355 500 произведений, 25 200 авторов.

Электронная библиотека книг » Марсель Аллен » Le Cadavre Géant (Гигантский кадавр) » Текст книги (страница 20)
Le Cadavre Géant (Гигантский кадавр)
  • Текст добавлен: 5 октября 2016, 23:56

Текст книги "Le Cadavre Géant (Гигантский кадавр)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
сообщить о нарушении

Текущая страница: 20 (всего у книги 26 страниц)

– On y va, patron, on y va ! cria Bouzille.

Fandor, qui, d’un geste instinctif, s’était élancé à nouveau sur le petit chariot, était poussé par Bouzille dans le frigorifique.

Les portes permettant au public d’entrer à la morgue et de regarder à travers une glace sans tain les cadavres exposés, étaient alors ouvertes, et quelques vagues oisifs pénétraient dans le sinistre local.

Dès lors, Fandor se rendait compte qu’il devait rester là jusqu’à cinq heures du soir.

Le journaliste, cependant, réfléchissait à la situation, et au bout d’un quart d’heure, sa décision était prise.

– C’est la dernière après-midi que je passe ici, déclarait-il. Trop heureux si je peux la terminer sans encombre et si je ne suis point découvert, avant la fin de la journée ! Car enfin, il suffit que cette dépêche tombe sous les yeux du directeur de la morgue, pour que je m’attire une assez vilaine histoire… Bast, concluait Fandor, j’ai toujours eu de la chance, je m’en tirerai bien encore une fois !

Et puis, le journaliste, en décidant qu’il ne resterait pas à la morgue plus longtemps, avait une autre idée.

On était à trois jours du vingt-sept du mois, or c’était le vingt-sept au soir que Fandor devait partir pour Lisbonne, afin d’y prendre le transatlantique qui devait le conduire au Chili et qui, d’après les indications de la navigation devait arriver en Amérique du Sud avant le grand voilier à bord duquel le journaliste savait que se trouvait Hélène.

Et Fandor, dans son frigorifique, calculait qu’il aurait encore le temps avant de se rendre à Lisbonne, d’aller rejoindre Juve à Grenoble et de se renseigner auprès du policier sur ce qui se passait à propos de Daniel.

Tandis que Fandor demeurait immobile entre le noyé retiré de la Seine et l’homme-tronc dont la seule silhouette faisait frémir les spectateurs de la morgue, des événements assez étranges se passaient à l’intérieur de la sinistre demeure, dans les locaux réservés à l’administration.

Un commis, qui travaillait à faire des écritures, avait entendu frapper à la porte de son bureau.

– Entrez, disait-il.

Un ouvrier se présentait.

Il était vêtu d’une cote bleue, coiffé d’une casquette de cuir fort sale, il portait un grand sac d’outils et son visage se dissimulait, non seulement sous une barbe mal entretenue, mais encore sous un bandeau qui lui cachait un œil.

L’homme toucha du doigt sa casquette.

– Me v’là ! fit-il d’un ton bourru. J’suis envoyé par le plombier de l’administration pour réparer la tuyauterie du frigorifique. Paraît que ça ne va pas ?

– Je n’en sais rien, et je m’en moque, répliqua le bureaucrate, ce ne sont pas là mes affaires…

– Alors, continua l’ouvrier, à qui c’est qu’y faut que j’m’adresse ?

– Traversez la cour, fit le commis, frappez deux coups à la petite porte peinte en noir, et puis vous vous expliquerez avec le gardien, un nommé Bouzille, qui, sans doute, est l’homme qui a fait la demande pour qu’on vienne réparer le frigorifique.

– Très bien, déclara l’ouvrier qui sortit d’un pas nonchalant.

Le réparateur suivait les indications de l’employé et quelques instants après, il se trouvait face à face avec Bouzille, qui, toujours méfiant, entrebâillait à peine la porte à laquelle l’ouvrier avait frappé.

– Qu’est-ce que vous voulez ? demanda Bouzille.

Son interlocuteur rétorqua :

– C’est le commis de l’administration qui m’envoie réparer le frigorifique. Paraît qu’il y a des fuites à la tuyauterie.

– Ah ! dit Bouzille interloqué, je ne m’en étais pas aperçu ! Il fait pourtant bougrement froid dans cette boutique !

– Sans doute, rétorqua l’homme, que l’on veut qu’il y fasse plus froid encore.

Puis il ajoutait avec un mauvais sourire :

– Ça n’a pas d’importance pour les morts qui s’en foutent !

– Probable, qu’ils s’en foutent ! répéta Bouzille machinalement.

Mais comme le chemineau ne tenait pas à introduire quelqu’un dans le local ou se trouvait Fandor, il suggéra :

– Vous pourriez-t’y pas faire votre travail demain matin ?

– Non, répliqua sèchement l’ouvrier, je suis commandé pour maintenant, ça ferait des histoires si je remettais la chose. Conduisez-moi tout de suite au frigorifique sans ça je vais aller me plaindre au directeur…

Et il grommelait encore dans sa barbe hirsute :

– Mon temps vaut cher…

Bouzille hésitait une seconde, mais finissait par en prendre son parti.

– Il vaut mieux, pensait-il, que je laisse ce type-là travailler comme il l’entend plutôt que d’éveiller ses soupçons en lui interdisant l’entrée du frigorifique. Seulement, je vais l’avoir à l’œil !

La physionomie de l’ouvrier, dont il ne parvenait pas à voir le regard, ne disait rien de bon à Bouzille.

Il redoutait quelque enquête inopinée qui s’achèverait par la découverte de Fandor jouant le rôle extraordinaire de figurant à la morgue, affaire qui ne s’achèverait certainement point sans une grande explication qui aurait pour conséquence le renvoi immédiat de Bouzille de l’administration.

L’ouvrier, cependant, avait poussé la porte que Bouzille maintenait entrebâillée, et, avec autorité, il s’avançait dans le couloir dans la direction du frigorifique.

– C’est-y là ? demanda-t-il.

– C’est là, fit Bouzille.

Et, dès lors, il ouvrit à l’homme la porte de la salle glaciale. Il remarqua que le premier coup d’œil de l’ouvrier était pour le cadavre du milieu, c’est-à-dire pour celui de Fandor.

– Oh ! oh ! pensa Bouzille, attention !

Bouzille s’avançait également dans le frigorifique. Il se rapprocha tout d’abord de l’homme-tronc, qu’il déplaça légèrement, puis il alla jusqu’au chariot de Fandor, et comme il apercevait le regard du journaliste il lui cligna de l’œil significativement.

Fandor ne broncha point, mais les ailes de son nez se pincèrent. Assurément, il allait se passer quelque chose d’anormal. Était-ce la découverte finale de son imposture, ou alors était-ce l’approche de quelque événement plus grave, plus souhaité aussi par le journaliste ?

L’ouvrier, cependant, avait installé son sac dans un coin du frigorifique et il considérait les tuyaux amenant l’air froid dans la pièce à la façon de quelqu’un qui ne sait pas trop ce qu’il doit faire.

Bouzille, qui allait et venait dans la pièce, la quittait à un moment donné. Toutefois, il demeurait tout à côté et, par un judas, voyait sans être vu ce qui se passait.

Tout d’abord, il ne survenait rien d’anormal à l’intérieur du frigorifique ; il y avait là les trois cadavres, y compris Fandor, puis l’ouvrier.

Mais, à un moment donné, s’imaginant sans doute qu’on ne le remarquait point, le réparateur, quittant le fond de la salle, se rapprocha des chariots sur lesquels étaient étendus les morts.

Et, à ce moment, Bouzille poussa une exclamation d’affolement, de terreur, de surprise également.

L’homme s’était approché de telle sorte que Fandor, sans bouger, pouvait l’apercevoir.

Or, à ce moment précis, le journaliste brusquement s’était dressé sur son chariot.

Il rejetait en arrière les couvertures qui l’enveloppaient, se dressait, vêtu seulement d’une chemise et d’un caleçon, et il braquait son revolver dans la direction de l’ouvrier.

À la vue de ce spectacle extraordinaire, les quelques gens qui se trouvaient de l’autre côté de la glace sans tain poussaient des cris d’épouvante, et s’enfuirent en désordre.

Une scène, dramatique au possible, en effet, se jouait désormais à l’intérieur du frigorifique !

Fandor, comme s’il avait été pris soudain d’une folie furieuse, venait de décharger son revolver dans la direction de l’ouvrier. Mais celui-ci s’était accroupi derrière le chariot de l’homme-tronc en poussant un rauque rugissement, et à son tour il ajustait Fandor… il tira deux fois…

Le journaliste s’en doutait évidemment, car, plus vif que la pensée il avait sauté à bas de son chariot et se dissimulait derrière ce rempart improvisé.

Toutefois, un grand vacarme retentissait alors, et une bouffée d’air tiède pénétrait dans le frigorifique, cependant que des éclats de verre jaillissaient de tous côtés.

Au cours de leur fusillade, les deux hommes avaient brisé la grande glace sans tain qui séparait la salle des morts du couloir réservé au public. Un trou béant s’ouvrait dans cette glace, et l’ouvrier, avec une légèreté insoupçonnable, bondissait par ce trou et s’enfuyait à toute allure.

En dépit de l’extraordinaire costume dans lequel il se trouvait, Fandor cependant se précipitait à sa suite, tandis que Bouzille, accouru dans le frigorifique, s’efforçât également de passer par l’ouverture pratiquée à travers la glace dans le couloir du public.

– Fantômas !… Fantômas !

Ce nom sinistre avait été prononcé, ce mot terrible avait retenti et c’était Fandor qui l’avait articulé ! Bouzille ne pouvait pas avoir de doute, et ses appréhensions de l’instant précédent étaient, en somme, justifiées.

Fandor s’élançait à la poursuite de l’ouvrier, et l’ouvrier n’était autre que Fantômas !

Que s’était-il donc passé ?

La veille au soir, à Grenoble, tandis que Juve, après mille difficultés, ramenait le corps de Daniel arraché au glacier, un homme s’était trouvé dans la foule des curieux, un homme qui avait eu connaissance de ce qui venait de se passer.

Cet homme n’était autre que Fantômas, et il n’avait pu retenir un juron de dépit en apprenant que le cadavre de Daniel était découvert.

– Vraiment, avait grogné le bandit, ce n’était pas la peine de l’emporter si haut, pour que Juve aille le reprendre !

– Mais alors, avait pensé Fantômas, quel peut bien être l’homme que l’on exhibe à la morgue et qui passe actuellement pour le cadavre de Daniel ?

Fantômas, en réalité, s’était fait le même raisonnement que Juve, et il s’était dit :

– Le corps exposé à la morgue est un corps vivant… Le cadavre, c’est Fandor, aussi bien portant que le Pont-Neuf…

Fantômas s’imaginait qu’il y avait là une supercherie faite de connivence avec Juve, et, tout vibrant de colère, le bandit était aussitôt parti par le premier train pour Paris.

Il débarquait à la gare de Lyon à la première heure, et, dès lors, voulant à toute force s’introduire dans le frigorifique, il imaginait, avec beaucoup d’audace, de se faire passer pour un ouvrier chargé de réparer l’installation de l’appareil à entretenir le froid.

Certes, Fantômas avait tout d’abord été fort troublé de reconnaître Bouzille en gardien de la morgue.

Mais cette rencontre l’avait fortifié dans sa conviction qu’il n’allait pas tarder à découvrir Fandor.

Et le bandit, en effet, avait reconnu le journaliste dès qu’il voyait les trois corps étendus sur leur chariot respectif face au public.

Mais si Fantômas avait reconnu Fandor, ce qui n’était pas bien difficile, le journaliste, au premier coup d’œil, démasquait le bandit et, dès lors, les deux adversaires commençaient à coups de revolver un duel terrible et sans merci que Fantômas interrompait hâtivement, en prenant la fuite.

Fandor s’était élancé à sa poursuite.

– Ah ! cette fois, se jurait le journaliste au paroxysme de la colère, j’aurai sa peau ! Je le tuerai !

Et il tirait encore deux coups de revolver qui, malheureusement, n’atteignaient pas le fuyard.

En l’espace d’une seconde, trouant la foule, Fantômas, poursuivi par Fandor, s’était trouvé dans la rue. Mais le bandit, au lieu de s’enfuir en courant, faisait soudain volte-face, et s’arrêtait net le long du mur de la morgue, tandis que Fandor le croyant parti au loin, continuait sa course.

Fantômas le voyait passer à côté de lui ; il esquissait un sourire sarcastique et, d’un geste brusque, profitant de ce qu’on ne le regardait point, Fantômas arrachait le bandeau qu’il avait sur l’œil et la barbe postiche qu’il portait au menton. Dès lors, on ne pouvait reconnaître en lui l’ouvrier du frigorifique.

Une poursuite, toutefois, s’organisait.

Après le premier instant de stupeur, les quelques personnes qui avaient assisté à la scène rapide qui s’était déroulée dans la morgue s’élançaient sur les traces de l’homme qui fuyait.

– Un mort qui se sauve ! avaient-ils crié.

La phrase se répétait comme un écho, et les passants de la rue se joignaient au premier témoin.

Qui poursuivait-on cependant ?

Fantômas, en s’arrêtant net dans sa course, avait deviné, prévu l’erreur que la foule ne manquerait pas de commettre.

Celle-ci, en effet, s’élançait sur les traces du journaliste, et certes, celui-ci était bien plus reconnaissable que Fantômas, bien plus facile à prendre puisqu’il courait dans la rue comme un fou, le revolver au poing, uniquement vêtu d’un caleçon et d’une chemise, mais chaussé, heureusement pour lui.

Fandor qui, somme toute, se trouvait brusquement et à l’improviste au milieu de la rue, se souvint de son accoutrement.

Et, dès lors, il comprit la faute qu’il avait commise en s’élançant à la poursuite de Fantômas.

Non seulement Fandor venait de perdre la trace du bandit, mais encore il se rendait compte aux hurlements et aux vociférations qui retentissaient à ses trousses, que c’était lui, désormais, que la foule poursuivait, et le journaliste commençait à avoir peur, sachant fort bien que les foules sont faites d’imbéciles et se rendant parfaitement compte que s’il était pris, appréhendé, un mauvais coup pourrait rapidement lui être donné.

– D’autant plus, se disait Fandor, que certainement, parmi cette foule, doit se trouver Fantômas !

Le journaliste parvenait en quelques secondes à distancer ses poursuivants. Un fiacre en maraude passait à proximité, Fandor ouvrit la portière, sauta à l’intérieur du véhicule, puis sortit par la portière opposée ; mais il se trouvait encore en face de gens qui voyant surgir un homme en caleçon d’une voiture, poussaient d’abord des cris de surprise, levaient les bras au ciel, puis s’élançaient derrière lui.

Fandor enjamba la grille d’un petit square et s’enfonça la tête en avant dans les petits bouquets d’arbres ; il se déchirait aux épines, il se meurtrissait au contact des pointes acérées des branches des arbrisseaux. Mais il avançait quand même, brisant les branches sur son passage…

Fandor sentait qu’on le poursuivait toujours… Toutefois, cette traversée du square lui permettait de gagner quelque distance sur ses poursuivants.

Soudain, il se heurta à une muraille.

– Bougre de bougre ! pensa Fandor. Cette fois, je suis foutu !

Et il se disposait à s’accoter à ce mur pour faire face à ses assaillants ; il allait leur crier : « Arrêtez-vous ! ou je vous casse la figure à tous », lorsqu’il fit brusquement volte-face.

À ce même instant, il venait d’apercevoir une petite porte basse, taillée dans la muraille, dont le battant était entrebâillé.

Se précipiter sur cette porte, pénétrer dans le lieu qu’elle commandait, la refermer de l’intérieur par un verrou, ce fut pour Fandor l’affaire d’un instant…

Il suivit, courant à toute allure, un petit couloir très obscur, et soudain se trouva dans une salle à peine éclairée, dans laquelle régnait une suave odeur de parfums et d’encens.

Au milieu de cette salle se trouvait une grande table en bois verni et, tout autour, des armoires dont les portes coulissaient les unes sur les autres. À l’intérieur de ces armoires se trouvaient des vêtements dont Fandor ne reconnaissait pas au premier abord la destination.

Mais, soudain, la lumière se fit dans son esprit.

– Parbleu ! s’écria-t-il, je viens d’entrer à Notre-Dame, et je suis dans le vestiaire du clergé… Ah ! par exemple !

Fandor, en effet, voyait autour de lui, pendus dans ces armoires, des vêtements sacerdotaux de toutes sortes.

Il apercevait une chasuble toute dorée, rutilante, splendide.

Puis à côté c’était une robe rouge d’enfant de chœur et enfin les ornements noirs qui servent aux prêtres lors des enterrements.

Plus loin, il y avait sur une chaise une humble et modeste soutane recouverte d’un surplis blanc, un vêtement de prêtre sans aucun doute.

Fandor n’hésitait pas une seconde ; il se précipitait sur cette robe, il la revêtait dans l’espace d’un instant. Une bavette se trouvait à proximité, Fandor la prit, la noua autour de son cou.

– Avec ça, songeait-il, s’ils me reconnaissent, je veux bien être brûlé vif !

Le journaliste, d’ailleurs, ne s’attardait point dans ce vestiaire. Il ouvrait une porte, suivait encore une large galerie, puis désormais se trouvait dans la grande nef de la cathédrale où régnait un silence religieusement recueilli.

Quelques dévotes étaient assises, qui ne jetèrent même pas un coup d’œil furtif sur Fandor, qui se dirigea en hésitant vers l’entrée de l’église.

Mais, à ce moment, quelques personnes s’y introduisaient, qui se heurtèrent au journaliste.

Quelqu’un, un des passants qui avait poursuivi Fandor, courut à lui.

– Ça y est, pensa le journaliste, je suis fichu, ils me reconnaissent…

Mais Fandor se trompait.

– Pardon, monsieur, de vous déranger, articula le passant, qui haletait encore tant sa course avait été rapide. Nous sommes à la poursuite d’un malfaiteur, car assurément on ne s’échappe pas de la morgue en caleçon sans être un malfaiteur ! Nous avons la certitude que cet homme est entré dans l’église par la petite porte qui est à l’autre extrémité… Pourriez-vous nous aider à le poursuivre, à le rattraper ?

Fandor réprimait, malgré les tragiques aventures qu’il venait de vivre, une violente envie de rire.

– Ah ! par exemple ! pensa-t-il, voilà qui est plus fort que tout ! Ah les braves gens !… Ils me demandent de les aider à courir après moi-même !… Attendez donc un peu…

Fandor affectait un air terrifié.

– Un malfaiteur à Notre-Dame ! s’écria-t-il en joignant les mains dans une pose onctueuse et bien ecclésiastique, ça n’est pas possible !

Il faisait mine de s’affoler.

– Je ne suis qu’un pauvre bedeau, murmura-t-il, mais adressez-vous donc à M. le curé. Qu’on prévienne la gardienne de chaises !

Fandor, d’un geste de la main, indiquait à ses interlocuteurs l’autre côté de l’église.

– Allez par là, allez vite ! leur disait-il. Quant à moi, je vais par ici, pour faire le nécessaire…

La foule obéissait à Fandor et quelques secondes après, celui-ci, qui avait définitivement dépisté ses poursuivants, sortait de l’église et se trouvait sur le parvis Notre-Dame.

Ouf ! pensa Fandor, me voilà tiré d’affaire.

Un taxi automobile passait, le journaliste lui fit signe. Il y montait en hâte.

– Conduisez-moi, dit-il…

Mais Fandor, soudain, s’apercevait qu’il n’avait pas d’argent.

– Bougre de bougre, fit-il, comment m’arranger ?

Il descendait du taxi, non sans essuyer de terribles injures que lui décochait le chauffeur, puis il se mit à longer l’Hôtel-Dieu, à gagner le pont d’Arcole, le pas pressé.

Dans la poche de la robe qu’il portait Fandor avait trouvé une petite calotte de velours.

– C’est de la chance ! pensa-t-il.

Mais il était bien encore plus heureux de voir que la poche contenait encore un porte-monnaie dont il inventoria le contenu.

– Cent cinquante francs ! s’écria Fandor… Sauvé cette fois ! J’ai de quoi partir pour Grenoble, et je ne vais pas manquer d’aller raconter à Juve la dernière aventure survenue à Fandor…

Devant la morgue, cependant quelqu’un pérorait, faisant force geste au milieu d’un groupe qu’il amusait par ses facéties. C’était Bouzille, qui, tout gonflé d’importance, racontait à la foule abasourdie :

– Le journaliste Jérôme Fandor vient de manquer d’une seconde l’arrestation de Fantômas !




Chapitre XX


Aux écoutes !

Le secrétaire général de la préfecture de Grenoble causait avec le commissaire de police :

– Vraiment ! lui disait ce dernier, ces inspecteurs de Paris, surtout lorsque ce sont des personnages comme M. Juve, ont des façons d’être un peu originales, même un peu extraordinaires !

Le secrétaire général approuvait, le commissaire de police continuait :

– Après la découverte sensationnelle qu’il avait faite du cadavre de ce malheureux Daniel dans la montagne au-dessus de Grenoble, M. Juve nous avait formellement annoncé son départ pour Paris tout en nous recommandant de bien cacher son identité.

» Or, voici qu’au lieu de partir et de s’élancer à la poursuite de Fantômas, comme il semblait en avoir l’intention, M. Juve fait volte-face, et reste ici, parmi nous. Mais toujours avec le désir de n’être connu de personne !

– Pardon, interrompit le secrétaire général, je vous arrête, monsieur le commissaire de police… si toutefois je puis m’exprimer ainsi. M. Juve est en effet resté à Grenoble, mais il ne se cache pas, bien au contraire. Il a fait dire par les journalistes qui l’ont interviewé, et ceux qui l’ont interviewé en tant que Juve, qu’il habitait au Modem Hôtel.

– Tout cela, conclut le commissaire de police, est fort étrange, et je suis très heureux de n’être point mêlé à cette affaire.

Le magistrat prenait un air pincé pour faire cette déclaration. En réalité, peut-être était-il un peu vexé que Juve n’ait point sollicité son précieux concours dans la continuation des enquêtes qu’assurément poursuivait le célèbre inspecteur.

Mais que s’était-il passé, et pourquoi Juve, s’il avait annoncé son départ pour Paris, était-il resté à Grenoble ? Pourquoi Juve, désireux de passer incognito désormais, faisait-il savoir qu’il était installé au Modem Hôtel ?

Les circonstances, les événements qui surviennent modifient souvent les décisions, et c’est pour cela que Juve paraissait avoir brusquement changé d’opinion.

Lorsqu’il était revenu des cimes neigeuses et glacées du Casque-de-Néron, il y avait de cela deux jours, rapportant le cadavre de Daniel, Juve, saisi d’une horrible crainte, avait télégraphié au directeur de la morgue à Paris, pour s’assurer qu’il n’y avait plus de cadavre dans le sinistre établissement, répondant au signalement de Daniel.

On l’avait détrompé et dès lors Juve avait senti se confirmer ses appréhensions ; le cadavre qui se trouvait à la morgue était, ne pouvait être que le corps de Fandor…

Juve alors avait voulu partir aussitôt pour Paris, mais la malchance s’en était mêlée ; il manquait le train qui quittait Grenoble à neuf heures du soir.

Ce train-là, Fantômas l’avais pris, plus heureux que Juve.

En vain le policier avait-il cherché une automobile qui veuille bien le conduire jusqu’à Paris, il n’en avait pas trouvé, et dès lors, il décidait d’attendre le lendemain matin pour prendre le premier train à destination de la capitale.

À l’aube, Juve allait mettre son projet à exécution, et déjà il se trouvait dans la cour de la gare, lorsque de celle-ci surgissait soudain une bande affolée de crieurs de journaux.

Ceux-ci arrivaient avec une édition spéciale d’un grand journal lyonnais, une manchette gigantesque annonçait un événement aussi imprévu que sensationnel.

Juve se précipitait sur la feuille, et, non sans stupéfaction, y lisait le récit le plus inattendu qu’on pouvait imaginer.

Le sous-titre de l’article était ainsi conçu :


FANDOR A FAILLI ARRETER FANTOMAS,

LES DEUX HOMMES ONT DISPARU.


Puis suivait le récit des extraordinaires aventures survenues dans la morgue, le rôle de cadavre joué par Fandor dans le but d’attirer Fantômas, Fantômas se laissant prendre à ce piège, venant jusque dans le frigorifique où se trouvait le soi-disant mort, puis la poursuite effrénée qui d’ailleurs n’avait malheureusement pas eu pour résultat l’arrestation de Fantômas…

Les deux hommes ont disparu, disait le journal, mais Fandor est sain et sauf. Il a téléphoné au journal La Capitalede Paris pour donner de ses nouvelles et dire qu’on ne s’inquiète point de lui.

Tel était en substance le récit que Juve venait de lire, et, dès lors, son visage s’éclairait ; sur ses lèvres s’esquissa un bon sourire.

– Ouf ! fit-il en respirant profondément, voilà qui me console de la nuit terrible que j’ai passée, et du moment que Fandor est sauvé, c’est une des plus grandes joies auxquelles je puisse prétendre.

Juve était entré, pour lire, dans la salle d’attente ; l’employé passa qui criait :

– Express pour Paris !… Les voyageurs pour Paris en voiture !

Instinctivement, Juve bondissait, mais il s’arrêtait aussitôt.

– Non pas, songea le policier, j’allais à Paris pour retrouver Fandor ; puisque je sais désormais qu’il est vivant et sur la piste de Fantômas, il faut donc que je reste ici, car c’est ici que nous le prendrons !

Et dès lors, à pas lents, Juve sortait de la gare, et remontait vers le centre de la ville.

– Fantômas, se disait-il, est l’homme qui a dérobé le cadavre de Daniel, lorsque ce cadavre était à la morgue.

» Il l’a apporté ici, mystérieusement, dans un but que j’ignore, il a cru qu’il le rendrait introuvable en allant le placer au sommet du Casque-de-Néron, et, dans son esprit, les aigles et les vautours ne tarderaient certes pas à le déchiqueter.

– Malheureusement pour Fantômas, la glace survenue faisant un bloc autour du corps de Daniel, a permis l’apparition extraordinaire qui a stupéfié tout Grenoble, et qui m’a déterminé à monter dans la montagne me rendre compte de ce qui se passait.

» Ainsi donc, j’ai déjoué de la sorte l’un des plans de Fantômas ! Il me reste à savoir quels sont les autres. Grenoble est évidemment le centre actuel des opérations du bandit, ce qui me porte à croire que ce n’est point par hasard que je trouve ici, réunis autour de la dépouille mortelle de Daniel, des gens médiocrement intéressants tel que ce petit notaire Gauvin et des personnalités mystérieuses, tel que ce professeur Marcus et cette dame Verdon.

M me Verdon ?

Juve y songeait à nouveau.

Et il lui apparaissait de plus en plus nécessaire de faire rapidement sa connaissance, et de savoir quelle était exactement la mission qu’elle avait confiée à Daniel lorsque celui-ci était parti pour la Hollande.

Juve n’aimait pas les gens qui se cachent, et il lui semblait que M me Verdon, de même que son pensionnaire le géologue, ne tenaient pas à se montrer.

Pour que Fantômas n’en ignorât rien, Juve, au lieu de partir pour Paris, allait donc au Modem Hôtel, et décidait de s’y installer.

Il y donnait son nom, faisait savoir qu’il recevrait toutes les personnes qui voudraient lui parler.

Juve, cependant, quelques minutes après son installation, quittait l’hôtel, et sautait dans le train tramway à destination de Domène.

Le policier, cette fois, arrivait chez M me Verdon avec l’intention d’être des plus énergiques. Il sonnait à la grille du jardin et le tintement de la clochette se répercuta longtemps dans le silence de la propriété.

Dick, le molosse, survint en galopant lourdement et flaira longuement le nouveau venu.

Juve allait-il se nommer ?

Il jugeait la chose bien imprudente, et cependant il avait besoin de faire connaître sa personnalité pour obtenir de M me Verdon les réponses aux questions qu’il allait lui poser.

Combien la paisible demeure de la vieille dame semblait transformée depuis quelques jours !

Pendant dix ans, M me Verdon avait vécu seule dans sa propriété, ne recevant l’aide d’une femme de ménage que quelques heures par jour.

Le jardin, mal cultivé, était entretenu, à de longs intervalles, par un vieux jardinier sourd, qui ne faisait pas beaucoup de besogne et qu’on employait par charité.

La cuisine de M me Verdon était simple et frugale, le reste était à l’avenant…

Or, voici que depuis quelques jours, une transformation complète semblait s’être faite dans la demeure de la mystérieuse personne. Depuis que le professeur Marcus était son pensionnaire, il semblait que l’on jetait l’argent par les fenêtres.

La cave se montait, on faisait des emplettes nombreuses chez les fournisseurs, il y avait désormais trois domestiques d’engagés, dont un valet de chambre.

Cela, Juve l’avait appris quelques jours auparavant lorsque, se faisant passer pour un marchand de tapis, il s’était longuement entretenu avec le cabaretier de Domène.

Ce fut le valet de chambre qui vint ouvrir la grille du jardin.

Il s’inclina cérémonieusement, mais sans platitude, devant le visiteur.

– Monsieur désire ? interrogea-t-il.

– Parler à M me Verdon, fit le policier.

Et comme le domestique lui demandait encore :

– De la part de qui ?

Juve articula simplement :

– Dites que c’est de la part du commissariat de police.

Cette déclaration faisait assurément son effet, car le domestique, après avoir jeté un coup d’œil curieux sur le visiteur, lui ouvrait la grille du jardin et l’invitait à pénétrer dans la propriété.

Juve suivait le valet de chambre jusqu’au perron de la maison, puis on l’introduisait dans le vestibule et on le pria d’attendre quelques instants.

Il y eut un assez long conciliabule, au premier étage entre le domestique et M me Verdon, car le policier attendit pendant dix bonnes minutes.

Après quoi le serviteur cependant revint et articulait d’un ton impassible :

– Madame attend monsieur.

Juve gravissait un escalier aux marches recouvertes d’un épais tapis, puis, après avoir suivi un couloir et traversé deux pièces, assez élégamment meublées en salon, il parvint dans une chambre à coucher. Près de la fenêtre une dame était assise à moitié étendue sur une bergère.

Juve s’arrêta sur le seuil de la porte, s’inclina profondément.

C’était M me Verdon.

La vieille dame, assurément, avait dû être jolie autrefois. Désormais les ans avaient ridé son visage, creusé ses traits, atténué l’éclat de son teint, mais sa physionomie était toujours avenante, son regard spirituel, son expression fine, distinguée.

Elle avait de longs cheveux d’une éblouissante blancheur, qui, divisés en bandeaux par une raie impeccable au milieu de la tête, faisaient à son visage un cadre fort seyant.

Elle était toute vêtue de noir, et, en fait de bijoux, ne portait qu’une bague ornée d’un saphir, et enfin une alliance d’or.

M me Verdon articula, considérant le visiteur :

– Veuillez entrer, monsieur, et m’expliquer le but de votre démarche.

Or, brusquement, Juve, à ces mots, tressaillit des pieds à la tête.

Il n’avait éprouvé cependant aucune émotion en apercevant M me Verdon. Mais la voix de cette dernière, lorsqu’elle avait parlé, déterminait chez le policier un trouble considérable.

Il semblait à Juve qu’il avait déjà entendu cette voix, que son timbre lui était connu, familier, sympathique, et cependant le policier avait l’impression bien nette et bien certaine qu’il ne s’était jamais trouvé en présence de M me Verdon.

Et dès lors Juve, l’homme calme, impassible, l’homme de fermeté réfléchie, et d’irréductible volonté, était si troublé qu’il balbutiait, ne sachant plus ce qu’il devait dire à M me Verdon.


    Ваша оценка произведения:

Популярные книги за неделю