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L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Текст книги "L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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À ne jamais connaître exactement la maîtresse de Fantômas, tous s’étaient habitués à la diviniser un peu, à la considérer comme une créature extraordinaire.

Et Fantômas voulait la tuer ?

Ah non, cela ne prenait pas.

– C’est rigolo tout de même, disait Bec-de-Gaz, ce qu’Œil-de-Bœuf a l’imagination puissante ! Voilà maintenant qu’il jaspine que Fantômas veut crever sa poule. Non mais des fois ! Ouss’qu’il a été pêcher ça ?

Et Mort-Subite ajouta :

– Parbleu, si on voulait être renseigné, faudrait voir à trouver Bébé. Lui la connaît, lady Beltham. Il pourrait bien nous dire si y sait qu’il y a eu du grabuge dans le ménage.

Bébé, jadis, en effet, avait rencontré lady Beltham lorsqu’il l’avait conduite, batelier improvisé, au Phare de l’Adour [28]. Bébé pour cela même, jouissait d’une certaine réputation auprès de ses compagnons. Mais Bébé n’était pas là.

Et puis, Œil-de-Bœuf insista :

– Eh bien les potes, déclarait l’apache, c’est pourtant tout juste exactement comme je vous le dis. C’est le bruit qui court partout. Cet après-midi, on me l’a dit aux Halles, et il paraît que ça se répétait aussi à Montrouge. Fantômas en a assez de la dame, et il lui a proprement écrit qu’il allait la zigouiller.

– Quand ? demanda Bec-de-Gaz.

– Cette nuit ! Même que Juve avec tous les flics de la Tour Pointue [29] sont autour de la gironde [30], histoire de lui faire un rempart. Tu parles que si Fantômas veut descendre sa gerce, ça va le gêner le moins du monde.

Et Œil-de-Bœuf qui était décidément lancé, tapait à tour de bras sur la table :

– Holà, père Korn, une tournée générale ! C’est moi qui raque, et v’là les sous. On boit à la santé de Fantômas qui redevient garçon. Paraît que c’est son goût, à c’t’homme, d’être un peu veuf.

Il y eut des grands rires. Puis quelqu’un sursauta :

– Tiens, qui c’est qui vient de refermer la porte ?

Du même geste, tous tournèrent la tête. Un homme inconnu, à figure de pauvre hère, qui paraissait sommeiller à l’entrée du mastroquet, était parti.

Les autres, un instant, demeuraient stupéfaits, inquiets de cette disparition furtive. Le père Korn, lui se précipitait.

– Ah nom de Dieu ! hurlait le cabaretier. Et il n’a pas raqué, ce salaud-là !

Mais, arrivé à la table où l’homme avait pris place, le père Korn s’immobilisa.

– Eh ben, mes cochons, radinez voir…

Les apaches se bousculèrent. Sur la table il y avait un louis de vingt francs. À côté, il y avait, gravé, à la pointe du canif sur le vernis du bois, une inscription :

« Fantômas vous prie tous de vous taire, il n’aime pas les bavards ».

La grande Berthe avait épelé cette phrase d’une voix tremblante.

– C’était lui, bon Dieu ! hurla-t-elle.

Et le Bedeau lui-même confirmait la supposition :

– Sûr que c’était lui !

Puis Œil-de-Bœuf avait un claquement de langue :

– M’est avis que si Fantômas est parti, s’il court les rues à c’t’heure-ci, cette nuit précisément, eh bien, la lady Beltham elle n’a qu’à se tenir sa peau à deux mains et à préparer du fil pour la recoudre au besoin. Le Fantômas pourrait bien s’être barré pour aller la crever…

***

Sorti du cabaret du père Korn, Fantômas avait suivi la rue de la Charbonnière et gagné les boulevards extérieurs en grande hâte.

Il n’avait pas perdu un mot de ce qu’avaient dit les apaches et, entré au cabaret tout souriant, ne paraissant nullement préoccupé, il en sortit le front soucieux, se mordant les lèvres, l’air hagard.

Fantômas était-il tout simplement furieux de voir que l’on savait dans la pègre la mystérieuse affaire de la menace de mort adressée à lady Beltham ?

Était-il, au contraire, bouleversé en apprenant que tout le monde croyait que c’était lui qui menaçait sa maîtresse ?

Fantômas, ayant marché jusqu’à la place Clichy, puis ayant baissé le col de son veston, arrangé savamment sa casquette pour se donner l’air plus présentable, il héla un taxi-auto.

L’infernal bandit possédait vraiment l’art subtil de se grimer en moins de rien. Il lui suffisait de changer quelques détails à son costume, d’affecter une nouvelle démarche, pour devenir méconnaissable. Dans le cabaret du père Korn, Fantômas avait eu l’air d’un pauvre bougre, d’un apache. Place Clichy, il apparaissait plutôt comme un honnête ouvrier attardé.

– Conduisez-moi à la gare de Courcelles ! ordonna-t-il au chauffeur.

Arrivé place Pereire, il paya le prix du voyage, et prit l’avenue de Niel.

Fantômas était de plus en plus soucieux. Il serrait les dents. Par moments, ses poings se crispaient. Une colère sourde évidemment l’envahissait petit à petit. Soudain, son front se rasséréna :

– Ah, fit-il, Juve n’est pas trop bête.

À quelque distance, Fantômas venait d’apercevoir une voiture automobile rangée le long du trottoir, autour de laquelle deux hommes s’affairaient, dans l’intention apparente de regonfler les pneumatiques. Fantômas avait immédiatement reconnu Nalorgne et Pérouzin.

– Évidemment, murmurait le bandit, si Juve a placé là ces deux fantoches, c’est dans l’intention de me faire comprendre que la place est surveillée. Ou je me trompe fort, ou lady Beltham doit être gardée, et strictement gardée par les plus fins limiers de la Préfecture. Je jurerais que son appartement est bondé d’inspecteurs. Juve est là je pense.

Le bandit avança encore de quelques mètres, insoucieux du danger qu’il courait à se montrer dans ces lieux :

– Très bien, murmura-t-il encore, il y a une étincelle sur le toit. Je dois en conclure qu’il y a là un inspecteur de la Sûreté, et que cet imbécile, en dépit des ordres formels qu’à dû lui donner Juve, se permet d’en griller une.

Fantômas avançait toujours. Il arrivait à la hauteur de la voiture automobile. Il appela, d’une voix tranquille :

– Nalorgne ! Pérouzin !

– Qui va là ? hurla Pérouzin.

– Pas un pas ou vous êtes mort ! cria Nalorgne.

Et Nalorgne brandissait, terrible, une pompe à pneumatiques.

Fantômas s’embarrassa peu de cette façon de le recevoir.

– C’est moi, déclara-t-il simplement, en considérant les deux policiers. J’imagine que vous êtes toujours mes amis ?

Fantômas ne menaçait pas Nalorgne et Pérouzin, mais il tenait son browning à la main, sans ostentation.

Et Nalorgne et Pérouzin, immédiatement, comprirent qu’il valait mieux ne pas tenter une arrestation qui pouvait être périlleuse.

– Évidemment, répondait Nalorgne, nous sommes toujours vos amis.

Et Pérouzin continuait :

– Et puis on ne s’occupe plus guère de police. Nous avons bien assez à faire avec notre voiture. C’est compliqué d’arrêter les gens, mais c’est encore plus compliqué de faire marcher cette bagnole-là.

Ce n’était pas le moment de plaisanter et Fantômas l’interrompit rudement :

– Taisez-vous ! ordonna-t-il. Vous n’avez qu’à répondre à mes questions et voilà tout. Que faites-vous ici ? Où est Juve ?

– Là-bas, répondait Pérouzin en clignant de l’œil, chez lady Beltham.

– Seul ?

– Non, avec Léon et Michel.

– Il y a d’autres agents ?

– Oui, on en a mis partout, affirma Nalorgne, d’un ton satisfait.

Et il interrogea :

– Avez-vous vraiment l’intention de tenter quelque chose cette nuit, Fantômas ?

Mais à ce moment, Fantômas paraissait de meilleure humeur que quelques instants avant. Il considérait à nouveau Nalorgne et Pérouzin campés devant lui :

– Vous êtes des imbéciles, déclara le Maître, mais vous n’êtes pas de méchantes gens, je m’en souviendrai.

Et, sur cette phrase énigmatique, il tourna les talons, il s’éloigna.

Or, à peine était-il parti, que Nalorgne et Pérouzin se regardèrent stupéfaits :

– Qu’est-ce que cela veut dire ? dit Nalorgne.

– Qu’est-ce que cela signifie ? demanda Pérouzin.

La silhouette de Fantômas, à ce moment, disparaissait dans le haut de l’avenue Niel.

– Il ne va rien se passer du tout, reprit Nalorgne.

– Ou s’il se passe quelque chose, ajouta Pérouzin, c’est que Fantômas se fera arrêter. Parbleu, nous sommes là.

– Oui, nous sommes là ! répéta son acolyte avec fierté. Quand Fantômas vient seulement se renseigner, on peut causer. Cela ne fait pas de mal, mais s’il tentait quelque chose…

Et le fantoche prit une pose farouche.

***

À six heures du matin, Juve seulement commençait à respirer. La nuit avait été très calme, aucun incident ne l’avait marquée, Fantômas n’était point venu. Rien ne s’était passé, lady Beltham était sauve, évidemment.

Juve qui, de la nuit, n’avait fermé l’œil et s’était continuellement promené en compagnie de Léon et Michel dans la galerie sur laquelle s’ouvrait la porte de la chambre de lady Beltham, se frotta les mains avec satisfaction.

– Léon, dit-il, mon vieux Léon, Fantômas, pour une fois, aura eu peur de nous, aussi parbleu, nos précautions étaient trop bien prises. Il ne pouvait rien contre lady Beltham. Il a eu l’intelligence de comprendre qu’il valait mieux s’abstenir que de s’exposer à un échec.

– Oui, dit Léon. Et vous croyez, patron, que maintenant lady Beltham est sauve ?

– Je suis tenté de le croire.

À ce moment, dans la chambre où reposait la maîtresse de Fantômas, un réveil sonna. Juve était convenu la veille avec lady Beltham que ce réveil sonnerait à six heures du matin. Lady Beltham devait alors immédiatement se lever et ouvrir la porte au policier.

– Attention, dit Juve joyeusement. Nous allons voir la rescapée et peut-être après les émotions de cette nuit, voudra-t-elle bien nous faire quelques confidences ?

Juve espérait, en effet, que, sauvée de Fantômas, lady Beltham se déciderait à parler. Il ajouta cependant :

– Mais soyons respectueux, laissons à lady Beltham le temps de se lever.

Juve et les deux agents causèrent encore quelques minutes, puis soudain Juve devint nerveux :

– Ah ça, déclara le roi des policiers, c’est extraordinaire. Est-ce que par hasard lady Beltham dormirait si bien que le réveil ne l’aurait point tirée de son somme ?

Juve s’approcha de la porte et frappa des coups d’abord timides, puis bientôt plus forts.

– Lady Beltham ! appela-t-il. Lady Beltham !

Aucune réponse.

Les trois hommes se reculèrent, et, sans même s’être concertés, à coups d’épaule, firent sauter la porte hors de ses gonds.

À peine, d’ailleurs, un battant était-il tombé que Juve bondissait dans la pièce.

Il s’élançait avec une impétuosité folle et, soudain, de stupeur, au milieu de la pièce, il s’immobilisa :

– Ah malédiction ! hurlait le policier.

Sur le lit de milieu, dans la chambre close, dans la chambre barricadée, dans la chambre où personne n’était entré, où personne, matériellement, n’avait pu entrer, lady Beltham était étendue immobile, glacée, morte.

19 – LA SUBTILE ASPHYXIE

Fandor était depuis quelques instants arrivé au Théâtre Ornanoet cherchait avec peine à découvrir le père Coutureau parmi la foule des figurants, des machinistes.

Ce fut un pompier, le fameux pompier de service que l’on rencontre inévitablement dans tous les théâtres, occupé à dévisager les actrices, qui finit par prendre en pitié le malheureux journaliste et lui indiqua celui qu’il cherchait.

– Voilà M. Coutureau.

– C’est pas malheureux, grogna Fandor.

En même temps il se précipita vers le brave homme et l’empoigna par le bras :

– C’est vous monsieur Coutureau ?

– Moi-même, jeune homme. Qu’est-ce qu’il y a pour votre service ?

– Je viens plutôt pour le vôtre, ripostait Fandor.

Et comme le père Coutureau le regardait, interloqué, Fandor entraînait le brave homme à l’écart :

– C’est au sujet de votre fille Rose que je me trouve ici.

Immédiatement la figure du père Coutureau se rembrunit.

Depuis quelque temps, le pauvre malheureux n’avait guère l’habitude d’entendre parler de sa fille sans qu’il en résultât pour lui des inquiétudes ou des ennuis. Qu’allait-il encore apprendre ?

– Vous venez au sujet de ma fille ? répondait le père Coutureau. Expliquez-vous, monsieur.

Il n’appelait plus Fandor « jeune homme », il devenait respectueux. Le journaliste nota la nuance.

– Écoutez, reprit Fandor, il faut que j’aille vite et droit au fait, par conséquent tâchez de me répondre avec franchise.

– Mais qui êtes-vous ?

– Quelque chose comme un policier.

La réponse était vague et le père Coutureau roulait des yeux stupéfiés.

– Bon, bon, faisait-il, parlez !

– Voilà, continuait Fandor. Vous avez lu les journaux ce matin ?

– Oui, monsieur.

– Vous avez vu alors que la comtesse de Blangy, ou plus exactement lady Beltham, car telle était en réalité le nom de cette grande dame, était morte assassinée ?

– Oui. Après ?

Le front du père Coutureau se barra d’un pli soucieux. Ce début de conversation ne laissait préjuger rien de bon à son avis. Qu’allait-il encore apprendre ?

– Eh bien, poursuivit Fandor, à tort ou à raison, la police se figure que votre fille est pour quelque chose là-dedans.

– Ma fille ? Seigneur Dieu !

Le père Coutureau leva les bras au ciel, il protesta avec effarement :

– Mais jamais Rose n’a connu lady Beltham.

– Çà, faudrait pas me la faire ! Je veux bien être gentil, monsieur Coutureau, mais, en revanche, ne vous payez pas ma tête, ça coûte cher d’ordinaire. Votre fille n’a peut-être pas connu lady Beltham mais elle a sûrement connu la comtesse de Blangy, puisqu’elle l’a volée.

– Elle l’a volée par étourderie, monsieur.

– C’est un genre de vol que la loi n’admet pas.

– Mais cette dame avait retiré sa plainte.

– Possible, cela ne change rien à l’affaire.

– Enfin, monsieur, je vous jure que Rose…

– Rose, monsieur Coutureau, va être compromise dans cette histoire-là, aussi vrai que je m’appelle Jérôme Fandor, et compromise de sale manière. Elle est en relation avec Fantômas, n’est-ce pas ?

– Dites que Fantômas l’a sauvée.

– Hein ? quoi ?

À l’extraordinaire déclaration que le père Coutureau avait faite d’un ton très calme, Fandor sursauta. Comment ? Fantômas avait sauvé Rose Coutureau ? Il l’avait sauvée de quoi ? de qui ?

Jamais Fandor n’avait pas encore entendu dire que Fantômas se fût intéressé à Rose Coutureau. Le journaliste se prit à songer que Juve avait peut-être eu grandement raison de l’envoyer faire une enquête au Théâtre Ornano. Peut-être allait-il apprendre des choses très intéressantes. L’entracte cependant s’achevait. Le père Coutureau, figurant dans la pièce, devait rentrer en scène :

– Écoutez, demandait Fandor, ça ne peut pas se passer comme cela. Continuez à jouer, monsieur Coutureau, mais je vous attends à minuit. Que diable, il faudra bien, en buvant un verre, que nous éclaircissions l’un et l’autre toutes ces choses fort mystérieuses.

***

À la sortie du théâtre, en effet, Jérôme Fandor, conduisait le père Coutureau dans un bistrot voisin où se réunissaient régulièrement les machinistes et les figurants du Théâtre Ornano.

Grand et généreux, Fandor paya une tournée au père Coutureau et tâcha de le faire parler.

Ce que le journaliste apprit alors était si inattendu, si stupéfiant, que Jérôme Fandor, par moments, pensa, que peut-être le père Coutureau n’était point l’imbécile qu’il semblait être et lui racontait des boniments inventés de toutes pièces.

Pourtant, le vieil habilleur parlait avec une profonde conviction.

– Oui, disait-il, Fantômas est une crapule aux yeux de la police, mais moi et ma fille, nous n’avons pas le droit de le considérer autrement que comme un sauveur. C’est lui qui a tiré Rose d’affaire, c’est lui qui l’a empêchée d’être condamnée comme voleuse. Tout ce que voudra Fantômas, je le ferai. Et tout ce qu’il demandera à Rose, elle le fera.

– Mais bougre de nom d’un chien ! tonna le journaliste. Triple idiot que vous faites ! Père Coutureau, vous ne voyez donc pas que Fantômas s’est proprement payé votre figure et celle de votre fille ? Il l’a sauvée, c’est possible, mais il ne l’a pas sauvée de grand-chose, puisque après tout, la comtesse de Blangy devait retirer sa plainte le lendemain même. Et puis, toutes ces aventures-là, ce sont des aventures inquiétantes, et comment ne comprenez-vous pas que Fantômas n’a agi de la sorte que pour compromettre votre fille en la mêlant à l’assassinat de lady Beltham, ce qui probablement lui est d’une utilité que nous ne connaissons pas encore.

Le père Coutureau, aux paroles de Fandor, commençait à hésiter. Brave homme mais d’esprit peu ouvert, il avait la réflexion lente. Ce qu’on lui disait lui semblait vraisemblable, mais, il avait peine à imaginer que Fantômas, auquel il vouait un culte depuis quelque temps, était peut-être peu digne de son admiration, et même avait peut-être cherché à lui nuire et à nuire à sa fille.

– Non, mon bon monsieur, répétait-il, non, sûrement que vous vous trompez. Fantômas n’a pas dû vouloir compromettre Rose, et d’ailleurs… d’ailleurs, vous allez bien voir ce qu’en pensent les camarades.

Fandor n’aurait peut-être pas voulu mettre ainsi tout le monde du Théâtre Ornanoau courant de son enquête, mais il ne lui était guère possible de faire taire le père Coutureau qui, très excité, à la fois épouvanté et incrédule, ne savait que penser.

– Écoutez, disait le brave homme, écoutez ! Voilà monsieur qui prétend que Fantômas, Fantômas, vous le savez bien, qui a sauvé Rose l’autre jour, va précisément la compromettre dans l’histoire de l’assassinat de M me de Blangy.

À ces mots, surprise générale.

Bavard, le père Coutureau avait depuis longtemps conté les aventures de Rose à tout le monde au théâtre. On était donc au courant et l’on ne se privait point de mal juger les affirmations de Fandor, personnage d’autant plus suspect que personne ne le connaissait, que personne ne savait d’où il venait.

– Allez, allez, disait un machiniste, ne t’occupe pas de ce que jaspine monsieur, tout ça c’est des histoires ! Ce qu’il y a de sûr, c’est que ta fille allait faire de la taule et que, grâce à Fantômas, elle n’en a pas fait. Tu n’as à savoir que ça.

C’était l’opinion générale.

Dick, lui-même, qui était entré dans le bar par hasard, approuvait les paroles du machiniste :

– Je ne vois pas très bien, déclarait-il, pourquoi Fantômas aurait pris la peine de sauver Rose Coutureau, qu’il ne connaissait pas encore, si c’était son intention de la compromettre ensuite. Et puis, d’ailleurs, rien ne prouve que ce soit Fantômas qui ait réellement tué avenue Niel. Les journaux le soupçonnent, c’est vrai. Mais enfin, les journaux ne sont pas infaillibles.

Fandor, sous ce flot d’arguments, devant l’hostilité générale, n’insista pas. Il écoutait les conversations, nota de petits détails dans l’espoir continuel de surprendre quelque indice intéressant, puis, comprenant que tous les gens qu’il avait devant lui ne savaient rien, ou, qu’en tout cas, ils ne voulaient rien dire, il paya son dû et se leva :

– Père Coutureau, dit le journaliste, je ne doute pas que vous soyez de bonne foi, mais assurément vous ne vous rendez pas compte des dangers qui menacent votre fille, et vous aussi peut-être. Fantômas jouant à l’homme de bien, cela ne s’est jamais vu. Prenez garde, prenez garde !

Et Fandor s’éloigna sur ces paroles qui troublèrent le père Coutureau, et créèrent un vrai malaise chez ceux qui les entendirent.

***

Entré dans la chambre de lady Beltham, cette chambre dont il avait sondé les murailles, dont il avait méticuleusement assuré la protection en bouchant la fenêtre, en barricadant les portes, en guettant continuellement l’unique entrée qu’il avait laissée subsister, Juve avait aperçu couché sur le lit de milieu le corps de lady Beltham.

Le policier, d’abord, de stupéfaction, s’était immobilisé au centre de la pièce, puis une colère folle, un désespoir furieux aussi s’étaient emparés de lui.

Juve s’était élancé, il avait couru jusqu’au lit, il s’était penché sur le corps. Un rauque juron s’était échappé de ses lèvres :

– Ah nom de Dieu ! Morte !

Et tout de suite après, alors qu’un frisson d’émotion le secouait, Juve avait ajouté :

– Tuée, c’est évident. Mais tuée comment ?

Juve, alors, retrouvait le sang-froid dont il avait à maintes reprises donné des preuves si extraordinaires.

Juve avait l’âme faite de cette façon que les difficultés et les mystères, loin de l’abattre, loin de le désespérer, le surexcitaient au contraire, infusaient une nouvelle ardeur à son énergie.

– Ah çà, c’est incompréhensible ! grogna-t-il. Personne n’est rentré ici, cependant, depuis hier soir.

Et Juve ordonna :

– Léon, restez debout devant la porte et empêchez quiconque d’entrer ! Michel, venez m’aider !

La mort de lady Beltham apparaissait à l’esprit du policier comme le mystère le plus incompréhensible, le plus inexplicable qu’il ait eu jamais à élucider.

La pièce où lady Beltham venait d’être assassinée – Juve en avait la persuasion, la certitude absolue, indiscutable – était hermétiquement close. Lady Beltham y était entrée la veille, bien portante, personne n’avait pu s’y introduire, et pourtant, elle venait de mourir.

– Qu’a-t-il donc pu se passer ? se demandait Juve.

Et, demeurant sans bouger, debout, à côté du lit de mort, il fouilla de ses yeux perçants les meubles, les murailles de la chambre, cherchant un indice, un détail, quelque chose qui pût lui faire au moins soupçonner de quel côté devaient porter ses recherches.

– Voyons, Michel, constata Juve, voyez-vous quoi que ce soit ici ?

– Je ne vois rien, chef, je ne vois rien.

Tout aussi désemparé que Juve, Michel, immobile comme son chef, regarda de tous côtés et ne découvrit rien.

– Lady Beltham est morte, se répétait Juve, morte à la date fixée, morte au commandement.

Et, soudain, comme il disait ces mots, Juve tressaillit.

Ah çà, ne venait-il pas de donner, sans y avoir pensé, la seule explication admissible de la mort de lady Beltham ?

Elle était morte à l’heure fixée, et au commandement… Parbleu ! N’avait-elle pas joué la comédie à Juve en venant lui demander sa protection et le policier n’était-il pas la victime d’une machination tragique ?

– Lady Beltham aimait Fantômas, se répétait-il, Fantômas a dû lui ordonner de se tuer. C’est elle qui a dû se tuer.

Et, il en arrivait, petit à petit, à imaginer un suicide, tant il était bien évident à ses yeux que personne n’avait pu s’introduire dans la pièce.

Juve, alors, se penchait à nouveau sur le cadavre de la malheureuse femme. Il l’examinait avec soin, il cherchait la trace d’une blessure, il cherchait la cause de la mort.

Mais Juve ne trouva rien.

Sur le grand oreiller brodé, dans l’auréole rose que dessinait une lampe électrique élégamment voilée d’un abat-jour de soie, et qui brûlait encore, le visage de lady Beltham apparaissait reposé, calme, tranquille, joli et fin, d’une beauté surnaturelle.

Lady Beltham avait les yeux clos, elle semblait encore dormir, aucune crispation n’avait défiguré ses traits. Ses lèvres même gardaient le fin sourire qui ajoutait un charme délicieux à son visage.

– Un suicide, se dit Juve, non ! Cette femme ne s’est pas suicidée, elle est morte en dormant, elle est morte sans se rendre compte qu’elle mourait.

Parbleu, si brave qu’eût été lady Beltham, et elle ne l’était pas énormément, en somme, puisqu’elle avait eu peur, elle aurait frémi en sentant venir le trépas.

– Or, pensait Juve, son attitude est posée, tout prouve qu’elle ne s’est pas sentie mourir. Même si elle s’était suicidée, il y aurait en elle, dans le désordre de sa pose quelque chose qui avertirait.

Mais l’hypothèse du suicide rejetée, Juve en cherchait une autre :

– Serait-elle morte de peur ? Sachant le danger qui la menaçait, aurait-elle été victime de l’effroi ?

Mais c’était encore là une explication inadmissible.

On ne meurt pas de peur dans une tranquillité aussi parfaite que celle qui semblait avoir été la tranquillité de lady Beltham.

– Elle est morte en dormant, fit encore Juve. On ne meurt pas de peur.

Et puis il y avait ce fait étrange, bouleversant, que cette mort était bien survenue à la date fixée, à la date arrêtée, choisie par Fantômas. Mais était-ce bien Fantômas qui avait tué lady Beltham ?

– Chaque fois que j’y réfléchis, pensait Juve, je trouve dans cette affaire un nouveau mystère. Non, je ne peux pas croire que Fantômas ait tué lady Beltham, cela dépasse mon imagination, cela dépasse mon entendement. Et pourtant ? Pourtant, nom d’un chien, il n’y a que Fantômas pour avoir pu tuer dans des conditions si mystérieuses, il n’y a que Fantômas pour être le criminel qui ait pu entrer sans laisser de trace dans cette chambre.

On y revenait toujours. Il apparaissait impossible que quelqu’un se fût réellement introduit dans la chambre barricadée et cependant, il fallait bien que quelqu’un s’y fût introduit, car sans cela lady Beltham ne serait évidemment pas morte.

– Je deviens fou, murmura Juve.

Le policier appela :

– Michel !

– Chef ?

– Allez voir si la porte barricadée par nous tient toujours !

Michel, prenant garde de ne rien déranger à l’aspect des meubles, à leur disposition, se rendit à la porte que Juve et lui avaient murée deux jours avant, grâce à des peines infinies.

L’agent secoua les planches, vérifia les cordes, et il n’hésita pas à répondre.

– Chef, rien n’a été dérangé depuis la construction de notre barricade.

– Allez voir la fenêtre, alors !

La fenêtre était toujours clouée, le matelas de coton qui garnissait l’espace demeurant vide entre les vitres et les volets de fer n’avait pas été touché.

– La fenêtre est dans le même état.

– Alors, on n’est pas entré ici.

Et pour la centième fois peut-être, Juve promena ses regards sur les murailles de la pièce, les murailles qu’il avait sondées, qui étaient pleines, qui n’étaient pas truquées, sur les portes, dont l’une était barricadée, dont l’autre n’avait pas été perdue de vue pendant toute la nuit par lui, Léon et Michel, sur les fenêtres qui étaient closes.

Mais, en considérant encore une fois la chambre, Juve aperçut toujours le cadavre de lady Beltham étendu sur le lit. Et ce cadavre semblait répondre à l’interrogation que se posait Juve, semblait démentir ses paroles.

– Hélas, disait la morte dans sa rigidité sépulcrale, il faut bien qu’on soit entré ici, puisque j’ai été assassinée.

Juve sentait si bien tout ce qu’il y avait d’incompréhensible et de contradictoire dans ces constatations, que le découragement le prit.

– Bon Dieu, jura le policier, c’est à croire que nous ne trouverons jamais la clef de cette énigme !

Juve ordonna :

– Michel, vous allez rester ici, et n’en pas bouger jusqu’à mon retour. Léon, demeurez sur le pas de la porte, je vais enquêter dans le voisinage.

Juve quitta le rez-de-chaussée tragique et se livra, en effet, à une enquête rapide. La concierge, bien entendu, ignorait encore tout du drame et ne pouvait fournir aucun renseignement.

– Vous n’avez rien entendu ? demanda Juve.

– Absolument rien, monsieur l’inspecteur.

Juve n’insista pas d’ailleurs. Lui-même qui se trouvait dans la galerie séparée de la chambre de lady Beltham, par une simple cloison, n’avait rien entendu non plus, comme n’avaient rien entendu Léon et Michel.

Juve sortit de l’immeuble, siffla deux coups stridents pour convoquer d’urgence les policiers qu’il avait disposés autour de la maison, la veille au soir.

L’inspecteur qui stationnait sur le toit accourut. Deux autres agents qui s’étaient promenés dans un bout de l’avenue se rendaient à son appel. Nalorgne et Pérouzin seuls manquaient à la convocation de Juve.

– Où sont ces imbéciles ? questionna le policier.

– Chef, après deux heures d’efforts, ils ont réussi à mettre en marche leur automobile. Ils viennent d’aller l’essayer au Bois de Boulogne. Ils ont dit qu’ils reviendraient tout de suite.

La disparition de Nalorgne et Pérouzin avait bien peu d’importance, Juve ne s’y arrêta pas.

– Avez-vous surpris quelque chose ? interrogea-t-il.

Et il mit rapidement les agents au courant du drame qui venait de se dérouler.

Mais aux déclarations de Juve, si une stupeur se peignait sur tous les visages, aucune réponse n’était donnée, aucune indication n’était fournie.

Personne n’avait rien vu. Personne n’avait rien remarqué.

– C’est à devenir fou, répéta Juve.

Et, tenace comme il l’était, le policier n’était point prêt à renoncer à deviner la façon dont était morte lady Beltham.

– Je saurai, hurla Juve dans un mouvement de colère véritable, comment Fantômas a procédé ! Je le saurai, quand je devrais passer ma vie à le chercher.

Juve, à ce moment, retourna vers le petit rez-de-chaussée, puis, hésitant, s’arrêta sur le seuil de l’habitation.

– Oh oh, fit-il, est-ce que par hasard… ?

Juve traversa rapidement le trottoir de l’avenue Niel. Un fiacre passait, qu’il héla :

– Conduisez-moi à la caserne des sapeurs-pompiers qui se trouve en face du Palais de Justice.

Vingt minutes plus tard, Juve était dans la cour de cette caserne, où sont installés les locaux du Laboratoire municipal.

– Puis-je parler au médecin-chef ?

– Un instant, monsieur Juve.

Deux minutes plus tard, en effet, seul avec le savant, Juve lui indiquait les détails de la mort de lady Beltham.

– Docteur, conclut Juve, la police que je représente est sur le point de se déclarer impuissante à deviner comment cette femme a été tuée. C’est à la Science de parler. Il faut qu’il y ait un mystère, et ce mystère, c’est à vous de le deviner. Peut-on tuer à distance ?

– Tuer à distance ? Non, répondit le praticien, à moins que l’on ne se serve de poison.

– Lady Beltham n’a rien pris qui n’ait été examiné dans vos services.

– Alors elle n’a pas été tuée à distance.

– Comment donc a-t-elle pu être assassinée ?

– Mais je n’en sais rien, monsieur Juve. Il faudrait pour vous répondre, que je puisse examiner le cadavre.

– Venez, docteur !

Juve s’était levé, il pressa si bien le médecin du Laboratoire municipal, qu’il le décida à l’accompagner avenue Niel, et qui plus est, à emporter dans une valise préparée pour les enquêtes criminelles certains réactifs, certains appareils qui pouvaient être utiles.

Juve et le médecin retrouvèrent naturellement toutes choses en état, comme le policier les avait laissées.

Fidèles observateurs de la consigne, Léon et Michel n’avaient point bougé.

– Voici la morte, disait Juve, en faisant pénétrer le docteur qui se découvrait, dans la chambre de lady Beltham. Voici la morte, docteur, et c’est à vous de me dire comment elle est morte.

Mais le médecin, malgré tout son savoir, devait demeurer embarrassé.

– Je ne comprends rien de rien à la façon dont cette femme a pu être assassinée, déclara-t-il après plus de deux heures d’expériences. Il n’y a aucune blessure et les réactifs dont je viens de me servir…


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