355 500 произведений, 25 200 авторов.

Электронная библиотека книг » C. J. Cherryh » Cyteen, vol. 1 » Текст книги (страница 27)
Cyteen, vol. 1
  • Текст добавлен: 6 октября 2016, 05:35

Текст книги "Cyteen, vol. 1 "


Автор книги: C. J. Cherryh



сообщить о нарушении

Текущая страница: 27 (всего у книги 35 страниц)

– Lorsqu’ils mettent des masques à gaz dans le relais, il faut toujours en prendre, expliqua-t-elle. Comme je n’en vois pas, ils ne devraient pas utiliser de gaz, mais on se sait jamais. Ils trichent souvent.

Une sonnerie le fit sursauter.

Le temps qui leur était imparti venait de s’écouler.

– Suis-moi, dit-elle.

Et la porte s’ouvrit pour les laisser sortir avec leur matériel.

Ils empruntèrent un couloir, gravirent des marches et se retrouvèrent dans un long corridor aux murs de béton.

Percés d’innombrables portes.

– Nous sommes au 22, dit Catlin.

Deux numéros plus loin. Elle le précéda dans une petite pièce d’aspect austère avec des lits superposés.

– En haut ou en bas ? demanda-t-elle.

– Comme tu voudras.

Il n’avait jamais pensé avoir droit à une chambre individuelle, pas même à sa moitié. Il y répertoria encore une table et deux chaises, ainsi qu’une autre porte.

– Elle mène où ?

– La salle d’eau. Nous la partageons avec ceux du 20. On frappe avant d’entrer. C’est leur Règle, et comme ils sont plus grands on doit la respecter.

– Je me sens un peu perdu.

– C’est naturel, affirma-t-elle avant de vider le contenu de ses poches sur la table. Je suis ici depuis cinq jours et j’ai eu le temps d’apprendre comment ça marche, ici. Les grands sont assez patients. Ils prennent la peine de nous expliquer ce qu’ils veulent. Mais ensuite il faut s’en souvenir, sinon ils vont le dire à l’instructeur et on a des ennuis.

– Je n’oublierai pas.

Florian la regarda faire. Il avait déjà rangé son matériel là où il pourrait le trouver lorsqu’il en aurait besoin.

– Est-ce qu’on change de tenue, pour aller dans la Pièce ?

– Tous les matins.

Il l’imita et laissa chaque chose rangée par catégories, ce qui parut intéresser Catlin.

– C’est bien. Comme ça, tu n’as pas à chercher.

Il leva les yeux sur elle. Il l’avait soupçonnée de vouloir se moquer de lui, mais ce n’était pas le cas.

– C’est préférable.

– Tu sembles efficace.

– Toi aussi.

– Il est rare que je me fasse Avoir, confirma-t-elle.

Elle recula une chaise pour s’y asseoir et laissa ses avant-bras reposer sur la table.

– Et toi ?

– La même chose.

Avec sa réserve coutumière, elle paraissait satisfaite. Elle prit son arme, releva la plaque de la crosse, la rabattit.

– C’est un vrai pistolet, précisa-t-elle. Les cartouches sont à blanc, mais il faut toujours vérifier. Il se produit parfois des erreurs. C’est arrivé. Nous devons contrôler. L’Ennemi pourrait lui aussi avoir de vraies munitions et te réduire en morceaux. Celles qu’on utilise pour s’entraîner ont une large bande noire sur la douille. Pas les autres. Mais même celles-ci peuvent être mortelles, si on tire à bout portant. Il faut être très prudent, quand on est deux. La plupart des accidents sont dus à des cartouches à blanc.

Catlin savait de nombreuses histoires de novices qui s’étaient fait tuer. Florian en eut des nausées.

Elle voulut ensuite l’entendre parler des pièges, de tout ce qu’il savait. Elle avait d’innombrables questions à lui poser et lorsqu’il y répondait il découvrait dans ses yeux étranges la concentration propre à ceux qui veulent enregistrer tout ce qu’ils entendent. Il l’interrogea à son tour sur les embuscades, et elle lui raconta ce qu’il lui avait été donné de voir.

Il la trouvait très intelligente. À l’entendre, elle semblait capable de mettre ce qu’elle disait en pratique. Il n’avait pas désiré appartenir à la sécurité. Il n’avait pas souhaité faire équipe avec une fille ; surtout pas avec une fille comme Catlin dont la bouche s’incurvait à peine lorsqu’elle souriait. Mais il était si gêné en sa présence que ces esquisses de sourires le rendaient plus heureux que les rires des autres personnes. La dérider était difficile, et l’impressionner encore plus. Et lorsqu’il suscitait cette réaction il éprouvait le besoin de recommencer, parce que entre-temps elle semblait être ailleurs.

Ils allèrent au mess. C’était le nom qu’ils donnaient au réfectoire. Ils durent rester debout, puis on les autorisa à s’installer à une table. Il y avait bien plus de garçons que de filles, ici, et tous étaient bien plus âgés qu’eux : dix ans minimum, et très disciplinés. Florian eût été très mal à l’aise si Catlin n’avait pas été là pour le tirer par la manche pour lui indiquer quand il fallait rester debout ou s’asseoir. Mais la nourriture était bonne et copieuse. Et les grands qui s’adressaient à eux étaient polis et ne paraissaient pas irrités par leur présence.

– Comment s’appelle ton équipier ? demanda l’un d’eux à Catlin.

Et elle répondit :

– Florian AF, ser.

Comme si elle parlait à un super.

– Sois le bienvenu parmi nous, dit le garçon à Florian.

Et ils lui demandèrent de se lever afin que tous pussent le voir. Il obéit, avec nervosité, mais son interlocuteur se leva en même temps que lui pour le présenter en tant que Florian AF, équipier de Catlin, un tech. S’il doutait en être un, ses activités étaient proches des leurs. Tous le dévisagèrent puis lui souhaitèrent à leur tour la bienvenue et lui permirent de se rasseoir. Ce n’était guère différent de ce qu’il connaissait, hormis qu’on ne lui avait jamais demandé de se lever de table étant donné que les occupants de nombreux dorts se retrouvaient dans le même réfectoire. Les Baraquements verts avaient leurs propres cuisines, et ils pouvaient se resservir autant de fois qu’ils le voulaient sans qu’il fût pour cela nécessaire de fournir une attestation de med.

L’instructeur leur annonça qu’ils avaient deux heures de rec et que l’extinction des feux aurait lieu à 23 heures.

Mais Catlin jugea préférable de regagner leurs quartiers – c’était le nom qu’ils donnaient aux chambres – et de se préparer le mieux possible à affronter la Pièce, étant donné qu’ils étaient autorisés à en discuter au préalable. Et ils se posèrent des questions jusqu’au moment où ils durent se coucher.

Se dévêtir l’angoissait. Il ne s’était jamais déshabillé en présence d’une fille, seulement devant des meds et des techs qui avaient pris soin de lui fournir quelque chose à mettre, de tourner le dos ou de sortir de la pièce. Catlin trouvait normal de partager la chambre de son équipier et elle retira sa chemise et son pantalon la première. Il l’imita, pendant qu’elle allait prendre une douche. Elle revint avec des sous-vêtements propres et jeta les sales dans le panier à linge.

Son corps correspondait à ce qu’il avait imaginé ; tout en os et en petits muscles. S’il n’avait pas pris un repas au mess, il se serait imaginé que l’ordinaire des membres des services de sécurité laissait à désirer. Sa silhouette était différente de la sienne, plus maigre autour de la poitrine – on pouvait voir ses côtes – et toute plate là où les garçons avaient quelque chose. C’était la première fois qu’il voyait une fille en petite tenue. Ses sous-vêtements étaient minuscules et ne dissimulaient presque rien. Il essaya de ne pas y penser et d’oublier qu’elle le regardait. Il n’aurait pu dire pourquoi, mais il trouvait cela gênant. Il n’avait cependant pas le choix, ils n’auraient pu dormir tout habillés.

Ils devaient en conséquence faire preuve de courtoisie et s’accommoder de la situation.

Il alla prendre à son tour une douche, sans perdre de temps car les plus grands voudraient sous peu se rendre dans la salle d’eau, puis il enfila des sous-vêtements propres, regagna la chambre et s’attribua le lit du bas après avoir constaté que Catlin avait pris l’autre. Il s’y glissa très vite, parce qu’elle s’était déjà couchée et que lui seul se promenait en petite tenue.

– Le dernier au lit doit éteindre, lui dit-elle. C’est ma Règle. D’accord ?

Il tendit le bras et chercha l’interrupteur. C’était la première fois qu’il passait la nuit en un lieu où toutes les lumières ne s’éteignaient pas en même temps. Il n’avait dormi que dans des baraquements, en compagnie d’une cinquantaine d’autres garçons. Il repoussa la couverture, plongea vers l’interrupteur, le pressa et repartit dans l’autre sens. Il heurta le lit, avec tant de violence que Catlin en fut secouée.

– Désolé, dit-il.

Il se hâta de remonter le drap, sans faire de bruit.

Il percevait la présence de sa partenaire, une fille qui devait avoir sept ans et était très différente de lui. Elle appartenait à la sécurité, et comme tous ses semblables elle gardait ses distances. Il craignait de se comporter comme un imbécile et de la dresser contre lui. Il resta allongé dans l’obscurité, à l’intérieur de cette petite pièce qu’il ne partageait qu’avec une fille. Il était mal à l’aise, bien plus que dans un nouveau dort. Il avait des frissons, qui n’étaient qu’en partie dus à la fraîcheur des draps. Tout était silencieux, à l’exception des bruits faits par les grands qui allaient prendre leur douche.

Il se demanda où Catlin avait vécu avant de venir ici. Elle semblait détendue. On avait dû lui expliquer ce qui se passerait, à moins qu’elle ne fût capable de s’adapter à toutes les situations. Avoir un garçon pour partenaire ne la gênait pas. Elle paraissait contente qu’il sût désamorcer les pièges et il espérait ne pas la décevoir. Il serait très embarrassé s’ils Sautaient dès la première porte.

Il éprouvait en outre de l’appréhension à la pensée de devoir installer ses pièges dans l’obscurité : une opération délicate, pour laquelle il lui faudrait utiliser sa torche. Catlin disait qu’il devrait en dissimuler la clarté sous sa veste, s’ils étaient comme d’habitude autorisés à en avoir une. Ceux qui se découpaient contre une lumière étaient des cibles idéales.

– Ne fais surtout pas de bruit, lui avait-elle dit. Je couvrirai tes arrières et tu n’auras qu’à effectuer ton travail, mais les sons aideront l’Ennemi à nous repérer. Nous essayerons d’en Avoir un de cette manière, mais tout dépendra du temps dont nous disposerons : si c’est un parcours de rapidité ou d’extermination. Ils nous le préciseront.

Il ignorait ce qu’était un parcours d’extermination.

– C’est quand le nombre d’Ennemis qu’on a Eus nous fait marquer plus de points que le temps mis pour traverser.

– Comme quand il faut installer des pièges, avait-il répondu, heureux d’avoir compris. Certains jours, il faut faire les deuxc en désamorcer un et en placer un autre pour Avoir l’Ennemi qui nous suit. On a droit à un bonus, s’il ne le trouve pas. Parfois, ils nous disent de revenir sur nos pas et on ne peut pas savoir si on va tomber sur notre piège, le sien, ou s’il s’y est fait prendre. Les explosions sont visibles, mais il ne faut pas s’y fier. Il a pu déclencher le nôtre et en installer un autre.

– C’est un tour de cochon, avait-elle commenté, alors que ses yeux avaient un éclat singulier. C’est bien.

Il tenta de faire le vide dans son esprit pour trouver le sommeil. Il devait se reposer, car ils traverseraient une Pièce à l’aube, mais s’endormir s’avérait difficile parce qu’il se posait d’innombrables questions.

Même si la Pièce l’angoissait bien moins que cet endroit.

Pourquoi ont-ils fait cela ?se demanda-t-il. Et il pensa à larme posée sur la table, au mess silencieux, à toutes les histoires racontées par Catlin. Sont-ils certains que ma place est ici ?

– Ce n’est pas un jeu, avait-elle rétorqué après qu’il eut employé ce terme. Un jeu, c’est ce qu’on fait sur les ordinateurs pendant les temps de rec. On n’est pas ici pour s’amuser et nos adversaires trichent tout le temps.

Il souhaitait retourner aux AG. Il voulait revoir Cheval. Il eût aimé pouvoir aller nourrir le poulain.

Mais pour y être autorisé il lui faudrait d’abord traverser la Pièce sans se faire Avoir.

Ce serait toujours ainsi, désormais.

Il tenta de vider son esprit.

Pourquoi ne m’ont-ils pas passé de bandes ? Pourquoi ne le font-ils pas, pour que je sache ce qu’on attend de moi ?

Pour dissiper cette angoisse insoutenable.

L’ordinateur a-t-il pu m’oublier ?

10

Toutes les nuits Ari pensait que sa lettre s’éloignait et se demandait où elle se trouvait, étant donné qu’il lui fallait tant de mois pour arriver à destination. Maman et Ollie devaient désormais vivre à Lointaine. Elle se sentait rassurée, depuis qu’elle savait où ils étaient. Elle regardait des holos de la station et se les représentait là-bas. Oncle Denys lui avait apporté une brochure publicitaire de RESEUNESPACE sur laquelle on pouvait lire le nom de maman et voir des photos de l’endroit où elle devait travailler. Elle conservait cette documentation dans le tiroir de son bureau, pour pouvoir la consulter et imaginer qu’elle allait les rejoindre. Elle écrivait une lettre tous les deux ou trois jours, afin de donner de ses nouvelles à maman. Oncle Denys gardait tout son courrier et en ferait un colis, parce que les frais d’expédition étaient élevés et que maman serait aussi contente si elle recevait tout à la fois, dans la même enveloppe. Elle aurait aimé les adresser à maman et à Ollie, mais oncle Denys disait que ça aurait compliqué le travail des postiers et que si elle avait des choses à dire à Ollie maman lui remettrait ses lettres. C’était obligatoire : le courrier d’un azi devait être envoyé à son superviseur. Ce qui pouvait paraître ridicule dans le cas d’Ollie, dont l’équilibre mental était à toute épreuve. Mais la loi était la loi.

Elle mettait donc comme destinataire :

D rJane Strassen

Directrice

RESEUNESPACE

Station Lointaine

Et comme expéditeur :

D rDenys Nye

Administrateur

Territoire administratif de Reseune

Zone postale 3

Station Cyteen.

Elle eût préféré que les réponses lui parviennent directement, mais elle devrait attendre pour cela d’être grande et d’avoir un domicile personnel. D’autre part, si ses lettres semblaient écrites par l’administrateur de Reseune à l’attention de la directrice de RESEUNESPACE, les secrétaires penseraient que c’était du courrier officiel et le remettraient à maman sans le laisser traîner sur leurs bureaux.

Un fait qu’elle ne pouvait qu’approuver.

Elle demanda pourquoi elle devait mettre Station Cyteen, alors qu’ils vivaient sur la planète elle-même, et oncle Denys lui expliqua que tous les envois postaux devaient transiter par les stations avant d’être distribués sur un monde. Il précisa même que pour envoyer du courrier à un habitant de la Terre il fallait indiquer Station Sol puis – parce qu’on trouvait aussi dans ce système Mars et la Lune – le nom de la planète et le pays.

Il tenta ensuite de lui expliquer ce qu’était un pays et les origines historiques de telles divisions planétaires, puis il compléta ce cours improvisé en lui passant la bande de l’Histoire de la Terre.Elle voulut la revoir, impressionnée par ces visions étranges. Certaines lui faisaient un peu peur, même si elle savait que ce n’était qu’une bandétude.

Elle en prenait un grand nombre, à présent. Elle suivait des leçons de biologie, de botanique, de calligraphie, d’histoire et – depuis cette semaine – d’instruction civique. Elle obtint la mention « excellent » lors des examens de contrôle et oncle Denys lui offrit l’holo d’un oiseau terrien. Il suffisait de le bouger pour le voir voler en battant des ailes. Cet objet venait de la Terre et c’était oncle Giraud qui l’avait trouvé à Novgorod.

Mais il n’y avait plus que Nelly, à la garderie, et sans autres enfants il n’était pas amusant de faire de la balançoire ou de grimper dans la cage. Elle ne s’y rendait plus chaque jour. Elle était exaspérée d’avoir toujours Nelly sur ses talons : Nelly qui se faisait du souci pour tout, et surtout pour elle. Elle déclara à oncle Denys qu’elle pourrait désormais aller seule au centre de bandétudes et à la bibliothèque, parce que tout le monde la connaissait et qu’elle ne risquait rien.

Elle prenait son temps, pour rentrer à la maison. Parfois, elle s’arrêtait pour nourrir les poissons. Un membre des services de sécurité montait la garde devant la porte et oncle Denys le lui avait permis. Ce jour-là elle dut emprunter le tunnel à cause du mauvais temps.

En chemin, elle se rappela avoir suivi ces passages avec maman pour aller jusqu’au bureau du D r Peterson. Il fallait prendre cet ascenseur. Peterson était un épouvantable raseur, presque autant que Seely, mais il travaillait dans la même section que Justin.

Elle eut envie d’aller le voir. Sans doute condescendrait-il à lui dire bonjour. Tant de personnes de son entourage avaient Disparu qu’elle éprouvait parfois le besoin de s’assurer que les autres étaient toujours là. En obtenir la confirmation la rassurait. Et elle aimait bien revoir des lieux dont elle gardait le souvenir, quand elle en avait l’opportunité.

Elle emprunta l’ascenseur pour gagner le niveau supérieur puis suivit le couloir en restant en équilibre sur une bande métallique, comme autrefois, le jour où maman avait été retenue dans le bureau qu’elle voyait là-bas. C’était à la fois amusant et un peu triste. Elle se remit à marcher normalement.

La porte était ouverte et il régnait au-delà un désordre aussi important que la fois précédente. Et elle éprouva de la joie, parce que Justin et Grant étaient présents.

– Bonjour, leur dit-elle.

Ils la regardèrent. Il était agréable de revoir de vieilles connaissances. Elle espérait que le plaisir serait partagé. Peu de gens lui adressaient la parole, l’entourage d’oncle Denys excepté.

Mais ils ne lui retournèrent même pas son salut. Justin se leva, l’expression menaçante.

Et elle se sentit soudain rejetée, solitaire.

– Comment allez-vous ? demanda-t-elle.

Parce que c’était la question qu’on devait toujours poser.

– Où est votre nourrice ?

– À la maison.

Elle pouvait désormais appeler ainsi l’appartement d’oncle Denys sans sentir sa gorge se serrer.

– Je peux entrer ?

– Nous travaillons, Ari. Nous avons beaucoup de travail.

– Tout le monde en a trop, se plaignit-elle. Bonjour, Grant.

– Bonjour, Ari, répondit l’azi.

– Maman est partie à Lointaine.

Elle apportait cette précision au cas où ils n’en auraient pas été informés.

– Vous m’en voyez désolé, fit Justin.

– Mais je vais bientôt aller la rejoindre et vivre avec elle.

Il eut un air bizarre. Très bizarre. Grant la regardait. Et elle eut un peu peur parce qu’ils étaient tendus et qu’elle en ignorait la raison. Elle resta figée, et se demanda ce qui n’allait pas, puis son malaise se changea en panique.

– Vous savez que vous ne devriez pas vous trouver ici, Ari, lui dit Justin.

– Je peux venir vous voir, si j’en ai envie. Ce n’est pas oncle Denys qui dira quelque chose.

– Pourquoi ? Sait-il où vous êtes ?

– Justin, intervint Grant avant de demander gentiment à Ari : Qui vous accompagne ?

– Je suis toute seule.

Elle se tourna, pour tendre le doigt.

– Je reviens des bandétudes. J’ai pris un raccourci.

– C’est très gentil d’être passée nous voir, dit Justin. Mais je crois que vous auriez dû rentrer chez vous.

Elle secoua la tête.

– Non, c’est pas obligé. Oncle Denys n’est jamais à la maison, quand j’arrive, et Nelly ne lui dira rien.

Elle continuait d’éprouver cette étrange sensation. Ils n’étaient pourtant pas méchants avec elle. Ils ne semblaient pas non plus en colère. Elle tenta d’analyser la situation. Grant s’inquiétait pour Justinc qui semblait avoir peur d’elle.

Maman aurait dit qu’ils pouvaient aller au diable. Ce « ils » qui s’appliquait à tous ceux qui lui compliquaient l’existence.

– Je m’en vais, déclara-t-elle.

Elle joignit le geste à la parole, mais revint le lendemain. Elle monta sans se faire voir, se colla à l’encadrement de la porte et lança un :

– Salut !

Qui les fit sursauter. Elle éclata de rire puis s’avança pour ajouter :

– Bonjour.

– Ari, pour l’amour de Dieu, rentrez chez vous !

Elle se sentit soulagée. Cette fois Justin se mettait en colère et c’était préférable à le voir apeuré comme la veille. Elle leur avait fait peur et ils allaient la disputer.

– J’ai commencé à étudier l’informatique, hier, dit-elle. Je peux déjà écrire un programme.

– C’est très bien, Ari. Mais rentrez chez vous !

Elle rit, joignit ses mains dans le dos et se balança sur ses talons avant de se rappeler que c’était très vilain.

– Oncle Denys m’a offert un aquarium, avec des guppys. Une femelle est enceinte.

– C’est vraiment formidable, Ari. Vous devriez aller voir si elle n’a pas besoin de vous.

– Je vous apporterai quelques-uns de ses bébés, si vous voulez.

– Rentrez chez vous, Ari.

– Il m’a aussi donné un hologramme. C’est un oiseau. Et il vole.

Elle prit l’objet dans sa poche et le leur montra. Elle entra, pour leur permettre de le voir de plus près.

– Vous le trouvez comment ?

– Magnifique. Je vous en prie. Allez-vous-en.

– Je parie que vous n’avez jamais vu un holo aussi joli ?

– C’est tout à fait exact. Je vous en prie, Aric

– Pourquoi ne voulez-vous pas que je reste ?

– Parce que votre oncle risque de se mettre en colère.

– Non. Il ne le saura jamais.

– Ari, fit Grant.

Elle se tourna vers lui.

– Vous ne souhaitez pas que nous avertissions ser Denys, n’est-ce pas ?

Certainement pas. Elle aurait des tas d’ennuis. Elle le dévisagea en fronçant les sourcils.

– Je vous en prie, répéta Justin.

Il était plus gentil que son azi. Faute de disposer d’une excuse pour s’attarder encore un peu, elle ressortit puis fit demi-tour et lui adressa un large sourire.

Justin était son ami. Son ami secret. Elle ferait attention à ne pas le mettre en colère. Elle éviterait aussi d’irriter Grant. Elle ne s’attarderait pas, lors de ses prochaines visites.

Mais le lendemain elle trouva porte close.

Ce qui l’inquiéta. Soit ils s’étaient doutés qu’elle passerait à la même heure chaque jour, soit ils avaient Disparu à leur tour.

Le jour suivant elle effectua un autre détour par leur bureau. Ils étaient là.

– Bonjour ! fit-elle.

Ce qui les effraya.

Comme ils semblaient très en colère, elle n’insista pas. Elle se contenta d’agiter la main puis repartit.

Elle les vit encore de temps en temps, et quand ses guppys eurent des bébés elle leur en apporta quelques-uns dans un bocal. Justin sembla touché par cette attention et lui promit d’en prendre bien soin.

Mais lorsqu’il dévissa le couvercle tous les petits poissons étaient morts. Elle en fut bouleversée.

– Ils ont dû rester enfermés trop longtemps, dit-elle.

– C’est probable.

Elle remarqua qu’il sentait bon, quand elle se pencha sur le bureau près de lui. Presque autant qu’Ollie.

– Je regrette, Ari.

Il était très gentil. Pour la première fois, il se comportait naturellement avec elle. Grant approcha, regarda, et se déclara à son tour désolé.

Il emporta le bocal et Justin lui affirma que de telles pertes étaient inévitables.

– Je vous en apporterai d’autres, leur promit-elle.

Elle aimait passer les voir et pensait souvent à eux. À présent, ils ne lui ordonnaient plus de partir et elle ne percevait plus de tension dans l’atmosphère. Justin se contentait d’être Justin. Et il lui tapotait l’épaule avant de lui dire qu’elle devait rentrer chez elle.

Il n’avait pas été gentil à ce point depuis très, très longtemps. Elle venait donc de remporter une victoire. Mais si elle eût aimé avoir de longues discussions avec lui, elle ne voulait pas lui forcer la main et risquer ainsi de tout gâcher. Justin et Grant étaient ses amis. Et quand maman l’enverrait chercher elle leur demanderait s’ils voulaient partir avec elle et Nelly.

Elle se retrouverait alors avec tous les gens qu’elle aimait bien et elle n’aurait pas à s’en faire, à bord du vaisseau, parce que Justin était un CIT adulte et qu’il veillerait sur elle jusqu’à Lointaine.

Son anniversaire approchait, mais elle ne voulait pas inviter les autres enfants. Elle se contenterait de recevoir leurs cadeaux, merci.

Mais même cela ne pouvait la rendre heureuse.

Elle suivit le couloir sans faire de bruit. Elle prit garde à ne pas poser les pieds ailleurs que sur la bande métallique. Puis elle sortit de sa poche la carte de Nelly et l’utilisa pour prendre l’ascenseur.

Elle savait comment la sécurité procédait à ses contrôles.

11

– Pauvre con ! hurla Yanni en lançant la liasse de papiers dans sa direction.

Justin resta cloué sur place, paralysé par le choc, alors que les feuilles descendaient se poser sur le tapis, tout autour d’eux.

– Espèce de taré ! Qu’espériez-vous donc ? Nous avons décidé de vous offrir une chance, de faire tout notre possible pour vous permettre de vous en sortir. Je me suis crevé le cul et j’ai perdu un temps fou à rédiger des critiques sur cette merde que vous baptisez un projet, afin de démontrer à un débile obstiné et obsédé par son adolescence que ses recherches ressemblaient aux tâtonnements d’un débutant et qu’Ari Emory aurait tout rejeté en bloc avec un « Merci, petit, mais des chercheurs bien meilleurs que toi s’y sont cassé les dents », si elle n’avait pas rêvé de se payer le môme en question et de foutre son père dans la merde ! Ce que vous avez fait tout seul pauvre idiot ! Débarrassez-moi de ce fatras d’inepties ! Retournez dans votre bureau et empêchez cette gosse d’y remettre les pieds, compris ?

Il reçut le coup en plein ventre et resta comme paralysé entre le besoin d’étrangler Yanni et l’épouvantable certitude que tout était fini, que la rancune d’une petite fille venait de détruire son existence, et celles de Jordan et de Grant par la même occasion.

Puis il assimila le sens de la fin de cette tirade et prit conscience qu’il se trompait, qu’il n’entendait pas les trompettes du jugement dernier.

Même si le résultat serait identique.

– Qu’a-t-elle dit ? Qu’a-t-elle bien pu raconter ? Elle m’a apporté un bocal plein de poissons, Yanni. Qu’est-ce que j’aurais dû faire ? La mettre à la porte ? J’ai essayé !

– Foutez-moi le camp !

– Qu’a-t-elle dit ?

– Elle a demandé à son oncle Denys de vous inviter à sa putain de fête d’anniversaire. Voilà ce qu’elle a fait. Vous vous vous êtes mis dans de sales draps, mon garçon. De sales draps. Tout laisse supposer qu’elle est souvent passée vous voir, ces derniers temps. Elle semble avoir trompé la sécurité en utilisant la carte de son azie pour prendre l’ascenseur. Vous avez fait une touche, on peut le dire. Que diable espériez-vous obtenir en agissant de cette manière ?

– Est-ce un psych ? C’est cela ? Denys vous a demandé de me psycher ?

– Pourquoi ne l’avez-vous pas signalé ?

– J’avais d’excellentes raisons de m’en abstenir, il me semble ?

Il reprit haleine et se domina avant de foudroyer son interlocuteur du regard.

– C’est l’incapacité des membres des services de sécurité qui est en cause. Comment aurais-je pu me douter qu’ils n’étaient même pas capables de surveiller les déplacements d’une gamine de sept ans ? Il n’a jamais été dans mes intentions de la rudoyer. Non, merci. Je ne voulais jouer aucun rôle dans cette histoire. Je n’avais pas le moindre désir d’aller voir Denys Nye pour lui dire qu’il aurait dû faire un peu plus attention à ce qui se passait chez lui. Si vous voulez qu’un enfant s’acharne à faire quelque chose, vous n’avez qu’à le lui interdire. Non, Denys m’avait bien recommandé d’être poli avec elle, de ne pas la contrarier, de l’éviter dans la mesure du possiblec Merde, j’ai même bouclé mon bureau aux heures où je savais qu’elle devait revenir de ses bandétudes. Qu’est-ce que j’aurais pu faire de plus ?

– Signaler l’incident !

– Pour me retrouver mêlé à toutes vos salades ? Pour que les gardes viennent me cueillir et me soumettre à un nouvel interrogatoire ? Non, merci, j’ai déjà donné. J’ai respecté les ordres de Denys à la lettre. Je pensais que la sécurité avait installé des micros dans mon bureau, qu’elle savait où allait Ari et enregistrait mes propos, ou plutôt leur absence. Je n’ai rien dit. Rien, Yannic seulement quelques « Retournez chez vous, Ari. Vous devez rentrer à la maison, Ari. Allez chez vous, Ari », juste avant de la mettre à la porte. Elle s’est comportée comme un enfant de son âge. Elle a trouvé un adulte à taquiner. Il n’y a rien d’anormal dans la conduite de cette petite peste. C’est vous qui dramatisez l’incident, bon Dieu ! Est-ce à un pauvre débile obsédé par son adolescence de vous conseiller de vous préoccuper un peu moins de cette gosse et de la laisser faire quelques farces, si ça peut la défouler ? Elle lit en vous. Elle perçoit la tension nerveuse de tout son entourage. Je suis bien placé pour le savoir, compte tenu de la concentration qui m’était nécessaire pour l’empêcher de me psycher au cours des deux ou trois minutes qu’elle passait dans mon bureau. Et je doute que vous et Denys soyez capables de lui cacher ce que vous éprouvez, si j’en juge par la façon dont vous vous en prenez à moi. Laissez-la tranquille ! Ne vous en mêlez pas, bon Dieu ! À moins que vous n’ayez tout organisé.

Une pause, le temps de reprendre haleine. Les poils de sa nuque se hérissèrent sous le regard que lui adressait Yanni.

– C’est ça ? C’est ce qui se cache derrière toutes vos salades ? C’est vous qui la poussez à agir ainsi ?

– Vous êtes paranoïaque.

– Tout juste. Exact, Yanni. Qu’essayez-vous de me faire ?

– Sortez de mon bureau ! Foutez le camp d’ici ! Je vous ai tiré d’affaire. J’ai réussi à calmer l’administration. J’ai perdu toute la matinée pour tenter de vous protéger et Petros a dû y consacrer une journée complète, et vous avez sacrément raison de dire que c’était un psych, mon garçon. Je dois d’ailleurs préciser que vous vous êtes planté ! Je n’ai pas confiance en vous. J’ai peur de ce que vous risquez de faire dès que je ne vous ai plus sous les yeux. Vous marchez sur une corde raide, à une hauteur vertigineuse. Et si Ari revient, vous aurez intérêt à la mettre à la porte et à téléphoner à Denys avant que ses pas n’aient eu le temps de refroidir !

– Et en ce qui concerne Jordan ?

– Vous avez le culot de solliciter des faveurs, par-dessus le marché ?

– Et pour Jordan ?

– Je n’ai pas entendu dire qu’ils comptaient interdire vos appels. Mais vous jouez avec le feu, mon garçon. Et vous risquez de vous brûler les doigts. N’allez pas trop loin. N’allez pas plus loin.

– Que comptez-vous mettre, dans votre rapport ?

– Que vous êtes sur la défensive dès qu’on prononce le nom de cette gosse. Qu’elle vous inspire de l’hostilité.

– Pas elle ! Mais toutes ces vacheries que vous lui faites, votre maudit programme, votre maudit Projet ! Vous finirez par la rendre folle, si vous continuez de lui bourrer le crâne comme ça et de l’isoler de tout ce qui pourrait lui apporter un peu de chaleur humaine. Vous avez perdu tout ce qui faisait de vous un homme, Yanni !


    Ваша оценка произведения:

Популярные книги за неделю