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Cyteen, vol. 1
  • Текст добавлен: 6 октября 2016, 05:35

Текст книги "Cyteen, vol. 1 "


Автор книги: C. J. Cherryh



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Comme la plupart des azis de la Maison, ceux de Nye exceptés.

Lui et Grant avaient tenté de concevoir un ver, par simple curiosité.

Assis en tailleur à ses pieds, Grant esquissait des flux-logiques.

– Eh ! Pourquoi étudier un ver pour des Rhô quand nous avons un Alpha à notre disposition ?

De tels propos lavaient terrifié. Ils n’étaient pas drôles.

– Abstiens-toi d’y penser.

Parce que s’il était possible de créer une telle chose le simple fait de l’imaginerserait très dangereux. En outre Grant se référait à sa propre série. Il tenait son manuel.

L’azi avait ri, puis eu ce sourire qu’il arborait chaque fois qu’il marquait un point contre son CIT.

– Nous ne devrions pas nous amuser à ça. Je ne crois pas qu’il faille y toucher.

– Les vers n’existent pas.

– Je ne tiens pas à m’en assurer.

Donner des ordres à Grant en se prévalant de son statut de CIT lui était pénible. L’azi avait cessé de rire pour rouler en boule son esquisse, pendant que sa profonde déception bouleversait Justin.

Il en avait souffert jusqu’au cœur de la nuit, quand l’azi était venu dans sa chambre pour l’éveiller d’un profond sommeil et lui dire qu’il venait de mettre au point un ver efficacec avant de rire tel un dément, de se jeter sur lui dans l’obscurité, et de lui faire une peur bleue.

Et Grant s’était effondré sur le sol, secoué par le rire.

Son ami était ainsi, bien trop énergique pour laisser quoi que ce soit s’interposer entre eux. Et il savait ce qu’il méritait pour avoir de telles prétentions à la divinité.

Il restait assis devant le clavier, coupé du monde extérieur. Il percevait une douleur sourde au fond de son être. Grant avait eu raison. Absolument raison.

Un bip s’éleva de l’interphone. Il réunit tout son courage en prévision de l’affrontement et pressa une touche.

– Oui ? fit-il, s’attendant à entendre la voix d’Ari.

– Justin ?

Son père.

– Il faut que je te parle. Viens à mon bureau. Tout de suite.

Il n’osa pas poser la moindre question.

– J’arrive, répondit-il.

Puis il coupa la communication et se leva.


Il était de retour une heure plus tard, dans le même fauteuil, devant l’écran vierge qu’il resta à fixer pendant un long moment avant d’être assez calme pour pouvoir presser la touche de reprise du travail.

Le programme apparut et défila jusqu’à la dernière ligne contrôlée. Mais Justin se trouvait à des milliers de kilomètres de là, dans l’état d’hébétude où il s’était plongé en entendant son père lui annoncer qu’il venait de joindre Merild et que ce dernier avait répondu par la négative à une question codée, sans paraître en comprendre le sens.

Faute d’avoir été contacté par Kruger il n’avait pu assimiler les propos de Jordan. Zéro.

Peut-être était-il trop tôt. Pour des raisons qu’ils ignoraient, les Kruger avaient pu garder Grant chez eux sans contacter Merild. Par peur de Reseune. Ou de la police.

L’azi était-il arrivé jusqu’à la mine ?

Justin était resté sous le coup du choc pendant que son père s’asseyait sur le bras du fauteuil et le prenait par l’épaule, pour lui dire de ne pas renoncer à l’espoir. Mais ils ne pouvaient rien tenter. Ni eux, ni aucune de leurs connaissances. Fournir des détails par téléphone et demander d’effectuer des recherches eût compromis Merild. Jordan avait appelé les Kruger et demandé s’ils venaient de recevoir un certain colis, pour s’entendre répondre que le paquet en question avait été réexpédié dans les délais prévus. Quelqu’un mentait.

– Je pense pouvoir faire confiance à Merild, avait déclaré Justin.

» J’ignore ce qui se passe. Je ne voudrais pas t’inquiéter, mais tu dois savoir qu’Ari n’hésitera pas à utiliser contre toi tout ce qu’elle pourra apprendre.

Il avait conservé son calmec le temps de se lever, de déclarer qu’il devait retourner à son bureau. Mais lorsque Jordan l’avait étreint il n’avait pu se dominer plus longtemps : on venait de lui annoncer que son frère avait peut-être perdu la vie.

Ou qu’il était le prisonnier d’Ari.

Il avait séché ses larmes puis franchi le poste de contrôle pour regagner sa section en passant devant les membres de l’équipe de Jane Strassen qui cherchaient à présent un moyen d’expédier quelque chose à bord d’un avion qui irait chercher du ravitaillement, parce que cette femme était si pingre qu’elle refusait de faire décoller un appareil s’il n’était pas chargé à bloc.

Il demeurait assis et étudiait le programme, rongé par la colère que lui inspirait Ari. Il haïssaitcette femme, plus qu’il n’aurait jamais pu imaginer haïr quelqu’un, tout en ignorant où était Grant et s’il ne l’avait pas envoyé vers la mort en le forçant à partir à bord de ce bateau.

Et il ne pouvait tout révéler à Jordan. Agir ainsi équivaudrait à déclencher tous les pièges installés à son intention.

Il arrêta à nouveau l’appareil, sortit et suivit le couloir en direction du bureau d’Ari, sans faire cas du remue-ménage. Il entra et sedirigea vers Florian qui assumait les fonctions de secrétaire.

– Je dois lui parler. Immédiatement.

L’azi haussa un sourcil, parut avoir des doutes, puis utilisa l’interphone.


– Comment vas-tu ? lui demanda-t-elle.

Il vint se tenir devant Ari, pour lui demander d’une voix chevrotante :

– Où est Grant ?

Elle cilla. Une réaction trop rapide pour être contrefaite.

– Où est Grant ?c Assieds-toi, mon garçon. Il serait préférable de prendre les choses dans l’ordre.

Il s’installa dans le fauteuil de cuir placé dans l’angle de la pièce et croisa les bras.

– Il a disparu. Où est-il ?

Ari prit une inspiration lente et profonde. Soit elle avait préparé ce qu’elle ferait s’il venait la voir, soit elle ne jouait pas la comédie.

– Il est allé chez Kruger, où un avion a atterri ce matin. Il a pu repartir à son bord. Deux péniches ont quitté la station. Peut-être en a-t-il pris une ?

–  Où est-il, bon sang ? Où l’avez-vous enfermé ?

– Je comprends que tu sois bouleversé, mon garçon, mais tu dois te reprendre. Ce n’est pas en hurlant que tu obtiendras quelque chose, et je doute que cette crise d’hystérie soit feinte. Nous allons étudier la situation, d’accord ?

–  S’il vous plaît ?

– Oh ! Cette attitude est stupide. Tu sais que je ne suis pas ton alliée.

– Où est-il ?

– Calme-toi. Je ne l’ai pas repris, même si je l’ai fait suivre. Où devrait-ilêtre, d’après toi ?

Il ne dit rien. Il resta assis en tentant de se calmer.

– Comment veux-tu que je t’aide, si tu refuses de me fournir des renseignements sur la situation ?

– Vous le pourriez, si vous le désiriez. Vous savez où il est !

– Tu peux aller au diable. Ou encore répondre à mes questions, auquel cas je te promets de faire tout mon possible pour le soustraire aux ennuis qu’il a pu s’attirer. Je ne ferai pas arrêter les Kruger, ni votre ami de Novgorod. Je présume qu’il existe un rapport entre le coup de téléphone que Jordan lui a passé il y a quelques instants et ta venue dans mon bureau. Rien ne semble vous réussir, cette semaine.

Il la fixa, un très long moment.

– Que voulez-vous savoir ?

– La vérité. Je vais te dire ce que je pense, et tu n’auras qu’à le confirmer. Un hochement de tête suffira. D’ici chez les Kruger. De là chez un certain Merild, un ami de Corain.

Il serra les poings sur les bras du fauteuil et hocha la tête.

– Bien. Il peut être à bord d’une des péniches, mais il était censé repartir par la voie des airs, n’est-ce pas ?

– Je l’ignore.

– Vraiment ?

– Vraiment.

– Il est encore possible qu’il soit toujours là-bas. Mais j’avoue ne pas aimer le reste de cette histoire. Corain n’est pas le seul politicien que connaissent les Kruger. Le nom de DeForte te dit-il quelque chose ?

Il secoua la tête, sans comprendre.

– Rocher ?

– Les abolitionnistes ?

Son cœur venait de rater un battement et d’emmêler espoir et angoisse. Ce Rocher était un dément.

– Je constate que tu as fini par comprendre, mon chéri. Cet avion s’est posé à Grand Bleu, un car a pris ses passagers avant de partir sur la route de Bertille-Sanguey. J’ai mis des hommes sur cette affaire, mais il est nécessaire de s’entourer de précautions avant d’envoyer un commando là-bas. Si l’on veut que Grant puisse être récupéré sain et sauf, cela va de soi. Or, les abolitionnistes n’hésiteront pas à lui trancher la gorge, mon garçon. Ils ne sont pas tous motivés par l’altruisme et s’ils n’ont pas hésité à compromettre Kruger il y a gros à parier que ce n’est pas pour le bien d’un azi. Tu m’écoutes ?

Il écoutait. Et il pensait comprendre. Mais il n’avait jusqu’alors cessé de commettre des erreurs – Ari venait de le lui dire – et il voulait obtenir la confirmation de ses craintes.

– Que cherchent-ils, selon vous ?

– À nuire à ton père. Et au Conseiller Corain. Grant est un azi de Reseune, et des Warrick. C’est une proie presque aussi intéressante que Paul, et DeForte veut la tête de Corain parce que ce conseiller s’est laissé acheter par moi. Il a accepté un marché pour les projets Lointaine et Espoir, ton père se trouve au centre de cette tractation, et voilà que tu jettes Grant dans les bras des Kruger.

– Vous voulez le ramener ici ?

– Oui, je veux le récupérer. Je veux le tirer des griffes de Rocher,pauvre imbécile. Et si tu désires que nous le récupérions vivant, tu aurais intérêt à me dire tout ce que tu sais. Tu n’étais pasau courant, pour Rocher et tu ignorais tout des rapports entre Kruger et les extrémistesc

– Je ne savais pas. Je ne sais rien. Jec

– Je vais te dire ce qu’ils veulent faire à Grant. Ils l’ont emmené quelque part pour le bourrer de drogues et l’interroger. Peut-être utiliseront-ils des bandes, pendant qu’ils y sont. Ils essayeront d’apprendre tout ce qu’il sait sur les projets Rubin et Espoir, et le reste. Ils tenterontde le détruire. Mais ce n’est pas nécessairement leur but. Voilà ce qui a dû se passer. Je pense que ces gens ont infiltré l’organisation de Kruger et qu’en apprenant qui était Grant leur agent a fait en sorte que Merild ne soit pas informé de son arrivée. C’est Rocher qui l’a su, et qui l’a récupéré. Ton azi est bourré de sédatifs, à l’heure qu’il est. Mais que croira-t-il lorsqu’il reprendra connaissance ? Que ce sont vos amis ? Que c’est toi qui as voulu ce qui lui arrive ?

– Pour l’amour de Dieuc

– C’est ce qu’il va s’imaginer, et tu le sais. Calme-toi et réfléchis à la situation. Nous ne pouvons pas lancer un assaut et provoquer un massacre sans avoir l’absolue certitude que Grant est bien retenu prisonnier. Nous utilisons un localisateur. Nous avons raté une occasion à l’aéroport de Bertille et nous ne sommes pas certains d’obtenir un relevé de position précis à Grand Bleu, mais nous allons malgré tout essayer. Par ailleurs, rien ne prouve que Grant soit parti de chez les Kruger. Je parie qu’un grand nombre des contrats azis qu’ils détiennent sont plus que douteux, et je pourrais demander une enquête. Giraud ira voir Corain à Gagaringrad, pour lui parler. Et toi,tu vas expliquer tout cela à ton père et préciser que je veux qu’il nous donne un coup de main et charge Merild de s’occuper de l’affaire Kruger.

– Une fois libéré, Grant pourra se réfugier chez Merild. Ce dernier ne dira rien.

– Me croirais-tu stupide ? Grant reviendra à Reseune. Dans le meilleur des cas, il restera aux mains de ses ravisseurs pendant quarante-huit heures. Ne penses-tu pas qu’il sera nécessaire de le soumettre à quelques examens médicaux ? Nos adversaires auront eu le temps de lui faire subir des choses désagréables. Et tu ne voudrais tout de même pas le laisser se remettre d’un pareil traumatisme sans la moindre assistance de notre part, j’espère ?

– Vous voulez révéler cette affaire au grand jourc

– Je te trouve bien exigeant, Justin. Tu ne veux pasqu’on en parle. Tu ne veux pasque ton père soit mêlé à cette affaire. Mais tu sembles oublier qu’il apprendra tout quand nous ramènerons Grant. Si nous le récupérons vivant, bien entendu. Il sera informé que ton azi est à l’hôpital, et il se fera du souci. Je compte sur toi pour respecter notre accord.

Il ne dit rien, faute de trouver des arguments. Il avait déjà utilisé tous ses moyens de pression.

– En supposant qu’il soit récupérable, le traitement durera peut-être des annéesc s’il n’est pas mort entre-temps. C’est la première condition.

– Vous m’adressez des menaces.

– Je ne puis prédire ce que fera Rocher et qui risque de périr au cours de la fusillade. Je me contente de t’informer des dangersc

– Je vous ai dit que je ferais ce que vous voulez !

– Pour sauver ton père. Oui, je suis certaine que tu te montreras raisonnable. Et nous reparlerons de Grant quand nous l’aurons récupéré.

Elle repoussa le cache de l’interphone et pressa une touche.

– Jordan ? Ici Ari.

–  Que se passe-t-il ?

– Votre fils est passé me voir. Il semble que nous ayons un petit problème. Pourriez-vous rappeler votre ami de Novgorod et l’informer qu’il a intérêt à convaincre Kruger de me contacter au plus tôtc

11

Il bénéficia d’un répit, dans la petite station de précip miteuse où ils s’étaient arrêtésc un garage souterrain, un escalier et cette casemate de béton qui tombait en poussière. Il n’y avait que trois pièces, plus un cabinet de toilette et une cuisine. Les fenêtres, trop dangereuses en cet endroit, étaient remplacées par un périscope qui permettait de balayer l’extérieur sur 360‹. Mais Grant n’était pas autorisé à s’en approcher. Il restait assis pour répondre aux questions : avec sincérité ou en mentantc son seul moyen de défense. Il n’y avait pas de téléphone, seulement un émetteur-récepteur. Et il ignorait comment fonctionnait cet appareil, bien qu’il eût vu Jordan en utiliser un à bord du bateau, bien des années plus tôt.

Il se demandait toujours qui étaient ces gens. Pour qui ils travaillaient. Il se contentait de marmonner des réponses aux questions de Winfield et de se plaindre : de l’absence de café, de l’inconfort des lieux, de tout ce qui lui venait à l’esprit, afin de les énerver, les pousser à bout et susciter une réaction de leur part. Il jouait la carte de la décontraction, d’une absolue confiance en sa sécurité. Il prenait modèle sur le plus insupportable des azis de la Maisonc il calquait son attitude sur celle d’Abban, l’assistant de Giraud Nye : un être odieux envers les domestiques, les cuisiniers, et tous les azis qu’il jugeait d’un rang inférieur au sien.

Il y avait un lecteur de bandes dans la chambre. Sa présence l’inquiétait, bien qu’elle ne fût pas surprenante en un lieu aussi isolé : se distraire devait figurer en bonne place dans les priorités d’un garde-ligne en poste dans un endroit aussi reculé, où qu’il fût situé. Mais ce n’était pas un petit appareil domestique, et que ce fût du matériel neuf prévu pour recevoir de nombreuses extensions l’angoissait. Il voulait mettre à l’épreuve leur patience, se montrer exaspérant au point de faire perdre son calme au plus tolérant des CIT, afin de découvrir à quelle catégorie d’individus appartenaient ses ravisseurs.

– Assis, ordonna Rentz lorsqu’il se leva pour suivre Winfield dans la cuisine.

– J’ai pensé pouvoir l’aider, ser. Jec

Il entendit un véhicule. Rentz et Jeffrey se levèrent aussitôt. Winfield revint en courant pour utiliser le périscope.

– On dirait Krahler.

– Qui est-ce ? demanda l’azi.

– Reste assis et tais-toi.

Rentz prit Grant par l’épaule et le repoussa dans le fauteuil, pour l’empêcher de se lever. Le bruit de moteur s’amplifiait. La porte du garage remonta.

– C’est bien Krahler, confirma Winfield.

La diminution de la tension fut presque palpable, à l’intérieur de la casemate.

La voiture entra, faisant vibrer la cloison qui les séparait de la remise souterraine. Le portail redescendit, le pulvérisateur du décont siffla, puis les portières du véhicule s’ouvrirent et claquèrent. Des pas se firent entendre dans l’escalier.

– Qui est Krahler, ser ?

– Un ami, dit Winfield. Jeffrey, emmène-le.

– Et est Merild, ser ? Pourquoi n’est-il pas encore venu me voir ? Serait-ilc

Jeffrey le tira hors du siège puis le poussa vers la chambre, et le lit.

– Couche-toi, ordonna-t-il sur un ton qui ne laissait aucune place aux discussions.

– J’exige de savoir où est Merild, ser. Vous devez mec

Rentz avait suivi. C’était une occasion rêvée. Il se tourna vers Jeffrey pour lui donner un coup de coude dans l’estomac et utilisa l’autre bras pour lancer un direct à Rentz, avant de se précipiter dans l’autre pièce où Winfield venait de comprendre le dangerc

L’homme sortit un pistolet de sa poche, et l’azi plongea. Mais Winfield ne céda pas à la panique. Il avait une main sûre et une cible impossible à rater. Grant se figea sur place, pendant que la porte de l’escalier du garage s’ouvrait sur trois individus. Les deux premiers étaient athlétiques et armés.

Derrière lui, une de ses victimes se relevait. Il resta immobile, jusqu’au moment où quelqu’un le saisit par-derrière. Il aurait pu briser le bras de l’homme, mais n’en vit pas l’utilité. Il se laissa tirer dans la chambre, suivi par Winfield qui le menaçait avec son arme.

– C’est tout ce que vous avez trouvé pour vous distraire, ici ? demanda un des nouveaux venus.

Winfield ne trouva pas cela risible.

– Couché, ordonna-t-il à Grant qui gagna le lit et s’y assit. Couché !

Il obéit. L’homme sortit une ficelle de sa poche et attacha son poignet droit au montant du lit, pendant que Rentz gémissait sur le sol et que les inconnus restaient regroupés autour d’eux et braquaient leurs pistolets sur lui.

Jeffrey immobilisa ensuite l’autre bras, en l’étirant. Il étudia les nouveaux venus : les deux individus corpulents et athlétiques et un troisième plus âgé, maigre et désarmé. C’était son regard qu’il jugeait le plus menaçant. Tous lui obéissaient.

Krahler, l’avaient-ils appelé. Des noms qu’il n’avait jamais entendus, sans rapport avec Merild.

Ils rengainèrent leurs armes puis aidèrent Rentz à se relever et sortirent. Seul Jeffrey resta, et l’azi étudia le plafond en essayant d’oublier à quel point son ventre était vulnérable.

Jeffrey ouvrit un tiroir du meuble sur lequel était posé le lecteur de bandes et en sortit un pistolet hypodermique. Il l’appuya sur le bras du captif et pressa la détente.

Le léger choc fit tressaillir l’azi, qui ferma les yeux en sachant que dans quelques instants il ne penserait plus à le faire et que ses ravisseurs ne prendraient pas la peine de le lui conseiller. Il utilisa les défenses incluses dans son psychset et concentra ses pensées sur Justin, sans commettre l’erreur de s’appesantir sur l’échec de sa tentative d’évasion : l’affrontement qu’il devrait livrer serait d’une nature très différente. Il n’avait plus de doutes. Les armes constituaient une preuve, au même titre que ce qu’ils comptaient lui faire. Mais Grant travaillait à Reseune dans la section d’Ariane Emory ; cette femme l’avait créé, Ari et Jordan avaient façonné son psychset, et il avait la ferme conviction que personne ne réussirait à disséquer son esprit.

Il se sentait glisser. Il notait les symptômes d’un début de dissociation. Il savait que l’Homme était revenu et que le lecteur fonctionnait. Il s’enfonçait, descendait de plus en plus bas. Une forte dose. Une bande-profonde d’où la vengeance n’était pas exclue. Il s’y était attendu.

Ils lui demandèrent son nom, ainsi que bien d’autres choses. Ils lui dirent qu’ils avaient racheté son contrat. Il se souvint qu’une telle transaction eût été irréalisable.

Finalement, il s’éveilla et ils le détachèrent pour lui permettre de boire et d’aller faire ses besoins. Ils insistèrent pour qu’il prît un repas malgré ses nausées. Ils lui accordèrent un court répit.

Puis ils recommencèrent et le temps se brouilla. Peut-être y eut-il d’autres éveils semblables, mais la souffrance les fondait en un seul. Ses bras et son dos le torturaient, lorsqu’il reprenait conscience. Il répondait aux questions. La plupart du temps il ignorait où il se trouvait, ou ne pouvait se rappeler pour quelles raisons il subissait cette épreuve.

Il entendit un bruit mat. Il vit du sang éclabousser les murs de la pièce. Il respira une odeur de brûlé.

Il venait de déduire qu’il devait être mort, quand des inconnus entrèrent et l’enveloppèrent dans une couverture, pendant que la puanteur devenait de plus en plus forte et infecte.

Haut et bas sombrèrent dans la folie. L’univers basculait et l’air battait comme un cœur.

– Il se réveille, fit une voix. Administrez-lui une autre dose.

Il vit un homme en combinaison bleue, le symbole de l’Homme infini des employés de Reseune.

Et ses suppositions lui parurent alors infondées. Il doutait de pouvoir différencier le monde réel de celui imaginaire attribuable à la bande.

–  Alors, elle vient cette piqûre ?cria quelqu’un, trop près de ses oreilles. Et empêchez-le de gigoter comme ça, bordel !

–  Justin !

Il hurla ce nom parce qu’il croyait à présent n’avoir jamais quitté Reseune et que son ami pourrait peut-être l’entendre, intervenir et le sauver.

–  Justin !

Le pistolet fut collé à son bras. Il se débattit, et des corps l’écrasèrent pour l’immobiliser jusqu’au moment où la drogue fut plus forte que sa volonté et que le monde se mit à tanguer et tournoyer sous lui.

Il s’éveilla dans un lit, à l’intérieur d’une chambre blanche, immobilisé par des sangles. Il était nu, sous le drap, et une lanière pointillée de biosondes traversait sa poitrine. Il en vit d’autres autour de son poignet droit. Le gauche avait été bandé. Il entendait des bips. Son pouls réclamait de l’aide. Il tenta de ralentir et de réduire au silence ces appels biologiques.

Mais la porte s’ouvrit. Sur un tech. Le D r Ivanov.

– Tout va bien, dit le médecin.

Il entra et vint s’asseoir au bord du lit.

– Ils t’ont amené cet après-midi. Tu n’as plus à t’en faire. Ils ont envoyé tous ces salopards en enfer.

– Où étais-je ? demanda-t-il avec calme, beaucoup de calme. Et où suis-je, à présent ?

– À l’hôpital. Tout va bien.

D’autres bips s’élevèrent du moniteur, en succession rapide. Il s’efforça de ralentir son rythme cardiaque. Il était désorienté. Il doutait de savoir ce qui appartenait à la réalité.

– Où est Justin, ser ?

– Il attend ton réveil. Comment te sens-tu ? Ça va ?

– Oui, ser. S’il vous plaît. Pourriez-vous enlever ces machins ?

Ivanov sourit et lui caressa l’épaule.

– Écoute, mon garçon. Nous savons tous les deux que tu es sain d’esprit mais, pour ton propre bien, nous allons laisser ces sangles en place. Et la vessie ?

– Aucun problème.

Cette indignité supplémentaire provoqua un afflux de sang vers son visage.

– S’il vous plaît. Puis-je parler à Justin ?

– Pas longtemps, alors. Ils ne veulent pas que tu t’adresses à quiconque avant que des policiers aient pu t’interrogerc c’est normal, une simple formalité. Ils te poseront deux ou trois questions, rédigeront un rapport, et tout sera terminé. Ensuite, tu devras passer quelques examens, mais tu seras de retour à la Maison dans très peu de temps. N’est-ce pas formidable ?

– Si, ser.

Ce maudit moniteur piailla puis se tut, comme il reprenait le contrôle de son rythme cardiaque.

– Et Justin ? S’il vous plaît.

Ivanov lui tapota à nouveau l’épaule, se leva et alla ouvrir la porte.

Ce fut en effet Justin qui entra. L’électrocardioscope indiqua que son pouls s’emballait, se régularisait. Il redevint silencieux et Grant regarda son ami à travers un voile miroitant. Jordan était lui aussi présent. Ils étaient tous les deux à son chevet et il éprouva de la honte.

– Est-ce que ça va ? demanda Justin.

– Très bien, fit-il avant de perdre une fois de plus le contrôle du moniteur.

Et de ses cillements, qui firent couler des larmes sur son visage.

– Je présume que de sérieux ennuis m’attendent.

– Non, répondit Justin.

Il se rapprocha pour prendre sa main et lui dire des choses que démentait son expression. Le moniteur leur rappela son existence, pendant un bref instant.

– Tout va bien. C’était une idée stupide. Mais tu vas rentrer à la Maison. Tu m’entends ?

– Oui.

Justin se pencha pour l’étreindre, le serrer dans ses bras. Il se recula et Jordan le prit par les épaules pour lui dire :

– Contente-toi de répondre à leurs questions, compris ?

– Oui, ser. Pouvez-vous faire enlever ces sangles ?

– Non, c’est pour ta propre sécurité. D’accord ?

Il déposa un baiser sur son front, ce qu’il n’avait plus fait depuis très longtemps.

– Et essaie de dormir. Entendu ? Quelle que soit la bande qu’ils ont pu te passer, je réparerai les dommages.

– Oui, ser.

Il resta allongé pour regarder Jordan et Justin quitter la pièce.

Le moniteur fut pris de panique.

Il se sentait perdu et savait qu’il vivrait un véritable enfer avant de pouvoir quitter l’hôpital. En regardant Justin derrière l’épaule de Jordan, il put constater que son ami en connaissait déjà les tourments.

Où étais-je ? Que m’est-il vraiment arrivé ? Est-il vrai que j’ai quitté Reseune ?

Une infirmière entra, avec un pistolet hypodermique. Il n’existait aucun moyen de se soustraire à la piqûre. Il tenta de faire taire le moniteur et de protester.

– Un simple sédatif, affirma la femme.

Elle lui fit une injection au bras.

À moins que ce ne fût Jeffrey. Il se balança d’avant en arrière et vit le sang éclabousser le mur blanc, entendit des hurlements.

12

– Comment va-t-il ? demanda Ari à Justin.

Ils étaient dans son bureau, seuls ;

– Quand pourra-t-il sortir ?

– Oh ! Je ne sais pas. Et je m’interroge au sujet de notre accordc Il me semble à présent remis en question. Quels atouts te reste-t-il à abattre ?

– Mon silence.

– Allons, mon chéri. Tu perdrais trop de choses en le brisant. Jordan également. N’est-ce pas dans un souci de discrétion que nous nous sommes donné tout ce mal ?

Il tremblait, et essayait de le dissimuler.

– Non, nous avons fait tout cela parce que vous craignez que votre précieux projet ne soit compromis. Parce que vousne tenez pas à ce qu’on en parle en ce moment. Parce que vousavez bien plus de choses à perdre que nous. Dans le cas contraire vous n’auriez pas été si conciliante.

Un vague sourire s’esquissa sur les lèvres d’Ari.

– Je t’aime bien, mon garçon. C’est vrai. La loyauté est une chose rare, à Reseune. Et tu refuses de trahir tes amis. Admettons que je te rende Grantc indemne, non altéré ? Que serais-tu disposé à m’offrir en échange ?

– Il est possible que vous surestimiez ma patience, dit-il d’une voix qui restait posée.

– Que vaut-il, pour toi ?

– Vous le libérez. Vous ne lui passez aucune bande.

– Il est un peu désorienté. Il a vécu un véritable enfer. Il a besoinde prendre du repos et de suivre un traitement.

– Je veillerai à ce qu’il le reçoive. Jordan s’en chargera. Je vous le dis, ne me poussez pas à bout. Vous ignorez de quoi je suis capable.

– Oh ! Je le sais, mon chéri. Et j’avoue avoir trouvé certaines de ces choses très agréables. Mais je n’ai pas à négocier la libération de ton azi. Je dispose d’une bande d’un genre assez particulier. Si ton père la voyait, il est probable qu’il en aurait une attaque.

– Vous le sous-estimez.

– Oh ? L’aurais-tu mis au courant ? J’en doute. Tu dois comprendre la situation. Ce n’est pas simplement son fils et une femmeparmi tant d’autres. Tu es son jumeau génétique. Et moi, je suis Ari Emory. Sans parler des azis.

Elle gloussa.

– C’est un essai réussi, et il m’inspire du respect. C’est pour cela que je vais te laisser une liberté relative. Viens, mon garçon. Approche.

Elle tendit la main vers lui. Il hésita, décontenancé, puis avança la sienne. Elle la prit avec douceur, et il sentit ses nerfs se tendre. Son pouls devint irrégulier, une onde de chaleur l’envahit, ses pensées s’embrouillèrent.

Il ne retira pas sa main. Il n’osa même pas lancer une repartie sarcastique. Son esprit fuyait dans une douzaine de directions différentes, en zigzag, tel un animal pris de panique.

– Veux-tu que je te fasse une faveur ? Veux-tu que je te rende Grant ? Je vais te dire une chose, mon chéri. Continue de coopérer et nous passerons un accord, toi et moi. Si nous réussissons à nous entendre jusqu’au départ de ton père, si tu ne dis rien, je te ferai cadeau de cet azi.

– Vous avez utilisé des bandes-profondes.

– Sur toi ? Rien qui puisse fausser ton esprit. Me croirais-tu capable de changer du tout au tout une personne saine et normale ? Tu sembles avoir lu un trop grand nombre d’ouvrages de fiction. Les bandes que j’ai utilisées sur toic elles sont récréatives. Ce sont celles que se voient accorder les azis de type Mu qui ont été très, très sages. Tu crains de ne pas pouvoir le supporter ? Tu penses qu’elles t’ont corrompu ? Sache que ce qui t’attend à Reseune est bien pire que cela, mon chéri. Et je peux parfaire ton éducation. Je te l’ai dit : je t’aime bien. Un jour, tu seras puissantc que ce soit ici, à Lointaine, ou ailleurs. Tu en as la capacité. J’aimerais vraiment te voir survivre.

– C’est un pur mensonge.

– Vraiment ? Sans importance.

Elle serra ses doigts.

– Je t’attends à mon appartement. Même heure. Compris ?

Il retira sa main.

– La situation serait différente si je ne te laissais aucun choix.

Elle lui sourit.

– Je te demande uniquement de ne rien dire. Ce n’est pas grand-chose, en échange de ce que tu exiges. Tu t’abstiens de me compliquer l’existence, tu me sers d’intermédiaire avec ton père, et je m’engage en contrepartie à ne pas faire arrêter tes amis et à ne pas effacer l’esprit de ton azi. J’irai même jusqu’à cesser de te mener la vie dure, au bureau. Tu sais quel est le prix de tes désirs.

– Vous me rendrez Grant.

– La semaine prochaine. Au cas où il se produirait du nouveau entre-temps. Tu es intelligent. Tu me comprends. Disons à 22 heures, ce soir. Je compte travailler assez tard.

Audiotexte extrait de :

Formes de croissance

Bandétude de génétique n‹1


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ATTENTION OPÉRATEURS

LOTS ML-8986 & BY-9806 : PHASE FINALE

Les ordinateurs clignotent pour signaler la fin du processus et réclamer une intervention humaine. Les chefs techniciens alertent le personnel spécialisé et déclenchent la parturition.

Aucun imprévu : les cuves utérines qui se balancent et se contractent sont dotées de toutes les sondes imaginables. Les deux ML-8986, des Mu de sexe féminin, ont atteint le poids de naissance requis de 4,2 kilos. Aucune anomalie n’est décelée. Les deux BY-9806, de type Bêta, sont en bonne santé. Les techs connaissent ces bébés. Ils ne peuvent s’empêcher d’avoir une préférence pour les BY-9806, qui débordent de vitalité. Ils leur ont donné des noms, qu’ils ne garderont pas. Les techs ne resteront pas en contact prolongé avec eux.


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