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De bons présages
  • Текст добавлен: 7 октября 2016, 11:18

Текст книги "De bons présages"


Автор книги: Terence David John Pratchett


Соавторы: Neil Gaiman
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On débattit beaucoup pour savoir si l’explosion avait été envoyée par Dieu ou par Satan, mais un billet – retrouvé par la suite dans le cottage d’Agnès Barge indiqua que l’éventuelle intervention divine ou démoniaque avait été appuyée d’un point de vue tactique par le contenu des jupons d’Agnès : avec une certaine prévoyance, elle les avait bourrés de quatre-vingts livres de poudre à canon et de quarante livres de clous de charpentier.

Derrière elle, sur la table de la cuisine, en plus d’une note demandant au laitier de ne plus passer, Agnès avait laissé un coffret et un livre. Des instructions précisaient ce qu’on devait faire du coffret, et d’autres directives décrivaient aussi clairement ce qu’on devait faire du livre ; il fallait le faire parvenir au fils d’Agnès, John Bidule.

Les gens qui le découvrirent – ils étaient originaires du village d’à côté et avaient été réveillés par l’explosion – envisagèrent de ne pas tenir compte des instructions et de se contenter de brûler le cottage ; puis ils regardèrent autour d’eux les feux disséminés alentour et les ruines criblées de clous, et changèrent d’avis. D'ailleurs, la note d’Agnès faisait des prophéties d’une douloureuse précision sur le sort des gens qui ne satisferaient pas à ses exigences.

L’homme qui avait porté la torche contre Agnès Barge était un Inquisiteur major. On retrouva son chapeau dans un arbre, à quatre kilomètres de là.

Son nom, brodé à l’intérieur sur un assez long morceau de ruban, était Vous-Ne-Commettrez-Point-L’Adultère Pulsifer, un des inquisiteurs les plus acharnés d’Angleterre. Il aurait pu tirer quelque satisfaction de savoir que son dernier descendant suivait pour l’heure une route qui le conduisait à son insu vers la dernière descendante d’Agnès Barge. Il aurait pu en conclure qu’une ancienne vengeance allait s’accomplir.

S’il avait su ce qui allait réellement se passer lors de cette rencontre, il se serait retourné dans sa tombe, s’il en avait jamais eu une.

Mais tout d’abord, Newt devait régler le problème de la soucoupe volante.

Elle avait atterri sur la route devant lui, au moment même où il cherchait l’embranchement en direction de Lower Tadfield, les cartes étalées sur le volant. Il avait dû freiner sec.

Elle ressemblait à toutes les caricatures de soucoupe volante que Newt avait pu voir.

Tandis qu’il regardait par-dessus le rebord de son plan, une porte coulissa sur le flanc de la soucoupe avec un très beau whoosh, libérant une rampe d’accès chromée qui s’étira automatiquement jusqu’à la route. Une puissante lumière bleue s’alluma, délimitant trois silhouettes extraterrestres qui descendirent la rampe à petits pas. Enfin, les deux d’entre elles qui semblaient marcher. Celle qui ressemblait à une poivrière dérapa et la dévala en glissant et, arrivée en bas, elle se renversa.

Sans prêter attention à ses couinements désemparés, les deux autres avancèrent lentement vers la voiture, selon la technique adoptée partout dans le monde par les policiers qui sont déjà en train de rédiger le procès-verbal dans leur tête. Le plus grand des deux, un crapaud jaune vêtu d’aluminium ménager, frappa à la vitre de Newt. Celui-ci la baissa. La créature portait des lunettes de soleil à verres miroir, le genre qui rappelait toujours à Newt le film Luke la main froide.

« Bonjour, monsieur, madame ou neutre, fit la créature. C’est votre planète ? »

L’autre extraterrestre, qui était trapu et vert, s’était aventuré dans les bois en bordure de route. Du coin de l’œil, Newt le vit donner un coup de pied dans un arbre, puis examiner une feuille à l’aide d’un gadget compliqué qu’il portait à la ceinture. Le résultat ne parut guère le satisfaire.

« Euh, ben, oui, je suppose », répondit Newt.

Le crapaud inspecta le ciel d’un œil pensif.

« Et vous l’avez depuis longtemps ?

– Euh. Pas personnellement. Enfin, je veux dire, en tant qu’espèce, un demi-million d’années. Il me semble. »

L’extraterrestre échangea un coup d’œil avec son collègue. « On a un peu laissé se multiplier les pluies acides, je me trompe, monsieur ? On s’est peut-être laissé un peu aller sur les hydrocarbures, non ?

– Je vous demande pardon ?

– Vous pouvez me donner l’albédo de votre planète, monsieur ? » demanda le crapaud en fixant l’horizon, comme s’il s’y produisait des événements passionnants.

« Euhc Non.

– Eh bien, monsieur, je regrette de vous le dire, mais vos calottes polaires sont en dessous des normes admises pour cette catégorie de planète, monsieur.

– Oh, flûte. » Newt se demanda à qui il pourrait bien raconter tout ça, et comprit que personne ne le croirait jamais.

Le crapaud se pencha plus près. Quelque chose semblait le troubler, pour autant que Newt puisse interpréter la physionomie d’une race extraterrestre qu’il rencontrait pour la première fois.

« Bon, pour cette fois-ci, nous allons passer l’éponge, monsieur. »

Newton bredouilla. « Oh, euh. Je vais m’en occuperc enfin, quand je dis je, je veux dire, je crois que l’Antarctique ou je ne sais quoi appartient à la communauté internationale, ou un truc comme ça etc

– En fait, monsieur, on nous a demandé de vous transmettre un message.

– Ah bon ?

– Je cite : “Nous vous apportons un message de paix universelle, d’harmonie et tout ça.” Fin de citation.

– Oh. » Newt tourna et retourna la phrase dans sa tête. « Oh. C’est bien aimable à vous.

– Vous avez la moindre idée de la raison pour laquelle on nous a demandé de vous transmettre ce message, monsieur ? » s’enquit le crapaud.

Le visage de Newt s’éclaira. « Oh, euh, ben, je suppose que maintenant que l'Humanité a, euhc dompté la puissance de l’atomec

– Nous non plus. » Le crapaud se redressa. « Encore un phénomène, je suppose. Bon, il serait temps d’y aller. » Il lui adressa un signe de tête absent, tourna les talons et remonta en se dandinant à bord de sa soucoupe, sans rien ajouter.

Newt passa sa tête par la portière.

« Merci ! »

Le petit extraterrestre longea la voiture.

« Niveau de CO 2en augmentation d’un demi pour cent, grinça-t-il en lui coulant un regard lourd de sous-entendus. Vous savez qu’on pourrait vous accuser de conduire le destin de la planète sous l’influence d’un consumérisme incontrôlé ? »

À eux deux, les extraterrestres remirent leur partenaire d’aplomb, le hissèrent à leur suite sur la rampe d’accès et refermèrent la porte.

Newt attendit un moment d’éventuelles manifestations lumineuses spectaculaires, mais la soucoupe resta plantée là. Il finit par s’en approcher en voiture et par la contourner. Quand il regarda dans le rétroviseur, elle avait disparu.

Je dois avoir abusé de quelque chose, se dit-il en proie à un sentiment de culpabilité. Mais de quoi ?

Et je ne peux même pas en parler à Shadwell : il m’engueulerait sûrement pour ne pas leur avoir compté les tétons.

« En tout cas, pour les sorcières, vous vous gourez complètement », déclara Adam.

Les Eux étaient assis sur le portail du champ et regardaient Toutou se rouler dans les bouses de vaches. Le petit bâtard semblait énormément s’amuser.

« J’ai lu des trucs à leur sujet, poursuivit Adam en haussant légèrement le ton. En fait, c’est elles qui ont raison depuis le début, et faut pas les persécuter avec des trucs comme l’Inquisition britannique et tout ça.

– Ma mère, elle dit que c’étaient seulement des femmes intelligentes et qu’elles faisaient que protester de la seule façon qui leur était offerte contre les injustices criantes d’une hiérarchie sociale dominée par le mâle », fit Pepper.

La mère de Pepper enseignait à l’École Polytechnique de Norton 29 .

« Oui, mais ta mère, elle dit tout le temps des trucs comme ça », repartit Adam au bout d’un moment.

Pepper le reconnut de bon gré. « Et au pire, elle dit, c’étaient des libres-penseurs qui adoraient le principe progénératif.

– C’est quoi, le principe progératif ? demanda Wensleydale.

– Chais pas. C'est en rapport avec les mâts de cocagne, je crois.

– Ouais, ben moi, je croyais qu’elles adoraient le Diable », contra Brian sans intention péjorative. Les Eux étaient très larges d’esprit sur le chapitre des cultes démoniaques. Les Eux étaient très larges d’esprit sur tous les chapitres. « J’espère que le Diable est plus intéressant qu’un bête mât de cocagne.

– C’est là que t’as tout faux, intervint Adam. C’est pas le Diable. C'est un autre dieu, ou chais pas quoi. Avec des cornes.

– Le Diable, fit Brian.

– Non, répliqua Adam avec patience. Les gens ont confondu les deux. C’est juste qu’il a des cornes, tout pareil. Il s’appelle Pan. Il est à moitié chèvre.

– Quelle moitié ? » demanda Wensleydale.

Adam y réfléchit.

« Le bas, finit-il par répondre. C’est marrant que tu saches pas ça. Je croyais que tout le monde le savait.

– Les chèvres n’ont pas de bas ou de haut, rétorqua Wensleydale. Elles ont un devant et un derrière, comme les vaches. »

Ils observèrent encore Toutou un moment, en battant des talons contre le portail. Il faisait trop chaud pour réfléchir.

Puis Pepper lança : « S’il a des pattes de chèvre, il devrait pas avoir de cornes. Les cornes, c’est à l’avant.

– C’est pas moi qui ai inventé ça, quand même », dit Adam, ulcéré. « Moi, je vous raconte, c’est tout. C'est nouveau, ça, que je l’ai inventé. C'est pas la peine de m’accuser.

– De toute façon, poursuivit Pepper, il est bête, Boum. Faut pas qu’il se plaigne si les gens le prennent pour le Diable. S’il porte des cornes, c’est forcé que les gens disent : Oh, t’as vu ? C’est le Diable, non ? »

Toutou commença à élargir fébrilement un terrier de lapin.

Adam, qui semblait gravement préoccupé, prit une profonde inspiration. « Faut pas tout prendre au degré un, comme ça. C’est ça, le problème de nos jours. La matérialisme grasse. C'est des gens comme vous qui vont abattre les forêts tropicales et qui creusent des trous dans la couche de zone. Y a un trou énorme dans la couche de zone, et c’est la faute à des gens comme vous et à leur matérialisme grasse.

– J’peux rien y faire, rétorqua Brian automatiquement. J’ai encore des retenues sur mon argent de poche à cause d’un bête châssis à concombres.

– C'est dit dans le magazine, dit Adam. Il faut des millions d’hectares de forêt tropicale pour faire un seul hamburger. Et toute la zone, elle fuit à cause dec » Il hésita. « c des gens qui aèrent le sol.

– Et puis, il y a les baleines, ajouta Wensleydale. Faut les sauver. »

Adam resta sans réaction. Son butin d’anciens numéros du Nouvel Aquarienne faisait aucune allusion aux baleines. Les rédacteurs supposaient que leurs lecteurs étaient partisans du sauvetage des baleines, tout comme ils supposaient que lesdits lecteurs respiraient et se déplaçaient sur deux jambes.

« J’ai vu une émission là-dessus, expliqua Wensleydale.

– Et pourquoi il faut les sauver ? » demanda Adam.

Il avait une vision confuse de baleines ligotées sur le passage de l’express de 19 h 45.

Wensleydale s’interrompit et se creusa la tête. « Parce qu’elles savent chanter. Et qu’elles ont un gros cerveau. Et puis il en reste pratiquement plus. Et puis parce qu’on n’a pas besoin de les tuer, de toute façon, parce qu’elles servent uniquement à fabriquer de la nourriture pour chiens et des trucs comme ça.

– Si elles sont si intelligentes, demanda lentement Brian, pourquoi elles restent dans la mer ?

– Oh, chais pas », fit Adam, tout à coup pensif. « Elles nagent toute la journée ; pour se nourrir, elles ont qu’à ouvrir la bouchec C'est plutôt pas mal, je trouvec »

Un couinement de freins et un interminable froissement métallique l’interrompirent. Ils sautèrent à bas du portail et remontèrent en courant la petite route jusqu’au carrefour, où une petite voiture reposait sur le toit, au terme d’une longue trace de freinage.

Un peu plus loin sur la route, s’ouvrait un trou. Apparemment, la voiture avait cherché à l’éviter. Quand ils le regardèrent, une petite tête aux traits orientaux y disparut pour échapper aux regards.

Les Eux tirèrent sur la portière pour l’ouvrir et extraire Newt, inconscient, de la voiture. Des fantasmes de médailles récompensant un valeureux sauvetage se bousculaient dans la tête d’Adam. Des considérations pratiques de secourisme emplirent celle de Wensleydale.

« Il ne faut pas le bouger, dit-il. À cause des os cassés. Il faut aller chercher quelqu’un. »

Adam jeta un coup d’œil circulaire. Un toit dépassait à peine des feuillages, au bas de la route. C’était le cottage des Jasmins.

Et dans le cottage des Jasmins, Anathème Bidule était assise devant une table sur laquelle elle avait disposé depuis une heure des bandes Velpeau, de l’aspirine et divers ustensiles de premiers soins.

Anathème consulta la pendule. Elle estima qu’il allait reprendre connaissance d’un instant à l’autre.

Elle ne l’avait pas imaginé ainsi. Pour être plus exact, elle l’avait espéré autrement.

Avec une vague gêne, elle avait espéré un grand brun, très beau.

Newt était grand, mais de façon étirée, maigrichonne. Et s’il avait bien les cheveux bruns, ce n’étaient absolument pas des accessoires de mode, mais un simple amas de minces fils noirs qui poussaient en groupe sur le dessus de sa tête. Ce n’était pas la faute de Newt ; quand il était plus jeune, il allait tous les deux mois chez le coiffeur au coin de la rue, en tenant une photographie soigneusement déchirée dans un magazine, sur laquelle un homme à la coupe de cheveux incroyablement cool souriait à l’objectif ; il montrait la photo au coiffeur et lui demandait de lui couper les cheveux comme ça, s’il vous plaît. Et le coiffeur, qui connaissait son travail, jetait un seul coup d’œil à la photo et lui faisait sa coupe de base, tout terrain : court dessus et sur les côtés. Au bout d’un an, Newt comprit qu’il n’avait pas le genre de visage qui met une coupe de cheveux en valeur. La seule chose qu’il pouvait espérer, après une séance chez le coiffeur, c’est d’avoir les cheveux plus courts.

Même chose pour les costumes. On n’avait pas encore inventé la tenue qui lui conférerait une allure élégante, sophistiquée et nonchalante. Désormais, il se satisfaisait de tout ce qui le protégeait de la pluie et lui procurait un endroit où ranger sa petite monnaie.

Et il n’était pas beau. Même pas quand il retirait ses lunettes 30 . Et quand Anathème lui retira ses chaussures pour l’étendre sur le lit, elle découvrit qu’il portait des chaussettes dépareillées : une bleue, avec un trou au talon, et l’autre grise, avec des trous autour des orteils.

Je suppose que je devrais ressentir une vague de je-ne-sais-quoi de chaleureux, de tendre et de féminin en voyant ça, se dit-elle. Mais j’aurais quand même préféré qu’il les lave.

Doncc grand, brun, mais pas très beau. Elle haussa les épaules. Tant pis. Deux sur trois, ce n’était pas un mauvais score.

La silhouette étendue sur le lit commença à remuer. Et Anathème, qui en toutes circonstances tournait toujours son regard vers l’avenir, ravala sa déception et dit :

« Alors, on se sent comment, à présent ? »

Newt ouvrit les yeux.

Il était couché dans une chambre, et ce n’était pas la sienne. Il le comprit instantanément en voyant le plafond. Du sien pendaient encore ses maquettes d’avions, à des fils de coton. Il ne les avait jamais détachées.

Ce plafond n’était constitué que de plâtre fissuré. Sans s’être jamais trouvé dans une chambre de femme auparavant, Newt sentit qu’il était couché dans l’une d’elles, principalement grâce à une combinaison d’odeurs tendres. Il y flottait un soupçon de talc et de lys, et on notait l’absence d’un relent âcre de vieux T-shirts qui ont oublié à quoi ressemble l’intérieur d’une essoreuse.

Il tenta de redresser la tête, gémit et la laissa s’enfoncer dans l’oreiller. Rose, constata-t-il malgré lui.

« Vous vous êtes cogné la tête contre le volant, dit la voix qui l’avait réveillé. Mais vous n’avez rien de cassé. Que s’est-il passé ? »

Newt rouvrit les yeux.

« Voiture n’a rien ? s’enquit-il.

– On le dirait bien. Une petite voix à l’intérieur répète sans cesse :” S’ir vous praît boucrer ceintule.” »

– Vous voyez ? lança Newt à l’adresse d’un public invisible. On savait construire en ce temps-là. La finition plastique encaisse tout. »

Il cligna des yeux en regardant Anathème.

« J’ai fait un écart pour éviter un Tibétain sur la route, dit-il. Enfin, il me semble. Je crois que j’ai complètement perdu les pédales. »

La silhouette fit le tour du lit pour venir se placer dans son champ de vision. Elle avait des cheveux sombres, des lèvres rouges et des yeux verts, et il y avait une très forte probabilité pour qu’elle soit de sexe féminin. Newt essaya de ne pas la regarder trop fixement. La silhouette déclara : « Si c’est le cas, personne ne s’en apercevra. » Puis elle sourit. « Vous savez, je n’avais encore jamais rencontré d’Inquisiteur.

– Euhc commença Newt. Elle lui montra le portefeuille qu’elle avait ouvert.

– J’ai dû jeter un coup d’œil à l’intérieur », expliqua-t-elle.

Newt se sentit extrêmement embarrassé, un état qui ne lui était pas trop étranger. Shadwell lui avait attribué une carte officielle d’Inquisiteur professionnel, qui, entre autres choses, requérait tous les bedeaux, les magistrats, les évêques et les baillis de lui accorder libre passage, ainsi que tout le petit bois qu’il pouvait demander. Elle en imposait énormément, c’était un chef-d’œuvre de calligraphie et elle remontait probablement assez loin. Il en avait oublié l’existence.

« Mais c’est juste un passe-temps, expliqua-t-il d’une voix misérable. En fait, je suisc je suisc » Pas question de dire employé aux écritures, pas ici, pas maintenant, pas devant une telle fille. « c ingénieur en informatique », mentit-il. C’est ce que je voudraisêtre ; ce que je veuxêtre ; au plus profond de mon être, je suisingénieur en informatique, c’est juste mon cerveau qui n’est pas à la hauteur de mes ambitions. « Excusez-moi, mais pourrais-je savoirc

– Anathème Bidule. Je suis occultiste, mais c’est simplement un passe-temps. En fait, je suis sorcière. Très bien. Vous avez une demi-heure de retard », ajouta-t-elle en lui tendant une petite fiche bristol. « Il vaut sans doute mieux que vous lisiez ceci. Nous gagnerons du temps. »

Il est exact que Newt possédait un petit ordinateur personnel, malgré ses expériences de jeunesse. En fait, il en avait eu plusieurs. Lesquels ? La question ne se posait pas : c’étaient les équivalents informatiques de la Wasabi, ceux qui, par exemple, subissaient un rabais de 50 % après qu’il en eut acheté un ; ceux qu’on lançait à grand renfort de publicité, et qui sombraient dans l’anonymat au bout d’un an; ceux qui ne fonctionnaient correctement que quand on les gardait au frigo ; ou, si par accident il s’agissait intrinsèquement de bonnes machines, c’est sur Newt que tombaient les rares exemplaires vendus avec la première version du système d’exploitation, celle qui était percluse de bugs .Mais il s’entêtait : il avait la foi .

Adam possédait un petit ordinateur, lui aussi. Il s’en servait pour jouer, mais jamais très longtemps. Il louait un jeu, l’observait attentivement pendant quelques minutes, puis commençait à jouer jusqu’à ce que le tableau des scores soit à court de zéros.

Quand les autres Eux s’émerveillaient de ce don étrange, Adam se disait vaguement surpris que tout le monde ne joue pas de la même façon que lui.

« Il suffit d’apprendre à jouer, et puis après, c’est facile », disait-il.

Une grande partie de l’entrée du cottage des Jasmins était encombrée, comme le constata Newt avec une vague inquiétude, par des piles de vieux journaux. Des coupures étaient placardées sur les murs. Sur certaines, des paragraphes étaient entourés à l’encre rouge. Il ressentit une légère satisfaction en en retrouvant quelques-unes qu’il avait découpées à l’intention de Shadwell.

Anathème ne possédait pas grand-chose, en matière de mobilier. Elle ne s’était donné la peine d’emporter avec elle que sa pendule, qui faisait partie du patrimoine familial. Ce n’était pas une grande horloge avec coffre, mais une pendule qu’on accrochait au mur, avec un balancier sous lequel Edgar Allan Poe aurait pris plaisir à ligoter les gens.

Le regard de Newt y revenait sans cesse.

« Elle a été construite par un de mes ancêtres », dit Anathème en posant des tasses à café sur la table. « Sir Joshua Bidule. Vous avez entendu parler de lui ? Il a inventé le petit machin qui se balance et qui a rendu possible la fabrication de pendules précises à moindre prix. On lui a donné son nom.

– Le Joshua ? risqua Newt, méfiant.

– Le Bidule. »

Au cours de la demi-heure qui venait de s’écouler, Newt avait entendu pas mal de choses incroyables auxquelles il était à deux doigts de croire, mais il y a quand même des limites.

« Le Bidule tire son nom de son inventeur ?

– Oh, oui. C'est un des grands noms du Lancashire. C’est d’origine française, je crois bien. Ne me dites pas que vous n’avez jamais entendu parler de sir Humphrey Gadget, non plusc

– Bon, là, ça commence à bien fairec

– c inventeur du gadget ,qui permettait de pomper l’eau des puits de mine inondés. Ou de Pietr Machin ? Ou de Cyrrus T. Zinzin, le plus grand inventeur noir américain ? Thomas Edison a affirmé que les seuls autres inventeurs contemporains pour lesquels il éprouvait du respect, c’était Cyrrus T. Zinzin et Ella Reader Truc. Etc »

Elle vit l’expression atone de Newt.

« J’ai fait une thèse sur le sujet, expliqua-t-elle. Les gens qui ont inventé des choses si simples et d’une utilité si universelle que tout le monde a oublié qu’il avait été nécessaire de les inventer. Du sucre ?

– Benc

– D ’ordinaire, vous en prenez deux », affirma Anathème d’une voix charmante.

Newt scruta la fiche qu’elle lui avait tendue.

Elle paraissait croire que toute l’explication y figurait.

Ce n’était pas le cas.

Une ligne verticale la partageait en deux. À gauche, un court passage qui ressemblait à de la poésie, à l’encre noire. À droite, à l’encre rouge cette fois-ci, on trouvait commentaires et annotations. L’effet général était le suivant :

3819. Quand le Chariot d’Orient cherroit quatre roues es ciel, un homme meurtri repo fera sur ton lit, sa tefte dolente invoquant l’olivier, un homme qui soumet a l’e fpreuve de l’e fpingle, pourtant sa te fte est propre, quoique parente du germe de mon sort, retire-lui les moyens du feu pour affermir ta certitude.

Ensemble vivrez ju fqu’a la fin prochaine.

Voiture japonaise ?

renversée. Accident de voiture.

Blessures légèresc

Le recueillir

-olivier = aspirine (cf. 3757)

Espingle: inquisiteur (cf. 102)

Un bon Inquisiteur ??

Référence à Pulcifer (cf. 002)

le fouiller pour lui enlever

allumettes, etc.

dans les années 90 !

Hmmcc moins d’un jour (cf. 712,3803,4004)

La main de Newt se porta instinctivement à sa poche. Son briquet avait disparu.

« Qu’est-ce que ça signifie ? demanda-t-il d’une voix rauque.

– Vous avez déjà entendu parler d’Agnès Barge ? demanda Anathème.

– Non », rétorqua Newt, ancrant sa dernière ligne de défense dans le sarcasme. « Je suppose que vous allez me dire qu’elle a inventé les malades mentaux ?

– Encore un des grands noms du Lancashire, répondit-elle d’une voix glaciale. Si vous ne me croyez pas, lisez donc les comptes rendus des procès en sorcellerie au début du XVII e siècle. C’est une de mes ancêtres. Pour tout dire, un de vos ancêtres l’a brûlée vive. Enfin, il a essayé. »

Newt écouta avec une horreur fascinée l’histoire de la mort d’Agnès Barge.

« Vous-Ne-Commettrez-Point-L’Adultère Pulsifer ? articula-t-il quand Anathème eut fini.

– Ce genre de nom était très répandu, à l’époque. Apparemment, c’était une famille très dévote qui comptait dix enfants. Il y a eu Concupiscence Pulsifer, Faux-témoignage Pulsiferc

– Je crois comprendre. Bon sang. Il me semblait bien que Shadwell avait dit déjà connaître ce nom. On doit le trouver dans les archives de l’Armée. Je suppose que si j’avais dû me balader avec un nom comme Adultère Pulsifer, j’aurais cherché à faire souffrir le plus de gens possible.

– Je crois simplement qu’il n’aimait pas beaucoup les femmes.

– Merci de si bien le prendre. Je veux dire, c’était sans doute un de mes ancêtres. Pulsifer n’est pas un nom tellement courant. Peut-êtrec Peut-être que c’est pour ça que je me suis engagé dans l’Armée des Inquisiteurs ? C’est peut-être le Destin », risqua-t-il avec un vague espoir.

Elle secoua la tête. « Non, dit-elle. Ça n’existe pas.

– Et puis, bon, la chasse aux sorcières n’est plus ce qu’elle était autrefois. Au pire, je pense que ce bon vieux Shadwell a donné quelques coups de pied dans les poubelles de Doris Stokes.

– Entre nous, Agnès était un personnage un peu spécial, continua distraitement Anathème. Elle n’avait pas de vitesse intermédiaire. Toujours excessive. »

Newt agita la fiche. « Mais quel rapport avec tout ça ?

– C’est elle qui a écrit ça. Enfin, l’original. C’est le numéro 3819 des Belles et bonnes prophéties d'Agnès Barge, publié initialement en 1655. »

Newt contempla à nouveau la prophétie. Sa bouche s’ouvrit, puis se referma.

«  Elle savait que j’aurais un accident de voiture ?

– Oui. Non. Sans doute pas. C'est difficile à dire. Voyez-vous, il n’y a jamais eu de pire prophétesse qu’Agnès. Elle avait toujours raison. C'est pour ça que son bouquin ne s’est jamais vendu. »

Les dons psychiques sont causés d’ordinaire par une simple carence en focalisation temporelle, et l’esprit d’Agnès Barge était tellement à la dérive dans le Temps qu’elle passait pour bien atteinte, même selon les critères du Lancashire au XVII e siècle, où les prophétesses folles étaient une sorte d’industrie locale.

Mais tout le monde s’accordait à dire qu’on s’amusait beaucoup en l’écoutant.

Elle parlait de guérir des afflictions en se servant d’une sorte de moisissure, recommandait de se laver les mains pour que les tout petits animaux qui provoquent les maladies soient emportés par l’eau, alors que n’importe qui de sensé savait qu’une bonne puanteur était la meilleure défense contre les démons de la mauvaise santé. Elle conseillait de courir à allure modérée pour vivre plus longtemps (idée extrêmement suspecte qui attira pour la première fois sur elle l’attention des Inquisiteurs), et insistait sur l’importance d’un régime riche en fibres, quoique sur ce point elle fût très en avance sur son siècle : à l’époque, la plupart des gens se souciaient moins des fibres dans leurs repas que des cailloux. Et elle se refusait à guérir les verrues.

« Tout cela e ft dans vo ftre te fte, disait-elle, n’y pen fez plus, cela di fparai ftra tout seul. »

De toute évidence, Agnès était en communication directe avec le Futur, mais la ligne était extrêmement étroite et très spécialisée. En d’autres termes, elle n’avait quasiment aucun intérêt.

« Comment ça ? demanda Newt.

– Elle a réussi à écrire le genre de prédictions qu’on comprend seulement après coup. Par exemple : N’afche-tez point de bettamakfes. Elle avait prophétisé ça pour 1972.

– Vous voulez dire qu’elle avait prévu les magnétoscopes ?

– Non ! Elle captait simplement un petit bout d’information. Tout est là. La plupart du temps, elle fait une référence discrète qu’on ne parvient à déchiffrer que lorsque l’événement est passé, et là, tout se met en place. En plus, comme elle ne savait pas ce qui allait être important, elle faisait toujours son choix au petit bonheur. Sa prédiction pour le 22 novembre 1963, c’est qu’une maison allait s’écrouler à King’s Lynn.

– Oh ! » Le visage de Newt afficha une impassibilité polie.

« C’est le jour de l’assassinat du président Kennedy, lui expliqua Anathème. Mais à l’époque d’Agnès, Dallas n’existait pas. Tandis que King’s Lynn était une bourgade importante.

– Oh !

– En général, Agnès était particulièrement douée pour tout ce qui touche à sa descendance.

– Tiens ?

– Et elle ne connaissait rien au moteur à explosion. Pour elle, c’étaient simplement de drôles de chariots.

Même ma mère a cru qu’elle parlait d’un carrosse d’empereur qui se renversait. Vous voyez, il ne suffit pas seulement de connaître le futur. Il faut savoir ce que ça signifie. Agnès était dans la position de quelqu’un qui découvre un panorama gigantesque à travers un tout petit œilleton. Elle inscrivait les conseils qui lui semblaient pertinents en fonction de ce qu’elle comprenait de ses minuscules aperçus.

« Parfois, on a de la chance, poursuivit-elle. Mon arrière-grand-père, par exemple, a compris sa référence au krach boursier de 1929 deux jours avant que cela ne se passe. Il a fait fortune. On pourrait nous considérer comme des descendants professionnels. »

Elle jeta un regard perçant vers Newt. « Vous voyez, jusqu’à il y a deux cents ans environ, personne n’avait compris que pour Agnès les Belles et bonnes Prophéties étaient un héritage qu’elle nous léguait. De nombreuses prédictions concernent ses descendants et leur bien-être. Elle essayait de veiller sur nous après sa mort, en quelque sorte. Nous pensons que c’est ce qui explique sa prophétie à propos de King’s Lynn. Mon père était en voyage là-bas, à l’époque, et donc, du point de vue d’Agnès, il courait bien moins de risques d’être atteint par une balle perdue à Dallas, que de recevoir une brique sur le crâne.

– La brave femme, fit Newt. On en oublierait presque qu’elle a anéanti tout un village à l’explosif. »

Anathème ignora la remarque. « Enfin, bref, c’est pratiquement tout ce qu’il y a à dire. Depuis lors, nous avons eu à cœur de les interpréter. Après tout, ça fait une moyenne d’une prophétie par mois – en fait, un peu plus, maintenant que nous approchons de la fin du monde.

– Et c’est quand ? »

Anathème jeta à l’horloge un regard lourd de sens.

Il éclata d’un horrible petit rire, qu’il espérait élégant et sophistiqué. Après tout ce qui lui était déjà arrivé dans la journée, il n’était plus guère certain de sa santé mentale. Et le parfum d’Anathème le troublait beaucoup.

« Estimez-vous heureux que je n’aie pas besoin d’un chronomètre, répliqua-t-elle. Il nous restec oh, cinq ou six heures. »

Newt pesa cette déclaration dans sa tête. Il n’avait encore jamais eu envie de boire de l’alcool, mais quelque chose lui soufflait qu’il fallait bien commencer un jour.

« Est-ce que les sorcières ont de quoi boire, chez elles ? hasarda-t-il.

– Oh, oui. » Elle sourit comme avait probablement souri Agnès Barge en déballant le contenu de son tiroir à lingerie. « Des trucs verts qui gargouillent, avec des êtres qui se tortillent sur la surface en voie de coagulation. Vous êtes bien placé pour savoir ce genre de choses.


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