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Le Cadavre Géant (Гигантский кадавр)
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Текст книги "Le Cadavre Géant (Гигантский кадавр)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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Fandor, revenant à lui, entendait comme dans un rêve ces extraordinaires paroles.

Au même instant, la sensation désagréable de quelque chose de violent qu’on lui forçait à respirer le rappelait à une réelle connaissance des choses.

Le journaliste, ouvrant les yeux, promenait d’abord un vague regard autour de lui. Il se vit dans un petit bureau assez sombre, éclairé par un bec de gaz clignotant, chauffé par un poêle qui dégageait de malsaines odeurs.

Il était étendu sur un banc, quelqu’un qu’il ne connaissait pas se penchait sur lui. À deux pas de lui, en revanche, il reconnaissait Léon, le dévoué sous-ordre de Juve qui, précisément, s’occupait à gourmander de terrible manière un groupe de pauvres bougres aux mines piteuses, qui n’osaient rien répondre.

Fandor vit tout cela, s’assit sur son séant, n’écouta pas l’interrogation de l’homme qui le soignait, et qui lui demandait comment il allait, interrogea au contraire à son tour :

– Eh bien, Léon, demandait Fandor, où diable est Fantômas ?

Or, Léon, à ces mots, se retournait tout d’une pièce, courait au journaliste.

– Ah ! monsieur Fandor, monsieur Fandor, confessait l’inspecteur de la Sûreté, jamais je ne me consolerai de ce qui vient d’arriver. Figurez-vous que les agents de la Sûreté, mes agents, ceux que j’ai pu emmener, car maintenant je suis principal, sont des débutants. Votre dépêche disait que Fantômas était habillé comme un voyou. Sauf votre respect, quand ils vous ont vu, vous, monsieur Fandor, vêtu d’une salopette, vous précipiter sur le Roi du crime, si merveilleusement habillé, ils ont cru que c’était vous Fantômas, et que Fantômas, c’était Fandor !… Les imbéciles ! continuait Léon, c’est sur vous qu’ils ont cogné, c’est vous qu’ils ont arrêté ; Fantômas, profitant du tumulte, a trouvé moyen de disparaître !

La voix de Léon tremblait, cependant qu’il avouait ainsi la maladresse de ses hommes. Il était évidemment désespéré. C’était sur un ton de tristesse infinie qu’il interrogeait Fandor.

– Au moins, vous ne vous sentez pas trop blessé ? Ils ne vous ont pas démoli, les imbéciles ?

Fandor, pour toute réponse, haussa les épaules. Le chagrin de Léon l’apitoyait. Il savait bien que l’inspecteur avait tout fait pour empêcher l’effroyable méprise, il ne pouvait donc pas lui en vouloir.

Et, tranquillement, sur un ton badin, Fandor finissait par déclarer :

– Que voulez-vous, mon pauvre Léon ? On ne l’a pas nommé l’insaisissable pour rien… Et puis, tant pis ma foi, nous recommencerons ! Quant à moi, je vous avouerai une bonne chose, c’est que j’ai une foulure à la cheville, que j’avais besoin d’un massage, et que la tripotée que j’ai reçue m’en tiendra lieu. Tout de même, ils y allaient bon jeu bon argent, vos hommes !

Et faisant un peu la grimace, Fandor se frottait les côtes…




Chapitre XII


L’identité introuvable

Qu’était-il advenu de Juve cependant, et comment se faisait-il que le policier, l’inséparable ami de Fandor, ne s’était pas trouvé à la gare du Nord pour concourir à la capture de Fantômas ?

Il y avait évidemment à cela de graves raisons, et ce n’était point par hasard que Juve était absent.

Aussi bien le policier depuis quelque temps menait une existence qui, pour n’avoir pas été aussi tragique que celle de Fandor, n’en était pas moins cependant des plus agitées.

Juve, en effet, demeuré seul dans le wagon où il relevait un cadavre qu’il croyait être le cadavre de Jérôme Fandor, avait connu pendant quelques secondes la plus terrible des douleurs.

Juve, en effet, avec une promptitude d’imagination, qui n’était pas surprenante de sa part, inventait alors tout un terrible drame, tout un formidable imbroglio, qui le plongeait dans un réel désespoir.

– Et si Fandor n’a point repris le train, pensait-il, c’est qu’il a rencontré Fantômas ! Fantômas l’a tué, l’a rapporté dans ce wagon, puis a dû rester à Anvers… Et moi, hélas ! me voilà embarqué pour Bruxelles incapable de rien faire pour venger Fandor, bon tout juste à sangloter…

De fait, l’excellent Juve, en dépit de toute son énergie, sentait de lourdes larmes s’amasser sous ses yeux.

Il ne prêtait pas attention à l’épouvante des voyageurs qui, hurlant d’effroi, s’enfuyaient du compartiment.

Il attachait ses yeux sur la dépouille de Fandor, il contemplait les traits blafards du cadavre, il les contemplait avec la fixité d’un désespoir absolu…

Or, tandis qu’il considérait ainsi le cadavre qu’il croyait être le cadavre de son ami, Juve, brusquement, sursautait :

Ah, ça ! Était-il donc victime d’une ressemblance, d’une erreur, d’une incompréhensible mystification ? Ne devenait-il pas fou, plutôt ?

Juve, émotionné au plus haut point, se prenait à douter du témoignage de ses sens, de sa propre pensée même, tant sa surprise était profonde.

– Morbleu, je me trompe ? maugréait-il.

Mais à ce moment les larmes, comme par enchantement se tarissaient sous ses paupières.

Juve, brusquement, comprenait la méprise.

Fandor, ce cadavre qu’il relevait ? Eh non, ce n’était pas Fandor !

Juve, maintenant, penché sur le mort, s’étonna même d’avoir pu être victime d’une semblable erreur…

Il démasquait la lampe scellée au plafond du compartiment, il retournait considérer le mort qu’il venait de coucher tout de son long sur la banquette.

Et Juve alors, stupéfait de plus en plus, commençait à comprendre les causes de son extraordinaire erreur.

Le mort, évidemment, ressemblait à Fandor. Il s’agissait d’un jeune homme du même âge, d’une corpulence analogue, dont les traits se rapprochaient singulièrement de ceux du journaliste…

Toutefois, si la confusion avait été possible, si Juve s’était ainsi abusé, c’était en vérité que la ressemblance naturelle avait été merveilleusement augmentée, par le plus habile, le plus sinistre des maquillages.

Mais qui donc avait pu ainsi farder un cadavre, le grimer, oser cet effroyable sacrilège ? Oh ! Juve n’avait point besoin dès lors de réfléchir longuement. Il n’y avait qu’un homme au monde qui fut capable de concevoir et de réaliser un si abominable projet !

Cet homme, c’était Fantômas… le Roi du crime, le Maître de l’épouvante, c’était le Tortionnaire, c’était le monstrueux bandit qui se déclarait lui-même le Maître de tous et de tout !

Juve, demeuré seul dans son compartiment, cependant que tout le train commentait l’aventure, cependant que les voyageurs s’écrasaient dans le couloir, ne laissant pas même place aux employés de la Compagnie, Juve inventait bien des choses.

Évidemment, Fandor avait eu raison lorsqu’il avait cru entendre, quelque temps avant d’arriver à Anvers, la voix de Fantômas. Il était bien réel que Fantômas se trouvait alors dans le train, il était même probable que le bandit avait dû apercevoir Fandor, avait dû noter dans quel compartiment il se trouvait.

– Il nous a vus, s’avoua Juve. Il a noté notre présence. C’est bien volontairement qu’il a dû même se faire entendre par Fandor… Et si Fandor n’a point rejoint le train, c’est sans doute qu’il est actuellement sur la piste de Fantômas.

Juve ne se trompait pas, puisque, au même moment, et sans qu’il pût le savoir, Fandor était précisément en train de pourchasser Fantômas dans l’automobile qu’il volait au bandit.

Rassuré désormais sur le sort de Fandor, Juve se demandait comment il était possible que Fantômas eût pu amener un cadavre dans le train. Or, voilà qu’en examinant de tous côtés le compartiment où il se trouvait, Juve apercevait, dans le filet, abandonnés là, des vêtements qu’il reconnaissait sans peine.

– Miséricorde, gronda le policier. Il s’agit d’un corsage et d’une jupe de femme… Parbleu, ce sont les vêtements qui habillaient la vieille dame qui s’embarqua avec un paralytique à Amsterdam !

Il n’était donc pas difficile pour Juve de deviner la vérité.

Il éventait vite, en effet, la ruse à laquelle avait eu recours Fantômas. Il soupçonnait que le soi-disant paralytique était en réalité le cadavre, et même, il découvrait comment il se faisait que lui, Juve, venait en somme de se tromper de compartiment, prenant place dans celui où était Fantômas, alors qu’il s’était imaginé s’installer dans celui où Fandor avait voyagé.

Le train n’avait-il pas, en effet, changé de sens de marche en partant d’Anvers ? La locomotive, attelée en tête, avait été remplacée par une locomotive attelée en queue. Juve était bien toujours dans le dernier compartiment du wagon, mais ce compartiment avait changé, c’était celui qui s’était trouvé tout d’abord être le premier.

Ce détail, toutefois, n’avait qu’une très relative importance. Ce qui pressait Juve, en effet, ce qui l’angoissait maintenant, c’était de deviner qui était ce mort qu’il avait devant lui, ce mort qui n’était pas Fandor, ce mort que l’on avait grimé, que l’on avait si bien grimé même, qu’il serait sans doute à jamais impossible d’enlever les fards incrustés dans la chair du visage glacé pour toujours.

Juve en était là de ses réflexions, lorsqu’une main se posait sur son épaule.

– Qui êtes-vous ? lui demandait-on.

C’était le chef de train qui, prévenu par la rumeur publique, faisait son apparition.

Juve, à vrai dire, le reçut fort mal. Il avait bien autre chose à faire qu’à renseigner les importuns. Aussi se contentait-il tout bonnement de hausser les épaules de repousser le pauvre employé, d’articuler enfin :

– Vous, mon bonhomme, fichez-moi le camp… Fermez la portière, tirez les rideaux bleus, faites-moi réserver le wagon.

Et comme ses ordres eussent été incompréhensibles de la part de l’inconnu, Juve mettait sous les yeux de l’employé stupéfait sa carte d’inspecteur de la police.

– Obéissez, faisait-il… Service de la Sûreté… D’ailleurs, je suis accrédité en Belgique, voici la lettre qui le prouve. De plus, le wagon est français, et, par conséquent…

L’employé n’en demandait pas plus.

C’était un vieux chemineau qui perdait absolument la tête. Il ne pensait nullement à désobéir à Juve, il ne pensait guère à le questionner ; son seul désir était de s’en aller au plus vite et d’échapper à toutes les responsabilités, à tous les ennuis, dont il prévoyait naturellement la très imminente menace.

– À vos ordres, répondit-il.

Là-dessus, il disparut.

Juve, à nouveau, était seul avec le cadavre. Il y resta jusqu’à ce que le train stoppe en gare de Bruxelles. Là, il faisait mander le commissaire spécial et, rapidement, en deux mots, le mettait au courant de la situation.

– Au point de vue droit, disait Juve, il est certain, monsieur le commissaire, que le crime ayant été commis en Belgique, c’est à vous qu’il appartient d’instrumenter. Toutefois, vous savez combien les affaires de Fantômas sont des affaires compliquées, et combien la justice française s’en est préoccupée… J’ai en poche, émanant de votre ministre de la Justice, une autorisation de requérir la police belge et d’agir au mieux des intérêts généraux. Voulez-vous, en conséquence, m’autoriser à ramener ce cadavre en France, cela simplifiera les formalités, et, naturellement, cela m’aidera dans la tâche que je poursuis ?

Juve avait évidemment toutes les chances du monde de ne point obtenir ce qu’il demandait. Par bonheur, il s’adressait à un fonctionnaire qui était, sans qu’il s’en doutât, l’un des ses plus enthousiastes admirateurs.

Le commissaire de police de la gare de Bruxelles ne demandait donc pas mieux que de faciliter la tâche de Juve. La police bruxelloise avait eu récemment fort à faire avec le crime simulé par Fantômas, grâce à la complicité de Ma Pomme. Les recherches étaient naturellement demeurées infructueuses, on ne devait évidemment pas tenir beaucoup, en haut lieu, à recommencer l’instruction d’une affaire qui semblait au moins aussi délicate.

– Faites comme vous le jugerez bon, décida immédiatement le commissaire de police. L’autorisation dont vous me parlez couvre ma responsabilité, je vous laisse donc entièrement libre…

Un quart d’heure plus tard, on attelait en queue du train de Paris un wagon supplémentaire dans lequel on transportait le cadavre que Juve ne quittait pas une minute.

Et lorsque l’express repartait, Juve, à nouveau, seul avec ce mort, commençait à le considérer, à l’interroger presque, voulant lui arracher son secret, savoir son nom, deviner pourquoi et comment il était tombé sous les coups de Fantômas…

Or, il était vraiment dit que Juve irait, en ses enquêtes, de surprise en stupéfaction.

Comme il promenait, en effet, les rayons de sa lampe électrique sur le visage du mort, Juve, brusquement, sursautait.

Parbleu, s’il faisait abstraction de certaines modifications apportées par le maquillage, s’il imaginait noirs les yeux bleus que l’on avait pu injecter, s’il supposait châtain foncé les cheveux que l’on avait pu teindre, si, par la pensée, il allongeait la pointe des moustaches rasées courtes, voilà que le mort, en son esprit, prenait une tout autre apparence, ne ressemblait plus à Fandor, incarnait au contraire aux yeux du policier, un personnage qui précisément l’avait déjà fort intrigué.

– Mais je sais qui c’est ! finit par se jurer Juve… je ne me trompe pas, ce cadavre, c’est le cadavre d’un certain Daniel, de ce mystérieux personnage qui fréquentait la pègre d’Amsterdam, qui semblait être un policier, et dont Fandor et moi avions déjà, à plusieurs reprises, noté la bizarre attitude.

Hélas ! si Juve reconnaissait à merveille le cadavre pour être le cadavre de Daniel, il n’était guère plus avancé après cette découverte.

Qui était au juste ce Daniel ? Pourquoi s’était-il rendu à Amsterdam ? Dans quel but avait-il l’air de se livrer à d’extraordinaires enquêtes ? Était-ce un ami ou un ennemi ?

– Morbleu ! je n’en sais rien, déclarait Juve, mais je le saurai !

Avec sa ténacité habituelle, en effet, Juve décidait immédiatement de n’avoir cesse ni repos qu’il n’eût réussi à éclaircir complètement l’étrange aventure dont il était le témoin et la victime un peu.

Ce mort que l’on avait grimé, ce mort qui était la cause involontaire de la plus effroyable angoisse de sa vie, ce mort qui lui avait fait croire au trépas de Jérôme Fandor, Juve le vengerait, Juve finirait par le faire parler !

Et, dès lors, mettant à profit les heures qui lui restaient avant d’arriver à la gare du Nord, le policier, seul dans le wagon mortuaire, un fourgon vide dans lequel on avait déposé la civière, se livrait à la plus macabre des enquêtes.

Un par un, il examinait les vêtements du mort ; il cherchait l’adresse du tailleur. Mais le complet sortait d’un grand magasin de nouveautés, et cela devait convaincre Juve du peu de chance qu’il avait de trouver, par cette piste, des indications intéressantes.

Juve n’avait guère plus de chances en examinant les bottines. Elles ne portaient point de marque, ayant été sans doute fabriquées par quelque petit cordonnier à façon, économisant à tout propos…

– Voyons le linge, continua le policier.

Le mouchoir, assez commun, ne portait pas de chiffre ; le caleçon était ordinaire. Juve allait examiner la chemise lorsqu’il renonçait à cette inspection. Derrière le col, en effet, il apercevait un petit trou fait à coups de ciseau, une déchirure significative. Évidemment, on avait démarqué le linge.

– Fantômas n’oublie rien, soupira Juve.

À ce moment, cependant, le policier se baissait pour ramasser le faux-col qu’une secousse avait jeté sur le sol ; ce faux-col, Juve l’examinait avec attention, et soudain il poussait un cri de stupéfaction.

– Victoire ! murmurait le policier.

Il venait d’apercevoir non point une initiale, car celle-ci avait été enlevée, grattée, mais un petit poinçon suivi d’une série de chiffres assez longue.

Et cela, ce simple détail, c’était pour Juve une indication d’un prix infini.

– Très bien, murmurait-il. Je saurai ce soir comment s’appelle ce mort… Ce faux-col est fourni par un chemisier qui blanchit à l’abonnement, le poinçon l’indique… Le chemisier sera facilement découvert, il me donnera le nom de son client.

À la gare du Nord, Juve, sans la moindre difficulté, car désormais il était dans la préfecture de la Seine et faisait ce que bon lui semblait, ordonnait le transport du cadavre à la morgue.

– Surtout, recommandait-il, qu’on ne le dégrime pas !

Le train avait du retard, il était six heures du soir, Juve laissait partir la voiture emportant la dépouille de Daniel, il sautait dans un taxi, se faisait conduire place de la Bourse chez le chemisier dont il voulait consulter les livres et dont le patron d’une boutique concurrente lui avait immédiatement indiqué l’adresse.

Juve, à ce moment, jouait de bonheur. Chez le chemisier, en effet, il n’éprouvait aucune peine à se faire renseigner. On lui donnait immédiatement le nom du client qui portait le numéro d’abonnement, relevé sur le faux-col. Ce nom était une confirmation absolue des soupçons de Juve : le client s’appelait bien Daniel ; ce n’était même pas son prénom, c’était son nom de famille.

Quel était ce Daniel, par exemple ? Le chemisier ne pouvait le dire. Tout ce qu’il savait, c’est que ce personnage habitait Grenoble, où il lui envoyait régulièrement par colis postal ses fournitures, et qu’il devait être employé chez un notaire dont le nom devait être quelque chose comme Cauvin… Mauvin… ou Dauvin…

Or, Juve, en entendant ces mots, pensait tressauter de surprise… Daniel… Grenoble… un notaire… ces renseignements le mettaient au comble du bonheur. Ah ! certes, son enquête ne traînait pas !… Bientôt elle serait terminée, triomphalement achevée, car Juve ne pouvait pas douter des renseignements qu’il recevait.

Juve, en effet, apprenait des choses véritablement sensationnelles.

Le cadavre qu’il avait trouvé était le cadavre d’un certain Daniel. Ce Daniel habitait Grenoble, et il était clerc d’un notaire… Quel était ce notaire ? Oh ! Juve n’avait point besoin de réfléchir beaucoup pour le deviner. Les noms entre lesquels hésitait le chemisier le renseignaient merveilleusement. N’avait-il pas lu tout récemment dans un journal que Théodore Gauvin, fils du regretté M e  Gauvin, avait récemment acheté une charge à Grenoble ?

N’était-il pas évident, dès lors, que c’était de lui qu’il s’agissait ? Ne fallait-il pas même imaginer quelque lien mystérieux, tragique surtout, entre la nouvelle affaire et les anciens incidents qui, jadis, avaient bouleversé la vie du pauvre Théodore Gauvin, alors qu’il était amoureux de la jeune M me Ricard, morte depuis, victime, elle aussi, de Fantômas ?

Juve quitta le chemisier, satisfait mais préoccupé.

– Décidément, murmurait-il, je commence à me douter de bien des choses. Ou je me trompe fort, ou j’aurai bientôt des certitudes…

Dix minutes plus tard, Juve était à la Sûreté, et, en vertu de combinaisons machiavéliques, réussissait à se faire donner la communication téléphonique avec l’étude de M e Gauvin à Grenoble.

L’enquête avançait à pas de géant. Théodore Gauvin, qui répondait à Juve, reconnaissait parfaitement la voix du policier, et se mettait naturellement à son service. Il était bien le patron d’un certain Daniel, employé chez lui en qualité de maître-clerc, et dont il disait le plus grand bien.

Juve, à ce moment, haletait littéralement :

– Et ce Daniel, grondait-il, hurlant dans le téléphone, où est-il en ce moment ? Que fait-il ?

Le jeune Théodore Gauvin qui, jadis, était un peu niais, avait évidemment fait de réels progrès depuis la mort de son pauvre père. Il répondait, en effet, à Juve avec une certaine dignité :

– Impossible de vous le dire, secret professionnel !

Mais invoquer le secret professionnel en face d’un policier aussi habile que Juve était évidemment des plus risqué.

Un quart d’heure plus tard, en effet, Juve avait convaincu Théodore Gauvin qu’il était de la plus haute importance qu’il vînt immédiatement à Paris. Un train partait de Grenoble vers neuf heures du soir, il fallait que le notaire le prît, Juve l’attendait…

Juve, évidemment, devait insister quelque peu pour convaincre son correspondant. Toutefois, il finissait par arriver à ses fins.

– Soit, acceptait Théodore Gauvin, je serai demain à Paris.

Le lendemain, en effet, Juve allait cueillir au débarqué du train le jeune notaire. M e  Gauvin, dès lors, n’opposait plus une bien grande résistance aux questions exaspérées dont l’accablait le policier. En quelques instants, Juve le confessait en entier. Il apprenait que Théodore Gauvin connaissait parfaitement Daniel, que Daniel était parti remplir une mission secrète à Amsterdam, et cela pour le compte d’une vieille M me Verdon qui habitait les environs de Grenoble et était une cliente de l’étude.

Théodore Gauvin, par exemple, cette confession faite, jurait sur l’honneur qu’il n’en savait pas davantage.

Juve eut beau insister, il ne tirait rien d’autre du jeune notaire. Toutefois, les renseignements qu’il avait appris étaient vraiment intéressants et Juve s’en déclarait satisfait.

– Soit, concluait le policier, nous repartirons ensemble pour Grenoble !

Juve, à l’instant où il causait ainsi à Théodore Gauvin, était certainement fort loin de se douter que les services de la Sûreté télégraphiaient de tous côtés à son domicile, qu’une dépêche de Jérôme Fandor était arrivée, dépêche annonçant que Fantômas devait débarquer incessamment à Paris.

Si Juve avait su cela, certainement il aurait abandonné M e Gauvin et se serait précipité à la gare. Mais il ne le savait pas, et l’ignorance où il était devait amener rapidement de terribles catastrophes !


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