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Le Voleur d'Or (Золотой вор)
  • Текст добавлен: 15 октября 2016, 03:23

Текст книги "Le Voleur d'Or (Золотой вор)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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M. Valleret, à son tour, changeait de figure.

– Après tout, vous pourriez bien avoir raison ! Savez-vous ce que j’ai dans mon dossier, et ce que je viens dire au patron ?

M. Valleret allait commencer une explication et faire des révélations à son interlocuteur, lorsqu’un violent coup de sonnette retentit :

L’huissier sursauta :

– M. le directeur est arrivé… Je reconnais son coup de sonnette !

Et, dès lors, il se précipitait au fond du couloir, ouvrait une double porte rembourrée et se présentait quelques secondes après dans le cabinet directorial où venait de pénétrer, par une porte privée, M. Léon Drapier.

Le directeur de la Monnaie arrivait très essoufflé. Il se débarrassait en hâte de son pardessus et de son chapeau qu’il jetait machinalement sur un bras de fauteuil, puis s’installait devant son bureau où était disposée une volumineuse correspondance.

– Combien de personnes à recevoir ? demanda-t-il.

– Une quinzaine, monsieur le directeur.

– Eh bien, commença Léon Drapier, introduisez la première personne !

Mais l’huissier, fidèle à la promesse qu’il avait faite, articula :

– Y a M. Valleret, l’employé de la comptabilité, qui sollicite une audience de monsieur le directeur.

– Ah ! très bien, fit Léon Drapier, qu’il entre avant tout le monde.

Cependant que l’huissier s’éloignait lentement, de ce pas majestueux et tranquille qui caractérisait sa solennité, Léon Drapier, sans même jeter un coup d’œil sur le courrier amoncelé devant lui, se prit la tête dans les mains comme un homme excédé.

Depuis quarante-huit heures, Léon Drapier ne dormait plus. Les aventures les plus mystérieuses se produisaient, les drames les plus tragiques éclataient autour de lui. Il avait l’impression qu’un filet se resserrait autour de sa personne, filet aux mailles invisibles dont il sentait l’influence sans les voir.

Léon Drapier avait également l’impression qu’au fur et à mesure que le temps passait il devenait personnellement suspect à son ministre, aux membres du gouvernement. Des faits incompréhensibles s’étaient produits en effet, et les pièces d’or monnayées qui avaient disparu constituaient un fait qui n’était pas pour le réhabiliter dans l’esprit du ministre, d’autant plus que, malgré ses efforts, Léon Drapier n’avait pas pu découvrir l’origine de ces fuites.

Puis, ce matin-là, à la lecture des journaux qu’il avait faite en se levant, Léon Drapier avait été abasourdi ; les détails du drame de la veille étaient pour lui comme un coup de massue qu’il recevait sur la tête.

Il avait espéré que les apaches que l’on avait arrêtés porteurs des pièces d’or non encore mises en circulation se décideraient à faire des aveux et que leurs déclarations mettraient sur la piste de leur pourvoyeur d’argent, c’est-à-dire de l’audacieux coupable qui volait à la Monnaie.

Or voici que ces misérables venaient d’être atrocement mutilés, et qu’il apparaissait certain que cette mutilation avait été faite par quelqu’un qui avait le plus haut intérêt à les terroriser par quelques représailles, afin de les empêcher de parler.

Quel était le formidable bandit assez féroce pour avoir imaginé un aussi cruel supplice ?

Spontanément, un nom était venu aux lèvres de Léon Drapier, nom qu’il avait trouvé d’ailleurs imprimé en toutes lettres dans les journaux qu’il lisait, nom qui, certainement, était dans la pensée de tous :

Fantômas !… Fantômas !… Fantômas !…

Dès lors, à l’anxiété curieuse qu’il éprouvait, au désir impérieux qu’il ressentait en lui de savoir la vérité sur ce qui s’était passé, sur ce qui se passait, se mêlait une inquiétude effroyable, une crainte affreuse à l’idée que peut-être lui-même Léon Drapier était involontairement mêlé à une aventure de Fantômas.

Malgré lui le directeur de la Monnaie en revenait toujours aux deux crimes mystérieux qui s’étaient produits l’un à son domicile, l’autre rue Blanche.

Il savait qu’il n’était pas coupable, il savait qu’il n’avait pas tué le valet de chambre Firmain, pas plus qu’il n’avait assassiné sa maîtresse, Paulette de Valmondois.

La mort inexpliquée de Firmain, le décès tragique de Paulette n’étaient pas faits pourtant pour le rassurer.

En somme, c’étaient là, bien nettement, des crimes à la manière de Fantômas, des drames comme seul le Génie du crime était capable d’en imaginer.

Léon Drapier s’étonnait de ne pas avoir vu depuis quarante-huit heures le seul homme en qui désormais il avait confiance, le détective privé, M. Mix, qui jusqu’à présent, croyait-il, l’avait fort adroitement guidé dans le labyrinthe de mystère, alors que peut-être, s’il avait un peu mieux réfléchi, il se serait rendu compte que M. Mix paraissait plutôt l’observer, lui, Léon Drapier, et s’inquiéter de ce qu’il faisait que de le protéger et de le défendre.

Le directeur de la Monnaie en était là de ses réflexions, lorsque M. Valleret entra dans son cabinet.

L’employé de la comptabilité se confondit en salutations plates et obséquieuses devant le grand chef, mais Léon Drapier mettait fin, d’un geste bref, à ces cérémonies.

– De quoi s’agit-il, monsieur Valleret ? dit-il. Parlez rapidement, je suis très pressé.

M. Valleret déposa son dossier sur le bureau du directeur. Il l’ouvrit lentement, puis, mouillant son doigt, se mit à tourner des pages et des pages sur lesquelles figuraient d’interminables colonnes de chiffres.

Quelques secondes, Léon Drapier le regardait faire, puis, impatienté, nerveux, il interrogea :

– Voyons, de quoi s’agit-il, monsieur Valleret ?

– De la balance de l’enquête, monsieur le directeur !

– Eh bien, quoi, la balance ? Qu’est-ce qui se passe ?

– Il se passe, monsieur le directeur, que je ne suis pas d’accord avec le trésorier.

– Allons, donc ! À quel point de vue ?

M. Valleret prit un temps pour répondre. Au fond, il était très satisfait d’avoir quelque chose d’important à signaler à M. le directeur. Il semblait que cela le rehaussait dans l’esprit de son chef, et que désormais il allait être dépositaire d’un de ces graves secrets comme il en est parfois dans les administrations et que tout le monde connaît dans les bureaux au bout de cinq minutes.

– Monsieur le directeur, commença-t-il, mon service, ainsi que vous ne l’ignorez pas, est chargé d’établir chaque jour au point de vue comptable, et d’après les états fournis quotidiennement par les ateliers de fabrication, le montant de l’encaisse or et argent. Je ne m’occupe point du bronze, qui doit figurer à la trésorerie. Voilà douze ans que j’appartiens à l’administration, et pendant douze ans nous avons toujours été d’accord, M. le trésorier et moi. Mais, hélas ! les meilleures choses ont une fin, comme dit le proverbe…

Léon Drapier s’exaspérait, il frappa du poing sur son bureau.

– Quand vous aurez fini de discourir ! gronda-t-il. Est-ce que par hasard vous vous moquez de moi ?

– Oh ! monsieur le directeur ! fit Valleret d’un air profondément scandalisé. Comment pouvez-vous penser un seul instant que je sois capable d’une telle incorrection !

– Résumez ! fit sèchement M. Léon Drapier. En deux mots, qu’est-ce qu’il y a ?

– Il y a, monsieur le directeur, qu’il manque vingt mille francs d’or au trésorier, comme il en manquait vingt mille, d’ailleurs, il y a trois jours !

Léon Drapier considéra le comptable d’un air hagard.

– Il manque vingt mille francs d’or ! fit-il, comme il y a trois jours !… Que dit le trésorier ?

– Le trésorier affirme, monsieur le directeur, que c’est moi qui me trompe… Moi j’affirme que c’est lui !

Léon Drapier appuya sur un timbre, l’huissier se présenta.

– Je ne recevrai personne ce matin, déclara-t-il, renvoyez tout le monde !

Puis il ajoutait :

– Faites venir immédiatement le trésorier, dites que je l’attends dans mon bureau !

Tandis que les solliciteurs, qui étaient venus dans l’espoir d’être reçus par M. le directeur de la Monnaie, se retiraient maussades, indifférents ou furieux selon l’importance qu’ils attachaient à leur visite, un groupe de personnes se présentait quai Conti à la façade principale de l’hôtel des Monnaies.

La grande porte venait de s’ouvrir, car il était dix heures du matin, et dès lors le concierge de l’important immeuble faisait pénétrer tous ces gens dans une petite salle à côté de sa loge.

À voir ces gens, on déterminait aisément leur nationalité et leur profession. C’étaient des touristes, pour la plupart des étrangers, des Anglais et des Allemands, qui, respectueusement fidèles à un programme arrêté d’avance par leur guide, s’étaient réunis ce matin-là au quai Conti dans le but de visiter la Monnaie.

Le concierge s’approchait d’un des leurs, un personnage aux cheveux très bruns, à la moustache hérissée comme une moustache de chat.

– Salut, monsieur ! lui dit-il en lui tendant la main, voilà longtemps qu’on ne vous avait pas vu !

Le personnage sourit, il serra cordialement les doigts du fonctionnaire.

– Que voulez-vous, monsieur le concierge ! il faut bien vivre de son métier ! Voici les autorisations du ministère pour que je puisse faire visiter à ma clientèle les salles du musée et les ateliers de la frappe.

Le concierge vérifiait les documents que lui tendait le guide.

– C’est parfait ! déclara-t-il, vous allez pouvoir commencer !

Le guide, dès lors, articulait d’une voix tonitruante, qui résonnait dans la salle vide de meubles :

– Mesdames et messieurs, vous êtes ici à l’hôtel des Monnaies, dont la construction remonte aux années les plus reculées. Autrefois, le droit de battre monnaie appartenait à certains seigneurs, mais, depuis l’abolition du régime féodal, vous voyez que cela ne remonte pas à hier, quelques villes de la France, qui était alors gouvernée par un roi, bénéficiaient de ce privilège. Peu à peu, les hôtels des Monnaies, dans les provinces, disparurent, et là frappe des pièces d’or, d’argent et de bronze, fut réservée à l’hôtel de Paris…

Le guide alors quittait la salle, s’avançait dans une cour intérieure, qu’il faisait traverser par sa troupe de clients.

– Nous allons commencer maintenant la visite, déclarait-il, par la salle dite musée des Médailles. Celle-ci est ouverte au public sans autorisation préalable, n’importe qui peut venir contempler les modèles qui ont été établis pour commémorer certains événements notoires de l’histoire de France… Nous déplorerons, mesdames et messieurs, avec le conservateur de l’établissement, que bon nombre de ces médailles aient été enlevées de ce musée, transportées à la Bibliothèque nationale, où il est à peu près impossible aux amateurs de les examiner. Ceci fut fait lorsqu’on créa la Bibliothèque nationale. Elle était alors une personnalité très bien en cour, si je puis m’exprimer ainsi, et elle obtint de faire transporter chez elle les médailles qui n’auraient jamais dû quitter l’hôtel des Monnaies !

En trois quarts d’heure environ, le guide fournissait à ses clients toutes les explications nécessaires. Il leur montrait la plus grande médaille qui ait jamais été frappée et après celle qui est réputée pour être la plus petite de toutes et qui, ô ironie des choses, consacre la loi qui accorda la liberté de la presse en France !

Les visiteurs allaient et venaient dans le paisible musée de l’hôtel des Monnaies, sans se douter un seul instant des événements qui se passaient dans ce même hôtel et des préoccupations qui hantaient ses hauts dirigeants.

Une dramatique discussion venait d’avoir lieu dans le cabinet de M. Léon Drapier.

Après les déclarations du comptable, le directeur de la Monnaie avait jugé indispensable de faire venir le trésorier. Il avait confronté les deux hommes, et il s’était rendu compte que tous deux étaient également de bonne foi, que chacun d’eux, en outre, avait pleinement raison.

L’encaisse indiscutable de la trésorerie était inférieure de vingt mille francs à l’encaisse accusée par les chiffres du contrôle !…

Léon Drapier était anéanti par ces constatations.

– On nous vole ! hurlait-il, allant et venant dans son cabinet, en proie à une nervosité inexprimable, et il nous est impossible de savoir qui nous vole, comment surtout ces vols sont commis !

Il faisait venir alors le directeur des services de surveillance.

– Monsieur, ordonna Léon Drapier, vous allez me faire le plaisir de doubler votre personnel de veilleurs de nuit !

– C’est déjà fait depuis huit jours, monsieur le directeur !

– Ces hommes n’ont rien découvert, ne se sont aperçus de rien !

Léon Drapier réfléchissait une seconde, puis il invita le comptable et le trésorier à se retirer.

Lorsqu’il fut seul avec le chef de surveillance, Léon Drapier le regarda dans les yeux.

– Voyons, voyons ! fit-il, ça n’est pas possible ! Nous avons des fuites extraordinaires, formidables !

– Hélas ! monsieur le directeur, je le sais, mais qu’y faire ?

– Les empêcher ! pincer les coupables !

– C’est facile à dire !…

– Il faut y parvenir, monsieur ! Dussiez-vous mettre des pièges à loup dans les escaliers, des cartouches de dynamite sous le couvercle des coffres, je ne veux pas, je ne veux pas, entendez-vous, que cela continue quarante-huit heures de suite !

Le chef de surveillance suggéra :

– On pourrait peut-être aviser le service de la Sûreté et demander des inspecteurs ?

Léon Drapier haussa les épaules.

– Vous savez bien que nous l’avons déjà fait ! Lorsqu’il y a des inspecteurs de la Sûreté ici, certes, aucun vol ne se produit, mais sitôt qu’ils ont le dos tourné, les vols recommencent ! Il importe donc de protéger autrement, car les agents de la Sûreté sont certainement connus du voleur.

Léon Drapier s’était approché de la fenêtre, qui donnait sur la troisième cour intérieure, celle par laquelle on allait du musée aux ateliers de la frappe des monnaies.

Il regarda quelques instants, avec une certaine stupéfaction, un groupe de touristes qui traversait la cour et se dirigeait vers l’atelier de l’or.

– Que font ces gens-là ? demanda-t-il à son subordonné.

Le chef de la surveillance s’approcha de la fenêtre.

– Mais, monsieur le directeur, déclara-t-il, ce sont les visiteurs. Il y en a comme ça tous les jours, nous donnons des autorisations assez régulièrement pour qu’on puisse visiter.

Léon Drapier se tourna tout d’une pièce vers le chef de la surveillance.

– Eh bien ! vous ne donnerez plus de ces autorisations à partir de maintenant. Je décide qu’on ne visitera plus la Monnaie jusqu’à nouvel ordre, et, pour commencer, vous allez me faire expulser tous ces gens-là !

Quelques instants après, le groupe des visiteurs, qui déjà s’était introduit dans l’atelier de la frappe d’or, éprouvait une grosse désillusion…

Tandis que le guide, vraiment documenté, était en train de leur expliquer avec le concours des ouvriers la façon ingénieuse et pratique grâce à laquelle on faisait les mélanges des métaux pour obtenir la solidité nécessaire aux pièces d’or, un huissier de l’administration intervenait, coupait la parole à l’orateur, puis lisait une déclaration rapidement écrite sur papier à en-tête aux termes de laquelle les visiteurs étaient priés de se retirer immédiatement.

Le guide n’essayait pas de protester, car il savait que ces sortes de décision sont immuables, mais les clients étaient furieux.

Ils avaient payé d’avance leur voyage, le programme de celui-ci comportait la visite des ateliers de la Monnaie…

L’un d’eux, tout particulièrement, une sorte d’Américain, tempêtait plus que les autres.

– Je vous ferai un procès ! faisait-il au guide, cela ne se passera pas comme ça !

– Cas de force majeure, monsieur, articulait le guide.

Et, quelques instants après, la foule des visiteurs obligée de quitter l’atelier se retrouvait dans la cour de l’hôtel, gagnait la sortie.

L’Américain continuait à tempêter, il ameutait les autres voyageurs. Le guide ne savait plus où donner de la tête, et comme tous ces gens faisaient un formidable tapage, quelques ouvriers qui travaillaient à l’atelier des monnaies d’or quittèrent leurs occupations pour aller dans la cour assister en curieux à la discussion.

Deux d’entre eux venaient à peine d’abandonner leur poste que de sous une sorte de tréteau surgissait une forme humaine qui s’y était dissimulée.

Assurément, ce personnage s’était introduit dans l’atelier avec les visiteurs et il s’était abstenu de sortir en même temps qu’eux.

Ce personnage était vêtu de noir, portait un vêtement souple n’attirant point l’attention. Il tenait à la main des gants noirs et une sorte de foulard, noir également, qui avait tout à fait l’air d’une cagoule.

Évidemment, pour s’être dissimulé de la sorte et caché dans un endroit si surveillé, l’homme devait avoir une audace extrême !

À peine sorti de sous le tréteau qui lui avait servi momentanément d’abri, il ne s’attarda point dans l’atelier de l’or où se trouvaient encore un contremaître et deux autres ouvriers.

Sans faire le moindre bruit, car assurément il avait des semelles feutrées, il se glissa le long d’un mur obscur, se confondant presque avec la cloison.

Puis, à un moment donné, comme une sorte de monte-charge parvenait à la hauteur d’une ouverture pratiquée dans ce mur, l’homme, avec une extraordinaire agilité, se lança dans ce monte-charge qui ralentissant à peine sa marche, continuait à s’élever au sommet de l’immeuble.

Le mystérieux personnage, au moment où il allait arriver dans les combles de l’hôtel des Monnaies, tout en restant accroupi dans le monte-charge, sortait un revolver de sa poche et l’armait.

– On ne sait jamais qui l’on peut trouver ! grommelait-il sourdement. Malheur à quiconque voudrait m’empêcher de passer !

L’homme, toutefois, ne trouvait aucun obstacle.

Le monte-charge, qu’il avait obligé à monter jusqu’au sommet en actionnant la corde qui le commandait, venait de s’arrêter à l’entrée d’un grand grenier absolument vide.

L’homme sauta prestement hors de son ascenseur improvisé, renvoya le monte-charge à son point de départ, s’élança dans le grenier et, dès lors, inspecta le local dans lequel il se trouvait.

C’était une grande salle vide qui ne présentait rien de particulier, si ce n’était toutefois une petite porte encastrée dans la charpente du toit.

L’homme qui venait de s’introduire dans cette salle sortit de sa poche un trousseau de clés ; il en choisit une qui lui permit d’ouvrir la serrure de cette porte dissimulée sans la moindre difficulté.

Assurément, ce n’était pas première fois qu’il passait par ce chemin !

La porte s’entrebâilla ; elle donnait accès au sommet d’une sorte de petit escalier, excessivement étroit, et qui pivotait comme une vrille autour d’un mât central.

L’homme alors referma la porte prudemment, puis se mit à descendre cet escalier. Il descendit la valeur de deux cent seize marches.

Au fur et à mesure qu’il s’enfonçait, l’obscurité se faisait de plus en plus épaisse. Lorsqu’il parvint au bas de l’escalier, il se heurta encore à une porte qu’il ouvrait au moyen d’une des clés de son trousseau…

Le personnage, dès lors, frissonnant machinalement, releva le col de son vêtement. La température, en effet, était singulièrement fraîche.

L’homme prêta l’oreille ; il n’entendit aucun bruit, sauf celui du pêne qui grinça dans la serrure, lorsqu’il referma la porte sur lui.

Dès lors, le mystérieux individu, sortant de sa poche une petite lampe électrique, appuya sur le commutateur et la lampe s’illumina, éclairant autour d’elle la salle dans laquelle se trouvait l’étrange visiteur.

C’était une cave immense et profonde.

De solides et robustes piliers de pierre en soutenaient les voûtes arrondies comme la crypte de quelque église romane.

Le rayon lumineux de la lampe électrique se reflétait toutefois sur d’énormes blocs de matière jaune et brillante, qui étaient amoncelés dans cette cave. Lorsqu’on considérait ces blocs aux reflets éblouissants, on se rendait compté qu’il s’agissait là, non point de blocs compacts, mais d’innombrables pièces d’or disposées en pile les unes au-dessus des autres et maintenues dans des sortes de cuves en verre !

Cette cave était une des caves de la Monnaie, elle contenait une partie du trésor de l’atelier de fabrication.

Quant au personnage qui venait de s’introduire dans ce local aux collections extraordinaires et précieuses, c’était un être dont la réputation était mondiale, dont la cruauté n’avait d’égale que celle des bêtes féroces, dont l’audace n’avait été approchée par personne.

Le personnage vêtu de noir, armé d’un revolver et porteur d’une lampe électrique, qui s’était adroitement introduit dans ce merveilleux sous-sol, n’était autre que Fantômas !…




XVII


Situation compromettante

Ainsi donc, les suppositions les plus extraordinaires étaient fondées ! Ainsi donc, les pressentiments les plus redoutables étaient justifiés !

Fantômas, comme certains l’avaient craint, était réellement dans la place, et c’était évidemment lui qui dérobait dans les sous-sols de la Monnaie l’or dont la disparition stupéfiait tellement le personnel du contrôle et de la trésorerie.

Il avait eu beau martyriser cruellement les deux apaches auxquels il avait donné de cet or en paiement pour les empêcher d’avouer l’origine de ces louis qu’ils possédaient, on avait réussi, sans grande difficulté, à se rendre compte que cet or provenait de la Monnaie et, comme cela coïncidait avec des disparitions de fonds, la filière était établie.

Toutefois, il restait à trouver le coupable, l’auteur de ces vols audacieux, et nul n’y parvenait.

Fantômas, à maintes reprises, s’était introduit dans l’hôtel des Monnaies, si rigoureusement gardé cependant, et avait réussi à déjouer toutes les surveillances.

Or, ce jour, le lendemain même de l’effroyable mutilation qu’il avait fait subir à la Puce et à Mon-Gnasse, Fantômas avait pénétré dans l’intérieur de l’hôtel en se mêlant tout simplement à la foule des touristes étrangers qu’un guide amenait visiter le palais de l’or.

Fantômas, toutefois, avait été obligé d’aviser soudainement de la conduite à tenir.

Un ordre était survenu au cours de la visite habituelle, ordre inattendu, inopiné, qui obligeait les touristes à rebrousser chemin et les empêchait d’achever leur visite, de donner le coup d’œil que l’on faisait jeter d’ordinaire sur les caves dans lesquelles étaient enfermées des quantités incommensurables de pièces de toutes sortes pour des valeurs inappréciables.

Mais Fantômas ne manquait jamais de présence d’esprit, pas plus qu’il était à court d’audace !

C’est pourquoi il s’était dissimulé sous un tréteau, dans l’atelier même de la frappe des pièces d’or, lorsqu’on l’avait fait évacuer par les visiteurs.

Le sinistre bandit s’était tout d’abord rendu, par le moyen du monte-charge, dans les combles du grand immeuble ; après quoi il était descendu par un escalier secret jusqu’à la cave où il opérait, depuis quelque temps déjà, ses mystérieux et productifs larcins.

Comment était-il au courant des dispositions du palais de la Monnaie ?

Comment possédait-il les clés qui ouvraient les serrures les plus secrètes ?

C’était là le secret de Fantômas, et aussi le résultat de la plus extraordinaire et la plus audacieuse machination qui avait jamais été ourdie jusqu’alors par le bandit lui-même, et encore moins par ses imitateurs.

Fantômas savait qu’il ne s’agissait point de chercher à faire sortir de ce sous-sol l’or qu’il pouvait y dérober par le moyen habituel que l’on emploie pour sortir d’un immeuble, c’est-à-dire par la porte ou par les fenêtres.

Le bandit n’ignorait pas que, depuis le directeur lui-même jusqu’au plus modeste des employés, chaque personne était minutieusement examinée, fouillée même, lorsqu’elle se disposait à quitter l’hôtel, surtout lorsqu’elle appartenait à un service par suite duquel on était appelé à toucher de près ou de loin aux réserves des trésors, qu’il s’agisse de pièces monnayées ou encore de lingots d’or ou d’argent.

Fantômas avait trouvé mieux pour extraire de l’or des profondeurs de l’hôtel des Monnaies.

Sans doute le bandit avait dû travailler de longue date le dispositif dont il se servait !

À l’extrémité de cette cave dans laquelle il se trouvait, passait un tuyau métallique qui s’enfonçait dans les profondeurs de la terre et vraisemblablement allait rejoindre un égout se déversant dans la Seine.

Fantômas avait opéré dans ce tuyau une très légère ouverture par laquelle il pouvait introduire à l’intérieur du tube au maximum deux louis d’or à la fois.

Fantômas ne se lassait pas de déverser, dans cette étrange tirelire, le plus de louis qu’il pouvait sans se soucier, en apparence, de l’endroit où cet or allait sortir du tuyau.

En fait, il le savait…

Et si quelqu’un s’était avisé de surveiller les abords de la Seine, à la hauteur du Pont-Neuf, on aurait remarqué qu’à maintes reprises, notamment à la tombée de la nuit, une barque montée de deux pêcheurs venait s’amarrer à un anneau du quai de la rive gauche.

Les pêcheurs jetaient leur ligne patiemment, attendaient un poisson qui ne se faisait jamais prendre, et, tandis qu’ils avaient l’air de se livrer à ce sport pacifique, en réalité, avec une sorte de herse, ils raclaient le fond de la Seine.

Les branches arrondies de leur crampon finissaient par rencontrer l’anneau d’une solide caisse qu’ils attiraient à eux.

Or, c’était dans cette caisse que venait aboutir le tuyau communiquant avec la cave de la Monnaie, dans lequel Fantômas passait des heures à introduire des louis d’or deux par deux !

Fantômas, ce jour-là, agissait avec une fébrile activité.

Il avait découvert non plus des pièces de monnaie qui ne seraient pas mises en circulation avant longtemps, mais tout un lot de louis qui allaient, le mois prochain, être répandus dans le public.

Le bandit avait été rendu sage par l’alerte donnée dans sa bande par la saisie des louis n’ayant pas cours dont il avait été involontairement cause.

Mais, cette fois, il se réjouissait, car une fois les pièces qu’il dérobait mises en circulation, nul ne pourrait reprocher aux porteurs de les posséder sur eux !

Ce travail, toutefois, auquel se livrait le bandit, était fatigant. De grosses gouttes de sueur perlaient à son front, mais Fantômas était si absorbé qu’il dédaignait la fatigue et ne tenait point compte du temps qui passait.

Lui-même l’ignorait, et il était si attentif qu’il n’entendit point un léger bruit se produire, alors qu’il achevait de vider la grande cuve de verre dans laquelle il avait puisé sans discontinuer depuis son arrivée.

Un léger bruit, en effet, s’était produit, et il était dû à une chose singulière…

Sur le sol s’agitait une silhouette humaine, un corps d’homme qui paraissait surgir des profondeurs de la terre battue à cet endroit, où une croûte de ciment léger avait craqué.

Cet homme était d’une saleté sordide, couvert de gravats, de sable et de boue.

Ce personnage risquait tout d’abord le haut de la tête seulement au-dessus de la terre dont il venait d’émerger. Il regarda autour de lui. Tout d’abord, il ne vit rien, mais il entendit parfaitement le bruit cristallin du métal que maniait Fantômas avec tant de désinvolture.

Le visage de cet homme prit une expression de joie satisfaite, et, dès lors, au front et aux yeux succéda le reste du visage.

Quiconque aurait vu à ce moment cette apparition aurait certainement été terrifié !

On aurait dit le corps d’un homme enterré, surgissant de tombe, et venant demander aux vivants compte de ce qu’ils faisaient.

L’extraordinaire enseveli semblait peu disposé à se dépêcher à sortir ainsi de la terre.

Toutefois, ses yeux s’étant accoutumés à l’obscurité, il aperçut à l’autre extrémité de la cave le sinistre bandit en train de commettre son vol.

– Cette fois, songea-t-il presque à mi-voix, je crois bien que je le tiens !

Lentement, avec des précautions extraordinaires pour ne point faire de bruit et s’efforçant de ne point attirer l’attention, l’homme surgissait peu à peu du sol.

Comment était-il arrivé là ?

Et quel était l’extraordinaire phénomène qui faisait que la terre de la cave vomissait pour ainsi dire un être vivant ?

Si les louis lancés par Fantômas dans le tuyau de fer s’en allaient jusqu’à la Seine, l’homme qui désormais apparaissait dans la cave où agissait le bandit, avait en réalité pris un semblable chemin et fait le trajet en sens inverse.

À quelques heures de là, au cours de la nuit précédente, cet homme, qui rôdait sur les bords de la Seine, avait soudainement plongé dans les eaux noires du fleuve, à l’entrée de la bouche d’un égout, et si des gens l’avaient vu disparaître, ils auraient pu croire à une noyade, à un suicide, car l’homme n’avait point reparu à la surface des eaux.

Excellent nageur et se guidant au sein de l’onde glauque avec une lampe électrique d’une puissance extrême, cet homme s’était engagé dans l’égout. Il avait remonté juste au moment où, la voûte étant plus élevée que le niveau de l’eau, il avait pu sortir la tête et respirer.

L’homme avait empli ses poumons de l’atmosphère âcre et fétide qui régnait dans l’égout et n’avait point semblé y prêter la moindre attention tant le but qu’il poursuivait paraissait lui tenir au cœur.

Au fur et à mesure qu’il s’avançait, le niveau de l’eau baissait dans l’égout.

Et, dès lors, l’homme finissait par marcher à pied sec dans le cloaque immonde.

Ce n’était certes pas la première fois qu’il y venait, et il semblait fort bien connaître ce chemin, car à un moment donné, sans la moindre hésitation, à un carrefour où deux égouts venaient se joindre au premier, il s’engagea dans celui de gauche, non sans avoir pris au préalable, à côté d’un mur, une pioche et une marteau qui se trouvaient là.

Sans doute les avait-il apportés préalablement dans ce lieu ?

L’homme, désormais, s’engageait dans l’égout de gauche dont le diamètre était juste suffisant pour livrer passage à son corps et à ses robustes épaules.

Il s’enfonçait alors dans le trou sombre, se glissant péniblement, manquant d’air à chaque instant, pris à la gorge par les odeurs méphitiques qui s’exhalaient en maints endroits.

À deux ou trois reprises, il était obligé de livrer de véritables batailles à d’énormes rats d’égout qui, loin de fuir à son approche, semblaient vouloir s’opposer à sa marche en avant.

La pioche et le marteau faisaient leur œuvre et, sur son chemin, l’homme laissait quelques cadavres de ces bêtes répugnantes.

À un moment donné, l’homme s’arrêta, se coucha sur le dos, et, après avoir pris quelques minutes de repos car il était exténué, avec son marteau d’abord et sa pioche ensuite, il attaqua la voûte de l’égout !


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