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Le Cadavre Géant (Гигантский кадавр)
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Текст книги "Le Cadavre Géant (Гигантский кадавр)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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– Où est-il, qu’il vienne, que je le voie ?… cria la malheureuse, dupe plus que jamais de Fantômas.

– Hélas ! poursuivit le bandit, avec une tristesse admirablement bien feinte, nous allons avoir à lutter terriblement pour sauver notre fils…

– Le sauver ? Court-il donc quelque danger ?

– Un danger de mort ! affirma gravement celui qui se faisait passer pour Étienne Rambert.

Fantômas, au surplus, ajoutait :

– Votre enfant, ma chère amie, est actuellement le prisonnier d’une bande de criminels qui le feront périr dans les plus terribles tourments, si nous ne parvenons à l’arracher à leurs étreintes.

– Juve… il faut prévenir Juve… hurla M me Rambert.

Fantômas rétorqua :

– Juve, malgré son habileté, est impuissant et ne pourra jamais nous rendre Fandor, car c’est aux mains de Fantômas lui-même qu’il se trouve !

Un sanglot retentissait, M me Rambert gémit :

– Alors, que faut-il faire ? Comment arracher notre enfant au danger qui le menace ?

Son interlocuteur, lentement, rétorqua :

– Seule, une rançon énorme pourrait attendrir le Maître de l’effroi qui le détient prisonnier. En échange d’une fortune, Fantômas rendra Fandor, faute de quoi…

– Faute de quoi ?… reprit la voix angoissée de M me Rambert.

– Faute de quoi… fit son interlocuteur, dans deux jours, Fandor sera mort…

Un cri retentissait :

– Étienne !…

– Alice !…

– Étienne, il faut que je te dise ce qu’il faut faire pour sauver notre enfant.

Juve écoutait, de plus en plus attentivement, les propos que tenaient les deux êtres dont il avait surpris l’extraordinaire conversation.

– Parbleu, se disait-il, je vois où Fantômas veut en venir… Ah ! le misérable !

Et, une fois de plus, l’envie le reprenait de courir jusqu’à la maison, de foudroyer à bout portant le monstre, et de lui loger les six balles de son browning dans le corps.

Mais Juve se dominait, écoutait encore, écoutait toujours…

M me Rambert déclarait :

– Contrairement à ce que l’on croit, Étienne, je suis riche, immensément riche ; je possède de nombreux titres de rente, qui, pendant mon long séjour dans la maison de santé où j’étais prisonnière, ont fructifié et quadruplé leur valeur. Jusqu’à présent, depuis que je suis sortie de cette affreuse prison, j’ai dissimulé aux yeux de tous mon identité et ma situation pécuniaire. J’avais peur d’un retour de l’imposteur qui viendrait me faire remettre dans un cabanon, et qui s’emparerait des biens que je destine, que nous destinions à notre enfant…

– Sans doute, sans doute, affirma le bandit, mais où est-elle donc cette fortune ? et où voulez-vous en venir ?

Juve, qui entendait toujours, comprenait l’impatience de Fantômas.

M me Rambert expliquait à celui qu’elle prenait désormais pour son véritable mari :

– Les titres sont déposés chez un notaire, sous pli cacheté. Ils sont à Grenoble, dans l’étude de Gauvin qui ne soupçonne pas la valeur du dépôt que je lui ai confié. Il faut, Étienne, que nous disposions de cet argent pour sauver notre enfant, pour acheter la liberté de Jérôme Fandor !

– Parbleu ! s’écria le bandit, c’est bien là ce que j’attendais de vous, et si je suis venu, Alice, si j’ai réussi à vous rejoindre, à vous découvrir dans votre retraite cachée, c’est parce que j’avais le secret espoir que votre cœur de mère vous permettrait de trouver la solution du problème que depuis plusieurs jours je cherche à résoudre en vain !

– Hélas ! articula M me Rambert, ces titres qui sont déposés chez le notaire sont difficilement négociables par moi ; ils sont en effet inscrits à mon nom véritable, au nom d’Alice Rambert. Si je vais les retirer, je suis obligée de me faire connaître et, dès lors, qu’adviendra-t-il ? Pouvez-vous, Étienne, crier aujourd’hui à la face du monde que vous êtes Étienne Rambert ?

Une seconde, Fantômas hésitait, la situation était délicate…

Il articula simplement :

– Je ne le sais pas encore, mais dans deux jours, Alice, je vous fixerai… J’ai tant eu d’aventures et de malheurs qui m’obligent, comme vous, mais pour d’autres raisons, à dissimuler ma personnalité !…

– Dans deux jours !… sanglota la malheureuse femme, que sera-t-il advenu de Jérôme Fandor, de notre enfant ?

Mais Fantômas la rassurait :

– Rien d’irréparable, ma chère amie, rien qui puisse vous mettre dans l’obligation d’agir immédiatement. Croyez-moi, ayez confiance… Ayez confiance…

En vain, Juve désormais prêtait-il l’oreille, il n’entendait plus rien. Assurément Fantômas et sa future victime avaient quitté la pièce dans laquelle ils se trouvaient.

Juve, pendant quelques instants, espérait qu’ils allaient revenir, mais c’était en vain qu’il attendait ; il avait beau écouter, il n’entendait plus rien…

Lorsque le policier sortit de la petite cabane en planches dans laquelle il était si miraculeusement entré à la suite d’un faux pas, il se prit à réfléchir sur ce qu’il devait faire.

La résolution de Juve ne tardait à être fixée.

– Parbleu, c’est simple ! fit le policier. Et l’intention de Fantômas est bien facile à comprendre. S’il a joué toute cette comédie, s’il est venu voir M me Rambert pour se faire passer auprès d’elle pour son véritable mari, s’il a inventé de toute pièce que Fandor était prisonnier d’une bande de criminels, et, oh ironie ! de Fantômas, c’est parce qu’il voulait savoir ce qu’il était advenu de la fortune de la mère de Fandor. Il est désormais renseigné, il va tenter de s’en emparer…

La solution, dès lors, s’imposait.

La nuit était presque venue. Juve remontait à grands pas, dans la direction du village.

– Dois-je sauter à la gorge de Fantômas, maintenant ? se disait-il. Faut-il attendre qu’il ait mis son projet à exécution, afin de le prendre la main dans le sac ? Non, non, agissons tout de suite, cela vaudra mieux !

Et dès lors, serrant nerveusement la crosse de son revolver dans la paume de sa main il se rapprocha de la maison dans laquelle sans doute un drame n’allait pas tarder à se produire.

Juve était à peine à deux cents mètres de la demeure occupée pour celle qui passait dans tout le pays pour être simplement M me Verdon, qu’il poussait un cri de rage.

– Ah, malédiction ! fit-il.

La voiture attelée de deux chevaux dont les colliers étaient ornés de grelots qui tintaient au frémissement des bêtes, venait de quitter le perron de la maison, emmenant avec elle un voyageur, Fantômas…


– C’est drôle, il n’y a personne. Il est vrai qu’il est déjà fort tard, cependant les usages ne veulent point qu’on laisse une étude de notaire ainsi abandonnée de tout le monde. Quel désordre ! Des dossiers dans tous les coins, sur les tables, les chaises… Enfin, j’espère qu’il n’en est pas de même dans le bureau du patron !… Cette porte rembourrée y accède sans doute ! Écartons-la… Oui, voici la porte véritable… Frappons au panneau de bois…

» Toc, toc, personne ne répond ? Essayons d’ouvrir ! Rien n’est plus simple !… Ah, ça ! C’est comme dans un moulin ici !…

» Me voilà bien dans le bureau du patron. Morbleu ! le cabinet de M e  Gauvin, pour être moins fréquenté qu’une place publique, est tout aussi facilement accessible…

L’homme qui monologuait ainsi s’arrêta au milieu de la pièce, croisa les bras, regarda tout autour de lui.

Cet homme-là, c’était Juve.

Que venait donc faire le policier dans l’étude du notaire qu’il avait nommé, dans l’étude de Gauvin ?

La chose était facile à comprendre.

Sitôt qu’il avait vu s’enfuir Fantômas, Juve s’était dit que le bandit, sachant désormais où se trouvait la fortune de M me Rambert, ne manquerait pas de venir la chercher dans le plus bref délai possible.

Or, cette fortune était déposée chez le notaire Gauvin, c’était là qu’assurément allait venir Fantômas, et Juve achevant son raisonnement avait conclu :

– C’est chez Gauvin que je l’attendrai et que nous nous retrouverons !

Il était environ cinq heures du soir, lorsque le policier prenait cette décision à l’entrée du village de Domène ; à six heures trente-cinq il pénétrait dans l’étude de Gauvin.

À la grande surprise de Juve, les bureaux qui étaient vides semblaient abandonnés. On avait l’impression que quelque chose de subit et d’anormal s’était produit qui avait déterminé le départ des clercs, même celui du patron.

Certes, Juve, pour parvenir jusqu’à l’étude, n’avait pas cherché à se faire remarquer, bien au contraire. En fait, il n’était pas entré par la porte donnant sur la rue, qui peut-être était fermée, vraisemblablement même l’était : il avait pénétré par une fenêtre du rez-de-chaussée donnant sur un jardinet.

– Après tout, se dit Juve qui tenait à se rassurer, les gens sont honnêtes à Grenoble, et peut-être les employés ont-ils quitté l’étude simplement parce que c’était pour eux l’heure de s’en aller, et sans éprouver le désir, la nécessité de ranger un peu plus soigneusement leurs papiers.

Mais tout à coup, Juve blêmit.

– Mon Dieu, songea-t-il, pourvu que Fantômas ne m’ait point précédé et que ce désordre ne soit pas le résultat du passage du bandit !

Cette idée était à peine esquissée dans le cerveau de Juve, qu’elle y germait aisément, se développait.

Le policier grinçait des dents ;

– Mais oui, parbleu ! C’est évident ! Fantômas est déjà venu… Fantômas, de gré ou de force, a contraint Gauvin à lui livrer l’enveloppe cachetée contenant la fortune de M me Rambert… Les clercs se sont enfuis épouvantés.

Et Juve, avec une stupéfaction croissante, un désespoir sans cesse augmentant, considérait, les yeux arrondis, terrifiés, le cabinet de M e  Gauvin dans lequel régnait en effet un extrême désordre.

Les placards étaient ouverts ; des dossiers s’échappaient d’une armoire mal fermée ; les tiroirs du bureau ministre occupant le milieu de la pièce étaient entrebâillés, et il y avait enfin, dans un angle du cabinet, une immense malle qui semblait là attendre qu’on vienne la remplir de papiers ou de vêtements, en prévision d’un long voyage.

Juve, dont le désespoir n’atténuait pas les instincts de curiosité, regardait de tous côtés, puis, fiévreusement, il se mit à fouiller les papiers épars autour de lui.

Il jetait à bas d’un rayon toute une liasse de dossiers, furieux de ne point trouver le document qui l’intéressait.

Il vida toute une armoire sans meilleur résultat, mais soudain il poussa un cri de triomphe et s’agenouilla devant un tiroir du bureau de Gauvin.

De ce tiroir, en effet, émergeait une grande enveloppe jaune, toute ornée de cachet. Or, sur cette enveloppe, il y avait écrit : Dépôt de M me  Verdon.


Sans le moindre scrupule, le policier brisait les cachets, déchirait l’enveloppe ; il poussa un hurlement de joie.

À l’intérieur, se trouvaient des papiers multicolores que le policier reconnaissait fort bien pour être les titres déposés par M me Verdon.

– Dès lors, s’écriait Juve, Fantômas n’est pas encore passé par ici ! Fantômas n’est pas venu ! Il va donc venir, je n’ai plus qu’à l’attendre…

Juve, d’un geste calme, décidé, vidait jusqu’au bout l’enveloppe et il en fourrait le contenu dans sa poche.

– Maintenant, articula-t-il, Fantômas sera obligé de me tuer s’il veut prendre la fortune qui appartient à la mère de Fandor !

Le policier s’arrêtait net ; il prêta l’oreille.

Un léger bruit se percevait au-dehors. On entendait des pas frapper sur le sable, dans le jardinet voisin.

– C’est lui ! pensa Juve, à nous deux !

Le policier se demandait d’abord s’il fallait demeurer dans la pièce et attendre de pied ferme l’arrivée du bandit.

– Non, se dit-il ensuite, je veux savoir exactement les intentions de Fantômas. Et puis, à vrai dire, je peux bien me payer le luxe de jouir de sa déconvenue !

Juve venait d’aviser la fameuse malle qu’il avait remarquée quelques instants auparavant et qui était bien suffisamment grande pour que l’on pût y dissimuler quelqu’un.

Sur le premier rayon de cette malle, le policier entassait des dossiers, puis il se mettait à l’intérieur, ayant bien soin de dérober la clef, afin que l’on ne puisse pas l’enfermer dans cette prison d’osier dont il se faisait provisoirement le bénévole prisonnier.

Juve avait éteint l’électricité dans la pièce dès lors plongée dans l’obscurité, et il attendit..

Le bruit qu’il avait perçu précédemment se précisait plus net, plus fort.

La porte du cabinet par laquelle Juve précédemment était entré grinça lentement sur ses gonds ; puis, quelqu’un tourna le commutateur et le cabinet du notaire s’illumina.

Juve, par les interstices de la malle d’osier dans laquelle il se cachait, avait aperçu le nouvel arrivant, et, malgré lui, il ne put réprimer un mouvement de dépit.

– Ce n’est que lui !… fit-il.

Et, en prononçant ces paroles, lui signifiait pour Juve n’importe qui, excepté Fantômas ! En fait, c’était le notaire lui-même qui rentrait dans son cabinet, c’était Gauvin…

Le jeune homme ne paraissait pas autrement étonné du désordre qui régnait dans son bureau.

Juve l’observa.

Gauvin avait l’air soucieux, préoccupé, farouche.

– Sa tête ne me revient pas ! pensa Juve.

Le policier, en effet, se méfiait du jeune notaire, auquel il avait trouvé, à maintes reprises, des attitudes bien bizarres.

Gauvin vint s’asseoir devant son bureau, puis sortit son portefeuille et examina longuement une sorte de petit carnet multicolore qu’il y avait enfermé.

De l’endroit où il se trouvait, Juve pouvait lire les principales inscriptions de ce carnet.

Et, au fur et à mesure que Gauvin tournait les pages, Juve se rendait compte de la nature du document.

C’était un billet de chemin de fer, mais non point un billet ordinaire ; c’était un de ces carnets spéciaux comme on en a pour les voyages circulaires, ou alors les lointains trajets.

Juve lisait :

Paris-Bruxelles, Bruxelles-Anvers, Anvers-Londres, Londres-Liverpool, Liverpool-Rio de Janeiro.

– Qu’est-ce que cela signifie ? se demandait le policier. Est-ce que Gauvin, par hasard, aurait l’intention…

Il prêta l’oreille ; le jeune notaire, qui venait de s’emparer d’un indicateur et qui le feuilletait fiévreusement, monologuait à mi-voix :

– Demain matin, je serai à Paris, demain soir à Londres en passant par Anvers ; lundi dans la nuit, je serai à bord du navire qui m’emmène au Brésil, et bien tranquille… L’étude ferme le dimanche, on ne s’apercevra de mon départ que lundi matin… de mon départ… soulignait Gauvin avec un petit ricanement qui surprenait Juve au plus haut point.

– Ah ça ! se demandait le policier, que médite donc ce suspect tabellion ?

Les circonstances devaient servir Juve et le renseigner pleinement.

Gauvin s’était renversé dans son fauteuil et, désormais, il relisait une lettre écrite de sa main ; il la relisait à haute voix, soulignant la ponctuation.

Or, elle était ainsi conçue :


Monsieur le procureur général,

À l’heure où vous recevrez cette lettre, le soussigné Gauvin, notaire à Grenoble, aura cessé d’exister.

Ne cherchez pas mon corps ; la mort que j’ai décidé de me donner aura pour conséquence sa disparition.

Si je mets un terme à mon existence, c’est parce que je viens d’être victime d’un vol affreux, qui non seulement me ruine, mais encore ruine mes chers clients.

Je ne puis survivre à ce coup terrible du sort, et je préfère disparaître de ce monde. Qu’on excuse cet acte de désespoir, qui m’est inspiré par les circonstances !


– Oh ! oh ! pensa Juve, je m’étais toujours dit que ce petit Gauvin était une fameuse fripouille ; je commence à croire que je ne me suis point trompé !… Qu’est-ce que signifie cette comédie ?

Gauvin, cependant, très satisfait des termes de sa lettre, ricanait joyeusement :

– Pas mal ! pas mal ! monologuait-il. Lorsqu’on trouvera cette lettre, que l’on verra le désordre qui règne dans l’étude, et surtout que l’on s’apercevra qu’il n’y a plus un sou en caisse, que tous les titres en dépôt ont disparu, nul ne s’avisera de songer que le véritable voleur est celui qui prétend s’être donné la mort pour ne point survivre au déshonneur !

– Très bien ! ponctuait Juve, de mieux en mieux ! Gauvin, mon ami, j’ai comme une vague idée que ce soir, au lieu de rouler dans la direction de Paris, tu vas faire connaissance avec les cachots de la prison de Grenoble !

Gauvin, cependant, se levait.

Brusquement, il marcha vers la malle dans laquelle était Juve.

– Oh ! oh ! pensa le policier, cela va se gâter !

Désormais, Gauvin était trop près de lui pour que Juve put voir ce qu’il faisait. Il ne s’en rendit pas bien compte, d’ailleurs. Il entendait comme le bruissement de quelque chose glissant sur le long de la malle à l’extérieur, puis un claquement sec.

Gauvin, d’ailleurs, s’éloignait, revenait auprès de son bureau et se penchait vers le tiroir dans lequel, quelques instants auparavant, Juve avait pris le papier appartenant à M me Rambert.

Un cri de rage retentit…

Gauvin venait de voir, au milieu du tiroir, l’enveloppe déchirée qui avait contenu les titres de sa cliente.

Il eut d’abord un recul de stupeur.

– Nom de Dieu de nom de Dieu ! jura-t-il ensuite, c’est moi qui suis volé !

Et, dès lors, il se laissait tomber dans un fauteuil ; il haletait.

Toutefois réagissant contre l’émotion, Gauvin bondissait à nouveau hors du siège dans lequel il s’était laissé choir. Il s’agenouillait devant le tiroir, il le vidait avec une hâte fébrile.

– C’est pas possible !… grognait-il, je me trompe… je suis fou…

Hélas, Gauvin devait reconnaître que les titres dont il voulait s’emparer avaient déjà trouvé preneur.

Gauvin devint très pâle.

Il se releva, croisa les bras, réfléchit un instant.

– Après tout, articula-t-il d’une voix sèche, je n’ai plus qu’une chose à faire, porter plainte, puisque je suis réellement volé, il va falloir qu’on trouve le voleur !

Il semblait que le visage du notaire s’éclaircissait soudain.

Il s’était demandé un instant à qui il fallait s’adresser, une idée germait dans son cerveau.

– Parbleu ! articulait-il presque joyeux, je sais comme tout Grenoble que Juve est au Modem Hôtel, qu’est-ce que j’attends pour aller le prévenir ?

Malgré tout Juve avait envie de rire au fond de sa malle.

– Allons, fit-il, c’est le moment ou jamais d’intervenir… et puisque Gauvin a besoin de moi…

Le policier faisait un mouvement brusque, convaincu qu’il n’avait qu’à se dresser pour soulever le couvercle de la malle, mais, à sa grande surprise, celui-ci résista.

L’osier cependant avait craqué, et Gauvin bondissait en arrière terrifié.

Son visage devint livide.

– Ah nom de Dieu ! balbutia-t-il.

Puis, avant que Juve ait le temps de dire un mot, le notaire épouvanté bondissait jusqu’à la porte de son cabinet, et Juve l’entendait fermer la serrure à double tour. Le policier, de nouveau, était seul dans la pièce, seul aussi au fond de la malle qu’en vain il cherchait à ouvrir, sans comprendre pourquoi le couvercle résistait.

Et, tout d’un coup, Juve se souvint que quelques instants auparavant Gauvin s’était approché de sa cachette. Juve avait entendu un léger bruissement, suivi d’un claquement sec, et tout d’un coup le policier comprit.

– Imbécile que je suis ! grommela-t-il, j’avais bien retiré la clé de la serrure pour qu’on ne ferme point la malle dans laquelle je me trouve, mais j’avais oublié les courroies et ce sont les courroies qu’a dû mettre Gauvin tout à l’heure… oh, bougre de bougre ! Me voilà désormais dans la plus ridicule des situations !…




Chapitre XXII


Enfin réunis !

Courant à perdre haleine, le jeune notaire Gauvin fonçait dans la nuit noire…

Les bureaux de l’étude qu’il possédait à Grenoble se trouvaient dans une maison isolée, au milieu d’un jardin, fort spacieuse, fort agréable à habiter, mais qui présentait l’inconvénient d’être quelque peu éloignée de la ville.

Elle se trouvait sur la large avenue plantée d’arbres qui mène en droite ligne de Grenoble au pont de Clais, avenue fréquentée pendant le jour, mais fort déserte le soir, dont l’obscurité s’aggrave du manque de réverbères, et de l’épaisseur des branches d’arbres qui forment, au-dessus de la route, une épaisse voûte de verdure.

C’était sur ce chemin que courait le notaire Gauvin.

Il allait sans chapeau, à perdre haleine, fuyant, avec une émotion indicible, son propre domicile.

La surprise qu’il venait d’éprouver était en effet véritablement extraordinaire. Et il l’avait ressentie avec d’autant plus de violence, que ses intentions, au moment où cette surprise s’était produite, étaient fort loin d’être pures.

Gauvin, en effet, ne méditait-il pas de s’enfuir à l’étranger avec les plis et les valeurs que certains de ses clients les plus fortunés lui avaient confiés en dépôt ?

Le jeune notaire avait calculé, en effet, que s’il emportait ce jour-là les valeurs dont il avait la garde, il était à peu près certain de partir avec deux millions au bas mot.

Cela avait déterminé sa décision, étant donné que par suite de sa conduite déréglée, le notaire Gauvin voyait péricliter sans cesse son étude.

Or, Gauvin avait tout préparé pour sa fuite, il avait réglé une indigne mise en scène, pour faire croire qu’il se donnait la mort, et laisser entendre qu’il venait d’être victime d’un vol audacieux, lorsque tout d’un coup, il s’était aperçu que ce vol qu’il imaginait, étant lui-même son propre voleur, quelqu’un d’autre l’avait commis en réalité !

Cette fois, Gauvin n’éprouvait plus le désir de faire croire qu’il s’était suicidé, et n’ayant pas d’argent il ne pouvait pas s’enfuir.

Au surplus, où serait-il allé sans la fortune qu’il convoitait ?

Dès lors, le premier mouvement de stupeur passé, Gauvin avait décidé de s’en aller tout simplement porter plainte à la police et de faire connaître le vol dont il était la victime.

Or, au moment précis où il prenait cette décision, Gauvin qui était alors dans son cabinet, avait entendu des bruits suspects, il en concluait aussitôt que le voleur n’avait pas encore quitté son domicile. Pris d’une terreur subite, en même temps que d’un vif espoir de s’en emparer, Gauvin était sorti de son bureau, fermant la porte à clé, et désormais, allait chercher du secours.

Les sergents de ville sont rares à Grenoble, cité paisible, bourgeoise, et Gauvin n’ignorait pas que le commissariat de police auquel il aurait dû s’adresser, se trouvait à l’autre bout de la ville.

Le notaire ne voulait pas s’y rendre, étant d’ailleurs à peu près convaincu que, si rapide que fût la police, elle n’arriverait pas assez tôt pour s’emparer du voleur.

Il valait donc mieux faire procéder à une enquête minutieuse et tâcher de découvrir le coupable par des procédés moins radicaux peut-être que ceux résultant de l’arrestation immédiate, mais plus techniques, plus scientifiques.

Et Gauvin avait songé tout de suite de s’adresser à Juve, dont il connaissait, par les journaux, la présence à Grenoble.

Au bout de dix minutes d’une course affolée, le notaire arrivait haletant au Modem Hôtel.

Sans se soucier de l’effarement qu’il causait au portier qui voyait soudain en face de lui cet homme sans chapeau, couvert de sueur et de poussière, Gauvin lui demanda :

– Le numéro de la chambre de Juve ?

– Le 132, articula le gardien.

Il allait ajouter quelque chose et prévenir Gauvin que ce monsieur n’était pas dans sa chambre, mais le notaire avait déjà bondi dans l’ascenseur !

Au groom chargé de la manœuvre, il donnait le numéro de la chambre de Juve, et l’ascenseur le hissait en quelques secondes jusqu’au quatrième étage.

Un tableau de numéros de chambre, placé sur le palier, bien en évidence, indiquait à Gauvin de quel côté se trouvait le 132.

C’était, tout à l’extrémité d’un couloir, une pièce assez vaste occupant l’angle du bâtiment.

– Si Juve n’est pas là, pensait Gauvin, je l’attendrai jusqu’à ce qu’il revienne.

Le notaire, entendant un bruit de voix dans le voisinage, appela le valet de chambre dans le but de se faire annoncer.

Le bruit de voix continua, augmentant sans cesse d’ailleurs, mais personne ne répondit à l’appel de Gauvin, qui alla frapper à la porte de Juve et n’obtint point de réponse.

Gauvin revint sur ses pas.

On parlait dans la chambre voisine au 134, et instinctivement, le notaire prêta l’oreille, stupéfait par les propos qu’il entendait échanger.

Il regarda par la fente de la porte entrebâillée et aperçut deux hommes l’un en face de l’autre qui s’apostrophaient.

L’un d’eux était le garçon de l’étage et ce domestique opposait de violentes dénégations à un homme vêtu d’une robe noire que Gauvin reconnaissait être un religieux.

Or, ce religieux, d’une voix pressante, articulait, s’adressant au garçon d’hôtel :

– Alors, comme ça, mon ami, tu t’appelles Sulpice ? C’est très bien, tout le monde ne s’appelle pas Sulpice ; c’est un beau nom confit dans la dévotion. Saint Sulpice, je ne connais que ça… Eh bien, puisque tu t’appelles Sulpice, tu vas me rendre un service…

– Ma foi, monsieur l’abbé, répliquait le valet de chambre, je ne demande pas mieux, que s’agit-il donc de faire ?

L’homme en robe noire protestait, grommelait entre ses dents :

– Sacré nom d’un chien, je t’ai déjà dit de ne pas m’appeler M. l’abbé. Je ne le suis pas, que diable !

– En tout cas, repartait le garçon, vous en avez l’apparence !

– Pas du tout, pas du tout !… hurla son interlocuteur, et c’est justement ce qui m’assomme. D’ailleurs, cela ne te regarde pas, que je sois ou non un abbé ; voilà un billet de cinquante francs, avec lequel, mon ami Sulpice, tu vas descendre jusqu’au premier magasin de nouveautés et m’acheter un costume civil. Civil… entends-tu bien ? Une veste, un gilet, une culotte… Je ne veux plus porter la robe…

Sulpice semblait hésiter.

– À cette heure-ci, les tailleurs sont fermés…

Son interlocuteur insistait.

– Fais-les ouvrir, débrouille-toi !

– Pourquoi n’y allez-vous pas vous-même ?

– Si on te le demande, tu répondras que tu n’en sais rien. En tout cas, l’essentiel c’est que tu fasses ma commission.

Il était évident que la proposition que faisait au garçon d’hôtel son étrange voyageur ne le satisfaisait pas outre mesure.

Sulpice se gratta le nez qu’il avait fort long, passa ses doigts osseux dans sa chevelure rousse, puis, tremblant de tout son corps, il prenait une décision formelle et grave. Il rétorqua d’une voix sourde :

– Tout ça, c’est des combinaisons qui ne sont pas claires ; vous n’êtes pas un prêtre et vous en portez l’habit, vous voulez qu’on vous achète des vêtements civils et vous n’osez pas aller vous les chercher vous-même… Je ne suis pas rassuré ! Dans les hôtels, il vient toute sorte de gens, et peut-être bien que vous êtes un malfaiteur ou quelque criminel qui cherche à dérouter la police. Moi, je vais vous dire une bonne chose : reprenez vos cinquante francs, et je m’en vais aller prévenir la police qu’elle ait à venir vous rendre visite !

Sulpice tournait les talons, se disposait à quitter la pièce, il poussa soudain un cri étouffé. Le voyageur à la robe noire s’était précipité vers lui, le prenait par le bras, l’obligeait à rebrousser chemin, à s’asseoir dans un fauteuil.

– Au secours ! commença le domestique terrifié.

Mais le voyageur lui imposait silence, d’un geste énergique.

– Si tu prononces une parole, si tu pousses un cri dorénavant, sinistre imbécile que tu es, je t’étrangle de mes propres mains !

» Et maintenant que te voilà rassuré, écoute-moi !

» Je te défends d’aller chercher la police, pour cette bonne raison que j’en suis ou tout comme. Toutefois, il y a un policier que je t’autorise à faire venir ici, et au besoin même je t’ordonne d’aller lui demander de venir. C’est mon voisin de chambre, c’est M. Juve, l’inspecteur de la Sûreté qui m’attend !

– Qui vous attend ? répliqua Sulpice hébété.

– Qui m’attend, oui, parfaitement, précisa le bizarre personnage. Lorsque tu le verras, tu lui diras que c’est Jérôme Fandor !

À ce nom, Sulpice bondissait.

– Jérôme Fandor ! cria-t-il, est-ce possible ? Jérôme Fandor, le journaliste, Jérôme Fandor, l’adversaire de Fantômas !

– En personne, oui, sinistre crétin !

– Ah, monsieur !… monsieur !… Permettez que je vous regarde, que je vous admire… balbutiait Sulpice au comble de la stupéfaction. Voilà longtemps déjà que je lis dans les journaux votre nom, que je connais vos aventures et que je désire avoir le plaisir et l’honneur de me trouver en face de vous…

– Eh bien, tu y es, grosse bête !

– Ah ! monsieur Fandor… monsieur Fandor… M. Juve est sorti, mais il ne doit pas être loin, je cours à sa recherche !

Et, absolument enthousiasmé, Sulpice bondissait hors de la chambre, dégringolait l’escalier à toute allure ; son interlocuteur demeurait abasourdi au milieu de la pièce.

– Eh bien, par exemple, murmura-t-il, je ne me croyais pas si populaire !

Soudain, il se frappa le front.

– Eh ! mais l’animal m’emporte mon argent ! Il ne m’a pas rendu mes derniers cinquante francs. Sulpice !… Sulpice !

Le voyageur courait jusqu’à la porte, il se heurta brusquement à quelqu’un qui entrait.

– Espèce d’imbécile ! s’écria-t-il, vous ne pourriez pas faire attention ?

Et il ajoutait avec une ironie railleuse :

– Vous ne voyez donc pas que vous venez de bousculer un saint homme de prêtre ?

Mais le saint homme de prêtre partait d’un grand éclat de rire, en apercevant le personnage avec lequel il s’était si brutalement rencontré.

– Ah par exemple ! fit-il, Gauvin, vous, Gauvin !

C’était en effet le notaire qui pénétrait dans la pièce, après avoir entendu la conversation qui s’était achevée par le départ de Sulpice.

Le notaire tendit la main à l’homme à la robe noire.

– Fandor, monsieur Fandor ! Ah que je suis donc heureux de vous rencontrer ici ! Précisément je cherche M. Juve pour une affaire urgente.

Gauvin cependant reculait, considérait le journaliste, car c’était bien lui, avec une surprise non déguisée.

– Ah ça ! proféra-t-il, comment se fait-il que vous portiez ce costume d’église ?

– Ça, déclara Fandor, c’est toute une histoire. Mais vous avez l’air bouleversé, mon ami Gauvin. Que vous est-il donc arrivé, et pourquoi donc cherchez-vous Juve ?

– Pour arrêter un malfaiteur. Je viens d’être volé !

– De combien ? demanda Fandor.

– Un million, deux peut-être…

– Bougre ! fit le journaliste, et l’auteur de ce vol, c’est ?…

– Je n’en sais rien, fit Gauvin, mais quelqu’un d’audacieux, à coup sûr !

Fandor désignait un siège au notaire, lui-même s’installait dans un fauteuil.

– Racontez-moi ça, fit-il. En attendant Juve, nous avons le temps de bavarder.

Comment Fandor se trouvait-il à Grenoble ?

Et comment portait-il encore le costume qu’il avait dérobé dans le vestiaire de Notre-Dame ?


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