sessions du Conseil, hormis en cas d’extrême urgence. Elle ne pouvait utiliser le téléphone, pas même sur les lignes protégées du bureau, mais elle avait des courriers et des avions à sa disposition.
Qu’elle n’eût pas donné signe de viec cela semblait indiquer qu’elle gardait la situation sous contrôle malgré cet ajournement inattendu. Il l’espérait, tout au moins.
Les rencontres prévues avaient été annulées, les conseillers s’étaient décommandés et ceux de Russell et de Pan-paris avaient regagné en hâte Station Cyteen pour embarquer à bord d’un vaisseau qui devait appareiller pour leur système. Leurs secrétaires voteraient à leur place, par procuration. Sans doute avaient-ils reçu des instructions bien précises.
Ce ne fut pas seulement le protocole qui incita Giraud Nye et son frère Denys à aller attendre le petit car qui gravissait la rampe d’accès de Reseune.
La porte du véhicule s’ouvrit. Le premier passager qui débarqua fut comme toujours Catlin, vêtue de l’uni-forme noir des membres des services de sécurité. Le teint blême et les traits tendus, ce qui n’était pas de bon augure, l’azie se pencha afin d’aider Ari à descendrec Ari qui portait un ensemble bleu ciel et tenait comme toujours sa mallette. Rien en elle ne pouvait laisser présumer d’une victoire ou d’une catastrophe. Puis elle se tourna vers les Nye et son expression dissipa leurs incertitudes.
– Votre bureau, dit-elle à Denys.
Giraud vit alors Jordan Warrick parmi les membres de l’équipe. Il n’était pas censé se trouver à bord de cet appareil. Parti cinq jours plus tôt à bord de RESEUNE UN, il n’aurait dû rentrer qu’en fin de semaine par un vol spécial de la RESEUNAIR.
Ils avaient de sérieux problèmes. L’arrivée de cet homme en compagnie d’Ari le surprenait autant que si les centristes et les expansionnistes venaient de faire cause commune. Les membres de la section de Warrick ne l’accompagnaient pas. Seul Paul, son chef de Maisonnée azi, le suivait avec son nécessaire de voyage, l’air inquiet.
Abban pourrait recueillir des informations auprès de l’entourage d’Ari, ces azis qui appartenaient à la Famille et étaient libres de rapporter les conversations entendues. Giraud donna cet ordre à Abban puis rejoignit Ari, Denys et Florian. Sitôt après avoir franchi les portes, ils s’engagèrent sans dire un mot dans un couloir latéral. Catlin suivait avec Seely, l’azi de Denys.
Ils n’échangèrent pas une seule parole tant qu’ils ne furent pas dans le bureau de Denys. Ari attendit qu’il eût mis en marche le brouilleur phonique de la pièce pour déclarer :
– Nous avons un problème.
Elle posa sa mallette sur le bureau en bois exotique verni et l’ouvrit avec des gestes précis.
– Le projet Espoir serait-il compromis ? s’enquit Denys en prenant la fiche qu’elle lui tendait. Ou est-ce en rapport avec Warrick ?
– Gorodin nous garantit que nous obtiendrons la majorité pour Espoirc si Jordan est nommé agent de liaison à l’installation psych militaire de Lointaine que nous devrons inclure de façon détournée dans notre projet.
– Seigneur ! s’exclama Giraud, avant de s’asseoir. Apprenez-moi comment vous avez acheté le vote de Mikhaïl Corain, et pourquoi l’amiral a inclu le transfert de Warrick dans cette tractation.
Il ne semblait avoir aucun doute, et il était évident qu’Ari n’en avait pas non plus.
– Il nous pose un sérieux problème, dit-elle.
– Nous ne pouvons rien faire contre lui, s’empressa de déclarer Giraud, pris de panique.
Ari oubliait parfois ses limites, ou celles qu’aurait dû lui imposer la prudence.
– Il table sur ce fait, n’est-ce pas ?
Elle s’installa dans le fauteuil restant.
– Il reste à voter. Cette formalité pourra attendre la fin des travaux. Notre budget a été approuvé.
Giraud était en sueur. Il réprima le désir de s’essuyer le visage. Les ondes de l’audiobrouilleur entraient en résonance avec ses dents mais il était surtout incommodé par ses entrailles.
– Eh bien, c’est déjà ça, déclara Denys qui inclina son fauteuil en arrière et croisa les mains sur son estomac proéminent. Jordan est un imbécile. Pour commencer, nous pouvons placer sa section sous le contrôle de l’administration et récupérer son équipe et tous ses fichiers.
– Il est loin d’être stupide, rétorqua Ari. Je veux savoir si certains dossiers n’ont pas disparu.
– Vous pensez qu’il a pu leur fournir des documents compromettants ?
– Qu’est-ce qui aurait pu l’en empêcher ?
– Merde, laissa échapper Giraud. Ari, je vous avais mise en garde. Je vous avais avertie.
Elle inclina la tête, pour le lorgner.
– Vous oubliez un détail. Même s’il part pour Lointaine, son fils restera parmi nous.
– Nous avons cinq autres années de budget à faire accepter. Que se passera-t-il lorsque Jordie se sera exprimé devant les médias ?
– Ne vous tracassez pas pour ça.
– Que voulez-vous dire ?
– Il est ici, non ? Il a laissé ses assistants et le reste de son équipe à Novgorod. Paul excepté, bien sûr. Je ne lui ai pas encore parlé de cette fuite. Je me suis contentée d’envoyer Florian lui adresser un avertissement. Il a conscience de la gravité de ses actes et il doit savoir que je n’ignore rien de ses agissements.
– Si vous touchez à cet hommec Écoutez-moi. Il n’a certainement pas tenté une chose pareille sans protéger ses arrières. Dieu sait quels torts il peut nous causer et quels atouts il garde dans sa manche. Seigneur, je n’avais rien prévu de ce genre.
– Jordan et ses récriminations. Sa demande de transfert. Ses accrochages avec les autres membres de l’équipe. Oh ! Nos rapports sont toujours courtois, malgré nos divergences sur le plan politique. Nous avons d’ailleurs eu une discussion sur ce thème, pendant le retour. Et nous échangions de larges sourires. Pourquoi pas ? Qu’est-ce qui prouve que je n’aie pas crules déclarations de Gorodin, après tout ?
– Il le sait !
– Et il sait que je sais qu’il le sait. Voilà la raison de nos amabilités. Je vais vous dire une chose. Je ne suis pas inquiète. Il croit que je m’abstiendrai d’agir tant que j’ignorerai ce qu’il détient contre nous. Il pense être le maître de la situation. Notre Spécial de la section éducative se juge plus malin que les autres et il a risqué le tout pour le tout en étant convaincu que tout se passera comme il l’a prévu. Il fera bientôt une contre-proposition. Moi aussi. Des mois s’écouleront ainsi. Il est certain de pouvoir me contrer, rendre coup pour coup. L’avenir nous dira qui a raison. Pour l’instant, je vais me contenter de regagner mes appartements. Florian a dû terminer, à présent. Je prendrai une douche, m’allongerai un moment et lirai les rapports. Ah ! Je souhaite faire un véritable repas. Dîner de gala, ce soir. Ne convient-il pas de célébrer dignement la fin d’une session du Conseil ? Catlin se chargera d’établir le menu.