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Cyteen, vol. 1
  • Текст добавлен: 6 октября 2016, 05:35

Текст книги "Cyteen, vol. 1 "


Автор книги: C. J. Cherryh



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On lui servit son dîner, des plats qu’elle pouvait manger avec les doigts, et ensuite elle voulut que Florian et Catlin restent dans sa chambre car elle se sentait désormais bien réveillée. Mais oncle Denys choisit cet instant pour venir la voir et leur dit de sortir un moment. Il désirait s’entretenir avec elle.

– Je ne veux pas, protesta Ari.

Elle bouda un peu, parce qu’elle souffrait et qu’oncle Denys avait cessé d’être gentil. Après l’avoir choyée toute la journée, son entourage redevenait comme avant sans lui laisser le temps de se préparer à ce qu’elle voyait poindre à l’horizon.

– Je serai bref, affirma-t-il en refermant la porte. Et il n’est pas dans mes intentions de te gronder pour ta petite escapade.

Elle s’était donc trompée sur ses intentions, ce qui éveilla sa curiosité et sa méfiance. Il prit la chaise de Nelly et l’approcha. Elle fut soulagée de constater qu’il ne s’assoirait pas sur le lit, juste au moment où elle avait trouvé une position presque confortable.

Il se pencha vers elle.

– Il faut que tu saches pourquoi nous nous sommes tant inquiétés. Ce n’est pas parce que tu es allée en Ville, mais parce que tu es très importante et que des gensc n’hésiteraient pas à te faire du mal s’ils réussissaient à entrer dans Reseune. C’est pour cela que la sécurité a eu si peur.

C’était sérieux. Les propos d’oncle Denys complétaient ses mises en garde et expliquaient pourquoi elle était, à sa connaissance, la seule enfant qui avait pour compagnons deux azis des services de sécurité. Elle en fut à la fois intéressée et effrayée. Il lui semblait que des grappins miniatures crochetaient une multitude d’informations dispersées.

– Qui me veut du mal ?

– Des individus qui voulaient nuire à ton prédécesseur. Sais-tu ce que signifient les lettres DP, à la fin d’un matricule de CIT ?

– Dupliqué Parental.

– Connais-tu le sens de ce terme ?

Elle hocha la tête, sans la moindre hésitation.

– Ça veut dire que la personne en question est le jumeau de sa maman ou de son papa.

– Un simple jumeau ?

– Non. Sa copie exacte.

– Ils sont absolument identiques, même au niveau du généset, n’est-ce pas ?

Un autre mouvement de tête.

– Bien que ton matricule ne s’achève pas par ces lettres, elles pourraient s’y trouver.

Une déclaration déconcertante. Effrayante. Et absurde.

– Prête-moi bien attention. Contente-toi de m’écouter, sans m’interrompre. Ta maman, Jane Strassen, avait une excellente amie. Cette dernière est décédée, elle a connu une fin tragique. Reseune ne pouvait pas se passer de cette femme et les spécialistes l’ont dupliquée ; ils ont créé un bébé à son image. Jane a décidé de l’élever pour qu’il ne soit pas confié à des étrangers. Elle a fait cela pour son amie défunte. Et quand elle a eu ce bébé elle la autant aimé que s’il était le sien. Me comprends-tu, Ari ?

Une sorte de boule obstruait le fond de sa gorge. Elle avait froid, jusqu’au bout de ses membres.

– Me comprends-tu, Ari ?

Elle hocha la tête.

– Jane est ta maman, Ari. Rien ne peut le changer. Une maman, c’est la dame qui aime un bébé, qui s’occupe de lui et lui apprend tout ce qu’il doit savoir, comme Jane l’a fait pour toi.

– Alors, pourquoi m’a-t-elle abandonnée ?

– Parce qu’elle a été chargée d’un travail qu’elle seule pouvait mener à bien. Par ailleurs, Jane a eu une première fille, Juliac une adulte très jalouse de toi qui a elle aussi une enfant de ton âge : Gloria. Elles ont rendu la vie très difficile à ta maman et ont été envoyées avec elle à Lointaine. Elles n’ont jamais pardonné à Jane d’être devenue ta maman, tu sais. Elle n’a pas eu le choix. Quand elle est partie, elle a dû les emmener avec elle, parce qu’elle craignait qu’elles ne soient méchantes avec toi si elles demeuraient ici. Alors, elle t’a confiée à moi en me disant qu’elle ferait son possible pour revenir un jour. Mais Lointaine est située à l’autre bout de l’espace et la santé de ta maman est précaire. Elle est âgée, et le voyage de retour risquerait de lui être fatal. Tu sais maintenant pourquoi elle est partie en sachant que ce serait sans doute pour toujours. Elle devait s’en aller avant que tu ne sois devenue grande. Au début, elle croyait que ce serait facile. Mais elle est devenue pour toi une véritable maman, et si elle t’a aimée à ce point ce n’est pas à cause de l’Ari qui est morte mais parce que tu es Ari et qu’ellec qu’elle t’aime, tout simplement.

Elle remarqua que ses joues étaient humides. Elle pleurait. Elle tenta de déplacer le bras immobilisé pour s’essuyer le visage, avant d’utiliser l’autre main.

– Elle ne pouvait pas t’emmener avec elle à Lointaine. Julia et Gloria s’y trouvent, et comme ta génémère avait de nombreux ennemis tu es plus en sécurité à Reseune. Tu as des professeurs pour assurer ton éducation et des amis pour s’occuper de toic pas toujours les meilleurs, hélas ! Je ne suis pas très qualifié pour élever une petite fille, mais je me suis efforcé de faire tout mon possible et je continue dans cette voie. Si j’ai décidé de te parler de ces choses, c’est parce que tu viens de prouver que tu es assez grande pour aller te promener toute seule. Tu risques de rencontrer des gens qui te diront ce que tu ne dois pas apprendre par un inconnu. La plupart des résidents de Reseune te connaissent, et tu te poses sans doute des questionsc pourquoi tu t’appelles Emory et non Strassen, par exemple.

Elle avait horreur de passer pour une idiote, mais la conclusion s’imposait. Cela aurait dû lui sauter aux yeux, même si les enfants ne portaient pas toujours le même nom que leur mère. Elle avait supposé s’appeler comme l’homme avec qui maman avait fait son bébé.

Mais on n’arrivait à rien de bon en tentant de déduire ce que les adultes cachaient aux enfants.

Pourquoi je ne suis pas une Strassen ? avait-elle demandé à maman.

Parce que tu es une Emory et quec c’est comme ça. Prends Tommy Carnath. Sa maman se nomme Johanna Morley. Ce sont des histoires de grands.

Elle eut mal au cœur, et des sueurs froides.

– S’il te plaît, oncle Denys. Je sens que je vais vomir. Appelle Nelly.

Il le fit aussitôt. Et l’azie souleva son bras de la gouttière puis la conduisit dans la salle de bains, où elle eut des nausées. Mais elle ne put rendre, ce qu’elle jugea regrettable car elle souffrait à présent dans son corps comme dans son esprit.

Nelly lui apporta un verre d’un médicament pétillant. Il était infect, mais elle le but quand même. Ensuite, elle se sentit un peu mieux et s’adossa aux oreillers pendant que l’azie réordonnait sa chevelure.

Elle n’avait pas changé. Nelly était toujours Nelly. Si Ari estimait qu’oncle Denys avait raison de dire que sa maman restait toujours sa maman, elle ne savait plus bien qui elle était. Elle voulait le découvrir. Son oncle aurait pu lui répondre, mais elle ne souhaitait pas entendre d’autres révélations pour l’instant.

Il regagna sa chambre, vint vers elle, et caressa son épaule valide avant de lui demander :

– Comment te sens-tu ? Tu penses que ça va aller, ma chérie ?

Maman l’appelait comme ça. Oncle Denys ne l’avait encore jamais fait. Elle se mordit la lèvre, afin que la souffrance fût autant physique que morale.

– Ari ?

– Qu’est-ce qu’on aurait encore pu me dire ?

– Qu’il y avait à Reseune une femme très célèbre qui portait le même nom que toi.

Il approcha la chaise et Nelly dut reculer. Elle décida de prendre quelques objets posés sur la table de chevet et de les emporter dans la salle de bains.

– Que tu ressembles trait pour trait à la petite fille qu’elle a été. Et on la voit dans la plupart des bandes que tu devras bientôt étudier. La première Ari était intelligente, très intelligente. Plus que n’importe qui. Elle n’est pas ta maman et tu n’es pas son enfant. Vous êtes bien plus proches que cela. Nous ne savons pas encore à quel point, mais tu es exceptionnelle et je sais que Jane est très fière de toi.

Il lui caressa à nouveau l’épaule. Nelly était entre-temps revenue et repartie. Il se leva. Ari ne lui accordait plus son attention. Elle tentait de faire le point dans son esprit, mais son cerveau paraissait s’être changé en bouillie.

– Si ça peut te faire plaisir, je dirai à Florian et Catlin de passer la nuit avec toi.

Elle se demandait comment apprendre à ses azis qu’elle était idiote à ce point. Ils ne cesseraient pas de l’aimer pour autant ; ils lui appartenaient et c’était pour eux un devoir. Mais ils seraient bouleversésc pour la simple raison qu’elle l’était. Elle s’essuya le visage du dos de sa main valide et tenta d’interrompre ses reniflements.

– Ari ?

– Nelly le sait ?

– Oui. Elle n’a pas tout compris, mais elle est au courant. Elle la toujours su.

Ce qui la mit en rage.

– Elle appartenait à ta maman, Ari. Jane lui a confié un très lourd fardeau à porter, lorsqu’elle lui a fait ces révélations et ordonné de garder le secret. Nelly est loyale à ta maman. Elle ne pouvait lui désobéir.

– Et Ollie, il le savait lui aussi ?

– Naturellement. Veux-tu que Florian et Catlin passent la nuit dans ta chambre ? Ils pourront installer des matelas dans un coin. Ils ont l’habitude de dormir à la dure.

– Et eux, ils savent ?

– Non, ils sont à toi. Seuls les azis de Jane ont su la vérité.

Elle en fut soulagée. Ils n’avaient pu ricaner dans son dos.

– Et Amy Carnath ?

Oncle Denys se renfrogna et réfléchit un moment.

– Pourquoi me le demandes-tu ?

– Parce que !

– Jane ma chargé d’assurer ton éducation, Ari, et nous sommes convenus que je ne répondrais pas à toutes tes questions. Il est parfois nécessaire de trouver seul les réponses. Je respecterai l’engagement que j’ai pris envers ta maman, même si cela te déplaît. Tu es très éveillée et tu dois arriver sans aide à certaines conclusions, comme l’aurait fait la première Aric et j’ajouterais que c’est un sujet qui ne peut intéresser que toi. Mais rappelle-toi ceci : quelle que soit la questionc elle révèle toujours de nombreuses choses sur celui qui la pose. Garde cela à l’esprit, Ari.

Il referma la porte.

Elle réfléchit à ses paroles. Elle ignorait s’il obéissait aux instructions de maman. Il était difficile de savoir s’il ne mentait pas.

Sur ce que lui avait dit maman.

Ou ce qu’elle était.

Florian et Catlin revinrent peu après, sans faire de bruit.

– Ser Denys nous a informés que vous aviez des instructions à nous donner, dit Catlin.

Ari veilla à conserver une expression neutre, afin de leur dissimuler ce qu’elle éprouvait. Ses cils étaient humides et son nez devait être tout rouge, mais elle avait besoin de leur présence.

– J’ai des révélations à vous faire. Asseyez-vous sur le lit. Je viens d’obtenir des réponses à certaines questions.

Ils prirent place au bord du lit, un de chaque côté, en prenant garde de ne pas la secouer.

– Oncle Denys dit que je ne viens pas du généset de maman mais d’une de ses amies, dont je suis la DP. Maman a une fille et une petite-fille dont elle ne m’a jamais parlé, et Nelly et Ollie le savaient depuis le début. C’est tout ce qu’il m’a appris, parce qu’il veut que je trouve le reste toute seule.

Elle leur fit signe d’approcher mais ne put utiliser sa main droite. Ce fut donc Florian qui se leva et contourna le lit, pour venir se pencher vers sa bouche.

– Il se peut qu’oncle Denys ait voulu me Travailler. Je ne sais pas. Et je me demande pourquoi il ferait une chose pareille, bien que Giraud soit son frère. Passe à Catlin.

Il le fit et les sourcils de l’azie s’incurvèrent. Elle hocha la tête, l’air pensif. Ari se demanda si elle ne se conduisait pas de façon ridicule. Dans quelle mesure devait-elle croire les déclarations d’oncle Denys, quels éléments de son récit étaient plausibles ?

Florian et Catlin se chargeraient d’obtenir des confirmations ; c’était leur spécialité.

Ces explications permettaient d’élucider des mystères, mais pas tous. Il subsistait des Anomalies :

Les Disparitions, par exemple, et les manigances de Giraud.

Pourquoi maman ne lui avait-elle pas laissé une lettre ? Où était-elle, si elle lavait écrite ?

La liste des questions s’allongeait.

Il était Anormal qu’ils ne lui aient pas dit plus tôt la vérité.

Il était Anormal que maman lui eût menti et dit que son papa s’appelait James Carnath ; ce qui n’expliquait même pas d’où venait son nom d’Emory.

Il était Anormal que maman eût détourné tant de fois la conversation pour ne pas répondre à ses questions, à tel point qu’elle n’osait plus lui en poser tant cela semblait la mettre mal à l’aise.

Et, à la réflexion, maman l’avait Travailléec elle en gardait le souvenir.

C’était cela qui lui donnait envie de rendre.

Elle avait peur, parce que rien n’était peut-être vrai, pas même ce qu’on venait de lui dire. Mais elle ne pouvait confier ce soupçon à personne.

La remarque faite par oncle Denys à la fin de leur entretien n’entrait pas dans la catégorie des révélations. Elle savait depuis longtemps que les questions pouvaient fournir plus d’informations que les réponses. Oncle Denys en avait lui aussi conscience et voulait la mettre en garde, l’avertir de ne pas aborder certains sujets.

Comme maman, mais de façon différente, sans détour : ne me fais pas de confidences, tu ignores si je suis ton allié.

S’il voulait la Travailler, il suivait des voies pour le moins détournées, et le médicament semblait continuer de pétiller dans son cerveau. Si c’était bien le but recherché, oncle Denys avait commencé par lui embrouiller les idées.

Ou par détourner son attention de ce qu’elle voulait apprendre.

Merde !pensa-t-elle. Merde !

Parce qu’elle se retrouvait clouée dans son lit, qu’elle souffrait, et que les tranks l’empêchaient d’avoir des pensées limpides.

12

Présentez-vous à mon bureau,lut-il sur l’écran après avoir branché le terminal. Il se tourna vers Grant.

– Je dois aller voir Yanni.

L’azi fit pivoter son siège, pour le regarder.

Pas de commentaire. Il n’avait aucun conseil à lui donner. Il était simplement inquiet.

– À tout à l’heure. Je regrette que tu ne puisses pas m’accompagner.

– Moins que moi, sans doute.

Justin ne se sentait pas prêt à affronter Yanni, mais il n’avait pas le choix. Il haussa les épaules, adressa à son ami un regard qui contenait de l’angoisse puis sortit dans le couloir d’une démarche hésitante. Il ne s’était pas encore remis de son psychosondage.

Seigneur, aidez-moi à me tirer de ce mauvais pas !pria-t-il.

Grant avait enregistré dans les compartiments de sa mémoire d’azi tout ce qu’il avait entendu et vu au cours de son interrogatoire puis pendant son rétablissement : des réflexions anodines aux commentaires des meds chargés de le ramener à leur appartement. Il trouvait réconfortant de savoir qu’il ne s’était rien passé d’autre,et la présence de son ami lui avait permis de se concentrer sur l’instant présent et de se lever au matin, de ne pas s’appesantir sur l’avenir et de décider de se rendre à son travail.

Je voudrais me mettre à jour, avait-il déclaré. Il se référait aux piles de rapports qui attendaient depuis des semaines de recevoir le tampon « À classer ». C’était une journée idéale, pour de telles activités.

Mais pas pour régler des situations délicates. Il estima en chemin que la sécurité avait dû réétudier l’enregistrement de l’interrogatoire et y découvrir des propos suspects, Dieu sait quoi, et que Yanni feraitc

Dieu sait quoi.

– Me voilà, Marge, dit-il à l’assistante de son supérieur.

– Entrez, il vous attend.

Une interdiction d’accès à la mémoire centrale du système informatique, voilà de quoi il devait retourner.

Il ouvrit l’autre porte. Yanni était à son bureau.

– Ser.

L’homme leva les yeux sur lui, ce qui l’obligea à puiser dans son courage.

– Asseyez-vous.

Ô Seigneur !Il se laissa choir dans le fauteuil, hypertendu et incontrôlable.

– Mon garçon, ajouta Yanni d’une voix douce qui ne lui ressemblait guère, comment allez-vous ?

– Très bien.

Deux mots, à la limite du balbutiement.

– J’ai fait un véritable scandale, quand j’ai été informé de l’incident. Auprès de Denys, Ivanov et Giraud. J’ai cependant cru comprendre qu’ils avaient permis à Grant d’être présent.

– Oui, ser.

– Ils y avaient intérêt. Je vais vous faire une confidence : ils ont enregistré votre interrogatoire. Cette cassette n’a aucune existence officielle, mais vous pourrez l’obtenir si vous le désirez. Giraud s’y est engagé, mon garçon. Ils semblent recouvrer un peu de bon sens, ce matin.

Justin regardait son interlocuteur. Il pensait avec apathie qu’il y avait un piège, qu’on le conditionnait. Ils étaient sur écoutes, cela ne faisait aucun doute. S’il accordait sa confiance à cet homme, la chute serait brutale.

– Vous procédez à une nouvelle analyse vocale ?

Un pli se creusa entre les sourcils de Yanni.

– Non. Je veux simplement vous fournir quelques explications. La situation de Giraud est délicate. Il fait l’objet de fortes pressions. Reseune va rompre le secret, pour le Projet. Je ne peux vous en dire plus, hormis qu’ils ont révélé la vérité à Ari. En partie, tout au moins. Elle sait qu’elle n’est pas la fille biologique de Jane Strassen mais la DP d’Ariane Emoryc qui n’est encore pour elle qu’un simple nom. Ils espèrent réduire ainsi les dangers. Elle a un bras cassé et de nombreuses contusions. Ils lui ont fait ces révélations pendant qu’elle était sous tranks, afin de limiter la réaction au plan émotionnel. Ils ont pu ainsi la contrôler et lui faire accepter au niveau viscéral, avant qu’elle ne se mette à chercher les pourquoi et les comment en mettant à contribution ses capacités de déduction supérieures à la moyenne. Si je vous dis cela, c’est parce qu’elle est allée vous voir et qu’elle risque de s’adresser à vous pour obtenir des informations complémentaires. Si elle le fait, ne cédez pas à la panique. Contentez-vous de suivre les instructions de Denys. Contactez-le, et dites à Ari que vous n’avez pas le choix parce que autrement vous auriez des ennuisc ce qui n’est d’ailleurs que la stricte vérité.

Justin respirait plus facilement. S’il pensait toujours à un piège, la menace cessait d’être imprécise et il bénéficierait d’un répit ; les événements désagréables se produiraient à une date ultérieure qui restait à préciser.

– Savez-vous comment a réagi mon père ?

– Je l’ai contacté hier soir. Il m’a dit aller bien et s’inquiéter pour vous. Il serait superflu de préciser qu’on ne peut tout se dire par téléphone. J’ai répondu qu’il n’avait pas à s’en faire, que je me renseignerais sur votre compte et que je le rappellerais aujourd’hui.

– Confirmez-lui que je me porte bien.

Il remarqua que les doigts de sa main droite s’étaient crispés sur l’accoudoir du fauteuil. Il les desserra et s’efforça de se détendre.

– Merci. Merci de vous être mis en rapport avec lui.

Yanni haussa les épaules, soupira et le dévisagea. Il se renfrogna.

– Je vous inspire de la méfiance, pas vrai ?

Justin jugea préférable de ne pas répondre.

– Mais écoutez-moi bien. J’ai appris à vous connaître et je savais que vous n’étiez pour rien dans la disparition de la gosse. C’est Giraud qui a tenu à procéder à un autre de ses foutus sondages sur un esprit supérieur à la moyenne. Il n’a tenu aucun compte de mes conseils. Il est pressé et se fiche des règlements, de la légalité, et de tout ce qui a la malchance de se trouver sur son chemin.

Yanni prit une inspiration.

– Ne dites rien. Si je vous ai fait venir ici, c’est pour vous informer que Denys a décidé de débloquer des crédits pour vos recherches. Rien de faramineux, notez bien, mais vous travaillerez moins sur le projet Rubin et aurez droit à un créneau horaire d’utilisation des ordinateurs de la sociologie. Pas grand-chose, mais c’est mieux que rien. Disons que l’administration fait un complexe de culpabilité. Vous pouvez appeler ça comme vous voulez. Je retransmettrai vos rapports à la socio, qui les enverra ensuite à Jordan. Vous serez autorisé à aller le voir plus souvent. J’ai pensé que cette nouvelle vous ferait plaisir.

– C’est exact, ser, répondit Justin.

Parce que son interlocuteur attendait un commentaire. Il eût été aussi grave d’accorder sa confiance à Yanni Schwartz que de croire qu’un séismographe annonçant une secousse sismique s’était déréglé.

– Allez. Faites une pause. Sortez d’ici.

– Bien, ser.

Il s’extirpa du fauteuil, franchit la porte et passa devant Marge sans la regarder. Il s’éloigna dans le couloir en proie à une terreur qu’atténuait une certaine apathie. C’était une machination ourdie par la sécurité. On voulait l’inciter à ne plus rester sur ses gardes, pour pouvoir ensuite le frapper avec plus de violence. Il redoutait de découvrir qu’il était arrivé malheur à Grant pendant son absencec l’hypothèse qui lui venait immédiatement à l’esprit, et la pire.

Mais son ami l’attendait sur le seuil de leur bureau, rongé par l’inquiétude.

– Yanni a été très aimable, expliqua-t-il.

La petite pièce encombrée de papiers lui inspirait de la claustrophobie.

– Allons prendre un café.

Leur travail passait au second plan. Il avait besoin de l’espace et des bruits feutrés de la cafétéria de la galerie nord.

Modifier leur emploi du temps, faire quoi que ce soit d’inhabituel risquait d’attirer sur eux l’attention de Giraud. Rien ne paraissait sûr. Le terrain semblait miné. Telle était la terreur que laissait derrière lui un sondage profond. Il aurait dû prendre des tranks, mais il s’y refusait.

Une fois arrivé à destination, il répéta à Grant les propos de Yanni tout en buvant son café. Son ami l’écouta avec attention, avant de déclarer :

– Il était temps. Grand temps qu’ils recouvrent un peu de bon sens.

– Tu leur fais confiance ? demanda-t-il.

Avec désespoir, comme s’il lui laissait le soin de différencier illusions et réalités. La panique l’envahissait à la pensée que son ami risquait de le trahir et de lui répondre : Oui, tu peux les croire et t’en remettre à eux.

– Non, pas plus qu’hier. Mais je pense que Yanni est quant à lui sincère. Il doit commencer à comprendre quelles sont tes possibilités et ce qu’ils risquent de perdre s’ils se laissent obnubiler par la petite Ari. Il a probablement réussi à convaincre Denys. Et si Denys l’a cru, Giraud finira par se laisser fléchir. Non. Écoute-moi. Je suis sérieux.

– Bon sangc

Il se sentait sur le point de pleurer, vaincu par la terreur.

– Je ne tiens pas le coup. Je suis trop vulnérable, même éveillé. Ne m’embrouille pas les idées.

– Je dois te dire une dernière chose, avant de changer de sujet. Si Yanni leur a tenu des propos de ce genre, il est logique qu’ils reviennent à de meilleurs sentiments. Je ne pense pas qu’ils ont changé, mais notre situation peut s’améliorer. Bon Dieu, détends-toi, n’essaie pas de deviner ce qu’ils feront d’après leurs actions précédentes, tente de les chasser de ton esprit pendant quelques jours. Veux-tu que j’aille voir Yanni ?

– Non !

– Du calme. D’accord, d’accord.

– Pas de paternalisme avec moi, bordel !

– Oh ! Je constate que nous sommes à bout de nerfs. Bois ton café. Ça va s’arranger. L’important, c’est que tu tiennes le coup, d’accord ? Yanni est cinglé, tu es indemne et moi aussi. Quant à l’administration, elle a perdu les pédales mais ce n’est pas une nouveauté.

Il rit – un son proche d’un éternuement –, puis il s’essuya les yeux et but une gorgée de café presque froid.

– Seigneur ! je me demande si je m’en remettrai un jour.

– Pas si vite. Une chose à la fois. Nous allons tout laisser tomber pour aujourd’hui et rentrer à la maison, d’accord ?

– Je préférerais être entouré de témoins.

– Au bureau ?

– Au bureau.

Il inspira, pour ramener son pouls à la normale.

Sur le chemin du retour, il s’arrêta à la boutique du coin afin d’acheter un holoposter qui agrémenterait la paroi, au-dessus de son poste de travail.

Grant y jeta un coup d’œil pendant que Justin présentait sa carte de crédit à la caisse.

On y voyait un avion qui survolait l’arrière-pays et l’inscription : PRENEZ LA RESEUNAIR.

Audiotexte extrait de :

Une question d’union

Série civique n‹3


Publications éducatives de Reseune :

9799-8734-3 approuvé pour 80 +


De 2301 à 2351, la politique expansionniste de l’Union bénéficia d’un soutien unanime : l’élan colonial auquel on devait la construction des treize premières stations stellaires restait toujours aussi vigoureux.

La découverte des richesses biologiques de Cyteen et de la nouvelle technique du voyage spatial par bonds permit à ce monde d’acquérir son autonomie économique puis politique, après qu’il eut exploré l’espace environnant et établi à son tour un certain nombre de colonies. Cyteen avait été fondée par des hommes et des femmes qui désiraient se débarrasser du joug de la Compagnie Terre, et cet idéal d’indépendance fut un des ferments philosophiques de la culture de l’Unionc la recherche d’une nouvelle forme de gouvernement.

À partir de l’époque où les relations entre Cyteen et la Compagnie Terre commencèrent à se dégrader, pour aboutir aux Guerres de Compagnie et à la Sécession, sans doute convient-il de considérer cette planète dans te contexte plus vaste de l’Union. Un profond désir de liberté, l’adhésion au principe d’une autonomie locale accrue, l’enthousiasme suscité par l’exploration de l’espace, le développement du commerce et l’établissement de nouvelles frontières furent les principaux facteurs de l’évolution des mentalités. Les auteurs de la Constitution jugeaient primordial que le gouvernement central ne pût intervenir qu’à titre exceptionnel dans les affaires intérieures des composants de l’Union, que ce fût une station d’appontage, une roue gravitationnelle ou un chapelet de systèmes stellaires constitués en entités politiquesc hormis si les peuples concernés voulaient changer de dirigeants ou se livrer à des actes d’ingérence hégémonique hors de leur zone astrographique. C’est ce principe qui permit la coexistence d’entités politiques différentes au sein d’une Union indivise et chargée de maintenir ce que les fondateurs ont appelé un consensus global.

L’Union fut en effet conçue comme une structure à même de recevoir en son sein tout nouvel élément, même extra-humain, grâce à sa capacité d’adaptation aux cas particuliers et au principe selon lequel les législations planétaires et celles de l’Union se contrôlaient réciproquement.

Mais, chose presque inévitable lors d’une sécession, l’Union fut aussitôt confrontée à un conflit. Les Guerres de Compagnie mirent à rude épreuve le nouveau gouvernement et l’existence de nombreuses institutions découle de décisions imposées par cet âpre combatc on compte parmi elles les premiers partis politiques.

Il serait possible de dire que le rassemblement expansionniste fut fondé en même temps que l’Union, mais lorsque les hostilités entrèrent dans leur phase la plus critique le mouvement centriste réclama l’ouverture de pourparlers et la division de l’espace à Mariner. Les centristes, imprégnés d’idées libérales, pacifistes et réunificatrices, virent leur influence augmenter au cours des dernières années de la guerre puis régresser paradoxalement dès la cessation du conflit. Sans doute convient-il d’attribuer ce phénomène à l’impopularité des clauses du Traité de Pell. Le courant expansionniste retrouva en outre de la vigueur lorsque les militaires démobilisés vinrent grossir les rangs de la population civile et peser sur les économies planétaires.

Le courant centriste se chargea ensuite d’exprimer la peur grandissante qu’une politique d’expansion accompagnée par une colonisation incontrôlée de l’espace pût conduire à une dispersion irrémédiable des cultures humaines ; et pour certains à des guerres entre noyaux d’humanité aux intérêts divergents.

Mais à l’exception de sociologues tel que Pavel Brust, le principal défenseur de la Théorie de la diffusion, ce mouvement regroupait surtout ceux qui craignaient de voir leurs intérêts menacés en cas de poursuite de la colonisation : nous citerons comme exemples les habitants des stations stellaires situées à l’écart des axes de cette expansion et ceux qui craignaient de se voir condamnés à vivre une interminable succession de conflits.

Deux événements permirent au mouvement centriste de prendre un nouvel essor : premièrement, au sein de l’Alliance le pouvoir fut transmis sans heurts de l’administration des Konstantins bellicistes à celle des Dees modérés ; deuxièmement, un important secteur spatial sous influence extraterrestre fut découvert au-delà de Sol. Refoulés sans ménagement hors de cette zone par la Convention E. T., les Terriens reportèrent leur attention sur l’espace humain et les centristes se firent les porte-parole de ceux qui estimaient qu’une ère de stabilité et de consolidation déboucherait sur une réunification de l’humanité ou, tout au moins, une paix durable. Pour ceux qui s’inquiétaient de la découverte d’une race extraterrestre expansionniste dans l’univers, prendre cette voie semblait plein de sagesse.

En 2389 le courant centriste fut rejoint par celui des abolitionnistes, qui s’opposaient aux méthodes permettant de fonder les colonies existantes et en projet, tant pour des raisons économiques que philosophiques ou religieuses. Les abolitionnistes dénonçaient les pratiques telles que l’effacement mental ou la psychochirurgie et réclamaient l’interruption définitive de la production d’azis. Ce ralliement offrait des moyens d’expression aux adversaires d’un gouvernement supra-planétaire, et l’on comptait parmi eux les Citoyens autonomistes qui souhaitaient rendre les planètes et les stations indépendantes de l’autorité centrale ; la Ligue contre l’expérimentation humaine ; le Conseil religieux ; et d’autres groupuscules dont – sans caution officielle – le Comité de l’homme : un mouvement extrémiste coupable de prises d’otages et d’attentats contre des centres de recherche génétique et des bâtiments gouvernementaux.

Ceux qui redoutaient l’influence de Sol ou minimisaient les risques d’une guerre humano-extraterrestre jugeaient les buts poursuivis par les centristes dangereux. Les expansionnistes redoutaient une stagnation et une récession économiques. On trouvait à la tête de leur mouvement des responsables qui appartenaient à des mouvances diverses, parmi lesquels une femme remarquable sur les plans scientifique, philosophique et politique : Ariane Emory.

Son assassinat en 2404 suscita une réprobation quasi unanime et discrédita les abolitionnistes, ce qui fut à l’origine de l’éclatement de la coalition centriste.


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