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L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
  • Текст добавлен: 7 октября 2016, 00:09

Текст книги "L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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Rose épelait à haute voix ce qu’elle voyait :

– Lady Lady… Bel… Bel… tham… Lady Beltham, un nom d’Anglaise évidemment, pensa-t-elle, elle lut encore :

– 214, avenue Niel. Tiens, comme c’est bizarre, la même adresse que la comtesse de Blangy, remarqua Rose, qui rougit à ce souvenir.

Il y avait au-dessous de cette adresse quelques lignes indéchiffrables que, malgré ses efforts, Rose ne pouvait reconstituer, mais, plus bas, elle parvenait à lire de nouvelles indications et dès lors, ses yeux s’écarquillèrent de terreur ; tout son corps frémit ; elle relut à d’autres reprises pour s’assurer qu’elle ne se trompait pas ; elle venait, en effet, de découvrir dans la transparence du buvard ce sinistre avertissement :

Vous mourrez le 7 de ce mois.

N’ayant pu, malgré ses efforts, obtenir du buvard d’autres révélations, Rose, de guerre lasse, était allée se coucher. Toutefois, elle ne parvint pas à s’endormir. La silhouette tragique et surprenante de Fantômas hantait son esprit et la phrase effrayante qu’elle avait découverte sur le buvard dansait perpétuellement devant ses yeux :

Vous mourrez le 7 de ce mois.

– Mon Dieu, pensa soudain Rose Coutureau, nous sommes le 3, c’est donc dans quatre jours que cette menace sinistre doit se réaliser. Mais qui concerne-t-elle ? De qui s’agit-il ?

***

– M me lady Beltham, s’il vous plaît ?

– Je ne connais pas, ma brave femme, vous devez vous tromper.

Rose Coutureau demeura interdite devant la concierge du 214 de l’avenue Niel à qui elle avait posé cette question et qui venait de lui faire cette réponse.

Après avoir mûrement réfléchi jusqu’à l’aube sur tout ce qui venait de se passer, Rose Coutureau s’était enfin endormie puis, lorsqu’elle s’était réveillée, sa résolution était prise. D’une part, elle suivrait les conseils de Fantômas et ne sortirait de chez son père que déguisée en vieille femme, de l’autre, elle ne laisserait pas se commettre un crime et préviendrait la future victime du bandit du danger qu’elle courait. Car il n’y avait pas de doute, la menace de Fantômas était à l’adresse d’une personne habitant avenue Niel, au 214. Elle concernait cette lady Beltham.

Aussi Rose Coutureau fut-elle toute surprise lorsque la concierge à laquelle elle s’adressait lui eut répondu :

– Nous n’avons pas de lady Beltham et vous devez faire erreur.

Dans son inconscience, Rose se félicita de la tournure que prenaient les événements et, elle se rassura.

– Du moment qu’elle n’habite pas ici, pensait-elle, Fantômas a dû confondre l’adresse et, de la sorte, il ne pourra pas la tuer.

Rose Coutureau toutefois, ne quitta pas l’immeuble. Elle avait médité d’y faire une autre visite et cela pour tenir sa promesse faite lorsqu’elle était au Dépôt, à la grande Berthe qui, si gentiment, avait pris sa place.

N’avait-elle pas promis à la pierreuse d’aller supplier la comtesse de Blangy de retirer sa plainte, ou, tout au moins de ne pas venir à l’audience pour ne pas charger la coupable ?

– Puisque vous n’avez pas lady Beltham ici, demanda-t-elle à la concierge, je suppose que, tout au moins, vous connaissez la comtesse de Blangy ?

– Pour ça, oui ! La comtesse de Blangy, c’est au rez-de-chaussée, à droite, le service se fait par la cour.

Rose Coutureau ne voulait pas avoir l’air d’un fournisseur, et, avec beaucoup d’audace, apparente tout au moins, la jeune fille s’en fut sonner à la grande entrée.

Un domestique lui ouvrit :

– Que désirez-vous ?

Rose Coutureau semblait avoir perdu toute son assurance en apercevant par la porte entrebâillée l’intérieur d’un appartement luxueux. Elle s’enhardit cependant et déclara au serviteur :

– Je désirerais parler à M me la Comtesse de Blangy. Voulez-vous lui dire que c’est de la part de la mère de la petite Rose Coutureau.

On laissa la jeune fille dans l’antichambre, mais, quelques instants après, la domestique revint et l’invita à passer dans un petit salon.

Soudain, la fille de l’habilleur se trouva en présence de l’élégante personne qu’elle avait volée quelques jours auparavant et elle eut une peur atroce, en voyant que la grande dame la regardait attentivement, d’être démasquée et reconnue sous son déguisement. Mais heureusement le jour dans la pièce était tamisé par d’épais rideaux et il y régnait une pénombre propice au maquillage de Rose.

– Veuillez vous asseoir, déclara la comtesse de Blangy, et me dire ce dont il s’agit ?

La gorge serrée par l’émotion et vivant dans une perpétuelle anxiété, Rose Coutureau éprouvait toutes les peines du monde à s’exprimer. Elle balbutia :

– Je suis la mère de la petite Rose.

Enfin, elle finit par s’enhardir et parlant tout d’un trait, rapidement, comme si elle récitait une leçon apprise, elle sollicita de la comtesse de Blangy la grâce de celle qu’elle prétendait être son enfant.

– Je vous en supplie, madame la comtesse, retirez votre plainte, ne la laissez pas condamner.

La comtesse de Blangy ne répondit rien, mais elle alla à un petit secrétaire et rédigea une lettre. Au bout de quelques instants, elle la donna à la visiteuse qu’évidemment elle prenait pour une vieille femme.

– Vos paroles, madame, dit-elle, m’ont touchée. Je suis heureuse de pouvoir vous donner satisfaction : voici la lettre adressée au Procureur de la République, par laquelle je me désiste de ma plainte. Vous pouvez la faire parvenir à ce magistrat. Soyez d’ailleurs assurée qu’en aucun cas je ne serais allée à l’audience du Tribunal.

– Ah merci, merci ! dit Rose Coutureau. Merci, madame la comtesse !

La jeune fille ne voulait plus parler car elle sentait ses larmes prêtes à jaillir et redoutait par-dessus tout de les voir couler, ce qui aurait pu compromettre son habile maquillage.

En même temps elle éprouvait une grande honte à l’idée qu’elle mentait à cette femme si bonne en somme et qu’elle lui faisait croire qu’elle était la mère de Rose Coutureau, alors que Rose Coutureau, c’était elle-même, la voleuse. Elle se sentait alors un besoin extrême de se dévouer, d’avoir un geste généreux, de faire quelque chose de bien pour se réhabiliter à ses propres yeux vis-à-vis de cette femme. Soudain, une pensée lui vint à l’esprit et, au lieu de se retirer comme elle avait commencé à le faire, elle revint sur ses pas, entra dans le petit salon, ferma la porte derrière elle.

– Madame, commença-t-elle, excusez-moi de vous retenir, mais je voudrais encore vous parler, puis-je le faire ?

– Je vous écoute.

Rose Coutureau poursuivit :

– Voilà, madame, je connais un secret, mais je n’hésite pas à vous le confier, car, peut-être, votre influence parviendra-t-elle à empêcher un malheur.

– De quoi s’agit-il ?

– Eh bien voilà, j’ai appris… Oh, je ne peux pas vous dire comment… Peu importe d’ailleurs. C’est par une indiscrétion, c’est en lisant à travers une feuille de papier buvard, qu’une femme qui habite votre maison et que, cependant, votre concierge ne connaît pas… On disait comme cela, dans la menace, qu’elle serait tuée le sept de ce mois, c’est-à-dire après-demain.

La comtesse de Blangy pâlit.

– Le nom de cette femme ? demanda-t-elle, le connaissez-vous ?

– Oui, répliqua Rose Coutureau, j’ai lu sur l’adresse qu’il s’agissait de lady Beltham, 214, avenue Niel.

La comtesse de Blangy devint livide, malgré les efforts qu’elle faisait pour faire bonne contenance. Elle se laissa choir sur un canapé. Ses dents claquaient. Elle prononçait des paroles inintelligibles, incompréhensibles tout au moins pour son interlocutrice.

Celle-ci, toute troublée, elle aussi, retint pourtant que la comtesse de Blangy, en répétant le nom de « lady Beltham » y avait ajouté celui de Fantômas.

***

Quelques minutes plus tard, Rose Coutureau qui, par le métro rentrait chez elle, réfléchissait encore aux événements qui venaient de se produire. Elle était perplexe depuis que, dans un bon sentiment, elle avait révélé à la comtesse de Blangy la découverte faite au sujet de cette mystérieuse lady Beltham et, en se remémorant l’attitude aussi troublée qu’inquiète de son interlocutrice, elle pensait :

– Ai-je eu raison ou non de lui avouer ce que je savais ? Comment se fait-il qu’elle ait d’elle-même, prononcé le nom de Fantômas ? N’ai-je pas commis une maladresse effroyable en parlant du sinistre projet ?

Un instant, Rose Coutureau en arriva à se demander si cette grande dame qui paraissait si distinguée et si correcte n’était pas déjà au courant, avant qu’elle ne lui en eût parlé, du drame qui se préparait.

Rose Coutureau osait presque se dire :

– La comtesse de Blangy n’a-t-elle pas quelque rapport avec Fantômas ? Et si celui-ci médite de tuer lady Beltham, ne serait-elle pas sa complice ? On voit tant de choses bizarres dans la vie… Peut-être que cette comtesse qui a l’air si bonne est une criminelle ?

16 – AMOURS ET AMOURS

Rose Coutureau était à peine partie de l’appartement où venait de la recevoir la fausse comtesse de Blangy, que celle-ci, – ou plutôt lady Beltham, puisque, en réalité, la comtesse de Blangy n’était autre que la mystérieuse et séduisante maîtresse de Fantômas – se sentit prise d’une telle faiblesse, qu’elle dut s’appuyer à un fauteuil et s’y raccrocher presque pour ne point choir sur le sol. Lady Beltham était toujours belle, c’était toujours la superbe et hautaine créature qui avait fait la passion de Fantômas, qui avait aussi, dans tous les salons où elle était passée, suscité les admirations les plus émues, les plus sincères.

Pourtant, la jolie créature était moins séduisante que par le passé. Peut-être cela provenait-il d’une certaine lassitude, plus morale que physique, qui cependant, se devinait sur ses traits et par moments voilait son regard, atténuait le brillant de ses yeux. Lady Beltham, alors que Rose Coutureau s’éloignait, parut une seconde presque vieille. Elle était devenue livide, ses sourcils se fronçaient, une angoisse secrète ridait son front, tirait ses traits, fanait son visage, au teint tout à l’heure encore éclatant. Quel drame se jouait dans l’âme de lady Beltham ? Il eût fallu s’approcher bien près d’elle, écouter bien attentivement pour surprendre les paroles que murmuraient ses lèvres :

– J’ai peur, disait lady Beltham, j’ai terriblement peur.

Et, en effet, la maîtresse du bandit, celle qui avait été jadis une noble femme, et qui, petit à petit, entraînée par une folle passion, avait fini par accepter d’avoir comme amant le criminel sanglant dont le nom était célèbre : Fantômas, cette femme-là devait avoir bien peur pour s’avouer à elle-même sa crainte, et ne point chercher à se mentir.

Lady Beltham, plus de cent fois, avait donné la preuve d’une énergie extraordinaire. Elle avait couru de terribles périls. Elle avait été exposée aux pires scandales. Toujours, elle avait su se ressaisir, narguer la destinée, accepter le sort, vivre sa vie. Mais ce jour-là, lady Beltham, au contraire, paraissait ne plus avoir le ressort nécessaire pour triompher de l’angoisse de la minute, elle s’abandonnait, elle tremblait.

– J’ai peur, murmurait-elle.

Et, joignant les mains avec effroi, haletante, elle se laissa crouler sur une bergère. Lady Beltham fermait les yeux, elle eût voulu ne pas voir, ne pas entendre. Mais les paroles menaçantes de Rose Coutureau, malgré tout, malgré ses efforts, l’obsédaient :

– Lady Beltham doit mourir. On annonce la mort de lady Beltham. Qu’est-ce que tout cela veut dire ?

Qui a pu écrire cette lettre dont le secret a été surpris ? À qui enfin annonçait-on ma mort ?

Tout ce que Rose Coutureau, déguisée en vieille femme, avait dit et fait, devenait, pour lady Beltham autant de mystères impressionnants, autant de mystères qu’il fallait, coûte que coûte, résoudre, sous peine de mort peut-être ?

Longtemps, lady Beltham réfléchit. Sous l’influence de la peur qui la tenaillait maintenant, elle revivait les drames étranges de sa vie.

C’était elle, lady Beltham, qui avait connu les gloires de la campagne africaine, alors qu’en compagnie de son mari, lord Beltham, elle accompagnait l’armée anglaise au Transvaal, alors aussi qu’elle faisait la connaissance, connaissance si funeste, de Gurn. Ah Gurn, ce nom lui faisait mal à prononcer. Gurn c’était Fantômas. Gurn, c’était l’homme qu’elle avait pris pour amant, c’était celui qui avait tué lord Beltham pour elle, et c’était pour lui aussi qu’elle avait tué, qu’elle avait fait tuer Valgrand l’acteur. En frissonnant, lady Beltham se rappelait le matin pâle, où, près de la prison de la Santé, elle avait joué pour le malheureux artiste, la sinistre comédie qui avait conduit celui-ci à porter sa tête sous le couperet de Deibler [26]. Fantômas avait juré alors à la grande dame qu’il auréolerait son nom de gloire.

Il avait tenu parole, hélas.

Mais, c’était une gloire sinistre qui s’attachait à ce nom de Fantômas.

Ah certes, il était célèbre le bandit tragique. Mais il était dans la mémoire de tous, comme un monstre, comme un être hors la loi, comme un immense vampire.

Devant les yeux de lady Beltham, la silhouette légendaire de l’homme en cagoule, de l’homme vêtu de noir, se dressait.

Mais elle la voyait éclaboussée de sang, elle la voyait lugubre et ricanante, cette silhouette d’horreur !

Que de crimes il avait entassés ! Que d’innocents criaient vengeance ! Que de mensonges affreux il avait osés, poursuivant toujours sa route, sans merci, courant après la richesse, multipliant les deuils, indomptable et indompté, féroce et grandissant sans cesse, assassin qui était devenu l’Assassin même, le Buveur de Sang !

C’était cet homme qu’elle avait aimé, qu’elle aimait.

Il l’avait trompée pourtant.

Elle ne savait rien de son passé, elle n’avait jamais connu au juste tous ses crimes, mais ce qu’elle en savait était déjà effroyable.

Un jour, lady Beltham avait appris que Fantômas avait une fille, qu’il la chérissait profondément. Elle avait espéré que pour elle, en son nom, il s’amenderait. Mais il n’en avait rien été.

Le monstre avait trouvé, au contraire, dans son amour paternel, une incitation nouvelle au crime. Il voulait que sa fille fût riche. Il avait tué, tué encore, pour elle.

Et puis, c’était une suite de drames effroyables. Une existence perpétuelle de bête traquée, qui paraissait lui plaire. Fantômas, Génie du Crime, semblait se réjouir de chaque horreur commise. Toujours plus grand, toujours plus fort, toujours plus audacieux, il voulait qu’on frémît en se demandant à quelle dernière cruauté son invention farouche se hausserait quelque jour. Lady Beltham, glacée d’effroi, essayait pourtant de chasser les évocations sinistres qui se pressaient malgré elle dans sa pensée.

– Je l’ai aimé, murmurait-elle, je l’ai aimé, mais je ne l’aime plus.

Elle mentait, hélas.

À dire qu’elle n’aimait plus Fantômas, la pauvre femme souffrait horriblement. Si. Elle l’aimait toujours.

Il avait beau lui faire horreur, elle était toujours sa chose, son esclave, elle voulait le mépriser, elle ne trouvait dans son cœur que la force de lui pardonner.

Et pourtant…

Lady Beltham se rappelait que, depuis quelques mois, Fantômas était pour elle plus hautain, plus sarcastique.

Jadis, elle pouvait, de temps à autre, lui arracher une confidence, le contraindre parfois à épargner une victime. Maintenant, elle ignorait tout de lui.

Lady Beltham se répéta :

– Je vais mourir. On annonce ma mort. Qui donc peut savoir que je vais mourir ?

L’angoisse de la question était si forte, cette femme qui était jeune encore, qui était belle toujours, qui aimait, qui jouissait de la vie librement, avait si peur de se demander par quel ténébreux mystère on avait pu annoncer sa mort, que se levant comme une automate, les mains jointes, l’air d’une somnambule, lady Beltham traversa le salon :

– On a dit que je vais mourir, murmura-t-elle. Qui ?

Soudain, lady Beltham s’arrêta. Comme si elle eût été changée en statue, comme si la mort eût suspendu sa marche, elle demeurait immobile, au milieu de la grande pièce, devenue plus pâle encore.

La porte du salon s’était ouverte.

Un homme d’une extrême élégance, un homme jeune, moulé dans une jaquette de coupe irréprochable, au visage énergique, aux yeux vifs, venait d’apparaître.

Il s’inclina devant elle, et sa voix était douce :

– Bonjour, ma chère, Vous allez bien ?

Lady Beltham, d’abord, ne répondit pas.

Si forte avait été son émotion, en voyant s’ouvrir la porte devant la silhouette de cet homme, au moment où elle se posait une question abominable, que les mots s’étranglaient dans sa gorge. Puis elle faisait effort sur elle-même. Un pâle sourire errait sur ses lèvres blanchies :

– Bonjour, mon cher, répondit-elle, de sa voix d’or, aux intonations grisantes. Je vous remercie d’être venu prendre de mes nouvelles, vous avez eu raison.

– Mais, comtesse, ne suis-je pas toujours le plus empressé des galants ?

– Je me plais à le reconnaître. Toutefois…

– Toutefois ?

L’élégant gentleman qui entretenait la maîtresse de Fantômas s’était laissé tomber négligemment sur un moelleux divan.

– Toutefois ? Que veut dire cette restriction ?

– À quoi bon ?

Elle venait machinalement de traverser la grande pièce, elle s’assurait que les portes étaient bien fermées sous les tentures et que nul ne pouvait surprendre la conversation qu’elle allait avoir avec son visiteur.

– Vous désirez une cigarette ? demanda-t-elle.

– Volontiers.

Elle tendit une coupe d’onyx aux merveilleuses nervures, où s’amoncelaient de fins rouleaux de tabac d’Orient.

– Toutefois ? Vous ne m’avez pas répondu.

Lady Beltham répéta à haute voix :

– À quoi bon ? Je ne saurais vous le dire maintenant.

– Renseignez-moi, ma chère, vous semblez nerveuse.

Hélas, à ce mot, l’attitude de lady Beltham changea brusquement.

On eût dit qu’une parole imprudente faisait déborder la coupe d’amertume dont elle s’abreuvait depuis quelques jours.

Lady Beltham, d’un bond, se précipita, tomba à genoux au pied du sofa sur lequel était installé son visiteur.

Et c’est d’une voix tremblante, d’une voix brisée, d’une voix de sanglots, qu’elle interrogea :

– Fantômas, disait lady Beltham, Fantômas, pourquoi ai-je peur ?

L’élégant gentleman, cependant, avait brusquement froncé le sourcil, s’était redressé :

– Folies ! dit-il.

Il la releva, il appuya ses deux mains sur les épaules de sa maîtresse, il la contraignit à lever les yeux :

– Qu’avez-vous ma chérie ?

Lady Beltham répéta :

– Fantômas, j’ai peur.

– De quoi ?

Lady Beltham plongea ses yeux dans ceux de celui qui l’interrogeait :

– J’ai peur, articula la jeune femme, j’ai peur d’être tuée et j’ai peur d’être tuée par toi, Fantômas.

– Folies, répéta Fantômas.

Nerveusement, cependant, encore qu’il voulût affecter le plus grand calme, Fantômas jeta sa cigarette inachevée :

– Lady Beltham, demandait-il, je vous prie de me répondre en toute franchise : je vous connais assez pour savoir que vous êtes capable de maîtriser vos nerfs. Vous n’êtes point de ces femmes douillettes et insupportables qui ont une âme de poupée et qui toujours ont peur de tout. Pour parler comme vous venez de me parler, vous avez sans doute des raisons, des motifs sérieux. Confiez-les-moi. Qu’y a-t-il dans ma conduite, dans ma façon d’être, qui puisse vous donner à penser de semblables horreurs ?

Fantômas venait de répondre, semblait-il avec une grande franchise. Il interrogeait avec ardeur, avec inquiétude aussi.

Hélas, il avait trop de fois joué la comédie. Tant de fois il s’était à ce point ri des sentiments les plus sacrés, qu’il était de ceux auxquels on ne peut croire.

Lady Beltham eut un rire de folle :

– Jurez-moi que vous m’aimez !

– Lady Beltham, dit-il lentement, je vous jure que je vous aime comme au premier jour. Il y a des choses que l’on n’oublie pas et que vous avez faites pour moi, lady Beltham, je vous jure, et vous devriez savoir ce que vaut la parole de Fantômas, que vous m’êtes sacrée et que je donnerais ma vie…

Il s’interrompit, car lady Beltham sanglotante, venait de tomber sur un fauteuil.

– Alors, hurla la malheureuse, alors, je ne sais pas, je ne sais plus, je ne peux pas comprendre.

Et la voix lui manquant, elle sanglotait plus désespérément encore. C’était vraiment une scène tragique, d’un tragique intense, inouï, qui se déroulait entre les deux amants.

En vain, Fantômas essaya-il de consoler sa maîtresse, en vain, s’efforçait-il de lui prouver qu’il l’aimait toujours, qu’il était horrible de supposer qu’il pût penser au crime odieux dont on l’accusait. Par moments, sans doute, il arrivait à calmer un peu la malheureuse, puis, il semblait qu’une pensée obsédante se réveillait en l’esprit de lady Beltham, et elle se reprenait presque délirante, à lui dire :

– J’ai peur de vous, Fantômas, j’ai peur de vous !

Petit à petit, cependant, usant de mots très doux, procédant avec une délicatesse dont beaucoup ne l’auraient pas cru capable, Fantômas, finit par faire avouer à lady Beltham d’où provenait son attitude.

Et alors, le bandit changea de visage :

– Madame, disait-il, je ne vous aurais jamais crue capable de pareils enfantillages. Si ce sont véritablement les propos de cette vieille femme qui vous ont mis en un tel état, je ne sais ce que je dois penser de votre force d’âme. Je vous jure que je ne connais pas cette femme, pas plus que sa fille Rose Coutureau. Je vous jure que j’ignore cette lettre dont elle vous a parlé. Que signifierait-elle d’ailleurs ? Pourquoi vous écrirais-je pour vous annoncer un crime dont l’horreur suffit à me faire reculer ? Oh madame, mais réfléchissez donc ! Pour avoir jeté ainsi le trouble dans votre âme, il n’y a qu’un homme, et cet homme n’est pas moi.

– Qui est-ce donc ? demanda lady Beltham.

– Juve, répondit Fantômas. Vous le savez, Juve est mon ennemi acharné, rien ne désarmera sa colère, rien ne saurait épuiser sa haine, toutes les ruses lui sont bonnes. Il croit remplir son devoir en me poursuivant, il me poursuivrait avec toutes les armes. Madame, rassurez-vous. Cette Rose Coutureau et cette vieille femme, je les retrouverai, je les ferai parler. Je saurai qui a envoyé vers vous cette messagère sinistre, car elle a été envoyée chez vous, parbleu ! C’est trop évident, on le voit, cela ne fait pas de doute, pour vous amenez à rompre avec moi ! Qui peut le vouloir ? Juve, je vous l’ai dit, mais la ruse est enfantine, madame. Je suis capable de bien des choses, je ne vous mens point en ce moment pourtant, je vous aime et cela doit vous faire plus confiante en moi, plus défiante aux mensonges de mes ennemis.

Fantômas se leva, il posa à nouveau ses deux mains sur les épaules de lady Beltham, il se pencha sur elle, il frôla de ses lèvres, le front de sa maîtresse :

– Maud, dit Fantômas, Maud, croyez-vous donc qu’un homme comme moi, quand il aime, n’aime pas pour la vie ? Croyez-vous donc que jamais une autre femme pourrait me séduire ? Croyez-vous donc que je ne sais pas, combien vous m’aimez vous-même ?

Lady Beltham, grisée par la caresse de son amant, répéta tout bas, ce qui était hélas, la vérité :

– Oui, je vous aime, Fantômas. Oui, je vous aime, pour la vie.

***

Depuis l’aventure qui avait marqué, à la Madeleine, la formidable entreprise qu’avait conçue Fantômas, voulant épouser la Recuerda, ou plutôt la nièce de l’infant d’Espagne, Mercedes de Gandia, Fandor continuait à rencontrer presque chaque jour Hélène, sa chère Hélène, la fille de Fantômas sans doute, celle qu’il chérissait malgré tout.

Hélène, depuis lors, vivait retirée aux environs de Paris, dans une humble maison de famille, découverte à Bois-Colombes par Juve.

La jeune fille se refusait obstinément, en effet, à écouter les conseils que lui prodiguait cependant le policier, désireux d’assurer le bonheur de Fandor, en concluant un mariage qui, pensait-il, pouvait, d’une part, soustraire une innocente à l’influence abominable du bandit, et d’autre part, calmer les angoisses perpétuelles ou se débattait le malheureux Jérôme Fandor.

Mais Hélène refusait de se marier !

Il eût été facile, aux termes de la loi, de faire admettre qu’elle était née de père et de mère inconnus, si même les papiers de la jeune fille, que Juve possédait toujours, n’avaient pas été reconnus par l’état civil français. De la sorte, le mariage eût pu s’opérer facilement, mais Hélène ne voulait pas en entendre parler.

– Tant que mon père sera ce qu’il est, avait-elle douloureusement répondu à Jérôme Fandor, vous ne pourrez pas, vous, honnête, épouser sa fille. Attendez. Espérons. Un jour viendra, j’en suis sûre où la miséricorde de Dieu nous rendra le bonheur possible.

Fandor, bien entendu, ne se résignait pas aux délicats scrupules de conscience d’Hélène :

– Peu importe votre père, répétait-il, inlassablement. Oubliez-le comme je l’oublie. C’est vous que j’aime, et pour moi, il n’y a que vous au monde.

Le temps passait ainsi. Chaque jour Fandor rejoignait Hélène et passait de longs moments avec elle. La jeune fille se débattait toujours. Le jeune homme insistait encore. Il comptait sur le temps pour vaincre les hésitations de celle qu’il aimait, et qui, elle ne s’en défendait pas, l’aimait aussi.

Longuement d’ailleurs, Hélène avait raconté à Fandor et à Juve tout ce qu’elle avait su des ruses extraordinaires auxquelles elle avait été bien involontairement mêlée en Espagne.

Il était établi maintenant de façon certaine que Fantômas n’avait inventé les invraisemblables péripéties de son mariage, que pour s’attacher à dépouiller Mercedes de Gandia de sa fortune, qu’il aurait réclamée en tant que mari, si Juve et Fandor, surgissant à la Madeleine, ne l’avaient contraint à prendre la fuite de façon si scandaleuse qu’il n’avait pu, gardant sa fausse identité de baron Stolberg, réclamer la fortune de sa femme. Une fois encore le bandit avait été vaincu, mis dans l’impossibilité de nuire. Mais hélas, la victoire de Juve était chèrement payée, puisque, en décrochant le lustre, Fantômas au moment même où il était contraint à la fuite, avait fait encore de nouvelles, d’innocentes victimes.

***

Dans le square Saint-Pierre où Fandor et Hélène se promenaient ce jour-là, indifférents aux bruits et au mouvement des enfants qui s’agitaient dans le jardin, oubliant tout pour ne plus songer qu’à eux seuls, avec l’égoïsme des amoureux, Hélène et Fandor marchaient à petits pas :

– Laissez-vous convaincre, répétait pour la centième fois peut-être le journaliste, ne repoussez pas le bonheur en invoquant une chimère, en croyant faire votre devoir, en cédant en réalité à un scrupule sans importance. Dites oui, Hélène.

Mais elle secouait la tête :

– Mon devoir, répondait la jeune fille est de dire non.

17 – L’ABDICATION

Grisée par la caresse de son amant, grisée par l’assurance d’amour que Fantômas venait de lui donner, lady Beltham avait répondu au sinistre bandit qu’elle l’aimait et qu’elle l’aimait pour la vie.

Était-ce bien vrai ?

Lady Beltham était-elle bien sincère ? Avait-elle confiance réellement dans les paroles de tendresse que venait de lui prodiguer le Maître de l’Épouvante, l’homme aux cent visages, le tortionnaire qu’aucun crime, aucune cruauté, aucune lâcheté même n’avait fait jusqu’alors reculer ?

Lorsque, quelques instants plus tard, Fantômas s’était éloigné, le front soucieux, l’air préoccupé, lorsqu’il avait abandonné la grande dame, celle-ci avait paru se réveiller d’un rêve :

– Il m’a juré qu’il m’aimait, dit-elle.

Puis, elle avait eu un geste découragé, un geste anxieux.

Dans le secret de sa conscience, dans le mystère de son cœur, elle se demandait assurément si Fantômas lui avait dit la vérité.

La nuit était tombée. Le grand salon où lady Beltham venait de recevoir Fantômas était envahi peu à peu par l’ombre.

***

Longtemps lady Beltham rêva dans la pièce, les yeux grands ouverts :

– Il m’a dit qu’il m’aimait…

Lady Beltham se raccrochait à cette phrase en désespérée. Elle voulait lui trouver un sens profond. Elle voulait se rappeler l’intonation qui lui avait servi à la dire, elle voulait savoir s’il avait été sincère. Mais était-ce bien possible ?

Lady Beltham se rappela les phénomènes étranges qui l’avaient inquiétée avant la venue de son amant. Qui était cette Rose Coutureau si mystérieusement apparue dans sa vie ? Pourquoi cette jeune fille qu’elle ne connaissait pas l’avait-elle volée, et aussi quelle était cette mystérieuse vieille femme dont la visite inattendue et les propos tragiques avaient bouleversé lady Beltham ?

– Mon Dieu, mon Dieu, gémissait la grande dame se retrouvant seule dans son salon, qui croire ? Pourquoi cette vieille femme, qui est la mère de Rose Coutureau, m’a-t-elle parlé de cette effroyable lettre ? Qui l’a écrite ? Qui, si ce n’est pas, si ce n’est pas Fantômas ?

Depuis longtemps lady Beltham vivait une vie si effacée, si retirée, que seul le Maître de l’Effroi connaissait son existence et pouvait s’intéresser à elle ou bien la menacer.

Sans doute, Fantômas avait dit que Juve était capable de la poursuivre, que c’était Juve qui avait combiné le vol de Rose Coutureau et la visite de cette vieille femme, peut-être simplement déguisée et cachant la personnalité de la jeune voleuse. Mais Fantômas ne pouvait pas avoir été sincère en affirmant de pareilles choses. Lady Beltham savait bien quelle était la droiture de caractère de Juve.

– Non. C’est impossible, murmurait la grande dame. Juve n’emploierait pas de semblables procédés pour m’effrayer. C’est impossible. Juve n’était pas un assassin, d’ailleurs.

Or, qui donc, sinon un assassin, pouvait annoncer à jour fixe sa mort et l’annoncer en termes si précis ?

Et, petit à petit, en réfléchissant ainsi, lady Beltham finit par décider que Fantômas lui avait joué une comédie d’amour mensongère. C’était lui, et ce ne pouvait être que lui, qui avait décidé de la tuer. Mais au moment où elle s’arrêtait à cette infernale pensée, lady Beltham hésitait encore.

Fantômas avait eu des accents si sincères pour lui jurer sa tendresse, il avait réellement paru si bouleversé lorsqu’elle lui avait confié sa peur, qu’elle ne pouvait, elle sa maîtresse, croire que, dans l’ombre, il préparait sa mort.

Lady Beltham, après avoir longtemps rêvé, se levait, sans plus même savoir si elle croyait au juste à la tendresse de Fantômas ou si elle en doutait. Une pensée cruelle, une pensée nouvelle encore venait d’empoisonner son cœur :

Si cependant il en aimait une autre ? Si je le gênais ?


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