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L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
  • Текст добавлен: 7 октября 2016, 00:09

Текст книги "L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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– De Fantômas ? Alors il ne lui arrivera rien de mal.

Pour le coup, Fandor se laissa choir sur une chaise et hochant la tête avec énervement :

– Ça c’est trop fort, pensait le journaliste. Le père Coutureau, l’autre jour, me jure que Fantômas est un petit saint, là-dessus Fantômas le zigouille. Maintenant, voilà que la fille va me vanter Fantômas et cela, alors que Fantômas a tout fait pour qu’elle passe aux yeux de la police pour complice de l’assassinat de lady Beltham. Mais qu’est-ce qu’ils ont donc tous à aimer Fantômas ?

Fandor ayant réfléchi, décida de brusquer les choses :

– Eh bien, déclara-t-il, moi, je ne suis pas de votre avis. Si votre papa est réellement aux mains du bandit, je crois, vous savez, que sa peau ne vaut pas cher.

Or, Rose Coutureau, à cette déclaration, paraissait tout aussi ébahie que Fandor l’avait été lorsqu’elle lui avait affirmé que Fantômas ne pouvait pas vouloir de mal aux vieux Coutureau.

– Monsieur, déclarait-elle, vous vous trompez certainement. Fantômas peut être un bandit pour beaucoup, mais moi, je ne peux pas le considérer autrement que comme un bienfaiteur. Savez-vous que sans lui…

– Ah bien, il est joli le bienfaiteur ! Ah, il est propre votre bienfaiteur !

Fandor grommelait, pris de colère, hésitant à révéler la vérité à la malheureuse Rose Coutureau.

Mais le journaliste n’avait vraiment pas le courage d’apprendre à la pauvre fille qui croyait son père en parfaite sûreté, que celui-ci était mort.

– Zut, pensa Fandor, les scènes de larmes, moi, ça me fait trop d’effet, et puis on sait toujours assez tôt les malheurs.

Il décida donc de ne rien dire. Malheureusement, si Fandor voulait être circonspect et ne point apprendre la sinistre nouvelle à Rose Coutureau, il lui fallait en même temps renoncer à questionner la jeune fille. Or, cela n’était pas commode.

Fandor qui était têtu, plus têtu que Juve si la chose était possible, s’était rendu au logis des Coutureau, avec l’intention bien arrêtée de pousser son enquête et d’apprendre là des détails qui ne pouvaient qu’être intéressants.

– Mademoiselle, reprit Fandor, c’est une erreur énorme que vous commettez en défendant Fantômas. Voyons, vous comprenez bien que c’est lui qui a tué lady Beltham, la comtesse de Blangy si vous préférez. Vous comprenez bien, dans ces conditions, que vous avez servi, si je ne me trompe, à effrayer lady Beltham, c’est-à-dire à la prévenir de l’arrivée d’une lettre annonçant sa mort. Vous allez être considérée comme complice.

Rose Coutureau ouvrit des yeux énormes. Comment ? Cela recommençait, cette histoire-là ?

– Mais, monsieur, disait la jeune fille, ce n’est pas Fantômas qui m’a envoyée chez M me de Blangy. J’y suis allée de mon plein gré, et encore en me faisait passer pour ma mère.

– Possible, répliqua Fandor, mais qui me prouve à moi que ce n’est pas tout de même Fantômas qui vous a suggéré d’aller avenue Niel ?

Il n’y avait rien à répondre à cela, et Rose Coutureau le comprenait si bien qu’elle se taisait, haussant seulement les épaules d’un geste las et résigné :

– Que voulez-vous, monsieur ? je vous ai dit la vérité.

– En tout cas, reprit Fandor, si telle est la vérité, elle est fâcheuse pour vous, mademoiselle, car les pires soupçons retombent sur votre tête. Dans ces conditions comprenez-vous que Fantômas n’est pas un petit saint ?

– Je ne comprends rien, affirma Rose Coutureau.

– Alors, ça devient tout à fait clair, plaisanta Fandor. Mais laissons cela, qu’allez-vous faire ?

– Rien, monsieur ! Je suis au Théâtre Ornano, j’y joue comme petit rôle, je vais y rester, je n’ai pas l’intention de me cacher.

– Très bien, c’est courageux. Et votre papa ?

– Mon père, je pense qu’il va rentrer.

Il n’y avait pas moyen d’équivoquer plus longtemps. Fandor demanda :

– Vous l’aimiez beaucoup votre papa ?

– Comme cela, répondait Rose Coutureau, qui ne semblait pas éprouver de très grands sentiments d’affection pour l’auteur de ses jours.

– Comme cela n’est pas grand-chose, remarqua Fandor. Bah, ça vaut mieux…

– Cela vaut mieux ? pourquoi ?

– Ma pauvre petite, parce que…

Fandor allait parler, dire la mort du père Coutureau, il en fut empêché par Rose qui, comprenant ce que le journaliste lui avait caché jusqu’alors, éclatait soudain en sanglots :

– Papa est mort, s’écria la jeune fille. Ah mon Dieu, mais qui donc l’a tué ?

Et il arriva tout naturellement que devant l’explosion de cette douleur, le pauvre Jérôme Fandor perdit pied complètement, se troubla, et ne sachant plus que dire, mentit :

– Mais je ne vous ai pas dit que votre père est tué, bougre de nom d’un chien, grommela-t-il, je vous ai simplement dit que s’il est réellement aux mains de Fantômas, il y a de grandes chances pour que… Enfin. C’est-à-dire qu’il faut vous attendre…

Jérôme Fandor s’embarrassait de plus en plus et se demandait comment apprendre la sinistre vérité à la jeune fille qui, calmée par ses dénégations, le regardait maintenant étonnée, semblant ne rien comprendre à son attitude, lorsque soudain le journaliste se leva, renversa sa chaise avec violence :

– Qu’est-ce qui nous écoute ? demanda-t-il. Avez-vous entendu ?

Rose Coutureau, elle aussi, avait tressailli.

– On a marché, dit-elle.

Jérôme Fandor et la jeune fille se trouvaient à ce moment dans la pièce qui servait de salle à manger et qui était séparée par une sorte d’antichambre de la porte d’entrée du logement. C’est dans cette antichambre qu’ils avaient cru tous les deux entendre du bruit.

– Chut ! commanda Jérôme Fandor. Ne parlez pas.

Rose et lui prêtaient l’oreille, mais rien ne troublait plus le silence.

– Pourtant, commença Fandor, j’aurais juré…

Il n’acheva point.

Brusquement, alors que rien n’aurait pu faire prévoir la chose, la porte de la salle à manger s’ouvrit. Elle s’ouvrit avec tant de force que son battant venait heurter le mur.

Et, en même temps, un double cri s’échappa des lèvres de Rose Coutureau et de Jérôme Fandor. Dans l’encadrement de la porte, un homme venait d’apparaître. Cet homme portait un long manteau noir, qui enveloppait son corps des pieds à la tête, son visage était masqué par une cagoule noire, ses mains elles-mêmes étaient gantées de noir.

– Fantômas ! hurla Fandor.

C’était bien en effet, la silhouette tragique, la silhouette légendaire de l’homme aux Cents Visages. Elle était grande, cette silhouette, extraordinairement, elle demeurait immobile, impassible, et d’en dessous la cagoule, Fandor avait l’impression que des yeux étrangement perçants le dévisageaient. Alors, Fandor n’hésita plus, une colère subite d’une violence extraordinaire s’empara de lui.

C’était Fantômas qu’il voyait devant lui, et il y avait près de dix ans que Jérôme Fandor poursuivait implacablement le Maître de l’Effroi.

Le journaliste n’hésita pas. Il enfonça sa main dans la poche de son veston, et s’armant de son browning, tendant le bras, prenant à peine le temps d’ajuster, il fit feu, droit au front, pensant faire sauter la cervelle du terrible Maître de l’Effroi.

– Fantômas, avait crié Fandor, repens-toi !

La détonation du revolver, formidable, éclata dans le logement. Fandor eut juste le temps de voir, au milieu de la fumée, qu’il avait bien atteint le bandit, que la balle blindée de son browning s’était enfoncée à travers l’étoffe de la cagoule noire en plein front du misérable.

Le coup avait porté et l’homme ne tombait pas.

Déjà le bras de Fandor s’abaissait. Déjà, haletant, il reculait, ne sachant que croire devant la silhouette de Fantômas, qui demeurait debout, immobile, comme s’il n’avait pas été atteint.

Puis, ce fut plus rapide encore que l’éclair.

La scène brusquement changea. La silhouette immobile de Fantômas s’anima avec une effroyable rapidité. Fandor vit Fantômas s’élancer. Il n’eut pas le temps de se jeter de côté, un choc formidable le renversa, la tête du bandit venait de le heurter en pleine poitrine.

Fandor tomba à la renverse, à demi assommé, étouffé.

– Cette fois…, commença-t-il.

Puis, il ferma les yeux, des bourdonnements lui emplirent les oreilles, la douleur du coup l’empêchait de respirer. Il songea qu’il était mort, qu’il n’en valait guère mieux, en tout cas.

Trois minutes plus tard, Jérôme Fandor reprenait connaissance, il se rendait compte alors qu’il était couché sur le sol, le visage tourné vers le parquet et que le moindre mouvement lui était interdit. Il était étroitement ligoté.

Il prêta l’oreille, il entendit des bruits de voix qui paraissaient provenir de l’antichambre.

***

Au moment où Jérôme Fandor tombait, renversé par la brusque attaque de l’homme à la cagoule, Rose Coutureau avait laissé échapper un grand cri.

La jeune fille était terrifiée par la scène étrange qui se déroulait sous ses yeux. Déjà fort émue par la visite de Jérôme Fandor, torturée par l’angoisse qu’elle avait ressentie en s’entendant affirmer que son père était en mortel danger, elle avait pensé défaillir de stupéfaction en voyant s’ouvrir la porte de la salle à manger, en voyant apparaître Fantômas.

À ce moment, Fandor avait tiré, puis, Fantômas s’élançait.

Rose hurlait encore que le Maître de l’Épouvante s’approcha d’elle, menaçant :

– Viens ! ordonna le bandit.

Rose sentit qu’on l’empoignait par le bras, que Fantômas l’entraînait vers l’antichambre.

– Parle, ordonna Fantômas, que faisais-tu avec cet homme ?

– J’ai peur, râla Rose Coutureau. Pitié, je n’ai rien fait !

– Que te disait-il ?

– Que vous aviez mon père, que vous alliez le tuer.

À cette déclaration, Fantômas, visiblement, tressaillit :

– Allons donc, c’est vraiment cela que Fandor te disait ?

– Oui, et c’est pourquoi je vous demande… Oh je vous supplie…

– Tais-toi !

Fantômas parut réfléchir, puis il reprit :

– Que te disait au juste Jérôme Fandor à mon sujet ? Réponds, ou sans cela…

Dans la main gantée de noir s’agita, la lame effilée d’un poignard se mut au-dessus de la tête de Rose Coutureau.

Rose Coutureau était tombée à genoux. Terrorisée, elle râla :

– Mais je vous ai tout dit, je ne sais rien de plus ! Jérôme Fandor m’affirmait que vous me vouliez du mal, je lui soutenais le contraire, il ne croyait pas que vous m’aviez sauvée, et puis il me parlait de papa, de mon pauvre père…

– L’imbécile…

Fantômas venait d’éclater de rire. Il sembla hésiter un instant, puis il se pencha sur Rose Coutureau.

– Tu m’entends, ordonna-t-il, sous peine de mort, je te défends d’adresser une seule parole à Jérôme Fandor tout à l’heure. C’est compris, tu obéiras ? Tu te tairas ?

– Je me tairai.

Fantômas se releva.

Les fenêtres de l’antichambre dans laquelle il se trouvait communiquaient avec le toit, car l’appartement du père Coutureau était situé sous le zinc, à la hauteur des mansardes. Fantômas, d’un coup d’œil, terrifia encore la malheureuse Rose, puis ouvrit la fenêtre, posa le pied sur la gouttière et, comme il était venu, disparut.

Tout cela s’était fait si vite, il avait fallu si peu de temps à Fantômas pour interroger et terroriser la malheureuse Rose Coutureau, que celle-ci se relevait à peine, rentrait à peine dans la salle à manger, après que Jérôme Fandor fût revenu de son premier étourdissement.

Rose Coutureau était blême, livide.

Elle s’attendait à trouver Jérôme Fandor mort, elle ne savait pas au juste si Fantômas, au moment où il s’élançait sur le journaliste, ne lui avait point porté un coup de poignard.

Or, Jérôme Fandor, tout ligoté qu’il était, était déjà parvenu à se retourner, à s’asseoir sur son séant. Il accueillit l’arrivée de la jeune fille par une exclamation furieuse :

– Eh bien, il est propre, votre bienfaiteur ! Avez-vous compris, au moins, que c’était une sinistre crapule ? Mais ça ne fait rien, je l’ai démoli, je pense, il doit être blessé grièvement ?

Rose Coutureau ne répondit pas.

– Ah çà, continua Fandor, qu’est-ce que vous avez ? L’émotion vous a rendue muette ?

Il n’obtint pas davantage de réponse. Alors le journaliste s’emporta :

– Bougre de bon Dieu ! hurla-t-il. Si vous êtes la complice de Fantômas, dites-le-moi tout de suite, et si vous avez mission de me tuer, faites-le, mais dépêchez-vous !

Cette fois, Rose Coutureau, en dépit de sa promesse, répondit :

– Je ne suis pas la complice de Fantômas.

Mais ayant dit cela, elle parut épouvantée, et se tut de nouveau.

Jérôme Fandor, toutefois, comprenait de moins en moins ce qui se passait et ce qui pouvait motiver l’étrange attitude de la jeune fille :

– Alors, si vous n’êtes pas la complice de Fantômas, hurla le journaliste, aidez-moi à me délier. Si vous croyez que c’est agréable d’être réduit de cette façon à l’état de saucisson !

Sans un mot, toujours silencieuse, obstinément, Rose Coutureau s’empressa. Elle avait quelque peine à défaire les liens qui immobilisaient le malheureux Jérôme Fandor, mais cependant elle y parvenait. Peu après Jérôme Fandor était debout.

La secousse, toutefois, qui avait renversé le journaliste, avait été rude, Jérôme Fandor éprouvait quelque peine à s’en remettre.

Debout, il respira profondément à plusieurs reprises, dilatant ses poumons autant que cela lui était possible, puis, s’étant de la sorte assuré qu’il n’était pas mortellement blessé, en somme, il parut retrouver un peu de sa présence d’esprit.

Jérôme Fandor brusquement passa du calme à la fureur.

– Et alors, bon Dieu, jura-t-il en bondissant vers l’antichambre, où Fantômas a-t-il fichu le camp ?

Rose Coutureau avait accompagné le journaliste. La jeune fille marchait comme un automate, c’était comme un véritable automate qu’elle tendit le bras, montra le toit par où Fantômas s’était échappé.

Jérôme Fandor ne se méprit pas au geste :

– C’est par là que cette canaille s’est barrée, dit-il. Bon, très bien. J’imagine qu’il est maintenant absolument inutile d’essayer de le poursuivre, laissons cela. Dites donc, c’est lui qui vous a interdit de me répondre ?

Rose Coutureau hocha la tête affirmativement.

– Parfait. Dans ce cas, je ne vais pas éterniser la conversation, elle devient monotone.

Jérôme Fandor était presque disposé à s’en aller, pour aller prévenir Juve des aventures dont il venait d’être victime, lorsqu’il revint dans la salle à manger.

– Tout de même, dit-il en regardant Rose Coutureau dans les yeux, je suppose que vous avez bien vu si Fantômas était atteint. L’ai-je blessé ?

Imperceptiblement, la jeune fille hocha la tête négativement.

– Il ne saignait pas ? interrogea Fandor.

– Non.

– Bigre, reprenait-il, je lui avais bien pourtant envoyé mon marron en plein visage. Ça, c’est extraordinaire que je l’aie raté, de si près. Pourtant, s’il avait été touché…

Tout en causant, Jérôme Fandor inspecta les murs du logement, paraissant y chercher quelque chose.

– Ma balle a bien frappé quelque part, que diable ! Si elle n’est pas dans la tête de Fantômas, ce que je regrette infiniment, elle doit se trouver dans ce mur.

Et, de plus en plus soigneusement, Jérôme Fandor examina la muraille. Or soudain il poussa une exclamation :

– Çà, par exemple !

À la hauteur exacte où avait dû se trouver la tête de Fantômas, Jérôme Fandor venait de découvrir dans la cloison un petit trou rond dans lequel se trouvait encore la balle blindée de son revolver.

Mais ce n’était point cela qui était étonnant. Ce qui stupéfiait Fandor, c’est que la balle, en s’enfonçant dans la boiserie, avait entraîné avec elle une touffe de cheveux, arrachés probablement, forcément même à la chevelure du bandit.

Donc, le coup avait porté.

Et pourtant il n’y avait point de sang, les cheveux paraissaient avoir été arrachés, décollés sans qu’il y ait eu plaie à la tête.

– Je ne comprends pas, soliloqua Fandor, considérant toujours le trou de la boiserie. Si ma balle avait seulement effleuré la tête, elle n’aurait pas arraché de cheveux. Pour qu’il y ait des cheveux arrachés, il faut que la balle ait touché au moins le sommet du crâne. Dans ce cas, Fantômas aurait dû saigner abondamment et, de plus, je trouverais sous la balle des traces de sang.

À l’aide de son canif, le journaliste fit l’extraction du projectile, déformé, aplati, qui était venu s’enfoncer dans la muraille. Mais il eut beau l’examiner de près, il eut beau lui faire subir un examen minutieux, il ne pouvait retrouver sur lui aucune trace de sang, aucune trace de chair. Alors d’où provenaient les cheveux ? Comment avaient-ils été arrachés ?

La surprise du journaliste devait croître quelques instants plus tard. Comme, la balle extraite du mur, il regardait encore le petit trou qu’elle avait fait dans la boiserie, Jérôme Fandor aperçut à l’intérieur de ce petit trou un fragment de bois, de bois d’ébène qui avait été évidemment entraîné là par le projectile, puisque la cloison était de sapin.

– C’est plus fort que de jouer aux bouchons avec des pains à cacheter par un jour de grand vent [35], murmura Fandor qui avait retrouvé sa bonne humeur. Je tire sur un bonhomme, je lui traverse la tête, je lui arrache des cheveux, et ma balle qui, logiquement, devrait être ensanglantée, ramène un morceau de bois d’ébène : que diable, il n’avait pourtant pas la gueule de bois, Fantômas.

Fandor plaisantait, mais voilà que sa plaisanterie lui suggérait une idée :

– Ah mais, murmurait-il tout d’un coup, est-ce que par hasard j’aurais été victime d’un truc infernal ?

Jérôme Fandor se rappela la façon dont Fantômas lui était apparu dans l’encadrement de la porte.

Assurément, le bandit s’était placé volontairement ainsi. Fandor, en y réfléchissant, s’en convainquit de plus en plus, de telle sorte que, logiquement, c’était à la tête que le journaliste devait viser. Le reste du corps, en effet, disparaissait dans l’ombre.

– Fantômas a voulu que je fasse feu en plein visage, se disait le journaliste. Or, mon coup de feu en plein visage n’a eu aucun résultat. De plus, il m’a paru bien grand, Fantômas. Ma foi, je ne suis qu’un idiot de n’y avoir pas pensé plus vite. Je parierais ma main droite, que Fantômas, aujourd’hui, avait deux têtes. Sa tête véritable d’abord, cachée sous son manteau noir, puis une tête fausse, une tête en bois cachée par la cagoule. Ah parbleu, je pouvais bien lui lâcher les huit balles de mon browning dans la figure, il s’en moquait pas mal.

La découverte du truc qui avait permis à Fantômas d’échapper une fois de plus aux coups du journaliste, enfiévra Fandor d’une ardeur nouvelle :

– Ah mais, cria le journaliste, ça ne se passera pas comme ça ! Je pardonne à Fantômas le coup qu’il m’a donné, je ne lui pardonne pas de s’être payé ma tête. Il faut que j’avertisse Juve au plus vite. D’ailleurs, que venait-il faire ici ? Y reviendra-t-il ?

Brusquement, Jérôme Fandor se retourna vers Rose Coutureau qui, de plus en plus terrorisée, semblait-il, n’osait faire un mouvement et suivait des yeux les moindres gestes du journaliste.

– Mademoiselle, déclara Fandor, je m’en vais. Si vous n’avez rien à cacher, j’imagine qu’ainsi que vous me le disiez tout à l’heure, vous ne changerez rien à votre vie, et que par conséquent, si besoin en est, je vous retrouverai au théâtre. Si au contraire vous êtes coupable, ce que d’ailleurs je ne crois pas, tenez pour certain que ni Juve ni moi ne vous laisserons de répit. En tout cas, adieu, et méfiez-vous de Fantômas !

Fandor avait un peu la fièvre, était moins lucide que d’ordinaire. Peut-être commettait-il une grave imprudence en laissant en liberté Rose Coutureau. En tout cas, il avait grande hâte de revoir Juve. Il claqua la porte du logement, il dégringola l’escalier. Un fiacre passait, le journaliste y monta :

– À la Préfecture, ordonna Jérôme Fandor.

23 – EN RETARD

– Les cigarettes sont vraiment d’excellentes choses qui ne sont surpassées au monde que par les cigares, lesquels cèdent eux-mêmes le pas devant la pipe, nectar suprême. Décidément, je vais être en retard !

Dick était chez lui. Il était tout près de huit heures et demie à la pendule qui ornait la cheminée de sa chambre, et, tout en fumant des cigarettes, il se livrait aux plus agréables spéculations, car il supputait d’avance le gain qu’allait lui valoir une tournée projetée. Dick ne se décidait pas à quitter son logis bien confortable pour se rendre au Théâtre Ornano, où il devait cependant, ce soir-là comme tous les jours, aller tenir son rôle.

– On est vraiment bien chez soi, bâilla le jeune homme. Sapristi, que c’est embêtant de s’habiller, de descendre dans la rue, de trotter jusqu’au théâtre, le tout pour aller réciter une pièce idiote, écrite par un auteur stupide. Enfin ! En attendant que je sois millionnaire…

Vainquant sa paresse, Dick venait de se lever. Il s’étira les bras avec une profonde conviction, il bâilla encore, regardant machinalement la pendule.

– Huit heures et demie, hum j’ai juste le temps. Il faut que je sois à neuf heures et quart au théâtre. Bah, je prendrai l’autobus jusqu’au boulevard et la baladeuse [36].

À ce moment, Dick tressaillit violemment :

– Ah nom de nom !

Au lointain calme des Batignolles, une horloge tintait.

– Parbleu, ma sacrée pendule retarde, se déclara l’acteur, j’ai neuf heures moins vingt-cinq et voilà, neuf heures qui sonnent.

Machinalement, il compta les coups sonnés à l’église voisine et soudain, son attitude changea encore :

– Sept… huit… neuf… dix… dix heures ! ah çà, Bon Dieu, mais qu’est-ce que cela veut dire ?

L’acteur sauta littéralement dans une pièce voisine, bondit vers une petite table sur laquelle il avait posé sa montre :

– Sacré nom d’un chien, s’il est véritablement dix heures…

La montre marquait huit heures et demie.

– Ouf, soupira Dick, j’ai eu chaud. Parbleu c’est tout simplement l’horloge de l’église qui avance, et j’ai l’heure exacte ici.

Il retomba à son calme profond, et lentement, avec la paresse d’un homme qui va se rendre à une besogne qui ne l’enthousiasme guère, il commença à choisir un faux-col, une paire de manchettes, à brosser son chapeau.

Or, tandis qu’il se livrait à ces préparatifs, l’acteur Dick blêmit encore une fois.

– Mais nom de nom !

À quelques minutes d’intervalle, dans l’air calme de la nuit, une seconde horloge sonnait.

Dick reconnut le timbre, c’était l’horloge d’un pensionnat voisin.

– Comment sonne-t-elle une heure ? Ce devrait être une demie ?

Et il se reprit à compter les coups :

– Sept… huit… neuf… dix…, mais bon Dieu. Il est donc dix heures ?…

Immobile au milieu de sa chambre, tenant un faux-col dont il ouvrait les boutonnières, Dick faisait une vilaine grimace :

– Eh bien, me voilà frais ! C’est du joli ! Mon rôle me fait entrer en scène dans vingt minutes, je ne serai jamais au théâtre.

Et, machinalement encore, il regarda sa montre, la pendule de la cheminée, et qui, toutes deux, indiquaient neuf heures moins quelques minutes.

– C’est insensé, grognait Dick, qui croire ? Mes ustensiles ou ceux du public ?

Dick eut une inspiration.

Traversant son logement, il alla ouvrir la fenêtre d’une étroite cuisine qui donnait sur une cour en forme de puits et toute sale, toute suintante d’humidité.

– Eh madame la concierge, hé là !

Il appelait à pleins poumons, sans la moindre vergogne, car, depuis longtemps il avait inventé de se servir de la cour comme d’un gigantesque porte-voix lorsqu’il avait une communication à faire à la digne concierge de son immeuble qui lui servait de femme de ménage.

Mais Dick, d’abord, n’obtint pas de réponse ; alors il s’emporta.

– M’entendez-vous, pipelette de malheur ?

Une voix de vieille femme, une voix tremblante, interrogeait :

– Quoi qu’il y a, monsieur Dick ?

– Quelle heure est-il ?

– Dix heures, monsieur Dick ! Vous n’allez donc pas au théâtre ?

La concierge reçut en plein visage, lancé par son locataire furieux un mot bref, précis, qui ressemblait fort au mot historique de Cambronne.

Dick, d’ailleurs, referma sa fenêtre avec rage.

– Coquin de sort, jurait-il, bougre de nom d’un chien ! Ah, saloperie ! Et dire que mon rôle n’est pas doublé. Qu’est-ce que je vais ramasser comme amende.

Il se précipita.

– Avec un sapin encore, un taxi-auto, je pourrai peut-être arriver. Et la clientèle, là-bas, qui n’est pas commode… Toutes les oranges du quartier vont assurément s’aplatir contre le rideau.

En jurant, en grognant, quatre à quatre, Dick s’habilla. Il s’agissait bien vraiment de mettre un faux-col ou des manchettes propres. Jetant ses affaires à la volée, sacrant, pestant, l’acteur changeait de costume un peu au hasard, enfilait ses bottines. En trois minutes il était à peu près prêt.

– Mon fard, sapristi, où est mon fard ?

La veille, Dick manquait de blanc gras au théâtre, il en avait acheté, il avait posé la boîte sur la tablette de sa table de toilette.

En courant, Dick se précipita pour prendre le bienheureux fard.

Mais il était dit que l’acteur, ce soir-là, jouait de malheur.

À peine entrait-il en effet dans son cabinet de toilette qu’une véritable catastrophe se produisit :

Dick n’avait pas fait deux pas qu’il recevait en pleine poitrine, un formidable jet d’eau, un jet comparable à celui qu’eût fait un tuyau sous pression éclatant à l’improviste.

D’abord, il recula, puis il jura encore :

– Nom de Dieu de nom de Dieu ! Qu’est-ce que c’est ?

C’était tout simplement le tuyau d’arrivée d’eau de son lavabo qui venait de crever et la pièce en conséquence, se noyait rapidement.

– Mais bon sang, jura Dick, qui, trempé des pieds à la tête, considérait ce malheur nouveau avec des yeux affolés, mais bon sang, je n’en sortirai donc pas, ce soir !

L’eau giclait toujours avec force, dévastant tout, rebondissant hors du lavabo, dégoulinant sur le plancher, éclaboussant la garde-robe de l’acteur, accrochée le long du mur.

– Il faut coûte que coûte que j’arrête ça !

Dick n’hésita pas. S’armant de courage, en dépit du jet qui lui cinglait le visage, il entrait dans le cabinet de toilette et, se saisissant de serviettes, il s’efforçait d’aveugler la déchirure du tuyau de plomb.

Mais c’était là une manœuvre parfaitement inefficace.

Si Dick arrivait à briser le jet, il n’empêchait pas l’eau de couler, et déjà il y en avait plus de deux centimètres d’épaisseur sur le parquet.

Trempé des pieds à la tête, éternuant à toutes les minutes, car il commençait à prendre froid sous cette douche improvisée, Dick demeura, maintenant ses serviettes, à l’endroit où s’était produite la fuite. Toutefois, il était trop évident qu’il ne pouvait s’immobiliser dans cette posture, il fallait aviser.

Dick se retira, laissant l’eau couler à loisir et courut encore à la petite courette.

– Concierge, eh là, concierge !

– Quoi qu’il y a, monsieur Dick ?

– Fermez le compteur. Il y a une fuite.

– Une fuite, où ça, monsieur Dick ?

– Chez moi parbleu !

– Bon, je vas fermer.

La concierge disparut de la petite lucarne où sa tête s’était encadrée quelques secondes. Dick revint dans le cabinet de toilette, l’eau coulait toujours.

– Sitôt le compteur fermé, ça va s’arrêter pensait Dick.

Et, en même temps, il désespérait :

– Ah ! cette fois-ci, ça y est !… ils peuvent se fouiller, s’ils comptent sur moi pour le commencement de la grande pièce. Mais au fait, heureusement je n’y ai que quelques répliques, ils les couperont.

Dick, en ce moment, hâtivement, arracha ses vêtements trempés d’eau, passa une chemise de nuit, enfila un vieux veston.

– Je sauterai dans un taxi, l’essentiel c’est que j’arrive, n’importe comment.

Puis, il s’emporta encore :

– Mais qu’est-ce qu’elle fiche cette sacrée concierge ? Ça coule toujours !

L’eau coulait toujours, en effet.

Or, au même moment, par la fenêtre, la voix de la concierge montait :

– C’est fermé, monsieur Dick, j’ai fermé le compteur.

Dick en demeura immobile de stupéfaction. Le compteur était fermé et pourtant l’eau coulait toujours, coulait avec une force aussi grande qu’auparavant.

Soudain, l’acteur eut une inspiration, il bondit à nouveau vers la courette :

– Quel compteur avez-vous fermé, sapristi ?

– Comment, quel compteur, monsieur Dick ? Le compteur à gaz, parbleu.

– Eh vieille imbécile, c’est le compteur d’eau. Vous n’entendez donc pas qu’il y a des cascades chez moi ?

La concierge disparut encore une fois, et quelques minutes après, Dick eut la satisfaction de voir s’arrêter l’inondation.

– Est-ce fini ? cria la concierge par la courette.

– Oui, hurla Dick. Fichez-moi la paix !

Il était prêt à partir pour la seconde fois. Coiffé d’un chapeau mou, couvert d’un grand pardessus qui masquait le désordre de sa tenue, il allait se jeter dans l’escalier et dégringoler en toute hâte vers la rue, lorsqu’un coup de sonnette retentit à sa porte.

– Crac, ça y est, pensa Dick, c’est la pipelette. Eh bien, elle s’occupera d’éponger ici.

Le jeune homme se précipita vers la porte, l’ouvrit rageusement.

– Entrez et nettoyez, j’écrirai demain au proprio. Ah c’est du bel ouvrage !

L’escalier était noir, obscur, car le gaz venait d’être éteint, pourtant Dick eut l’impression qu’il se trouvait en face, non pas de sa concierge, mais d’un visiteur étranger ; il s’interrompit net et demanda :

– Qui est là ? C’est vous la concierge ?

– Monsieur, répondit une voix calme, permettez-moi de me présenter, je suis M Hussin, huissier.

– Hussin ? Huissier ? allons, bon. Qui demandez-vous, monsieur ?

– N’est-ce pas à M. Dick que j’ai l’avantage de parler ?

Ahuri, Dick recula de quelques pas :

– Oui, déclarait-il, c’est bien moi. Mais que me voulez-vous ? Attendez, je fais de la lumière.

Il courut à sa chambre où il alluma une bougie, et revint dans le corridor. Son visiteur était entré, il avait même dépouillé son pardessus qui reposait, soigneusement plié, sur une chaise. Il fouillait tranquillement dans un vaste portefeuille dont il tirait un gros tas de papiers bleus.

– Eh bien, commença Dick, surpris du sans-gêne de son visiteur, qu’est-ce qu’il y a pour votre service ? Parlez vite, je suis à la seconde.

– Oh je n’en ai pas pour longtemps, répondit l’étranger. En une heure, les formalités peuvent être remplies.

– En une heure ? Mais quelles formalités ? Ah ça, vous êtes fou, mon bonhomme ?

Au titre de « mon bonhomme », à cette appellation familière, le visiteur fronçait les sourcils :

– Monsieur, déclarait-il à Dick avec une certaine dignité, je vous rappelle au respect de la courtoisie ; une insulte adressée à ma personne, c’est une insulte à un magistrat en l’exercice de ses fonctions. C’est grave.

– Vous êtes fou, tonna Dick, ou vous êtes soûl peut-être ? Une, deux, trois. Qu’est-ce que vous voulez ? Répondez-moi ou je vous flanque à la porte.


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