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L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
  • Текст добавлен: 7 октября 2016, 00:09

Текст книги "L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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Docilement, Fantômas leva les bras en l’air.

– Bien, dit-il simplement. Je suis en ce moment hors d’état de me défendre, donc je cède. Qu’allez-vous faire de moi ?

– Vous le demandez, Fantômas ? Je vais vous livrer à Juve.

– Charmant !

Fantômas semblait aussi calme que s’il se fût agi pour lui d’une simple contrariété, que si sa tête n’avait pas été en jeu.

– Enfin, constata-t-il bientôt, cependant que Jérôme Fandor tirait de sa poche une paire de menottes dont il allait se servir pour immobiliser Fantômas, enfin, voulez-vous m’accorder une grâce ?

– Laquelle, Fantômas ?

– Tout simplement, me passer une cigarette. Il y a deux heures que je n’ai pas fumé, c’est un supplice abominable.

Fantômas, évidemment, voulait rire, mais il avait affaire à forte partie. S’il lui plaisait d’être ironique, Fandor saurait se mettre à la hauteur des circonstances.

– Comment donc, dit le journaliste, j’ai justement des cigarettes anglaises sur moi. Je vais vous en offrir une, mais votre cagoule vous gêne.

Fantômas se tenait toujours immobile, les bras en l’air. Devant lui, Fandor le menaçait de son browning tenu de la main droite. Le journaliste souriant avait tiré un étui à cigarettes, pris un rouleau de tabac, il hésitait. Fantômas railla encore.

– Je n’ose pas enlever ma cagoule disait le bandit car votre browning est menaçant. Cela ne fait rien, il y a un trou dans mon masque, à la hauteur de la bouche. Donnez-moi cette cigarette.

Fandor frôla le vêtement noir, et, le revolver toujours braqué, mit la cigarette entre les lèvres du Maître de l’Épouvante. D’un geste instinctif, il avait d’ailleurs pris une cigarette lui aussi.

– Vous êtes satisfait Fantômas ? demanda le journaliste.

– Pas encore, il faudrait une allumette.

De sa main gauche Fandor se fouilla.

– Je n’en ai pas.

– Trop heureux de vous en offrir une. Vous en trouverez là dans le coin près de l’escalier.

– Vous êtes bien aimable.

Menaçant toujours le bandit de son browning, car il connaissait les ruses dont il était capable, Fandor recula, et, de sa main gauche prit une allumette qu’il frotta contre le mur.

– Après vous, dit poliment Fantômas.

Fandor s’inclina.

– Comme vous voudrez.

Il approcha l’allumette de sa cigarette, il aspira une bouffée de tabac, mais, au moment même où il éteignait l’allumette d’un souffle, le malheureux Jérôme Fandor tomba à la renverse tout de son long, si violemment que sa tête donna sur le plancher.

– C’est un imbécile, constata tranquillement l’homme à la cagoule noire, se départant enfin de son immobilité, c’est un imbécile, ce petit jeune homme. Il ne sait pas penser à tout.

27 – UN OU DEUX FANTÔMAS ?

Après le départ d’Hélène et l’arrivée des domestiques accourus au signal d’alarme, Sarah Gordon, très émue, atterrée, revenait dans ses appartements. Elle n’avait pas refermé la porte de l’antichambre qui donnait sur le couloir de l’hôtel, gardant celle-ci entrebâillée. Elle écouta, comprimant les battements de son cœur, les bruits qui allaient en s’atténuant.

Sa surprise avait été extrême, car il lui avait semblé, malgré son trouble, que le valet de chambre accouru à ses appels, au lieu de prêter main-forte et de s’emparer de la mystérieuse personne qui cherchait à s’enfuir, avait au contraire tenté de faciliter le départ de celle-ci.

Mais Sarah, lorsqu’elle y réfléchissait, se disait qu’évidemment elle faisait erreur. C’était là une chose invraisemblable, impossible, et les soupçons qu’elle se forgeait n’avaient pas de raison d’être.

Quelques instants encore, l’Américaine dressa l’oreille.

Des cris, des bruits de pas précipités, avaient retenti dans l’hôtel. Elle avait l’impression que son interlocutrice, si brusquement chassée de chez elle, était malgré tout poursuivie, traquée.

Et Sarah se demanda :

– Quelle peut bien être cette femme et pourquoi est-elle venue me voir ?

Elle tressaillit en se souvenant d’elle, et était d’autant plus gênée que la physionomie de la jeune fille qui était venue lui intimer un ordre si formel de ne pas partir en Amérique sans Dick, n’avait rien de désagréable, elle inspirait plutôt la sympathie, et Sarah devait s’avouer que si elle avait dû agir brutalement vis-à-vis d’elle, c’était bien plus parce qu’elle y était contrainte que spontanément.

Machinalement, l’Américaine, désireuse de connaître l’issue de l’aventure qu’elle avait provoquée, se pencha au dehors et fouilla l’obscurité de son regard inquiet. Sarah ne pouvait s’empêcher de songer :

– Cette femme est évidemment la maîtresse, tout au moins une des maîtresses de Dick. C’est indiscutable, c’est certain.

Et la jeune étrangère se sentait les yeux remplis de larmes.

Sans doute, la veille, lorsqu’elle était en tête-à-tête avec l’acteur et qu’elle s’efforçait de le décider à partir, immédiatement avec elle, elle avait fait la brave et prétendu qu’elle n’était aucunement jalouse, qu’elle ne redoutait rien, et que la concurrence d’une femme, quelle qu’elle fût, n’était pas faite pour l’inquiéter.

Mais en cela, Sarah s’avouait qu’elle avait exagéré, « bluffé », comme on disait dans son pays d’Amérique. Car, s’il est bon de ne pas montrer aux hommes que l’on tient à eux, à part soi, il est permis de reconnaître que l’on redoute à l’occasion la rouerie des autres femmes :

– Dick n’est pas libre, c’est sûr et il ne veut pas partir avec moi sans avoir rompu avec sa maîtresse. Que faire mon Dieu ? pensait la riche Américaine… je l’aime et je veux l’épouser.

Oh, elle n’était plus arrogante et positive la jeune et brillante Yankee !

C’était désormais simplement une femme, une pauvre femme, éperdue d’amour, qui ne savait que balbutier en pleurant :

– Dick, je vous aime, je veux que vous partiez avec moi.

La jeune fille referma sa fenêtre, car elle commençait à avoir froid, et rentra dans sa chambre à coucher. Elle demeura perplexe quelques instants.

Qu’allait-elle faire ?

Avait-on arrêté la mystérieuse personne qu’elle avait chassée de chez elle, ou avait-elle échappé à ses poursuivants ?

Tout d’abord, l’Américaine eut l’idée de sonner pour faire venir un domestique, puis elle y renonça, ne sachant que lui dire. Elle réfléchit ensuite qu’il valait mieux descendre elle-même au bureau, voir le directeur de l’hôtel et lui expliquer la situation.

Elle était terriblement anxieuse de savoir si, oui ou non, la fugitive avait été prise.

Mais un sentiment de pudeur et de délicatesse la retint. Il répugnait à Sarah de mettre ce gérant d’hôtel au courant de ses émotions et des préoccupations de sa vie privée.

Elle en était presque à regretter d’avoir fait un léger scandale, qui, peut-être avait déterminé l’arrestation de sa visiteuse.

Car, si tel était le cas, on allait évidemment venir lui demander des explications. Cette femme protesterait, exigerait d’être mise en liberté.

Que dirait Sarah ? Quels prétextes invoquerait-elle, soit pour s’excuser vis-à-vis de la femme, soit pour, au contraire, demander qu’on la maintienne en état d’arrestation ?

Plus elle y réfléchissait, plus la jeune fille déplorait son mouvement de nervosité, son acte irréfléchi.

Elle attendit longtemps, anxieuse et préoccupée, résolue désormais à ne pas descendre avant qu’on ne l’en priât.

Puis, au fur et à mesure que les minutes passaient, elle se prenait à espérer que la poursuite avait été vaine, et que l’inconnue s’était enfuie, sans avoir été rattrapée ; peut-être même les gens de l’hôtel n’avaient-ils pas jugé nécessaire de courir après elle ?

À onze heures et quart, Sarah Gordon se décida à se mettre au lit :

– Il n’y a rien, murmura-t-elle, et cette jeune femme s’est enfuie sans avoir été rattrapée, ma foi tant mieux.

Tandis qu’elle commençait à se dévêtir, l’Américaine remarqua ses malles déjà bouclées, toutes prêtes à être emportées.

– Hélas, dit-elle, je devais partir ce soir, partir avec Dick, et je suis encore là. Cette femme a tout de même obtenu ce qu’elle voulait, et, malgré moi, je suis restée. Mais je saurai lui montrer que j’ai de la volonté, et demain, oui demain, je serai loin d’ici.

Rien ne l’obligeait à partir, en réalité, et ce qu’elle désirait, c’était suivre Dick partout où il irait, mais il y avait des choses que l’on ne pouvait concéder. Sa résolution était prise. Sarah retournerait en Amérique, et d’ailleurs, en se couchant, la jeune fille pensait qu’après tout, cela valait peut-être mieux.

La jeune fille avait achevé sa toilette du soir, s’était couchée dans le grand lit de milieu qui occupait les deux tiers de la pièce, elle avait éteint les appliques électriques et ne conservait que la lueur falote d’une lampe en veilleuse. Et là, dans cette demi-obscurité, elle demeurait pensive, les yeux grands ouverts, incapable de s’endormir. Tout autour d’elle était silencieux. À peine percevait-on de temps à autre, très au loin, le roulement d’une voiture qui passait, ou alors le coup de sifflet d’une locomotive d’express qui déchirait la nuit. Et Sarah, peu à peu, commençait à s’assoupir.

Déjà, les contours de la pièce qu’elle occupait s’estompaient comme dans un rêve, devenaient flous et vagues, lorsque soudain, ses yeux s’écarquillèrent démesurément. Son regard se fixa sur la muraille en face d’elle, cependant que son cœur parut s’arrêter de battre :

– Qu’est-ce que c’est ? qui est là ? murmura la jeune fille.

Une vision stupéfiante apparaissait :

Il sembla à Sarah que les grands rideaux qui dissimulaient la porte de son cabinet de toilette venaient de s’agiter.

Puis, une ombre, une forme humaine, s’en détachait lentement, s’avançait vers elle, semblant glisser sur le sol.

Était-ce un homme ou une femme ? L’apparition était difficile à définir, car elle ressortait en noir, sur fond sombre.

Et, cependant, faiblement éclairés par la lampe en veilleuse, les formes de cette ombre, peu à peu se précisaient.

Sarah distinguait le contour épais de deux robustes épaules, sur lesquelles était drapé un long manteau descendant jusqu’au sol. Entre ces deux épaules, il y avait l’esquisse d’une tête, mais d’une tête dont les traits étaient eux-mêmes voilés de noir.

Puis, Sarah, de plus en plus impressionnée, n’osant faire un mouvement, remarqua que, du côté droit de l’ombre, se détachait la forme d’un bras qui se tendait vers elle, et soudain, l’acier d’une arme brilla à la main également gantée de noir de l’apparition.

Sarah étouffa un cri, et brusquement, comme mue par un ressort, elle se dressa à demi dans son lit. Puis elle voulut se lever, fuir, chasser de sa vue le fantôme effroyable. Mais un ordre formel l’immobilisa sur place, au milieu de sa couche.

– Pas un mot, pas un geste, ou c’est la mort !

Et Sarah entendit le claquement sec d’un revolver.

Son sang se glaça dans ses veines, mais elle crut comprendre ce qui lui arrivait : elle allait être victime d’une agression, et, à la tenue terrifiante du personnage qui se présentait devant elle, elle pensait reconnaître quelqu’un de ces hardis voleurs, de ces audacieux bandits que l’on connaît et que l’on redoute sous le nom de « rats d’hôtel ».

Oui, il n’y avait pas de doute, c’était un rat d’hôtel qui venait de la surprendre, qui, vraisemblablement, allait la dépouiller. Sarah, malgré sa terreur subite, conservait néanmoins son sang-froid. N’était-elle pas Américaine, et de ce fait, moins pusillanime que les autres femmes ?

Elle essaya de se raisonner :

– Les rats d’hôtel, pensa-t-elle, ne tuent que lorsqu’ils y sont obligés par les cris ou la défense de leurs adversaires. Ce qu’ils veulent, ce sont des bijoux, de l’argent, et si on les laisse voler, ils s’en vont sans faire de mal.

C’était du moins l’idée que Sarah s’efforçait de faire pénétrer dans son esprit. Obéissant aux ordres qui lui avaient été intimés, elle ne fit pas un geste. Toutefois, lorsqu’elle put enfin refréner le claquement de ses dents, elle balbutia :

– Si vous voulez de l’argent, des bijoux, prenez-en et partez. Là, à droite, dans le petit coffret, sont mes bagues, mon collier.

Mais, elle fut interrompue par un ricanement diabolique et strident.

Et la voix du mystérieux personnage qui se trouvait devant elle, la menaçant toujours de son revolver, retentit de nouveau :

– Peu m’importent tes bijoux, je n’en ai que faire. Ne sais-tu donc pas qui je suis ?

– Non.

– Je suis Fantômas, on me surnomme à juste titre le Génie du Crime, le Maître de l’Effroi, je suis impitoyable pour mes adversaires et je brise tous les obstacles que je rencontre sur ma route.

– Mon Dieu, je suis perdue !

– C’est bien toi Sarah Gordon ?

– Oui.

Le bandit avança d’un pas, se rapprochait, à le toucher, du lit dans lequel était assise l’Américaine, toute tremblante.

– Tu as voulu, grommela-t-il, porter la main sur ma fille et la faire arrêter, car c’est elle qui, tout à l’heure, est venue te parler. Tu l’as chassée comme une misérable, mais tu seras châtiée.

Une sourde colère semblait gronder dans le cœur de Fantômas !

– Que t’a-t-elle dit, tout à l’heure ? Et pourquoi l’as-tu repoussée ?

Sarah Gordon, au paroxysme de l’émotion, se taisait. Fantômas insista durement :

– Réponds, si tu ne veux pas mourir.

– Elle m’a dit, elle m’a demandé, elle m’a ordonné de ne point partir ce soir, ni demain. Elle veut garder Dick à Paris.

– Pourquoi ?

– Je ne sais pas, fit Sarah. Sans doute l’aime-t-elle, elle aussi ?

– C’est faux ! Hélène n’aime pas ce cabotin. C’est toi qui en es éprise. Ah misérable, tu ne sais pas…

Mais brusquement Fantômas s’arrêta de parler, et, au lieu de continuer à se tenir debout, presque penché sur la jeune fille, il s’accroupit derrière son lit, cependant qu’après avoir grommelé quelques imprécations de dépit, il lui ordonnait à voix basse :

– Ne fais pas un mouvement, pas un geste et ne dis plus une parole, sans quoi je te tue.

Puis Fantômas répéta encore :

– Malédiction, malédiction !

Le bandit, désormais, était séparé de la fenêtre de la chambre par le corps de Sarah, qui se tenait assise dans le lit.

La jeune fille, sans comprendre les ordres de Fantômas, lui avait obéi. Elle ne fit pas un mouvement. Il y eut un silence pendant lequel l’inquiétude de l’Américaine s’accrut encore. Que se passait-il donc ? Et comment se faisait-il que ce terrible personnage demeurait agenouillé à côté d’elle à sa gauche, cependant qu’il tenait toujours son revolver braqué sur la jeune fille, prêt à tirer ? Sarah, si elle ne bougeait pas le corps, avait toutefois le loisir de remuer la tête.

Elle venait de regarder à sa gauche, un léger bruit attira son regard dans la direction opposée.

Cette direction était celle de la fenêtre et, lorsqu’elle eut regardé de ce côté, Sarah se sentit encore plus terrifiée qu’elle ne l’avait été jusqu’alors.

Sur le balcon, à l’extérieur, et séparé d’elle simplement par les vitres de la croisée, se trouvait une autre silhouette humaine, qui semblait surveiller la scène se déroulant à l’intérieur de la chambre à coucher.

Mais ce qui frappait Sarah, c’est qu’appuyé contre la vitre, devant cette nouvelle apparition, se trouvait encore un canon de revolver nettement dirigé sur la poitrine de la jeune fille.

Et Sarah, désormais, se rendait compte qu’elle était de la sorte menacée de deux côtés et que, si elle faisait un mouvement, Fantômas, qui la surveillait à gauche, la tuerait infailliblement, à moins que ce ne soit l’individu qui la surveillait à droite et qui, vraisemblablement, devait être l’auxiliaire, le complice du bandit.

Combien de temps resta-t-elle ainsi immobile ? Quelques secondes, quelques minutes peut-être.

Sarah était tellement interloquée, abasourdie, effarée, qu’elle était bien incapable de se rendre compte de quoi que ce fût.

Fantômas, cependant à voix basse, répétait sans cesse :

– Ne fais pas un geste, pas un mouvement, sans cela je te tue.

Et, à chacune de ces paroles, instinctivement, Sarah tournait la tête de son côté. Or, à un moment donné, elle s’aperçut que le bandit avait bougé, il ne s’approchait pas d’elle, mais au contraire, il reculait, à genoux, ne s’écartant pas de la ligne droite, qui était constituée par lui à une extrémité, Sarah au milieu, et le mystérieux personnage armé d’un revolver à l’extérieur de la pièce.

En réalité, si par hasard ils étaient adversaires, l’un et l’autre étaient empêchés de tirer et de se viser mutuellement sous peine de voir les balles de leurs armes traverser le corps de Sarah qui s’interposait entre eux deux.

Lentement, Fantômas, marchant toujours à reculons, avait gagné l’extrémité de la pièce, et, à cet endroit, se trouvait la porte, qui faisait communiquer la chambre avec le salon. Il l’entrebâilla doucement, puis, il murmura d’une voix pleine de rage :

– Je suis obligé, Sarah Gordon, de t’épargner, parce que je ne sais pas encore tout ce que je voulais te faire dire, mais sois tranquille, nous nous retrouverons.

Une seconde s’écoula, la porte se referma derrière Fantômas. Il avait disparu.

Mais au même instant, le bruit d’un carreau brisé détermina chez Sarah une terreur nouvelle. L’homme placé sur le balcon, à l’extérieur de son appartement, venait de casser la vitre, d’ouvrir la fenêtre et de bondir dans la chambre à coucher.

Sarah Gordon l’aperçut, elle poussa un cri de stupéfaction :

– Monsieur Juve ! fit-elle.

C’était en effet le policier qui venait de surgir dans la pièce.

Sans paraître s’apercevoir de la présence de la jeune fille, il bondit à la porte, traversa le salon, se dirigea dans le couloir suivant l’itinéraire qu’une seconde auparavant avait adopté Fantômas, mais il se heurta à la porte de l’antichambre que le bandit, en s’en allant, avait fermée à double tour.

Juve revint, il haussa les épaules :

– Je m’en doutais ! fit-il. Fantômas a pu s’éclipser à temps, mais je l’ai empêché de commettre un odieux assassinat.

Il rentra dans la chambre à coucher, et, avisant Sarah Gordon, déclara d’une voix vibrante :

– Si vous ne l’aviez pas protégé de votre corps, mademoiselle, je l’aurais abattu comme un chien qu’il est.

–Vous savez donc avec qui je me trouvais ? interrogea la jeune fille.

– Oui, fit Juve, vous étiez avec Fantômas. Une seconde de plus, si je n’étais arrivé à temps, et le bandit vous tuait.

Sarah Gordon blêmit ; cependant que ses dents claquaient, elle désigna la fenêtre à Juve, la fenêtre ouverte par laquelle pénétraient des bouffées de brouillard humide et froid.

– Je vous en prie, monsieur, fermez cette fenêtre et passez-moi le châle qui est sur ce canapé. Je suis à moitié nue, j’ai froid !

Juve était un peu déconcerté par le calme qu’affectait la jeune fille. Toutefois, il n’en laissa rien paraître et fort galamment accéda à son désir.

Sarah s’enveloppa dans le vêtement que lui tendait le policier, puis, se renversant à demi sur ses oreillers, elle interrogea :

– Que veniez-vous faire ici ? Était-ce dans le but de me protéger, monsieur, ou alors, votre présence est-elle la conséquence d’une simple coïncidence ?

– Ce n’est pas tout à fait le hasard, mademoiselle, qui m’a conduit jusqu’à votre fenêtre ; je surveillais quelqu’un, mais, je l’avoue, je ne m’attendais pas à rencontrer Fantômas dans votre appartement.

– C’est donc moi, monsieur, fit-elle, que vous étiez en train de surveiller ?

– Peut-être.

– Quelles étaient donc vos intentions, monsieur ?

Le policier précisa :

– Je ne vous les dissimulerai pas : depuis pas mal de temps, mademoiselle, votre attitude me paraît suspecte et fort peu explicable en bien des circonstances. Je suis venu ici pour vous interroger et si vos réponses ne me conviennent pas, je n’hésiterai pas à vous mettre en état d’arrestation.

– Grand merci, monsieur ! Pour me parler ainsi, vous ignorez sans doute à qui vous avez affaire. Je suis Sarah Gordon, citoyenne de la libre Amérique et milliardaire. J’ai l’habitude de faire ce qu’il me plaît et jamais personne ne m’a fait obéir à des ordres.

– Il y a un commencement à tout, miss Sarah Gordon, et dès à présent, je vous donne l’ordre de répondre à mes questions.

– Monsieur, je ne parlerai pas, je ne prononcerai pas une parole.

– En ce cas, fit Juve, j’attendrai !

Il y eut un quart d’heure de silence, pendant lequel la jeune fille, de plus en plus troublée et perplexe, ne cessa de considérer le policier qui s’était installé dans un fauteuil en face d’elle et demeurait impassible, les bras croisés, les yeux fixés au plafond. Enfin Sarah Gordon se décida à rompre le silence :

– Monsieur, demanda-t-elle d’une voix plus douce, il serait au moins poli de votre part de m’expliquer le but de votre visite.

– Vous avez raison, mademoiselle, et si je redoute d’apprendre à votre sujet, des choses qui m’imposeraient la nécessité pénible de vous arrêter, je dois vous dire que je viens vous trouver sans parti pris, sans mauvaise volonté, avec l’unique désir de tirer cette histoire au clair, et de rendre justice à ceux qui y ont droit.

– Monsieur, poursuivit Sarah Gordon, je suis prête à vous répondre, interrogez-moi.

***

L’entretien avait duré longtemps et les deux interlocuteurs avaient dû se dire des choses graves, car, sans une interruption, ils avaient successivement parlé, veillant à ne pas élever trop la voix pour être certains de n’être point entendus.

Le soleil était déjà haut, lorsque par la fenêtre de la chambre de Sarah Gordon, un homme se glissa mystérieusement, enjamba le balcon et, se laissant glisser le long d’un tuyau de gouttière, atteignit le sol. Cet homme se mit ensuite à marcher rapidement en rasant les murs de l’hôtel.

Quiconque aurait vu ce fugitif descendre de ce balcon l’aurait pris à coup sûr pour un amoureux arraché par l’aube aux étreintes de sa maîtresse. Que penser en effet lorsqu’un couple passe une nuit entière dans la même chambre ?

Toutefois, si les apparences permettaient de former toutes les suppositions à ce sujet, la réalité était tout autre.

L’homme qui venait de s’en aller ainsi de la chambre de Sarah Gordon était le policier Juve qui ne tenait point à être aperçu du personnel de l’hôtel.

L’inspecteur de la Sûreté semblait fort satisfait de son entretien avec l’Américaine. Il avait respiré de profondes bouffées d’air frais et allumé une cigarette avec une évidente satisfaction.

– Je crois décidément, pensait-il, que maintenant Sarah Gordon est hors de cause. Il me reste à savoir cependant quelle est la personnalité exacte de ce Dick, et aussi quelles sont les raisons si mystérieuses qui l’empêchent de partir avec celle qu’il aime. Tout cela n’est pas clair et, malgré moi, je suis obligé de faire un rapprochement entre l’assassinat par Fantômas de la pauvre petite Rose et ce Dick qui, justement ce soir-là, n’est pas venu tenir son rôle au théâtre et a ainsi permis à ce tortionnaire d’interpréter si tragiquement le Bourreau.

Le policier avançait toujours d’un pas rapide et il passait devant une maison déserte, lorsque soudain il s’arrêta brusquement :

Ne venait-on pas de prononcer son nom ? Il écouta, il entendit encore :

– Juve.

Le policier regardait autour de lui, machinalement, ne voyait personne, lorsqu’un bruyant éclat de rire fusa au-dessus de sa tête.

– Ah par exemple, Fandor !

Au balcon d’une villa, au premier étage de cette maison, apparaissait en effet le visage de Fandor.

Le jeune homme avait les traits tirés, les joues assez pâles, cependant qu’il souriait, et ses yeux brillaient d’un éclat extraordinaire. Voyant Juve, il rit et il répéta :

– Quelle bonne chance de vous rencontrer, mon cher ami. Donnez-vous donc la peine d’entrer !

Juve indécis demeurait à l’entrée de la grille du jardin.

– Qu’est-ce que cela signifie ? s’écria-t-il. Comment se fait-il que je te retrouve ici ? Chez qui es-tu, Fandor ?

– Chez qui je suis ? répliqua le journaliste, je n’en sais fichtre rien ou alors je m’en doute trop. Mais, Juve, ne restez donc pas là, comme un mendiant sur le seuil de la porte. Entrez, je vous en prie.

Machinalement, le policier fit quelques pas dans le jardinet. Il se heurta à une porte fermée, il cria :

– Mais tout est verrouillé, Fandor.

De son balcon, le journaliste lui jeta :

– Diable, je n’y avais pas songé. Attendez un instant, je vais essayer de vous ouvrir de l’intérieur. Le temps de descendre l’escalier, ce qui ne sera peut-être pas très commode, pourvu que je ne me fiche pas la figure à terre.

Pendant quelques instants, Juve et Fandor, placés de part et d’autre de la porte d’entrée, s’efforcèrent de l’ouvrir. Ils y parvinrent enfin. Lorsque Juve pénétra dans la maison, il reçut pour ainsi dire Fandor dans ses bras. Le jeune homme riait nerveusement, mais il chancela, tituba :

– Qu’as-tu donc ? fit Juve qui s’efforçait vainement de le faire se tenir debout.

– Il y a, fit Fandor, que je suis abruti, étourdi, très étourdi. Je viens de me réveiller, il y a une heure environ, glacé, transi de froid et je ne peux pas encore arriver à reprendre bien nettement mes esprits. Je me demande même comment il se fait que je sois vivant.

– Vivant ? s’écria Juve. As-tu donc couru quelque danger ?

– Je crois.

Juve, cependant, considérait curieusement l’immeuble dans lequel il se trouvait et le rez-de-chaussée de cette maison qu’occupait si bizarrement Fandor. Il y avait là quelques meubles, sans importance, et véritablement insuffisants pour permettre à quelqu’un d’habiter cette demeure.

Cependant, les deux hommes s’étaient installés sur une banquette, et Fandor qui, peu à peu retrouvait son équilibre physique et moral racontait à Juve la façon soudaine dont il s’était endormi.

– Qu’en concluez-vous ? demandait-il enfin.

À sa grande surprise, Juve lui répondit :

– Avant de conclure, je me demande, Fandor, si tu ne rêves pas encore et si tout cela t’est réellement arrivé ?

– Eh bien, vous en avez de bonnes, fit le journaliste, très vexé des doutes que formulait le policier. Voulez-vous, à votre tour, m’expliquer pourquoi vous ne me croyez pas ?

– Oh bien volontiers, fit Juve, et pour douter de toi, j’ai deux raisons…

– Allez-y, fit Fandor, envoyez-moi votre boniment. Je verrai ensuite ce que je dois y répondre.

– J’y vais, comme tu dis, de mon boniment, et j’ai deux arguments à te servir. Primo, je doute que tu aies passé hier soir la soirée en tête-à-tête avec Fantômas et qu’il t’ait endormi comme tu prétends, parce que, dès lors que tu aurais été hors d’état de lui nuire, même de lui résister, il me semble que Fantômas aurait trouvé l’occasion excellente pour te faire passer le goût du pain et t’envoyer dans l’autre monde.

– Pardon, interrompit Fandor, avant que vous ne m’indiquiez le deuxième argument, puis-je répondre au premier ?

– Vas-y.

– Eh bien, fit Fandor, il n’y a pas de preuves que Fantômas ait voulu me tuer. Il n’a, en effet, de la reconnaissance et de la bonté que dans un seul cas : c’est lorsque l’on protège Hélène. Or, je venais précisément de l’arracher aux mains de Nalorgne et Pérouzin.

Juve hocha la tête silencieusement.

– Hein ? vous êtes collé !

– Non, car voici mon second argument, et il suffit. Le premier n’est pas nécessaire. Je doute que tu aies vu hier soir Fantômas, parce que, à la même heure, c’est moi qui ai eu un tête-à-tête avec lui.

– Bah, fit Fandor abasourdi, ceci demande explication.

– Écoute ! poursuivit le policier.

Et dès lors, Juve racontait à Fandor les péripéties de la nuit qu’il avait passée au Lac Palace. Il expliquait à son ami comment, venu pour interroger et surveiller Sarah Gordon, il avait rencontré le bandit qui se dissimulait à l’hôtel, sous les traits d’un valet. Comment enfin, il acquérait la certitude que Fantômas ne quittait pas le voisinage de l’appartement occupé par Sarah Gordon, comment il voyait et entendait Fantômas menacer l’Américaine dans sa chambre à coucher.

Juve et Fandor se regardaient perplexes et sérieux.

– C’est très extraordinaire, commença le journaliste, et je me demande lequel de nous deux est victime d’une hallucination.

– Oh, fit Juve, c’est là un problème inutile à poser, car il nous est impossible de trouver une solution.

Le policier se leva, se passa la main sur le front, puis à brûle-pourpoint il demanda :

– Fandor, quelle heure est-il ?

Le journaliste regarda sa montre :

– Il est exactement cinq heures vingt du matin.

Cependant Juve avait lui-même consulté son chronomètre :

– Bien, déclara-t-il, ta montre avance de dix minutes sur la mienne.

– Ah ! fit Fandor, et que concluez-vous de cela ?

– Tout simplement, repartit le policier, qu’il est possible, étant donné la différence de nos deux montres, que Fantômas, après avoir été en ma présence, soit allé te retrouver et s’efforcer de t’endormir, ce qu’il a d’ailleurs réussi.

Fandor approuva d’abord son ami, puis admit cette éventualité.

Mais soudain les deux hommes se regardèrent :

– Juve !

– Fandor !

– Juve nous nous foutons dedans !

– Fandor, c’est mon avis !

Il était impossible, en effet, qu’ils se fussent l’un et l’autre successivement trouvés en face de Fantômas, pour la bonne raison que Fandor était certain d’avoir défendu Hélène contre Nalorgne et Pérouzin, avec le concours de Fantômas, alors que Juve était également convaincu que pendant ce temps, à ce moment précis, Fantômas se trouvait dans les couloirs du Lac Palace, et qu’il se présentait quelques secondes après à Sarah Gordon, qui pourrait aisément en témoigner.

Et Fandor concluait :

– Si Sarah Gordon peut témoigner de la présence de Fantômas, Nalorgne et Pérouzin pourront en faire autant. Alors ?

Juve hocha la tête.

– Fantômas, fit-il en hésitant, n’a pourtant pas, quelle que soit son habileté, le don d’ubiquité.

– Alors, conclut Fandor, il faut admettre que cette nuit il y avait deux Fantômas.

– Deux ? s’écria Juve.

Mais il ne haussa point les épaules, et ne déclara point à Fandor qu’il se trompait.

28 – TRAHIS ?

– Acré, v’là les cognes !

– Ah, nom de Dieu, le Bedeau, cavalons !

– Penses-tu, Bec-de-Gaz, c’est du boniment ! Ceux qu’ont les foies, ce soir, s’imaginent que c’est pour eux parce qu’ils sont pleins aux as simplement. Sûrement que c’est une rafle pour les gerces du trottoir. Y a pas besoin de se débiner.

Cependant, Œil-de-Bœuf, qui rentrait à ce moment dans le cabaret du père Korn, avec une figure chavirée, répétait, allant de table en table :

– Faut cavaler illico, c’est pas les mœurs qui sont dans la rue, c’est les vaches de la Préfecture, des gars tout ce qu’il y a de costauds, et ils sont en nombre.


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