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Le Cadavre Géant (Гигантский кадавр)
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Текст книги "Le Cadavre Géant (Гигантский кадавр)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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Chapitre XXIII


L’honnêteté d’un notaire

Pour la seconde fois de la soirée le notaire Gauvin quittait son étude en courant…

Cette fois, il n’avait plus peur pour son existence, mais peut-être était-il encore plus affolé que lorsqu’il s’était sauvé la première fois, redoutant une agression soudaine de malfaiteurs.

Gauvin n’était plus abasourdi, il était atterré ; il avait l’impression d’être suspendu sur un abîme, et la sensation qu’il allait y choir irrémédiablement…

Mais le notaire, néanmoins, avait l’énergie du désespoir, et l’épouvante que lui causait l’éventualité d’une porte de prison se refermant sur lui ranimait son audace, lui donnait tous les courages.

Gauvin s’enfonçait dans la nuit en courant.

De même qu’il avait fui lorsqu’il avait entendu des bruits suspects dans son cabinet et qu’il avait constaté que quelqu’un qu’il croyait être un malfaiteur l’avait volé, de même il fuyait ; mais, cette fois, il savait la vérité et comprenait ce qui s’était passé.

Cette vérité, il venait de la découvrir en l’espace de quelques secondes ; le double cri poussé par l’homme enfermé dans la malle auquel Fandor avait répondu : « Juve, Juve, c’est vous ?… » avait été une révélation pour le notaire.

De malfaiteurs, il n’y avait plus de trace, mais Gauvin comprenait que l’homme qui s’était dissimulé dans la malle c’était le policier.

Pourquoi Juve s’était-il introduit de la sorte, subrepticement et en cachette, dans le cabinet de Gauvin ? C’est ce que celui-ci, au premier abord, ne parvenait pas à s’expliquer ; mais après y avoir réfléchi quelques instants, il finissait par formuler une hypothèse :

– Juve me soupçonnait, se disait-il, d’avoir l’intention de m’enfuir avec l’argent de mes clients. Juve devine tout, sait tout ; Juve avait lu dans ma pensée… Peut-être était-il au courant du billet de voyage que je me suis procuré ; toujours est-il qu’il a surpris mes agissements… Et j’ai été volé au préalable !… Non, cela n’est pas vraisemblable. C’est assurément Juve qui, dans mon tiroir, a pris les titres de rente que je voulais emporter, ceux notamment de M me Verdon, afin que je ne puisse pas en disposer !

Gauvin formulait cette hypothèse cependant qu’il courait toujours dans la nuit sombre ; en réalité, il ne faisait qu’exprimer là, de façon nette et précise, ce qu’il avait pensé quelques instants auparavant lorsqu’il apprit par le cri de Fandor la présence de Juve à l’intérieur de la malle.

Gauvin s’était rendu compte, en effet, que certainement le policier, qui était aux écoutes depuis longtemps, avait dû comprendre très nettement les intentions du notaire.

Juve savait, sans aucun doute, que Gauvin préparait sa fuite ; c’était pour cela qu’il était intervenu, et c’était cette conviction qui déterminait désormais Gauvin à s’enfuir.

– Si j’étais resté là, se disait-il, tandis qu’il courait toujours, si j’avais attendu une minute de plus à mon domicile, en présence de Juve et de Fandor, je suis bien convaincu qu’ils m’auraient arrêté. Mais que faire désormais ? Si je reste à Grenoble, je suis pris… C’est l’affaire de quelques jours, de quelques heures. Puis-je pourtant m’en aller ? Je n’ai pas un sou…

Gauvin désormais ralentissait sa marche.

Il longeait une rangée d’arbres, et, au lointain, on voyait scintiller les premières lumières annonçant la proximité des faubourgs de Grenoble.

Le jeune notaire était dans un état de rage inexprimable ; il était furieux contre lui-même de n’avoir point réussi ce qu’il méditait et de s’être, en outre, compromis irrémédiablement.

Gauvin, à ce moment, était mûr pour le crime.

Si quelqu’un était passé par là, le notaire se serait certainement précipité sur lui, lui aurait arraché par la force son porte-monnaie, son argent…

Gauvin, en effet, était dans un état d’exaspération qui l’aurait rendu capable de tout, si les circonstances s’y étaient prêtées.

Mais, heureusement, il ne passait personne, et Gauvin ne rencontra pas âme qui vive avant les faubourgs de Grenoble.

Lorsqu’il parvint aux premières maisons de la ville, sa course affolée, et sa marche rapide ensuite, l’avaient calmé dans une certaine mesure.

Il envisagea désormais la situation dans laquelle il se trouvait avec un peu plus de tranquillité.

Que faire ? se demandait-il. Où aller ?

Au lointain, déchirant le silence qui régnait alentour, retentit un coup de sifflet rauque et strident.

– Une locomotive… pensa Gauvin, le train !

Et, dès lors, le jeune homme, machinalement, obliquait à gauche ; il venait de prendre une décision.

Gauvin se souvenait, en effet, que s’il n’avait plus d’argent il possédait tout au moins ce fameux billet de voyage qui devait lui permettre de s’enfuir et de partir pour l’Amérique du Sud.

En réalité, son billet était toujours valable, rien ne l’empêchait de s’en aller.

– Oui, se dit Gauvin, c’est là l’unique solution qui me reste : il faut que je parte pour Paris, c’est à Paris que l’on se cache, c’est à Paris que l’on peut se procurer de l’argent par les moyens les plus variés ; c’est à Paris que j’irai… On verra ensuite… S’il faut partir pour Londres, n’ai-je point mon billet !

Comme le notaire arrivait à la gare, il vit la pendule éclairée et poussa un soupir de satisfaction :

– Dans vingt minutes, constata-t-il, passe l’express de Lyon qui me mettra demain matin à Paris.

Relevant le col de son pardessus, il s’avançait dans la salle d’attente, se dissimulant derrière le poêle qui occupait le milieu de la pièce.

Il y avait, dans la salle d’attente des premières classes, d’antiques et confortables fauteuils en velours vert, Gauvin s’effondra dans l’un d’eux et abaissa sur son nez le chapeau mou qui le coiffait.

Mais, à peine était-il installé qu’une main effleura son épaule.

Le notaire bondit comme s’il avait reçu une décharge électrique.

– Mon Dieu, s’écria-t-il, qui va là ? Que me veut-on ?

Et instinctivement, il avait mis la main à sa poche, serrant fébrilement les doigts sur le manche de son couteau.

Mais un éclat de rire lui répondait, et en face de lui, Gauvin aperçut une jeune femme tout emmitouflée d’écharpes et de voilettes. Elle portait un grand sac de cuir et un étui contenant trois ou quatre parapluies.

– Ah ! monsieur Gauvin, quelle bonne chance de vous rencontrer ! articulait la personne.

Gauvin, très troublé jusqu’alors, ne l’avait pas reconnue et désormais, la lumière se faisait dans son esprit.

– Madame Birot ! s’écria-t-il.

Et le notaire reconnaissait en effet l’épouse du greffier du tribunal civil de Grenoble.

M me Birot était une petite femme aimable, vive, alerte ; on l’appelait à Grenoble la « Gazette », car, curieuse et bavarde, elle était sans cesse au courant de tout, et renseignait les gens les uns sur les autres, avec une abondance de détails et une précision minutieuse, qui faisait qu’elle était aussi documentée que la police tout entière et même les journalistes de la localité.

– Sapristi ! pensa Gauvin, je ne pouvais pas plus mal tomber ! Dans cinq minutes, tous les gens qui sont à la gare vont savoir que je suis là…

La Gazette, au surplus, commençait en minaudant ses interrogations.

– Quel plaisir, monsieur Gauvin, de vous rencontrer ! Vous partez donc en voyage ? En tout cas, je suppose que vous ne devez pas aller loin, puisque vous n’avez aucun bagage avec vous. Cependant, vous avez un billet de première…

– Comment savez-vous cela ? interrogea Gauvin abasourdi.

– Oh, c’est bien simple ! rétorqua la Gazette. Vous êtes dans la salle d’attente des premières classes. Or, l’employé qui est au contrôle est très strict à ce point de vue. Et quelqu’un qui n’aurait pas un billet de première n’entrerait pas dans la salle d’attente des premières. Vous allez peut-être à Lyon, monsieur Gauvin ? Je l’espère, d’ailleurs, car je vais également dans cette direction. De la sorte, nous pourrons faire route ensemble…

Gauvin n’avait pas encore eu le temps de répondre que M me Birot passait sur le quai de la gare et, avisant un contrôleur, lui recommandait, criant à tue-tête, au point que quelques voyageurs se retournaient :

– Dites donc, cher monsieur, je prends l’express de Lyon dans dix minutes. Quand il arrivera en gare, soyez assez aimable pour retenir deux bonnes places. Nous sommes deux. Il y a moi, d’abord ; vous me retiendrez un coin en avant, car je ne peux pas supporter d’aller en arrière, et il y a M. Gauvin, le notaire… Vous savez bien, M. Gauvin, qui part également, et avec lequel je voyage.

M me Birot revenait dans la salle d’attente.

Par-dessus la petite barrière qui séparait l’enclos des premières et des secondes, M me Birot aperçut l’un des facteurs de la gare qui venait enregistrer sa malle.

Elle l’appela pour lui donner un pourboire, puis, en même temps, recommandait à l’homme :

– Vous quittez votre service dans une demi-heure, n’est-ce pas ? Je sais que vous habitez tout à côté de chez nous, ayez donc l’obligeance, quand vous vous en retournerez, de passer chez mon mari et de lui dire qu’il ne s’inquiète pas. Je voyage ce soir avec M. Gauvin, le notaire, qui s’en va à Lyon ou à Paris !

M me Birot se tournait alors du côté de Gauvin.

– Au fait, interrogea-t-elle, où donc allez-vous, à Lyon ou à Paris ?

Mais elle se retournait stupéfaite et demeurait bouche bée…

Gauvin avait disparu.

Pendant les bavardages de la jeune femme, le notaire, en effet, s’était éclipsé.

– Tomber sur la Gazette, s’était-il dit, c’est pis que tomber sur la police tout entière !

Et Gauvin, en effet, s’était rendu compte dans l’espace de quelques instants, que tous les gens de la gare étaient au courant de son départ ; il avait entendu les premières paroles échangées avec le facteur des bagages, il savait que d’ici vingt-cinq minutes on saurait à Grenoble qu’il était dans le train se dirigeant vers Lyon, puis vers Paris.

Dès lors, rien ne serait plus facile que de l’arrêter en cours de voyage.

Et Gauvin, profitant d’un moment d’inattention de son interlocutrice, avait quitté la gare au moment où l’express de Paris y entrait, au milieu d’un fracas formidable.

– Dire, grondait Gauvin en serrant ses poings, que je ne peux même pas fuir ! Au moins, pensait-il, je me cacherai à Grenoble, je me dissimulerai sous un faux nom.

Il s’avançait de quelques pas dans l’avenue de la Gare, se heurtait soudain à un groupe de jeunes gens.

Instinctivement, le notaire s’effaçait pour les laisser passer, mais, décidément, il jouait de malchance, quelqu’un l’interpella.

– Ah, par exemple ! C’est vous mon cher maître ? Eh bien, véritablement, vous tombez à pic ! Nous cherchions un quatrième pour jouer au bridge et le voilà trouvé puisque nous vous rencontrons…

Gauvin s’arrêta tout blême.

Le personnage qui s’adressait à lui n’était autre que le substitut du procureur de la République, qu’accompagnait un avocat et un juge, de la cour de Grenoble.

Tous les trois souriaient aimablement au notaire.

Le substitut le prenait par le bras.

– Venez, lui dit-il, nous allons au café. Ah ! par exemple ! Quelle bonne chance que de vous avoir rencontré !

D’une voix sourde, Gauvin balbutia :

– Non, merci mes amis, il m’est absolument impossible, absolument, de me joindre à vous ce soir !

Le substitut, amicalement, lui frappait sur l’épaule.

– Quelle bonne blague ! fit-il, ce Gauvin n’en a jamais d’autres !

Puis, s’adressant à l’avocat et au juge, le substitut jovial disait :

– Messieurs, au nom de la loi, je requiers l’arrestation du citoyen Gauvin, et vous monsieur le juge, je vous demande de le condamner à venir faire immédiatement la manille avec nous sans que ce jugement soit susceptible d’appel !

Les trois jeunes gens éclataient de rire, mais après cette joyeuse explosion de gaieté, ils s’arrêtaient net, stupéfaits.

Gauvin était devenu livide, et même il semblait si souffrant, que, chancelant, il devait s’appuyait le long d’un mur.

– Ah ça ! mais… s’écria le substitut du procureur, il est malade, il va s’évanouir !

Gauvin, cependant, réagissait, faisait un suprême effort pour ne point tomber.

Il reprit de sa voix sourde et rauque.

– Non, non, je n’ai rien… un malaise…

Ses amis, toutefois, s’inquiétaient pour lui.

– S’il est malade, il faut le ramener chez lui !

Et déjà ils s’emparaient de Gauvin, le soutenaient ; le notaire s’arracha au groupe trop aimable.

– Laissez-moi, laissez-moi ! hurla-t-il, et dès lors retrouvant son énergie pour fuir, il détalait de toute la vitesse de ses jambes.

Les trois jeunes gens se regardaient stupéfaits.

– Qu’est-ce que cela signifie ? se disaient-ils. Il semble à moitié fou…

C’était le substitut qui venait d’émettre cette opinion.

Le juge hocha la tête.

– Moi, je le crois très malade, ou alors peut-être a-t-il bu…

Interloqués, les trois jeunes gens continuaient leur route, quant à Gauvin, qui avait tourné la première rue, il était désormais hors de vue…

Le malheureux notaire se trouvait maintenant à l’entrée d’une petite place complètement déserte. Il s’était tapi dans un angle obscur, entre deux maisons, et dès lors tout son corps frissonnait !

Quelle abominable plaisanterie venait de faire le substitut !… Gauvin avait failli s’évanouir d’effroi en entendant le magistrat proférer en riant :

– Au nom de la loi, je vous arrête…

Et, en effet, Gauvin songeait que, dans quelques jours, le lendemain peut-être, ce même substitut du procureur prononcerait les mêmes paroles à son égard, mais alors sans ironie et pour de bon…

C’est pourquoi Gauvin avait voulu fuir, terrifié à l’idée que, peut-être, cette plaisanterie toute fortuite, était pour lui comme un avertissement.

Il était environ neuf heures du soir, et machinalement Gauvin, qui errait dans les rues, cherchant les voies les plus désertes, était arrivé au point de départ des tramways électriques qui font le service entre Grenoble et Domène.

Gauvin, depuis quelques instants déjà, nourrissait un projet.

Ses pas instinctivement l’avaient conduit dans la direction du véhicule public allant de Domène, c’est-à-dire à la bourgade où se trouvait l’habitation de sa cliente, M me Verdon.

Gauvin fouillait sa poche, il y trouvait encore quelque menue monnaie.

Il avait de quoi prendre le tramway, il sauta dans le véhicule au moment où celui-ci démarrait.

Qu’allait donc faire Gauvin à Domène ?


– Comment vous sentez-vous, ma chère amie ?

D’une voix toute brisée d’émotion, une vieille dame aux cheveux blancs, qui reposait étendue dans une bergère, articula d’une voix dolente :

– Mieux, mon bon ami, merci, je suis encore bien faible…

La voix de l’interlocuteur reprenait :

– Il faut monter vous coucher et prendre du repos.

– Hélas ! hélas ! reprenait la vieille dame, pourrai-je avoir jamais un sommeil paisible, tant que je n’aurai pas retrouvé mon enfant chéri, que je ne saurai ce qu’il est devenu, celui qui s’est fait un nom célèbre, honorable et glorieux, sous le pseudonyme de Jérôme Fandor.

La personne qui parlait ainsi n’était autre que M me Verdon, ou, pour mieux dire, que M me Rambert, pour laquelle Fantômas, dans l’après-midi précédente, s’était fait passer pour son mari défunt Étienne Rambert.

– Il faut, pensa Fantômas, que je la rassure.

– Notre enfant, déclara-t-il, ne court point de danger. En même temps que je descendais dîner, tout à l’heure, j’ai fait le nécessaire auprès des misérables qui détiennent notre enfant et qui exigent une rançon pour lui rendre sa liberté. Vous pouvez dormir tranquille ; il ne sera pas touché à un seul cheveu de la tête de Fandor, jusqu’à ce que je sois intervenu.

Fantômas s’arrêtait brusquement : un coup sec venait d’être frappé à la porte.

Le domestique, que l’on autorisait à entrer annonçait :

– M e  Gauvin !

Ce nom produisait sur les deux personnes devant lesquelles il était prononcé une impression bien différente.

Soudain le visage de M me Rambert s’était rasséréné.

– Ah ! fit-elle, en jetant un regard affectueux à Fantômas, je comprends maintenant ce que vous avait fait tout à l’heure ; vous avez fait prévenir le notaire de venir ici d’urgence, pour nous apporter mon argent pour que vous puissiez courir et libérer Fandor.

– Effectivement, déclara Fantômas, qui ne voulait point contrarier la vieille dame, mais que gênait considérablement l’arrivée inopinée du notaire.

– Que peut-il bien vouloir ? pensait-il, et que peut bien venir faire cet homme à une heure pareille chez M me Verdon ?

La mère de Fandor, malgré sa fatigue et sa faiblesse, se soulevait de son fauteuil pour répondre au domestique :

– Il va falloir faire monter M e  Gauvin.

Fantômas sursauta :

– Non, non ! cria-t-il.

Puis, trouvant sans doute que sa protestation était trop violente, il reprit sur un ton aimable et doucereux :

– Croyez-moi, chère amie, n’en faites rien. Vous êtes bien trop souffrante et fatiguée ; restez dans votre chambre, tandis que je vais aller moi-même trouver le notaire et m’entendre avec lui. Il s’agit sans doute de quelque formalité, de signature à donner, en échange de l’argent qu’il me remettra, et puisque vous m’avez donné plein pouvoir cet après-midi, il est bien juste que je vous débarrasse du souci de la gestion de votre fortune.

M me Rambert, qui avait essayé de se soulever, retombait épuisée dans son fauteuil.

– Mon bon ami, fit-elle, j’accepte volontiers votre proposition. Comme vous le dites ces émotions m’ont brisée, et il est raisonnable que je prenne un peu de repos. Je sens que demain je serai forte et vaillante. Au surplus, le ciel ne voudrait pas que je sois malade, lorsque mon fils me reviendra, pour que je puisse le serrer dans mes bras, l’étreindre sur ma poitrine…

Le regard de la vieille dame s’illuminait à cette idée, un sourire extasié erra sur ses lèvres tremblantes…

Fantômas, cependant, venait de quitter la pièce dans laquelle il se tenait avec M me Rambert.

Sur le palier de l’escalier, avant de descendre rejoindre le visiteur, il attira par le bras le domestique :

– Eh bien ? dit Fantômas. Qu’est-ce que c’est encore que ce notaire ? Sais-tu ce qu’il nous veut ?

– Non, patron. Il a demandé simplement après M me Verdon. Il doit venir raconter quelque chose de grave, car il a l’air plutôt retourné !

– Le Bedeau, articula Fantômas, ouvre l’œil et le bon ! Tiens-toi aux écoutes, prêt à agir s’il le faut. Je ne sais pas du tout ce que va dire ce notaire, mais il faut qu’en tout cas nous réussissions. Compris, pas vrai ?…

– Compris, patron.

Fantômas, désormais, descendait l’escalier ; le serviteur qu’il avait appelé le Bedeau se trouvait à quelques pas derrière.

Le Bedeau ?

Cette sinistre figure d’apache, cette silhouette tragique de criminel, on la retrouvait encore, comme toujours, dans le sillage de Fantômas, sans cesse à la dévotion du bandit.

Fantômas prenait toujours ses précautions.

Et du jour où il avait décidé d’établir provisoirement son quartier général chez M me Rambert, dont il avait découvert l’identité, il avait du même coup fait venir quelques-uns de ses complices, qu’il s’arrangeait aussitôt pour faire embaucher dans la maison.

C’est ainsi que, depuis quarante-huit heures, le Bedeau tenait chez M me Rambert l’emploi de domestique !

Fantômas, cependant, descendait ; il entra dans le salon où attendait Gauvin.

Le jeune homme parut stupéfait de voir s’avancer vers lui un vieillard à la longue barbe blanche, dont il ne soupçonnait pas l’existence à Domène, et qu’il ignorait encore plus habiter chez M me Verdon.

Gauvin, qui arrivait, l’âme bourrelée, l’esprit en désordre, qui haletait encore d’émotion et de terreur, ne savait que dire à cet inconnu.

Il s’inclina cependant devant lui, le saluant avec le respect que doit à tout vieillard un jeune homme.

Fantômas le regardait avec curiosité ; il retrouvait en effet, après quelques années, le fils de l’une de ses victimes, le petit Gauvin qu’il avait jadis connu, et dont l’amour pour l’infortunée M me Ricard avait failli contrecarrer un moment les sinistres projets du Génie du crime.

– Maître Gauvin, je crois ? interrogea Fantômas, affectant de prendre une voix tremblotante et cassée.

– C’est moi, en effet, monsieur, déclara le jeune homme, s’efforçant de paraître calme et de dissimuler son émotion.

– Vous attendez M me Verdon ? demanda encore Fantômas.

– Oui, monsieur, fit simplement le notaire.

Il y eut un silence ; les deux hommes s’observaient. Fantômas reprit :

– M me Verdon est très souffrante en ce moment, et me charge de l’excuser auprès de vous, monsieur. Elle est dans l’impossibilité de vous recevoir.

Gauvin tressaillit, un pli barra son front.

Ces propos semblaient le désespérer, il reprit cependant les dents serrées, la voix rauque :

– Il faudrait cependant que je puisse la voir, monsieur ; ce que j’ai à lui dire est d’une importance considérable, et ne permet pas que l’on attende un instant.

– C’est donc bien grave, monsieur ?

– Très grave, oui, monsieur.

Fantômas un instant hésitait.

Brusquement sa résolution fut prise.

Il sortit de sa poche les documents qu’avaient signés M me Verdon, quelques instants auparavant. Il les montrait au notaire.

– Veuillez parler, dit-il, monsieur, vous voyez que je suis autorisé par M me Verdon à me substituer à elle.

Gauvin, assez étonné de cette déclaration, prenait connaissance du document écrit par la vieille dame :


Je soussignée donne plein pouvoir, en tout ce qui concerne la gestion de ma fortune, à M. Étienne Rambert, porteur de ce document, que je signe de mon plein gré…


Gauvin s’arrêtait de lire, et ses yeux se fixèrent dans le regard de Fantômas.

Toutefois, il n’articulait pas une parole.

– Eh bien ? interrogea le bandit, j’imagine qu’après cela vous pouvez parler ?

Gauvin était très pâle, il passa sa main sur son front comme s’il s’arrachait d’un rêve, et, sans répondre à la question qui lui était posée, il demanda :

– Vous êtes M. Étienne Rambert ?

– Oui, monsieur, fit audacieusement Fantômas.

Mais alors ce fut au tour du bandit de tressaillir.

Le jeune homme en effet hochait la tête, et posément il articula :

– Non, monsieur !

– Plaît-il ? grogna Fantômas.

– Je dis, répéta Gauvin, que vous n’êtes pas M. Étienne Rambert !

– Pourquoi cela, je vous prie ?

Gauvin avait reculé de deux pas, comme s’il était pris soudain d’une crainte subite, puis il articula presque malgré lui comme s’il lui était impossible de ne pas dire ce qu’il pensait :

– Parce que M. Étienne Rambert est mort il y a déjà de cela plus d’un mois !

– Ah ! misérable ! hurla une voix.

C’était Fantômas dont la colère éclatait.

Le bandit n’avait pas songé que peut-être le notaire Gauvin était au courant de la mort en effet survenue à Amsterdam, du malheureux M. Étienne Rambert.

Fantômas, en entendant Gauvin, apprenait désormais que celui-ci était au courant.

Oh parbleu ! Fantômas était un imbécile de ne pas l’avoir deviné plus tôt. Il se le disait désormais et se le reprochait.

Fantômas, en effet, n’était pas sans savoir que, au sujet du cadavre de Daniel, Juve avait eu de longs entretiens avec le notaire. C’était certainement au cours de ces entretiens que Gauvin avait appris la mort de M. Étienne Rambert.

– Allons ! allons ! se dit Fantômas, il est inutile de continuer à dissimuler, et au surplus j’aime autant cela !

Fantômas alors, d’un geste brusque, arrachait la longue barbe blanche qui s’étendait sur ses joues et son menton.

Il faisait sauter sa perruque, la tête énergique et farouche du monstre apparut.

– Eh bien, Gauvin, s’écria-t-il en toisant le notaire, toi qui es si bien renseigné sur l’existence des gens, dis-moi donc qui se trouve en face de toi ?

Le notaire n’avait pas longtemps à réfléchir, longtemps à regarder pour savoir que répondre.

À la vue de la transformation soudaine qui se faisait dans la silhouette de son interlocuteur, Gauvin avait poussé un véritable hurlement d’épouvante et d’effroi.

Il reculait jusqu’au fond de la pièce, il ouvrait des yeux hagards.

– Fantômas !… Fantômas !… balbutia-t-il. Je suis en face de Fantômas !

– Fantômas, oui, déclara rudement le bandit. Assez d’atermoiements, jouons cartes sur table.

» Écoute-moi bien, Gauvin, et si tu tiens à ta peau, obéis-moi sur l’heure. Tu sais qu’Étienne Rambert est mort, tant pis pour toi, il fallait l’ignorer… Peut-être enfin te permettrai-je de l’oublier, à la condition que tu m’obéisses.

» Écoute, il me plaît, aujourd’hui, de passer pour Étienne Rambert, car je désire m’approprier la fortune de M me Verdon.

» Par le document que je viens de te montrer, M me Verdon t’autorise, toi, le notaire, dépositaire de sa fortune, à remettre tous ses biens entre les mains de cet Étienne Rambert dont j’incarne aujourd’hui la personnalité.

» Oublie donc que je suis Fantômas, et partons pour ta boutique : dans une heure, j’aurai l’argent ; tu n’as rien à craindre, car je te laisserai en échange l’autorisation que je t’ai montrée. Obéis !

Mais Fantômas s’arrêtait, car Gauvin s’effondrait à terre.

– Grâce !… grâce ! articulait-il, en proie à une émotion inexprimable.

Il se tordait les bras, sanglotait éperdument.

Fantômas le secoua brusquement.

– Imbécile, tu n’as donc rien compris ! Je viens de te dire qu’il ne te serait point fait de mal, et que tu n’avais qu’à me donner la fortune de M me Verdon…

Mais c’était précisément cela qui terrifiait et désespérait l’infortuné notaire.

– Hélas ! balbutia-t-il, c’était justement au sujet de cette fortune que je voulais voir M me Verdon !

– Qu’avais-tu donc à lui dire ? demandait Fantômas qui commençait à s’inquiéter.

Son regard était si terrible que Gauvin frissonna.

– Parle ! ordonna impérieusement le bandit, qui sortait un poignard de sa poche.

– Grâce !… supplia Gauvin.

– Parle ! poursuivit Fantômas.

Faisant un suprême effort, Gauvin articula :

– Eh bien… je voulais… dire à M me Verdon, que sa fortune… sa fortune… je ne l’ai plus…

– Malédiction ! jura Fantômas. Et cette fortune où est-elle ?

D’une voix presque imperceptible, le notaire répondit :

– Entre les mains de Juve !

Dès lors la colère de Fantômas éclatait, épouvantable et terrifiante.

– Dans les mains de Juve !… répétait le bandit avec un ricanement sinistre… Ah ! misérable Gauvin !… Tu avais donc juré de me trahir !… Tu savais donc quelles étaient mes intentions !… Tu t’es fait le complice de cet ignoble policier !

– Grâce ! suppliait Gauvin, ce n’est pas vrai… et pour tout dire, c’est moi qui ai voulu voler la fortune de M me Verdon. Juve est survenu qui m’en a empêché ; à l’heure actuelle il est peut-être à mes trousses, et je venais dans le but de tout dire à M me Verdon…

– Ah ! par exemple ! hurla Fantômas, il ne manquerait plus que cela !

Dans l’espace d’un instant, le sinistre bandit voyait tous ses projets détruits, son programme anéanti, Gauvin disant à M me Verdon que sa fortune était entre les mains de Juve. Juve survenant… et tout le monde se mettant d’accord pour reconnaître que le savant Marcus n’était pas Étienne Rambert, mais bien tout simplement Fantômas !

Non, non, les choses ne se passeraient pas ainsi ! Fantômas n’était pas un homme à se laisser faire !

Gauvin se traînait sur le parquet, terrifié, ivre de peur.

Fantômas cria :

– Le Bedeau ! pendant qu’il appuyait le pied sur l’épaule du notaire et l’immobilisait au ras du sol.

Aux cris poussés par Fantômas, son complice apparaissait aussitôt.

– Le Bedeau ! ordonna Fantômas, ficelle-moi cet homme… qu’il ne puisse faire un geste, qu’il ne puisse dire un mot…


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