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Le Voleur d'Or (Золотой вор)
  • Текст добавлен: 15 октября 2016, 03:23

Текст книги "Le Voleur d'Or (Золотой вор)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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– Voulez-vous, suggéra Mix, lorsque les deux hommes eurent repris haleine, que nous descendions dans les caves de la réserve ?

– Je suis à votre disposition, articula Drapier.

Et dès lors, Mix allait ouvrir la porte basse dissimulée dans la toiture de la mansarde, laquelle interceptait rentrée du petit escalier tournant qui descendait jusqu’au sous-sol.

Chose curieuse, c’était précisément par ce chemin que, quelques jours auparavant, le voleur de l’hôtel des Monnaies, Fantômas, était descendu pour alimenter sa tirelire sans fond des pièces d’or qu’il dérobait à l’insu de tout le monde.

Toutefois, il n’y avait rien d’étonnant à ce que le haut fonctionnaire qui dirigeait l’hôtel des Monnaies connût ces passages secrets et il n’y avait pas lieu d’être surpris que son collaborateur et confident, M. Mix, fut également au courant de l’existence de ce passage.

Sans mot dire, étouffant le bruit de leurs pas, les deux hommes descendaient lentement le petit escalier.

Ils multipliaient leurs précautions au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient du sous-sol. Mix avait bien recommandé à Léon Drapier de faire le moins de bruit possible.

Ils arrivaient enfin à la dernière marche.

Dès lors, les deux hommes, avant de s’avancer dans l’obscurité froide du souterrain, se considéraient un instant à la lueur de la lampe électrique dont Mix avait tourné le commutateur.

Le détective privé mit un doigt sur ses lèvres, il recommanda le silence, et les deux hommes prêtèrent l’oreille.

On ne percevait aucun bruit.

Rien ne semblait révéler la présence de quelqu’un dans le sous-sol, en dehors de ces deux hommes.

Cependant, Mix paraissait fort inquiet et résolu à prendre les plus grandes précautions.

Il interrogea Léon Drapier à voix basse :

– Êtes-vous armé ?

– Oui, répondit le directeur de l’hôtel des Monnaies en pâlissant, j’ai sur moi mon revolver.

– C’est bien, sortez-le !

Léon Drapier obéissait. En même temps, son détective préparait son browning ; le claquement sec du revolver qu’on arme retentit dans la nuit.

– Maintenant, fit Mix, suivez-moi, je passe devant !

L’un après l’autre, les deux hommes s’engageaient dans le couloir, le sol sablé étouffait le bruit de leurs pas.

Léon Drapier ne remarqua point que les traces du passage précédent avaient été soigneusement effacées et que le sol avait été ratissé.

Lorsqu’on arriva devant la porte de fer qui commandait l’entrée de la cave, Mix éteignit la lumière.

Il fit tourner la clé dans la serrure, sans le moindre bruit. Puis, la porte une fois ouverte et les deux hommes ayant encore écouté si aucun bruit ne parvenait à leurs oreilles, Mix articula à voix basse :

– Vous allez entrer. Vous suivrez le mur sur la droite, vous ferez le tour de la cave. Lorsque vous serez revenu à votre point de départ, vous parcourrez le sous-sol dans tous les sens. N’allumez point de lumière, mais conservez votre revolver armé et faites feu sans hésiter à la moindre rencontre suspecte. Quant à moi, je reste à l’entrée de la cave, dont je surveille la porte.

Léon Drapier obéissait et, comme il marchait encore sur du sable, on n’entendait point le bruit de ses pas.

Au bout d’une dizaine de minutes, le directeur de la Monnaie revint tout haletant, car il était fort émotionné, auprès de Mix.

– Eh bien, fit-il, j’ai parcouru la cave en tous sens, je n’ai rien remarqué, rien entendu !

Mix, alors, alluma sa lampe électrique ; il affecta un air désappointé.

– C’est curieux ! dit-il, j’aurais pourtant bien cru que nous allions nous rencontrer avec le voleur ! J’étais convaincu qu’il était là…

– Voulez-vous, suggéra Drapier, que nous fassions de nouvelles recherches ?

– Non, articula Mix, ce n’est pas la peine.

Pendant tout le temps que Léon Drapier avait erré dans la cave, Mix s’était tenu à l’entrée du sous-sol, précisément entre le tuyau perforé par lequel Fantômas avait fait passer des milliers de pièces d’or et une cuve remplie de louis.

Léon Drapier voulut jeter un coup d’œil sur cette cuve pour s’assurer qu’il n’y manquait rien, mais son conseiller l’en empêcha.

– C’est inutile, déclara cet homme, de nous attarder plus longtemps, puisqu’il est établi qu’il n’y a plus personne ! Remontons, au contraire, et allons-nous-en ! Nous sommes entrés incognito à l’hôtel des Monnaies, il va falloir nous en aller de même…

Il recommandait encore :

– Toutefois, pour plus de précautions, et comme le couloir que nous devons suivre jusqu’au bout de l’escalier est assez large, longez la muraille à droite, tandis que moi je la longerai du côté gauche.

Les deux hommes procédaient ainsi et Léon Drapier arrivait le premier au pied de l’escalier.

Mix s’était attardé, le directeur de la Monnaie ne savait pourquoi, il ne se le demanda même point.

En fait, le détective s’était livré à une besogne assez suspecte.

À côté de la porte de fer, il avait trouvé le râteau avec lequel on avait effacé les dernières traces de pas. Or, voici qu’il avait traîné ce râteau derrière lui de façon à effacer les empreintes laissées par ses chaussures à lui, alors qu’il revenait vers l’escalier, ayant bien soin, par contre, de ne point toucher aux traces laissées par le directeur de la Monnaie !

Les deux hommes remontaient dans les combles, puis ils avisèrent de descendre en se laissant glisser par la gouttière le long du tuyau extérieur qui donnait sur la façade de la rue Guénégaud.

Au moment cependant où Léon Drapier allait descendre, Mix l’arrêta.

– Écoutez ! fit-il.

– Qu’est-ce qu’il y a ?

– Des bruits… Je viens d’entendre quelque chose, on circule à l’étage au-dessous, on vient de notre côté…

– Eh bien ! déclara Léon Drapier, cela ne peut être que des gens de la maison ou de la police, nous n’avons pas à nous cacher !

– Au contraire ! s’écria Mix, il faut nous dissimuler au plus vite ! Il faut que l’on ignore absolument que c’est nous qui sommes venus par ici. Songez donc, nous avons pénétré incognito dans l’hôtel des Monnaies ; si l’on nous suspectait l’un et l’autre d’être les voleurs, nous n’aurions aucune excuse !

Le directeur pâlissait.

– Vous avez raison ! dit-il. C’est une maladresse extrême que nous avons commise ! Ah ! Mix, pourquoi m’avez-vous engagé dans cette aventure ?

Le détective interrompait net d’un geste.

– Il ne s’agit pas de discuter, mais d’aviser et d’agir. Écoutez-moi, faite ce que je vais vous dire, et je vous tire d’affaire !

Puis, sans attendre de réponse, il poussait Léon Drapier vers la fenêtre.

– Descendez le plus rapidement possible et, sitôt dans la rue Guénégaud, enfuyez-vous, rentrez à votre domicile… Vous pénétrerez chez vous par l’escalier de service, car il se peut que l’on surveille le grand escalier ; vous feindrez, lorsque vous serez dans votre appartement, si vous entendez quelque bruit, d’avoir peur d’une agression, et vous vous avancerez le revolver au poing !

– Mais… commençait à interroger Léon Drapier, pourquoi ?

– Parce que c’est nécessaire ! ordonna péremptoirement Mix.

Il ajoutait, cependant que Drapier enjambait déjà la fenêtre :

– Ah ! au fait ! J’oubliais ! Il se peut que le chef de la Sûreté vienne vous trouver et vous demande pourquoi vous ne l’avez pas attendu chez vous : vous lui répondrez que vous n’avez pas quitté votre appartement ! N’ayez crainte, je vous expliquerai tout cela plus tard !

Telles étaient les dernières paroles qu’avaient échangées les deux hommes. Léon Drapier, confiant dans les conseils du détective, s’était laissé glisser le long du tuyau de gouttière ; il arrivait rue Guénégaud les vêtements déchirés, le visage meurtri, les mains en sang, mais nul ne l’avait remarqué.

Et, dès lors, se mettant à courir, Léon Drapier rentrait chez lui.

Quant à Mix, demeuré dans les combles de l’hôtel des Monnaies, il se mettait à marcher à grands pas sur le plancher du grenier.

Il le faisait évidemment exprès pour attirer l’attention car, à l’étage au-dessous, des voix se faisaient entendre, et le bruit d’une course précipitée.

Mix, retenant son haleine, attendait derrière une porte que l’on montât jusqu’à l’étage où il se trouvait, puis, au moment où l’on allait enfoncer cette porte, il bondissait par une autre qu’il venait d’entrouvrir et descendait par un escalier opposé à celui dans lequel se trouvaient les gens.

Au bout de dix minutes, M. Havard, accompagné de deux inspecteurs et du chef de la surveillance de l’hôtel des Monnaies, descendait des combles et arrivait dans le couloir des bureaux.

– C’est extraordinaire, disait le chef de la Sûreté, que nous n’ayons pas pu pincer le voleur. Car il n’y pas de doute, il était tout à l’heure dans ce grenier et la lucarne dont le carreau est brisé prouve qu’il s’est enfui par le fenêtre. Léon et Michel se sont imaginé qu’il s’était caché sur le toit, ils se sont précipités à sa recherche, ils n’ont trouvé personne. C’est donc que l’homme est descendu dans la rue Guénégaud le long du tuyau de gouttière. Mais alors, il a dû faire joliment vite, parce qu’il ne s’est certainement pas écoulé plus de trente secondes entre le moment où nous l’avons entendu derrière la porte du grenier et l’instant où nous sommes arrivés dans ce grenier.

Le chef de la Sûreté toutefois s’arrêtait de parler. Au moment où il arrivait dans le couloir du bureau, un homme qui paraissait sommeiller sur une banquette, se leva :

– Monsieur Mix ! s’écria le chef de la Sûreté.

C’était en effet le détective.

Il étouffa un bâillement, il parut s’arracher au sommeil, phénomène étrange en vérité pour quiconque aurait su que, quelques secondes auparavant, Mix était arrivé haletant dans ce couloir et avait juste eu le temps de s’étendre sur la banquette avant de la quitter pour voir le chef de la Sûreté.

– C’est moi, en effet, déclara-t-il, d’une voix calme et tranquille, cependant qu’il s’inclinait respectueusement devant M. Havard.

Celui-ci, naïvement, proféra :

– Vous sortez donc de dessous terre, monsieur Mix ! Nous étions dans ce couloir il y a environ dix minutes, et nous ne vous avons pas remarqué !

– Moi non plus, fit le détective, et je sais pourquoi en ce qui me concerne. C’est que je dormais.

– Vous ne dormiez pas sur cette banquette ?

– Je dormais à l’intérieur, fit Mix. J’ai découvert que cette banquette était un coffre et qu’on s’y pouvait dissimuler à merveille. Vous n’ignorez pas, monsieur le chef de la Sûreté, que moi aussi je cherche, pour mon compte, l’auteur des mystérieux vols. Il y a quelques instants, je suis sorti de ce coffre, ayant un peu chaud, je me suis étendu dessus, espérant reposer en paix, car je suis très fatigué… Vous ne m’en avez pas laissé le loisir !

– Je le regrette, fit d’un ton bourru le chef de la Sûreté, nous avons autre chose à faire ici qu’à dormir. Le voleur vient de nous échapper en se sauvant par les toits, il y a quelques instants à peine.

– Vraiment ! fit Mix, et d’où venait-il donc ?

– Ma foi, déclara le chef de la Sûreté, je n’en sais rien ; des combles de l’immeuble, je crois.

– Vraiment ! fit encore Mix en réfléchissant.

Et il ajoutait, sceptique :

– Ce n’est pourtant pas dans les combles qu’on l’on vole, mais dans les caves !

– C’est vrai, reconnut le chef de la Sûreté.

Et soudain il se tournait vers Léon et Michel.

– Le propos que vient de tenir M. Mix m’ouvre des horizons, messieurs. Il est évident que le voleur a dû être dérangé au moment où nous sommes intervenus, peut-être se rendait-il dans la cave, peut-être même en revenait-il. Il serait bon d’y aller voir, dans le cas où il aurait laissé des complices au fond de ce sous-sol.

– Voire même… insinua mystérieusement Mix.

– Voire même quoi ? interrogea le chef de la Sûreté.

– Eh bien, fit le détective privé, voire même des traces, par exemple, vous permettant d’identifier, sinon sa personnalité absolue, du moins quelque chose d’approchant.

Havard posa ses deux mains sur les épaules de Mix.

– Monsieur, fit-il, je n’avais pas l’honneur de vous connaître jusqu’à présent, mais plus je vous fréquente et plus je vous apprécie. Votre idée est excellente, nous allons descendre ! Venez-vous avec nous ?

Quelques instants après, le petit groupe d’hommes était dans les sous-sols. La première chose qu’ils constataient, en s’approchant de la cuve placée à proximité du tuyau percé par lequel Fantômas faisait disparaître les louis d’or, c’est que la cuve était aux deux tiers vide.

– L’or ! s’écria le chef de la surveillance, que l’on avait apporté cet après-midi, a presque entièrement disparu !

Le chef de la Sûreté et ses inspecteurs se considéraient abasourdis.

Mix ne disait rien et, sans en avoir l’air, il orientait vers le sol le faisceau lumineux de sa lampe électrique. Machinalement, les yeux des personnes présentes suivaient le faisceau électrique.

Tout d’un coup, M. Havard poussa un cri :

– Des empreintes ! s’écria-t-il. Voici des empreintes toutes fraîches ! Quelqu’un s’est promené dans cette cave, il n’y a pas longtemps !

– D’autant moins longtemps, articula le chef de la surveillance, que j’ai fait ratisser le sol à six heures ce soir, au moment où l’on venait d’apporter les louis d’or qui ont disparu désormais de la cuve auprès de laquelle nous nous trouvons.

Il était environ sept heures du matin et, dans le cabinet de M. Havard, au quai des Orfèvres, se tenait une mystérieuse conférence.

Il y avait là les deux inspecteurs Léon et Michel, le chef de la Sûreté, et enfin M. Mix.

– Alors ? interrogea Havard triomphant en se tournant vers M. Mix, que concluez-vous de ces traces ?

– Que voulez-vous ! fit M. Mix d’un air qui paraissait accablé, je suis obligé de me rendre à l’évidence. Les traces que vous avez relevées, ces empreintes de pas concordent évidemment de la façon la plus exacte avec celles de M. Léon Drapier, le directeur de la Monnaie !

– N’est-ce pas ? s’écria Havard. Il apparaît donc bien certain que M. Léon Drapier est venu dans cette cave après six heures du soir, que c’est lui et lui seul qui a fait disparaître les louis d’or, et que c’est encore lui qui s’est sauvé sur les toits ou, pour mieux dire, dans la rue Guénégaud en y descendant par le tuyau de la gouttière, s’enfuyant devant nos poursuites !

– Je ne puis pas vous dire le contraire, articula M. Mix, cela paraît évident !

Havard ajoutait, toujours triomphant :

– J’ai une preuve de plus, que je me dois de vous faire connaître.

– Laquelle ?

– Hier soir, expliquait Havard, j’ai téléphoné à M. Léon Drapier de rester à son domicile et de m’y attendre. Lorsque je me suis présenté à ce domicile, Léon Drapier n’y était pas. Il s’est donc enfui, il est venu à la Monnaie ; peut-être, à l’heure actuelle, le misérable est-il en fuite ! Car, il n’y a pas de doute, c’est lui le voleur…

– Hélas ! murmura M. Mix, j’ai longtemps voulu croire le contraire ! Je m’étais mis à sa disposition pour le tirer d’affaire. Depuis, plus je connais sa manière d’être, sa façon de vivre, les détails de son existence, plus je suis obligé de me rendre à votre raisonnement. Évidemment, monsieur le chef de la Sûreté, vous aviez découvert le mystère. Le coupable, c’est Léon Drapier ! Le directeur de la Monnaie est un voleur ! Dieu veuille qu’il ne soit pas autre chose !

– Qu’entendez-vous par là ? interrogea Havard.

– Rien, monsieur, c’est une parole imprudente !

Le chef de la Sûreté insistait :

– Je veux connaître le fond de votre pensée, parlez, je vous l’ordonne !

– Eh bien, fit M. Mix, qui paraissait de plus en plus troublé, il y a des choses qui maintenant me reviennent à l’esprit. Votre découverte de la culpabilité de Léon Drapier éclaire pour moi d’un jour nouveau certaines affaires, certains crimes jusqu’à présent demeurés mystérieux.

– Ah ! s’écria M. Havard, vous songez à l’assassinat du valet de chambre Firmain…

Mix hocha la tête.

– J’y songe, en effet, monsieur.

Michel intervenait dans la conversation :

– Souvenez-vous, monsieur le chef de la Sûreté, dit-il, que cette nuit nous avons remarqué que les scellés apposés dans le cabinet de travail de M. Léon Drapier ont été arrachés, puis replacés, et que l’on a fait un faux cachet.

– Est-ce possible ? s’écria Mix, qui jouait merveilleusement la stupéfaction.

Havard, cependant, poursuivait :

– Du vol à l’assassinat, il n’y a qu’un pas. Il est prouvé, à mon avis, que Léon Drapier est le voleur de la Monnaie. Croyez-moi, nous ne tarderons pas à découvrir le meurtrier de Firmain !

Mix interrogea :

– Et cette malheureuse Paulette de Valmondois ?

Le chef de la Sûreté s’approchait de Mix :

– Assassinée, monsieur ! assassinée, elle aussi ! Et assassinée par son amant, j’en mettrais la main au feu désormais. Il la manqua une première fois, lorsqu’il tira sur elle le coup de revolver, il réussit à l’achever en lui envoyant, détail horrible, par son fils, ce bouquet de fleurs empoisonnées.

Havard se tournait vers ses inspecteurs :

– Messieurs, déclarait-il, nous n’avons pas une minute à perdre. Il s’agit de nous élancer au plus vite sur les traces de Léon Drapier. Qu’on téléphone à toutes les gares ! Que l’on prévienne les postes-frontières, les ports d’embarquement ! En tout cas, nous allons tenter une démarche qui vraisemblablement ne sera pas couronnée de succès, mais il ne faut rien négliger !

Havard se tournait vers Mix.

– Monsieur, fit-il, mes inspecteurs vont aller remplir les missions que je leur donne. Quant à moi, je me rends, sans perdre un seconde, au domicile de Léon Drapier. Voulez-vous m’y accompagner ?

– Ah ! monsieur ! fit le détective privé, c’est une cruelle épreuve que vous m’imposez là ! J’ai cru longtemps à l’innocence de ce misérable et si, par hasard, il se trouve chez lui, lorsqu’il me verra en votre compagnie, il s’imaginera que je l’ai trahi…

– Il s’imaginera tout ce qu’il voudra ! articula Havard. Lorsqu’il s’agit de démasquer un coupable, la trahison n’est pas une infamie, c’est un devoir social, c’est un honneur !

Puis Havard ajoutait, se penchant vers Mix :

– Vous connaissez la disposition de la maison mieux que moi, vous me rendrez service en m’accompagnant. Je vous disais tout à l’heure que j’étais à même d’apprécier votre habileté, je ferai reconnaître votre dévouement, et s’il vous plaît d’accepter une situation d’inspecteur au nombre de mes dévoués collaborateurs, votre nomination sera signée en même temps que l’ordre d’écrou de Léon Drapier !

Caroline venait d’ouvrir la porte ; elle reconnut le chef de la Sûreté.

– Votre maître est-il là ? demanda celui-ci.

– Oui, monsieur, fit la vieille cuisinière, même que monsieur est bien fatigué, bien malade. Si monsieur savait ce qui s’est passé ! Voilà madame qui a disparu, rapport à ce qu’elle a découvert que monsieur avait une maîtresse !… Je demande un peu à monsieur si madame devait agir de la sorte !… Surtout que la maîtresse de monsieur est décédée… Là où il n’y a plus personne, le diable y perd ses droits !…

Havard avait jeté un coup d’œil de triomphe à Mix, il pénétra dans la chambre de M me Drapier, où le malheureux directeur de la Monnaie était demeuré, abasourdi, atterré, depuis le départ subit et inattendu de sa femme.

Lorsqu’il vit entrer le chef de la Sûreté en compagnie de Mix, Léon Drapier se leva.

– Monsieur, déclara le chef de la Sûreté, je suis heureux de vous trouver enfin à votre domicile ! Je m’aperçois que j’arrive à temps et que, décidément, la justice aura le dernier mot ! Au nom de la loi, je vous mets en état d’arrestation, car vous êtes inculpé non seulement des vols commis à la Monnaie, mais encore du double assassinat du malheureux Firmain et de votre infortunée maîtresse, la fille Poucke, dite Paulette de Valmondois !

À ces paroles, Léon Drapier devint livide.

Il écarquilla les yeux, remua les lèvres, d’abord incapable d’articuler une seule parole, enfin il murmura d’une voix blanche :

– Vous avez perdu la tête ! Vous êtes fou !

– Je ne suis pas fou, déclara sévèrement M. Havard, je crois au contraire que j’ai raisonné selon les plus sûrs principes de la logique et de la vraisemblance, et c’est pour cela que je vous mets en état d’arrestation. L’enquête prouvera si je me trompe, l’instruction établira votre culpabilité.

– Mais je suis innocent ! hurla Léon Drapier.

M. Havard rétorquait ironiquement :

– Vous le prétendez !… Et je reconnais que vous avez fait preuve d’une habileté telle, dans l’exécution des différents forfaits que l’on vous reproche, que les policiers les plus subtils s’y sont trompés !

À ce moment, Léon Drapier jetait un regard inquiet et interrogateur sur son détective privé, sur Mix, qui assistait, sans mot dire, à la tragique discussion.

Havard suivit le regard de l’infortuné directeur de la Monnaie.

– Vous vous adressez à M. Mix, dit-il, vous cherchez en lui un appui, une sauvegarde, vous espérez trouver en sa personne un allié ? Vous faites erreur, monsieur Drapier ! M. Mix, détective privé, est un honnête homme que j’honore et que j’estime. Il fut dupe, comme bien d’autres, de votre prétendue innocence, mais, à la suite des découvertes que nous avons faites, des arguments convaincants que j’ai déployés devant lui, il s’est rendu compte qu’en vous défendant il faisait fausse route et il reconnaît comme moi que vous êtes coupable. Je tiens M. Mix pour un homme sincère et je sais qu’il ne me démentira pas !

Stupéfié par cette déclaration, Léon Drapier, qui sentait sa raison chanceler, demeura quelques instants interdit.

Mais soudain une violente colère gronda dans son cœur. Quel avait été le rôle de Mix dans toute cette affaire ? Il ne le comprenait pas encore très exactement, mais il avait l’impression, peu à peu, que cet homme, loin de l’aider, l’avait compromis, que ce détective avait fait tout ce qu’il fallait pour le perdre…

Certes, Léon Drapier ne savait pas encore qu’on allait invoquer contre lui ses propres traces dans la cave, mais il se souvenait qu’à deux ou trois reprises, sous prétexte d’écarter de son chemin des éléments compromettants, Mix lui avait fait commettre des fautes graves, telles que le bris des scellés chez lui, telles que le véritable cambriolage de l’appartement de Paulette de Valmondois.

– Ah ça, commença Léon Drapier en regardant Mix, ah ça ! seriez-vous un misérable ?

Léon Drapier s’arrêta.

Une porte de la chambre venait de s’ouvrir, et il vit quelqu’un se profiler dans l’entrebâillement de cette porte.

M. Havard et M. Mix ne voyaient point cette personne, ils lui tournaient le dos.

Léon Drapier, cependant, ne pouvait détacher son regard de ce nouveau venu.

Il avait un visage souriant, des yeux qui pétillaient de joie, et il mettait son doigt sur ses lèvres, signifiant à Léon Drapier de ne plus prononcer une parole, de ne pas formuler une observation.

Il avait à peine achevé ce geste que M. Havard, surpris par la fixité du regard de Léon Drapier, se tournait pour voir ce que le directeur de la Monnaie regardait.

Mix fit de même. Le chef de la Sûreté et le détective privé poussèrent ensemble un cri de surprise :

– Juve !…

– Juve !…

Le célèbre policier s’avança dans la pièce.

– Eh bien ! s’écria M. Havard, vous arrivez comme un carabinier, mon cher Juve ! Et cette fois, votre présence n’est pas inutile, je viens de mettre en arrestation M. Léon Drapier ; veuillez exécuter cet ordre et lui passer les menottes !

Juve n’articulait pas une parole.

Il s’était légèrement incliné devant M. Havard, son regard se croisa avec celui de M. Mix qui paraissait légèrement inquiet, Juve considéra enfin d’un œil de pitié Léon Drapier.

Toutefois, le célèbre policier sortait un cabriolet de sa poche, et s’approcha du directeur de la Monnaie.

– Donnez-moi vos deux pouces ! fit-il.

Comme le malheureux obéissait, Juve, à voix basse, murmura à son oreille ces étranges paroles :

– Laissez-vous faire, ne dites pas un mot, n’accusez personne, tout va pour le mieux !




XXIII


Un apprenti voleur

– Jean ?

– Monsieur ?

– Tu es un animal !

– Oui, monsieur !

– Tu ne m’as pas réveillé !

– Monsieur avait l’air trop fatigué !…

– Mais, sapristi ! je ne t’ai pas chargé de me soigner ! je t’ai chargé de me réveiller !…

– Je ne dis pas le contraire !

– Il ne manquerait plus que cela !… Enfin, cela m’est égal ! Je te donne tes huit jours !

– Bien, monsieur.

– Cela n’a pas l’air de t’ennuyer ?

– Non, monsieur.

– Pourquoi cela, Jean ?

– Parce que c’est la six cent vingtième fois que monsieur me les donne sans résultats !…

Juve se réveillait et se réveillait de très bonne humeur. Il avait passé la nuit à étudier des dossiers, à prendre des notes, à écrire un long rapport.

Juve avait été fort ému par l’opération qu’il avait pratiquée la veille sur la personne du malheureux Léon Drapier.

Juve avait beaucoup réfléchi depuis cette arrestation, énormément compulsé de dossiers, et lorsque, à sept heures du matin, le vieux Jean était arrivé à l’appartement, il avait trouvé le policier encore installé à sa table de travail, devant sa lampe allumée, et ne se doutait nullement de l’heure qu’il était.

– Monsieur ne s’est pas couché ? s’était exclamé Jean.

– Non, avait riposté Juve, mais monsieur se couche !

Le policier passait en effet dans sa chambre, allant s’étendre sur son lit et ordonnant à son domestique de le réveiller sans faute à midi.

Or Juve avait dormi de si longues heures, il avait si bel et bien ronflé que le fidèle domestique ne s’était pas senti le courage de réveiller son maître.

Jean, aussi bien, était furieux depuis quelques jours. L’existence du policier qu’il servait depuis vingt ans avec un dévouement scrupuleux lui apparaissait, en effet, véritablement désorganisée. Juve, qui avait toujours mené une vie extraordinaire, disparaissant des quinze jours entiers puis revenant à l’improviste pour repartir aussitôt, Juve, qui ne déjeunait jamais à heure fixe et dînait chez lui peut-être une fois par mois, avait scandalisé son valet de chambre de la façon la plus simple.

Il avait un jour exprimé le désir de manger du gigot, Jean avait fait cuire ce gigot, et Juve n’avait pas reparu à son domicile trois jours durant !

Jean ne pardonnait pas cela à son maître. Jean, qui avait mangé le gigot et l’avait trouvé excellent, avait adressé des reproches à Juve. Juve les avait écoutés en souriant, mais avait mis au comble l’exaspération du domestique en lui rétorquant, ce qui était une pure calomnie, qu’il n’était pas venu manger le gigot parce que ce gigot devait être coriace !

– Tout cela, ça n’est pas clair, pensait Jean. Sûrement que monsieur est encore enfoncé dans une affaire qui lui causera des désagréments !

Comme Jean avait pour Juve une affection sincère, un dévouement de caniche, Jean s’était juré de faire rentrer monsieur dans l’ordre, c’est-à-dire de lui imposer des heures fixes pour dormir, des heures fixes pour déjeuner et pour dîner.

Jean n’était naturellement pas arrivé à convaincre Juve de la nécessité qu’il y avait de mener une vie rangée. Toutefois, Jean prenait désormais sur lui de forcer le policier à dormir. C’est pourquoi, trouvant que son maître avait besoin de repos, le valet de chambre s’était bien gardé d’éveiller Juve à midi. Il l’avait laissé continuer son somme jusqu’à six heures du soir, heure à laquelle Juve s’éveillait tout naturellement.

Le premier mouvement du policier avait d’abord été un mouvement de colère. Il avait sonné Jean, il l’avait mis à la porte. Par bonheur, Jean n’attachait à la chose aucune importance. Ainsi qu’il le disait à Juve sans s’émouvoir, il avait déjà reçu plus de six cents fois son congé ! Il savait, dans ces conditions, ce que parler voulait dire et ne tenait aucun compte de la colère du chef.

– Animal ! bougonna le policier. Tu m’as fait rater ma journée !…

À ce moment, Jean cligna des yeux, prit un visage souriant :

– Monsieur ne m’en voudra certainement pas ! déclara-t-il. Et d’abord monsieur aura une surprise !

– Une surprise ? Quand ? Laquelle ?

– Monsieur aura une surprise à dîner !

Juve reprit son air sérieux.

– Jean, déclarait-il, si tu ne me réponds pas à la minute, je ne te ficherai pas à la porte, parce que tu t’en moques absolument. Je te flanquerai bel et bien une tripotée dont tu te souviendras ! Quelle est ta surprise ?

– Monsieur, répondit Jean, j’ai fait un gigot pour ce soir… Monsieur fera un bon dîner.

– Non, dit Juve, car je ne dînerai pas ici !

Et, de fait, malgré les supplications du dévoué valet de chambre qui pleurait presque à la pensée qu’un second gigot allait se perdre sans avoir eu les honneurs de paraître sur la table de Juve, le policier se levait, s’habillait.

Juve n’était jamais long à faire sa toilette, mais ce jour-là, cependant, il y apportait un soin extrême. Juve se rasait précautionneusement, choisissait un complet qui avait bonne élégance, enfilait un pantalon dont le pli était impeccable.

– Jouons la difficulté, se disait-il. Il s’agit d’impressionner ces lascars !

Quarante minutes après, Juve était habillé. Il consentait alors, pour ne point trop fâcher le vieux Jean, à dîner rapidement. Juve, toutefois, ne savourait pas le fameux gigot que le valet de chambre apportait sur la table avec un air de triomphe.

Juve était visiblement préoccupé, anxieux ou inquiet même.

– Il s’agit maintenant, murmurait-il, de jouer serré ! J’ai perdu un jour, mais cela n’a pas d’importance !

À la dernière bouchée, Juve, ayant avalé son café brûlant et pris un cigare, quitta la rue Tardieu.

Où allait-il donc ?

À coup sûr, Juve partait en expédition. Il partait même en expédition périlleuse, car il avait soigneusement vérifié le magasin de son browning et glissé des cartouches neuves dans cette arme fidèle.

Au bas de la rue Tardieu, Juve arrêta un taxi-auto :

– Menez-moi, commanda-t-il, au pont des Arts.

Une fois arrivé là, Juve quittait sa voiture et traversait la Seine. Le policier, quelque temps, flâna sur les quais, fumant toujours, paraissant attendre quelque chose ou quelqu’un. Juve, à ce moment, tout bonnement, attendait que la nuit se fût faite obscure, que les quais fussent entièrement déserts. C’était seulement lorsqu’on commençait à ne plus voir clair, lorsqu’il devenait impossible de distinguer du parapet des trottoirs, l’extrémité des berges, que Juve se hasardait à y descendre.

Mais où allait donc le policier ?

Juve, tout bonnement, retournait à l’Enfer. Il lui fallait, en vérité, une dose d’audace extraordinaire pour affronter ainsi à nouveau les Grouilleurs !


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