Текст книги "Cyteen, vol. 1 "
Автор книги: C. J. Cherryh
Жанр:
Научная фантастика
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– Tu te présenteras à la réception, tu remettras ta carte à la sécurité, et ils te seront confiés. En fait, tu seras leur superviseur et tu ne devras pas te conduire avec eux comme avec Nelly. Je suis le super de cette azie, et c’est toi qui es placée sous sa garde. Avec eux, ce sera différent. Sais-tu quel est le rôle d’un superviseur ? Connais-tu ses responsabilités ?
– Oui, mais je ne suis qu’une enfant, protesta-t-elle.
Oncle Denys rit et étala du beurre sur un petit pain.
– C’est exact. Et eux aussi.
Il releva les yeux, l’expression empreinte de gravité.
– Mais ils ne sont pas des jouets, Ari. J’espère que tu as conscience qu’il serait très grave de t’emporter contre eux, et encore plus de les frapper comme tu l’as fait avec Amy Carnath.
– Je ne ferais jamais une chose pareille à des azis !
On ne pouvait pas les battre, ou se moquer d’eux. Sauf si c’était Ollie, ou Phaedrac pour des raisons différentes. Mais ces deux azis n’étaient pas comme les autres.
– Je sais, ma chérie. Mais je veux que tu réfléchisses avant de faire quoi que ce soit qui risquerait de leur faire de la peine. Ils sont en quelque sorte très fragiles, bien plus que Nelly, car tu seras pour eux ce que je suis pour elle, le comprends-tu ?
– Je ne suis pas certaine de les vouloir, oncle Denys.
– Tu as besoin de compagnie, Ari. Tu dois vivre avec des enfants de ton âge.
C’était exact, mais les gosses la rendaient folle. Et ce serait une catastrophe si elle ne les supportait pas, parce qu’elle serait condamnée à les avoir constamment auprès d’elle.
– Le garçon s’appelle Florian et la fille Catlin. Ils ont ton âge. Ils occuperont la chambre située entre la tienne et celle de Nelly, mais ils retourneront en Ville pour continuer leurs études. Ce sont des enfants et ils doivent comme toi obéir à leurs instructeurs. Ils sont très éveillés, plus avancés que toi dans plusieurs domaines. Les azis sont ainsi, surtout lesplus doués. Tu devras faire des efforts pour te hisser à leur niveau.
Elle lui prêtait grande attention. On ne lui avait encore jamais dit qu’elle n’était pas la meilleure, et elle doutait que ce fut possible. Ils ne pouvaient pas la surpasser. Elle aurait pu réussir tout ce qu’elle voulait. Maman le lui répétait toujours, autrefois.
– As-tu terminé ton petit déjeuner ?
– Oui, ser.
– Alors, va les chercher et fais-leur visiter les lieux. Et prends bien garde de ne pas faire de bêtises, d’accord ?
Elle se leva de table et sortit dans les couloirs. Elle passa devant le poste de sécurité et franchit les grandes portes de la Maison, traversa la route et prit la direction de l’hôpital. En courant, parce que c’était plus amusant.
Elle prit soin de recouvrer sa dignité et de se tenir bien droite lorsqu’elle pénétra dans le bâtiment et alla tendre sa carte aux gardes de l’accueil.
– Oui, sera, lui dit l’un d’eux. Veuillez nous suivre.
Ils la conduisirent dans une pièce, où ils la laissèrent.
L’autre porte s’ouvrit sur une infirmière qui fit entrer deux azis de son âge : une fille au teint clair et à la chevelure blonde tressée en natte, un garçon plus petit qu’elle et aux cheveux aussi noirs que leurs uniformes.
Et oncle Denys disait vrai. Nul ne l’avait jamais regardée ainsi, lors d’une première rencontre. Ils semblaient être des amis de longue date. Et il n’y avait pas que cela. Ils paraissaient se croire dans une prison terrifiante et penser qu’elle seule détenait la clé de leur liberté.
– Bonjour, leur dit-elle. Je m’appelle Ari Emory.
– Oui, sera.
D’une voix douce, tous les deux, presque à l’unisson.
– Vous devez m’accompagner.
– Oui, sera.
C’était étrange, très étrange. Pas comme avec Nelly. Pas du tout. Elle leur tint la porte, les précéda jusqu’à l’accueil et déclara qu’ils partaient avec elle. L’homme du comptoir hocha la tête et dit :
– Voici leurs cartes, sera.
Elle les prit et les regarda.
Et elle lut leurs noms : Florian AF-9979 et Catlin AC-7892. La lettre Alpha occupait la case réservée au type et la large bande noire des services de sécurité de la Maison barrait la partie inférieure des rectangles de plastique.
Une onde glacée se répandit dans son estomac, une sensation affreuse comparable à celle qu’elle avait éprouvée en découvrant la femme en noir dans l’appartement de maman. Elle ne l’oublierait jamais. Elle revivrait toujours cet instant, dans ses cauchemars.
Elle se détourna, pour leur dissimuler sa réaction, et attendit de s’être reprise pour leur remettre les cartes et sortir avec eux.
Dès qu’ils furent à l’extérieur, leur attitude changea du tout au tout : ils devinrent très graves, très azis. S’ils l’écoutaient et l’observaient toujours, ils paraissaient désormais sur le qui-vive.
Elle devait se les remémorer tels qu’elle les avait vus dans la petite pièce de l’hôpital pour savoir qu’ils étaient deux choses à la fois : des membres de la sécurité et ses azis personnels. Ils se montraient vigilants et surveillaient tous les mouvements qui se produisaient alentour, pour la protéger.
Je voulais un Ollie,se souvint-elle. Mais le cadeau d’oncle Denys était d’une nature différente. Il lui avait offert une protection.
Pourquoi ?se demanda-t-elle avec colère et peur. Pourquoi a-t-il jugé nécessaire de me donner des gardes du corps ?
Comme ils étaient placés sous sa responsabilité elle les guida vers la Maison et les présenta aux azis du corps de garde. Ils furent très polis avec l’officier de service.
– Oui, sera, dirent-ils à la femme qui leur énuméra les Règles internes.
Elle employait des mots et des codes qu’Ari n’avait jamais entendus mais que ses azis semblaient bien connaître. Ils paraissaient sûrs d’eux.
Oncle Denys ne lui avait pas dit de rentrer tout de suite à la maison, mais Ari estimait que c’était ce qu’il attendait d’elle. Elle fit malgré tout un détour par le bureau de son oncle, pour lui présenter ses azis.
Puis elle regagna l’appartement et leur fit visiter les lieux, avant de leur montrer la chambre qui leur avait été attribuée et de parler de Nelly.
– Il faudra lui obéir, précisa-t-elle. Je le dois aussi, la plupart du temps. Elle est très gentille.
Ils n’étaient pas nerveux maisc autre chose. Surtout Catlin, qui regardait de tous côtés. Ils paraissaient à la fois méfiants, distants et guindés.
Elle ne s’en plaignait pas, dès l’instant où ils se montraient agréables avec elle.
Elle alla chercher la boîte de la Poursuite Stellaire, déplia le plateau sur la table et leur exposa les règles du jeu.
Ils étaient les premiers enfants à l’écouter avec autant d’attention, sans la taquiner et sans plaisanter. Elle leur remit de l’argent et des pions, puis distribua les cartes. Et la partie fut intéressante dès le début.
Les azis semblaient assimiler cela à un combat et non à un simple jeu, mais Ari n’était pas irritée comme en présence d’Amy Carnath. Ils restaient très calmes et se concentraient, pendant qu’elle étudiait le plateau et devait à tel point réfléchir qu’elle mâchonnait sa lèvre sans s’en rendre compte.
Et chaque fois qu’elle faisait quelque chose de vraiment sournois, ils semblaient l’apprécier puis ripostaient en se montrant aussi rusés qu’elle. Sitôt qu’elle disposait ses pièces de façon à placer Florian dans une situation périlleuse, Catlin la prenait à revers.
Contrairement aux autres parties de Poursuite Stellaire, celle-ci était interminable. Quand Ari eut assez d’argent pour acheter une flottille de vaisseaux, elle tint Catlin à distance et entreprit de harceler Florian.
Il lui demanda alors s’il pouvait s’associer à Catlin.
C’était la première fois que quelqu’un pensait à cette possibilité et elle fut impressionnée par sa vivacité d’esprit. Elle prit la règle du jeu et feuilleta la brochure.
– Il n’est précisé nulle part que c’est interdit, déclara-t-elle.
Ses épaules se voûtaient et tout son corps s’ankylosait. Il y avait longtemps qu’elle était assise.
– On va emporter le jeu dans ma chambre, pour que Seely ne puisse pas y toucher, d’accord ?
– Oui, sera.
Leur comportement lui rappelait sans cesse qu’ils n’étaient pas des enfants comme les autres.
Florian emporta le plateau, sans faire tomber une seule pièce. Elle estima alors qu’ils pourraient aller déjeuner dans la galerie nord. Oncle Denys l’autorisait à se rendre dans un petit restaurant dont le propriétaire et tous les serveurs la connaissaient.
Elle les emmena donc au Relais,un établissement situé à un angle de la galerie marchande, près des boutiques. Elle procéda aux présentations puis leur dit de s’asseoir. Elle tendit le menu à Florian, qui le parcourut des yeux un long moment avant de lui murmurer, l’air embarrassé :
– Que dois-je en faire, sera ?
– Choisir ce que tu as envie de manger.
– J’ignore la signification de ces mots. Comme Catlin, sans doute.
L’azie secoua la tête, avec gêne.
Elle leur demanda ce qu’ils aimaient et ils répondirent qu’ils prenaient presque toujours des sandwiches, à midi. Elle en commanda, pour eux et pour elle.
Ils étaient très tendus et ne cessaient de surveiller tout ce qui bougeait. Un serveur laissa tomber un plateau et ils tournèrent aussitôt la tête vers le point d’origine du bruit, comme s’il s’était produit une explosion.
– Vous n’avez pas à vous inquiéter, dit-elle.
Leur nervosité la contaminait. À les voir, on aurait pu croire qu’une catastrophe était imminente.
– Détendez-vous. C’est un membre du personnel.
Ils l’étudièrent avec calme, puis reprirent leur surveillance.
Aussi posés et graves que pendant la partie de Poursuite Stellaire.
Le serveur leur apporta à boire et s’ils le regardèrent des pieds à la tête les mouvements de leurs yeux furent presque imperceptibles.
Aucun point commun avec Nelly.
Oncle Denys disait toujours qu’on ne courait aucun danger dans les couloirs et il lui donnait deux azis persuadés que même un simple serveur risquait de les agresser !
– Écoutez-moi, dit-elle.
Et ils se tournèrent vers elle, attentifs, pour l’écouter comme seuls des azis en étaient capables.
– Vous pouvez vous détendre. On ne risque pas d’être attaqués, ici. Je connais tous ces gens.
Leur nervosité se dissipa aussitôt. Comme par magie. Comme si elle les avait psychés. Elle libéra un petit soupir et se sentit très fière du résultat obtenu. Ils burent et quand le serveur leur apporta les sandwiches, Catlin et Florian parurent impressionnés par leur garniture.
Ils semblaient les trouver appétissants, mais Florian prit un air ennuyé pour lui dire :
– Je ne pourrai jamais manger tout ça. Je regrette.
– C’est sans importance. Cesse de te faire du mauvais sang pour tout. D’accord ?
– Oui, sera.
Elle les étudia et chercha un moyen de les dérider un peu. Puis elle se souvint que les azis étaient façonnés par leur psychset et qu’il s’avérait presque impossible de modifier leur comportement.
Mais ils n’étaient pas stupides. Pas du tout. Ils étaient des Alpha, comme Ollie, et il en découlait qu’ils possédaient des capacités d’adaptation sans commune mesure avec celles de Nelly. Au cours de la partie de Poursuite Stellaire, par exemple, elle ne les avait pas ménagés mais ils ne s’étaient pas départis de leur calme.
La tâche s’annonçait difficile, mais pas irréalisable.
Ils lui avaient été confiés et on ne pouvait prendre des azis pour les abandonner ensuite. Jamais. Oncle Denys disait vrai. On ne recevait pas des êtres humains en cadeau. Vivre avec des gens créait des liens et il devenait ensuite impossible de les laisser derrière soi.
(Maman l’avait pourtant fait. Elle se sentit malheureuse, comme toujours lorsque cette pensée remontait à la surface de son esprit. Mais si c’était un abandon il ne pouvait être volontaire. Elle avait été tourmentée et bouleversée, avant son départ.)
Elle décida de lui écrire pour lui parler de Florian et de Catlin, et lui dire d’informer oncle Denys qu’il devrait les autoriser à l’accompagner quand elle irait la rejoindre. Parce qu’elle ne pourrait pas les laisser. Elle savait ce qu’on ressentait, en pareil cas.
Elle regrettait de ne pas avoir pu les choisir, car elle eût préféré un Ollie, en un seul exemplairec pas deux. Elle aurait pu dire non. Elle aurait dû refuser le cadeau d’oncle Denys. Elle avait cru pouvoir s’en accommoder. Comme de tout le reste.
Mais elle s’était rendue dans cette pièce de l’hôpital et ils lui avaient adressé cet étrange regard. Ils l’avaient psychée sans le faire exprès. Ils voulaient tant partir avec Ari, qui souffrait elle aussi de la solitude.
Ils se retrouvaient à présent liés. Elle ne pourrait pas les laisser livrés à leur sort.
Jamais.
Audiotexte extrait de :
Une question d’union
Série civique n‹3
Publications éducatives de Reseune :
9799-8734-3 approuvé pour 80 +
L’Union, telle quelle fut définie par la Constitution de 2301 puis étendue par l’adjonction et l’intégration de stations et de mondes, eut dès sa fondation une structure de type fédéraliste à même de garantir une autonomie maximale à chacun de ses composants. Pour pouvoir comprendre ce qu’est l’Union, il convient de se familiariser au préalable avec la mise en place des gouvernements locaux qui peuvent relever de n’importe quel système politique, dès l’instant où ce dernier a été démocratiquement approuvé par la majorité des résidents ayant l’âge requis. N.-B. : résidents et non-citoyens. Les seuls éléments de la population qui ne disposent pas de la qualité d’électeurs lors d’un Scrutin de Choix initial sont en effet les mineurs et les azis, même si ces derniers peuvent se voir accorder ensuite un tel statut pour des consultations ultérieures.
C’est le Scrutin de Choix initial qui légitimise le régime politique et l’habilite à se faire représenter au sein de l’Union. Lors de ce vote sont élus les membres d’une Assemblée Constituante, chargée de valider un régime politique déjà en place si telle est la volonté exprimée par la majorité des votants, ou de proposer une nouvelle structure qui devra alors être soumise à la ratification de l’Électorat initial. Après cette consultation référendaire, l’Assemblée Constituante recense les votants légaux – c.-à.-d. tout individu qui remplit les conditions d’âge et de statut nécessaires pour pouvoir se faire représenter au sein du Conseil des Neuf et du Conseil Général de l’Union – et leur attribue un matricule de citoyen. La troisième et dernière tâche de cette Assemblée consiste à retransmettre les résultats du recensement et la liste des votants au bureau des Citoyens de l’Union.
Une fois ces formalités accomplies, la majorité simple des voix de l’électorat sera suffisante pour qu’aient lieu d’autres Scrutins de Choix. Cette décision pourra également être imposée par une ordonnance de la Cour Suprême, au terme d’une procédure en bonne et due forme. Dans le cadre d’un nouveau scrutin local, tous les résidents – originaires de l’État, émigrés ou immigrés – sont éligibles, y compris les azis qui ont obtenu un statut de citoyen.
Au niveau de l’Union, le Conseil des Neuf est composé de représentants des divers électorats professionnels. Tous les citoyens de l’Union disposent du droit de vote, mais un coefficient est appliqué à leurs suffrages en fonction de leurs qualifications. Par exemple, si le coefficient de la majorité des votants de l’électorat des Sciences est de un, celui d’un tech de labo expérimenté sera de deux et celui d’un scientifique en renom pourra être de dix, selon les références professionnelles prises en compte – un écart creusé par l’application de ce facteur dans une formule mathématique. Tout citoyen est autorisé à demander une réévaluation de son coefficient en soumettant son cas à un conseil composé de ses pairs, mais le travail fourni et l’expérience sont à l’origine de la plupart des réévaluations.
Lorsqu’un siège devient vacant au sein du Conseil des Neuf, le secrétaire du bureau concerné assume l’intérim tant que l’électorat correspondant n’a pas élu un remplaçant, hormis si le conseiller sortant a désigné son successeur.
Le Conseil des Neuf peut être dissous si un candidat de l’opposition présente une pétition qui comporte un nombre suffisant de signatures.
Les clivages apparus entre les divers partis politiques font désormais de chaque vacance une occasion de se livrer à d’âpres affrontements. Cette situation rend la position des secrétaires plus vulnérable et augmente l’importance des bureaux internes et des fonctionnaires chargés d’assurer l’exécution des décisions prises pendant que des changements se produisent aux niveaux supérieurs de l’administration.
Les conseillers prennent les décisions politiques. Leurs secrétaires, qui sont de simples salariés, établissent les lignes directrices et donnent des ordres au personnel administratif Les chefs de service exécutent ces instructions et fournissent des rapports qui remonteront jusqu’au sommet de la chaîne hiérarchique en passant du secrétaire au conseiller, et du conseiller au Conseil des Neuf.
Ce Conseil peut proposer et voter des lois, mais le vote unanime de la délégation d’un électorat local est suffisant pour annuler toute décision qui ne s’applique qu’à ce même électorat. La majorité des deux tiers du Conseil Général et la majorité simple du Conseil des Neuf sera alors requise pour pouvoir faire appliquer malgré tout ladite décision. La souveraineté locale passe avant celle de l’Union, hormis en cas de vote presque unanime des représentants de cette dernière.
La majorité simple des Neuf est suffisante pour assurer la promulgation d’une loi, sauf décision contraire du Conseil Général composé d’un ambassadeur et d’élus de chaque monde ou station de l’Union, dont le nombre varie en fonction de l’importance de sa population.
Le Conseil des Neuf préside le Conseil Général. Le Conseil des Mondes (le Conseil Général sans les Neuf) peut lui aussi promulguer des lois à la majorité simple, sous réserve que les Neuf n’y opposent pas leur veto.
Le Conseil des Mondes compte de nos jours soixante-seize membres, dont le représentant de Cyteen. Au sein du Conseil Général (le Conseil des Mondes plus les Neuf), les élus de Cyteen sont restés de simples observateurs privés de tout droit d’expression et de vote jusqu’en 2377. Cette concession accordée par le monde où se trouve le siège du gouvernement devait rester en vigueur tant que la population globale de l’Union ne serait pas deux fois plus importante que celle de cette planètec un nombre atteint lors du recensement de 2377.
Tous les composants de l’Union ne sont pas représentés : les Territoires administratifs ne participent pas aux scrutins locaux et établissent leurs propres lois. Ils ont la même souveraineté que toute planète ou station de l’Union.
Ces enclaves, qui ne sont pas assujetties aux lois et aux taxes locales, ont leur propre système policier et judiciaire et leurs règlements internes ont force de loi sur leurs ressortissants. Un Territoire administratif est placé sous la supervision du bureau dont dépend son activité principale, et ce dernier peut intervenir dans ses affaires intérieures sous certaines conditions définies dans la Charte territoriale, dont les clauses varient selon les cas.
Il serait impossible de clore ce bref exposé sur les composants de l’Union sans parler de l’unicité de Cyteen, ce monde qui possède la population et l’électorat les plus importants, ainsi que le siège du gouvernement de l’Union (une enclave sur laquelle les autorités locales n’ont aucun pouvoir juridictionnel) et trois Territoires administratifs puissants.
Certains avancent que le principe de souveraineté nationale est battu en brèche, d’autres que ce monde est privilégié car il détient depuis toujours plusieurs sièges au sein du Conseil des Neuf. D’autres encore, des ressortissants de cette planète, pensent que Cyteen deviendra un jour une réserve gouvernementale et doit d’ores et déjà bénéficier d’une situation privilégiée car elle est en fait gouvernée par la totalité des composants de l’Union.
Il existe un autre sujet de discorde : l’utilisation des ressources de Cyteen tant par l’Union que par les Territoires administratifs, qui ne sont assujettis ni aux taxes locales ni à l’autorité du gouvernement planétaire. Les responsables de ces enclaves font remarquer que leur contribution à l’économie locale est supérieure aux avantages dont ils bénéficient, et que c’est à ses divers Territoires administratifs que ce monde doit son expansion spectaculairec
Chapitre VII
1
Le petit appareil prit contact avec le terrain d’atterrissage de Planys et continua sur sa lancée jusqu’au bâtiment qui tenait lieu de terminal. Justin déboucla sa ceinture. Il ne pouvait admettre qu’il venait d’arriver à destination.
Il avait cru qu’on viendrait l’arrêter, que les règles du jeu l’autorisaient à voyager mais pas à atteindre son but. À moins que leurs adversaires n’aient décidé de s’en prendre à son père.
Il n’était pas débarrassé de ses peurs, bien au contraire. Il existait d’autres possibilités, plus graves qu’un psych. Les dirigeants de Reseune pourraient les placer dans une situation qui leur permettrait ensuite de faire pression sur Jordan, ou de rendre plus strictes encore ses conditions de détention. Il essayait de reléguer de telles pensées au fond de son esprit, là où elles se résumaient à de simples rappels à la prudence ; au même titre que celles qui le préparaient à devoir faire soudain demi-tour, à apprendre qu’on venait d’annuler son sauf-conduit, même après être allé aussi loin.
Il lui fallait se résigner à de telles incertitudes, s’il ne voulait pas perdre la raison.
Il sortit sa mallette et son sac du placard pendant que son escorte avançait. Il était à bord de l’avion qui assurait la liaison entre Reseune et Planys : un appareil privé qui portait sur son empennage le symbole de l’Homme Infini et non le logo rouge et blanc de la RESEUNAIR, pourtant chargée d’assurer les transports sur la majeure partie du continent et de desservir les bases d’outremer. L’équipage était composé de membres du personnel navigant de la RESEUNAIR mais ce jet appartenait aux labos : un engin privé comme RESEUNE UN, ce qui soustrayait à la curiosité du bureau des Transports ses manifestes de fret et ses listes de passagers.
Un long, très long vol depuis Reseune, au-dessus d’un immense océan. Un avion muni d’un sas et de filtres à dépression, avec à l’arrivée la contrainte de mettre un scaphandre et un masque avant de pouvoir en descendre. Il ouvrit le placard et prit une combinaison en plastique blanc très fin qui se changerait en étuve une fois enfilée, car ces modèles à taille unique n’avaient aucun système de circulation d’air et de simples bandes élastiques les empêchaient de se dilater comme des ballons, et de raréfier ainsi l’air fourni par le masque.
Le copilote vint vérifier l’étanchéité des joints du col, des poignets, des chevilles et de la fermeture frontale, puis il lui tapota l’épaule et lui désigna le sas. Les combinaisons de ce type n’étaient pas non plus munies d’émetteurs-récepteurs et il avait le choix entre s’égosiller ou communiquer par gestes.
Il ramassa ses bagages, eux aussi enfermés dans une enveloppe en plastique, et regarda les agents de la sécurité en se demandant s’ils allaient le laisser débarquer.
Oui. L’un d’eux s’apprêtait à emprunter le sas avec lui. Ils ne relâcheraient pas leur surveillance.
Il pénétra dans le réduit et attendit la fin du cycle d’évacuation de l’air, puis il descendit l’escalier hydraulique avec le garde sur ses talons. Au sol, les équipes en combinaisons D – quant à elles taillées sur mesure – avaient déjà commencé les opérations de maintenance de l’appareil.
La verdure était rare, à Planys. Les tours de précip tentaient de maintenir les quelques plantes en vie, mais il ne voyait que des roches rouges, des buissons bleutés et des lainebois. Sur ce continent, les ankylodermes étaient les principaux représentants de la faune, au même titre que les platythères sur l’autre hémisphère. Une des conséquences de l’isolement quasi absolu auquel Cyteen devait ses deux écosystèmes presque indépendantsc à l’exception des lainebois et des innombrables calamités que le vent charriait dès l’instant où il y avait de la poussière et un certain taux d’hygrométrie.
La flore, renforcée par l’absorption de silicates et rendue toxique par un apport de métaux et d’alcaloïdes, répandait dans l’atmosphère des nuages de fibres carcinogènes. En respirer ne fût-ce qu’une dose infime était fatal. Ici, les plantes tuaient les hommes en quelques minutes ou en quelques années, selon que leur victime avait été assez stupide au point de vouloir s’en nourrir ou assez malchanceuse pour inhaler une bouffée d’air filtré. Le monoxyde de carbone présent dans l’atmosphère eût été suffisant pour effectuer le travail à lui seul. Quant aux représentants de la faune, ils ne tuaient que les gens paralysés par la peur qui restaient sur leur passage. Selon une vieille plaisanterie, ces monstres ne mouraient que si leurs chemins se croisaient et qu’ils se heurtaient tête la première. Ils étaient censés rester sur place et périr d’inanition.
Il était facile d’oublier ce qu’était ce monde, lorsqu’on vivait comme lui loin de l’arrière-pays.
Il émanait de ce lieu une impression de désolation profonde. Il suffisait à Justin de détourner les yeux des bâtiments de l’aéroport et de la base pour découvrir la véritable Cyteen, désertique et mortelle pour l’homme.
Un lieu où son père avait été condamné à passer le reste de son existence.
Pour retirer leur combinaison ils durent attendre d’avoir pénétré dans la base et gagné un sas, où ils s’époussetèrent avec vigueur pendant que le souffle de puissants ventilateurs emportait toutes les fibres qui adhéraient au plastique. Ils étirèrent ensuite les bandes élastiques pour faire tomber les fibres restantes puis subirent un lavage au jet : de l’eau additionnée d’un détergent spécial. Ils purent enfin entrer dans un autre sas, retirer leurs scaphandres et monter sur une grille en prenant soin de ne rien toucher pendant que l’équipe de décont s’occupait des bagages.
Il fut angoissé jusqu’au moment où la deuxième porte se referma derrière lui et qu’il s’engagea sous bonne escorte dans un couloir semblable aux tunnels-tempête de Reseune : un boyau aux parois de béton gris.
Le cadre était plus agréable, au niveau supérieur : toujours du béton, mais peint en vert et avec un éclairage acceptable. Pas de fenêtresc sans doute n’en trouvait-on pas une seule, dans tout Planys. Mais quelques concessions avaient été faites au confort : des plantes tombantes artificielles, des posters bon marché collés aux murs.
« Bâtiment A », annonçaient par endroits des lettres brunes d’un mètre de hauteur, en partie dissimulées ici et là par des photographies. Les portes métalliques étaient peintes en marron. Il releva une anomalie : un bureau dont les baies vitrées fermées par des rideaux donnaient sur le couloir. Sur la porte, une petite plaque en plastique gravé annonçait : « P rJordan Warrick, administrateur, section éducative ».
Un garde la lui ouvrit et il entra. Il vit Paul assis à un bureau. Paul qui ressemblaitc à Paul, bien qu’il se fut teint les cheveux. L’azi se leva et vint l’étreindre.
Ce fut à cet instant que Justin obtint la confirmation qu’il ne rêvait pas.
– Allons-y, lui dit Paul à l’oreille. Il sait que tu es arrivé.
Ils gagnèrent l’autre pièce et son père le prit dans ses bras. Ils restèrent ainsi pendant un très long moment, sans dire un mot. Il pleurait. Ils pleuraient.
– C’est bon de te revoir, dit Jordan. Bon sang, qu’est-ce que tu as grandi !
– Et toi, tu sembles en pleine forme.
Ils se tenaient à une longueur de bras et Justin tentait de ne pas voir les rides du pourtour des yeux et de la bouche de son père. Si Jordan avait maigri, il était athlétiquec sans doute avait-il fait comme lui. À dater du jour où Denys l’avait convoqué dans son bureau pour lui annoncer qu’il venait d’obtenir un permis de voyage, Justin avait fréquenté assidûment le gym et effectué un tour de piste après l’autre pour remodeler sa silhouette en vue de ces retrouvailles.
– Je regrette que Grant n’ait pu venir.
– Lui aussi.
Il perdait le contrôle de ses nerfs. Il le recouvra et s’abstint de préciser qu’il avait des raisons de s’inquiéter et que Grant était terrifié à la pensée de rester seul à Reseune ; en tant qu’azi que son contrat plaçait sous la seule autorité des laboratoires.
– Une autre fois, peut-être.
Il fallait que ce voyage fût une réussite. Ils devaient faire en sorte qu’il n’y eût pas la moindre anicroche, s’ils voulaient que cette autorisation fût renouvelée. Justin savait que la sécurité de Planys était occupée à examiner le contenu de sa mallette et qu’à son retour à Reseune il subirait une fouille aussi minutieuse que lors de son embarquement. Mais il avait retrouvé son père et resterait avec lui jusqu’au lendemain midi. Tant qu’il serait avec Jordan, deux agents de la sécurité demeureraient dans la pièce. Mais il ne s’en plaignait pas plus que des caméras et des micros qui enregistraient ses moindres faits et gestes sans lui laisser ne fût-ce qu’un semblant d’intimité.
Ils allèrent s’asseoir à la table, et Paul vint se joindre à eux.
– J’ai décidé de te montrer mes projets, dit Justin. Ils devraient apporter ma mallette d’un instant à l’autre. Je suis impatient que tu y jettes un coup d’œil.
Avec sa brusquerie coutumière Yanni lui avait dit que ce serait une perte de temps, lorsqu’il s’était abaissé à supplier cet homme de l’autoriser à emporter ses derniers travaux à Planys. Mais il avait reçu cette autorisation l’après-midi même. Ça va vous coûter cher,disait la note jointe. Vous me le payerez en heures supplémentaires.
– Comment ça se passe, pour toi ? demanda son père.
Mais il lisait bien d’autres questions dans ses yeux, des choses qu’un fils savait interpréter mais que ne pouvaient relever des gardes et des analyseurs de voix.
Pour pouvoir venir ici, t’a-t-il fallu accepter des conditions dont j’ignore les termes ?
– Bon sang, fit-il avant de rire afin de dissiper la tension. Bien. Presque trop bien depuis un an. J’ai vécu un véritable enfer. Je suppose que tu en as été informé. Je ne faisais rien de bon. Tout ce que j’entreprenais s’effondraitc