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Le mariage de Fantômas (Свадьба Фантомаса)
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Текст книги "Le mariage de Fantômas (Свадьба Фантомаса)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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12 – BACKEFELDER S’ÉVADE

Juve avait suivi Fantômas, cependant que le bandit, après lui avoir jeté une échelle de soie, après l’avoir aidé à sortir du piège où il était tombé, le conduisait vers le Château Noir.

Fantômas, à partir du moment où Juve s’était livré à lui, menottes aux poings, ne prononça plus un mot. Il apparaissait à Juve le visage recouvert de la cagoule noire, vêtu de son maillot noir, silhouette énigmatique et mystérieuse, silhouette incompréhensible, silhouette d’horreur.

Une fois de plus, le policier se voyait entre les mains du bandit, à la merci de son plus mortel ennemi. Sa situation était désespérée.

– Fantômas m’épargnera, pensait Juve, tant qu’il croira que je connais la retraite de sa fille, tant qu’il espérera tirer de moi un renseignement utile. Mais du jour où il sera convaincu que je lui ai dit la vérité et que je ne sais pas où est Hélène, salut !

Juve, d’ailleurs, regardait l’avenir en face, raisonnait sur son propre destin avec une complète indifférence.

Si Fandor, dans la boule où il était demeuré prisonnier, n’avait pas frémi en déclarant : « Je suis perdu », parce qu’il avait depuis longtemps fait le sacrifice de sa vie, Juve, de son côté, se répétait avec la même sérénité : « Je suis condamné à mort. »

Les deux amis, les deux héros, acceptaient leur destin avec une égale résignation.

Pourtant, le sort de Juve était un peu moins tragique que celui de Fandor. Juve, en effet, savait que Fandor était libre. Il savait que le journaliste, dans les quarante-huit heures, ne manquerait pas de s’étonner de sa disparition et, à coup sûr, Fandor se mettrait en campagne. Il ferait tout au monde pour retrouver Juve. N’était-ce pas là un motif d’espoir, si vague fût-il ?

– Pourvu que le petit ne se fasse pas tuer en voulant me sauver, songeait Juve. Nous aurions dû conclure un pacte, convenir, une fois pour toutes, que nous n’aurions jamais pitié l’un de l’autre, que jamais nous ne nous exposerions inutilement l’un pour l’autre.

Mais Juve n’était pas sincère. Au fond de lui-même, il savait bien qu’en toute conscience, il n’aurait pas personnellement respecté de semblables accords, que Fandor, tout comme lui, ne se serait fait aucun scrupule de ne pas tenir parole.

La traversée du parc qui entourait le Château Noir dura un bon quart d’heure. Si Juve n’avait pas eu les mains enchaînées par des menottes, il eût certainement tenté de recouvrer sa liberté.

D’ailleurs, Juve avait encore d’autres motifs pour accompagner docilement Fantômas et ne pas chercher à s’échapper.

– Il m’a dit que Backefelder était prisonnier, pensait le policier, peut-être va-t-il être assez sot pour me conduire auprès de lui. Nous serons deux en ce cas pour lutter contre Fantômas.

Hélas, pouvait-on lutter contre le génie du crime ? Y avait-il puissance humaine capable de contrarier les desseins de l’énigmatique personnage que Juve observait ou essayait plutôt d’observer, car il ne le voyait même pas sous le masque de la cagoule, sous le maillot noir.

– Je suis bien perdu, conclut Juve au moment où Fantômas, se rapprochant de lui, lui posait la main sur l’épaule.

De dessous la cagoule, la voix brève, sarcastique du bandit, s’élevait à nouveau :

– Juve, déclarait Fantômas, avez-vous bien réfléchi à ce que je vous ai dit tout à l’heure ? Pour la dernière fois, voulez-vous me dire où est ma fille ?

Juve se contenta de hausser les épaules :

– Alors, reprenait Fantômas, retournez-vous, Juve. Regardez le ciel bleu, la forêt verdoyante. Regardez la vie qui palpite sous vos yeux. C’est la dernière fois que vous pouvez voir, Juve. Vous m’avez raillé tout à l’heure en disant que je ne savais point la signification du mot pitié, vous aviez raison, je serai impitoyable. C’est à votre tombe que je vous conduis.

– Menez-moi donc à mon tombeau.

– Allons-y donc, Juve.

Fantômas avait ouvert la porte, il poussa le policier par le bras.

Le Château Noir ouvrait sur un large vestibule en pierre de taille d’où suintait une glaciale humidité. Par les vitres brisées, la pluie et le vent entraient librement depuis de longues années dans la demeure, et les pierres étaient rongées, couvertes de mousse, gluantes.

– Suivez-moi, Juve.

Fantômas tenait à présent, dans sa main gantée de noir, un revolver dont le canon nickelé brilla. Juve, comprit qu’il fallait obéir.

Ils franchirent rapidement un grand escalier de marbre dont les degrés s’effritaient sous le pas ; Fantômas fit monter cinq étages à Juve, ils parvinrent enfin sur un palier étroit, situé probablement sous la toiture du château. Fantômas poussa Juve dans une sorte de petite chambre aux murs arrondis :

– Entrez ! C’est ici que vous attendrez la mort.

Fantômas avait depuis longtemps aménagé le château, en vue d’y conduire un prisonnier. L’étroite cellule où pénétra Juve, était a peine meublée d’une paillasse, d’un escabeau de bois, d’une table. Dans un coin, sur un buffet aux portes ouvertes, un amoncellement de boîtes de conserves :

– Vous avez de quoi manger, expliqua Fantômas, de quoi boire, vous avez de quoi vivre, Juve, c’est le meilleur moyen que je connaisse pour faire goûter la mort à un homme comme vous. Je ne renouvellerai pas vos provisions, vous n’aurez pas plus d’eau qu’il y en a dans cette citerne. Vous pouvez donc calculer combien de temps vous pourrez résister et narguer la mort. Vous réfléchirez.

– À quoi ? interrompit Juve, d’une voix qui ne tremblait pas.

– À ceci : si vous voulez être libre, et je vous donne ma parole que vous le serez en ce cas, vous n’aurez qu’à glisser sous la porte une feuille de papier, après y avoir noté les renseignements que vous possédez certainement au sujet de la retraite de ma fille. Je ne viendrai plus vous voir. À partir d’aujourd’hui vous êtes retranché du monde des vivants. Vous êtes seul. Seul pour toujours. Seul jusqu’à votre agonie. Mais si vous faites le signal que je vous indique, ce papier me sera transmis et je viendrai moi-même vous rendre la liberté.

Fantômas attendit quelques instants une réponse de Juve, mais Juve ne répondit rien.

– Au revoir, Juve, fit le bandit.

– Adieu, Fantômas.

La porte de la cellule claqua. Les serrures jouèrent. Juve fut seul.

Or, à peine la porte était-elle fermée que Juve, qui jusqu’alors avait paru impassible, par un effort de volonté suprême, un de ces efforts dont seuls sont capables les hommes de folle énergie, devenait la proie d’un terrible abattement.

– Non seulement je suis condamné, se disait Juve, s’abattant sur sa paillasse, mais encore je suis condamné à mourir dans les affres de la faim et de la soif. Voilà, ce que je puis avoir à choisir.

Il compta ses provisions, vit qu’il disposait des vivres nécessaires pour quatre-vingt-dix jours à peu près.

– Très bien, décida Juve une fois ce compte fait, c’est donc quatre-vingt-dix jours qui me restent à vivre, le tout est de les vivre aussi confortablement que possible.

Décidé à lutter jusqu’au bout, il se mit en mesure de se libérer des menottes qui paralysaient ses mouvements. C’était pour lui chose relativement facile. Les menottes, en effet, unies entre elles par une assez longue chaîne, lui permettaient de se servir de ses mains. Il tira sa montre, la brisa d’un coup de pied, parvint à en extraire le grand ressort, s’en servit comme d’une scie, et, en quatre jours d’un travail acharné, parvint à limer la chaîne de ses menottes, à se délivrer de ce lien.

Déjà plus libre, Juve, satisfait de ce résultat, décidait par acquit de conscience, plutôt que dans l’espoir d’arriver à un réel résultat, d’examiner minutieusement les murs de sa prison.

– Je suis assurément enfermé, pensait-il, dans une chambre construite au sommet de l’une des tours du Château Noir. Or, cette chambre doit avoir une autre fenêtre que l’étroite ouverture que Fantômas a laissée subsister, par laquelle m’arrive l’air, et sur laquelle il a rabattu un volet de fer qui m’empêche de voir.

Le raisonnement de Juve était fondé. Sondant les murs à petits coups de doigt, opérant avec son habileté habituelle, Juve découvrit très vite que dans l’une des murailles de sa chambrette, une ouverture avait été récemment bouchée au plâtre. C’était pour lui un jeu, une occupation, que de gratter, d’essayer de démasquer l’ouverture qui avait été bouchée.

En moins de deux jours, Juve réussit, en effet, à creuser ainsi dans les parois de la muraille une sorte de trou de fenêtre, qu’il finit par ouvrir tout à fait d’un furieux coup de poing.

À peine, d’ailleurs, Juve avait-il réussi à défoncer les carreaux de plâtre qui avaient servi à obstruer la prise d’air qu’il venait d’ouvrir, qu’avec une angoisse bien compréhensible il se penchait par cette fenêtre.

Allait-il par hasard découvrir qu’elle donnait sur la campagne ?

Le hasard voudrait-il qu’il pût tenter par cette voie de rattraper sa liberté ?

Juve ne garda pas longtemps l’espoir. Chose curieuse, la lucarne qu’il venait d’ouvrir, à laquelle il se penchait, donnait sur une espèce de tour creuse, fermée de toute part, au milieu de laquelle pendait un long câble.

Il ne pouvait pas encore, étant donné l’étroite ouverture qu’il avait ménagée, se pencher suffisamment pour voir où aboutissait la courette sur laquelle donnait sa fenêtre et à quoi pouvait servir le câble qui y pendait. Il n’en travailla que plus fébrilement à agrandir le jour de souffrance. Il lui fallut moins de deux heures pour pouvoir se pencher librement et comprendre sur quoi donnait l’ouverture qu’il venait de ménager si audacieusement, si habilement aussi dans les murailles de sa prison.

Or, Juve n’eut besoin que de jeter un coup d’œil dans la courette pour comprendre à quoi elle servait. C’était la cage de l’ascenseur.

Le gros câble qui pendait en son milieu était le câble de celui-ci.

Mais ce n’est pas la découverte de cet appareil qui, bien entendu, était arrêté au bas de sa course, qui émouvait Juve. Non, ce qui lui arrachait un cri de terreur et d’angoisse, c’est qu’en se penchant, il venait d’apercevoir la plate-forme de l’ascenseur et que sur cette plate-forme il avait distingué le corps d’un homme étendu de tout son long, mort, ou endormi.

L’obscurité qui régnait à demi ne permettait pas à Juve de reconnaître le personnage qui semblait sommeiller. Un instant, le policier se demanda s’il devait l’appeler ou si au contraire il convenait de garder le silence.

– Si c’est un ennemi ? songeait Juve.

Le policier n’appela pas. Pour attirer l’attention du dormeur, il recourut à un moyen plus subtil : Juve prit un morceau de plâtre et le jeta dans la cage de l’appareil, visant le dormeur.

Juve manqua son coup deux fois, mais à son troisième essai, l’homme devait s’éveiller, car brusquement il sauta sur ses pieds.

– Qui va là ? cria-t-il.

– Qui êtes-vous ? répondit Juve.

– Si c’est vous, Fantômas, riposta la voix, je vous en supplie, tuez-moi tout de suite, par pitié.

– Hé, ce n’est pas Fantômas, hurla Juve, c’est moi, c’est moi Juve ! Qui êtes-vous ?

Un nom monta vers lui, un nom qu’il s’attendait presque à entendre :

– Vous, Juve ? Ah, mon Dieu. Je suis donc sauvé ! C’est Backefelder qui vous parle.

Hélas, Backefelder n’était point sauvé. Doucement, avec des mots qu’il choisissait avec un soin extrême, Juve confia au pauvre milliardaire le détail de ses propres aventures.

– Si vous êtes prisonnier, expliqua-t-il, je le suis, moi aussi.

Juve, pourtant, une heure après et alors que Backefelder lui eut conté comment Fantômas s’était emparé de lui et lui avait coupé les deux oreilles afin de les envoyer respectivement à Juve et à Fandor et tenter ainsi d’effrayer les deux amis, apprit au policier d’étranges détails.

– Mon pauvre Juve, disait Backefelder, si vous êtes prisonnier dans une chambre étroite et sans issue, mon sort ne vaut guère mieux. Fantômas m’a fait monter sur cet ascenseur par une étroite fenêtre qui se trouve à ce que je crois, à deux mètres en-dessous du point où l’appareil s’est immobilisé. Tant que Fantômas a été avec moi, l’ascenseur chargé de notre double poids est resté à la hauteur de la fenêtre, mais quand Fantômas m’a eu quitté, après m’avoir annoncé qu’il me condamnait à mourir de faim dès que j’aurais épuisé les maigres provisions qu’il me laissait, l’ascenseur, délesté de son poids, est monté plus haut que la fenêtre et a fini par s’arrêter au point où vous le voyez. Je sais que la liberté est tout près de moi, à deux mètres, qu’il suffirait que je fisse baisser cet ascenseur de deux mètres pour être de niveau avec la fenêtre, mais cela m’est impossible, je n’ai rien qui me permette de surcharger l’ascenseur.

Or, Backefelder n’avait pas fini de parler, que Juve se frottait les mains.

– Mordieu ! mon bon ami, criait-il, mais alors vous êtes libre, vous êtes absolument libre.

Et comme Backefelder le contemplait avec une incompréhension totale, Juve se hâta d’ajouter :

– Mais parbleu, oui, rien n’est plus simple ! Voyons Backefelder, réfléchissez, je m’en vais vous tirer d’affaire en moins de rien.

– Me tirer d’affaire ? Où est le poids ?

– Enfant, ripostait Juve, mais il y a moi.

– Il y a vous ?

– Écoutez. Mon cher Backefelder, si j’ai un peu de chance et un peu de bonheur, voici ce qui va se passer. Je m’en vais m’accroupir sur le bord de ma fenêtre et m’élancer dans le vide. Oh, n’ayez pas peur, je m’en vais tâcher de saisir le câble de votre ascenseur au passage. Je suis à peu près du même poids que Fantômas, je le sais, je l’ai pesé jadis, et, par conséquent, de deux choses l’une : ou je manque le câble, je dégringole à côté de vous, je me tue, mais le poids de mon corps fait descendre l’ascenseur au niveau de la fenêtre, ou bien j’attrape le câble et, à peine y suis-je suspendu, que l’appareil descend au niveau de la fenêtre et vous permet de vous enfuir.

– Juve, Juve, je vous défends d’agir ainsi, je ne veux pas acheter ma liberté au prix d’un crime et ce serait un crime que de vous autoriser à tenter ce que vous voulez tenter. D’abord, il y a vingt chances pour une que vous manquiez le câble et que vous vous tuiez. Ensuite, même si vous pouviez y arriver, il n’y aurait que l’un de nous deux qui pourrait s’échapper. N’oubliez pas, Juve, que, dès que l’un de nous aura sauté par la fenêtre, l’ascenseur remontera.

– Celui qui s’en ira, ce sera vous, Backefelder.

– Non, non, jamais !

– Je vous en demande bien pardon ! Mon cher Backefelder, j’ai toujours considéré que le suicide était une déplorable lâcheté, mais tout de même, je vous annonce que je vais me suicider immédiatement, sous vos yeux, si vous n’acceptez pas de vous enfuir. Backefelder, vous allez me jurer sur l’honneur qu’au moment où l’ascenseur sera de niveau avec la petite fenêtre, vous vous enfuirez. Si vous ne me le jurez pas, je vous jure, moi, qu’à la minute même, je me précipite dans le vide. Quand je me serai tué en tombant à côté de vous, vous n’aurez évidemment pas de scrupule à vous enfuir en abandonnant mon cadavre.

– Mais, Juve…

– Il n’y a pas de « mais », riposta le policier. Choisissez et donnez-moi votre parole d’honneur. Dans un cas, je me tue et je vous sauve. Dans l’autre, je vous sauve et je ne me tue pas, ce qui fait que, peut-être, vous pourrez aller chercher du secours, prévenir Fandor, amener de la police et, non seulement me tirer des mains de Fantômas, mais encore m’aider à me venger du bandit.

– Soit, déclarait l’Américain, j’accepte votre offre généreuse, Juve. Risquez la mort pour moi, mais, en tout cas, je vous le jure, à partir de cette minute, ma vie vous appartient.

Juve ne répondit pas. Bien décidé à tenter la périlleuse aventure, il élargissait l’ouverture creusée dans sa muraille pour être mieux à même de prendre son élan.

Sur le plateau de l’ascenseur, n’osant regarder en l’air, Backefelder se tenait immobile, le cœur battant, se demandant si Juve allait réussir l’effroyable acrobatie qu’il tentait pour l’arracher à la mort.

Juve, lui, accroupi sur le rebord de sa fenêtre, ouvrait et refermait les mains pour assouplir ses doigts, être mieux prêt à s’agripper au câble.

Entre Juve et Backefelder, un vide de plus de six mètres, de dix mètres peut-être, – Juve ne voulait même pas le regarder – s’ouvrait, béant.

– Si je rate mon coup, cria Juve, si je me tue, vous direz à Fandor que je le charge de me venger. Vous lui direz aussi que je l’aimais bien.

La voix de Juve ne tremblait pas. Il n’hésita plus qu’une seconde, puis, il tenta l’épouvantable saut périlleux.

D’une détente brusque, Juve se jeta dans le vide…

Et, par bonheur, ce qui était une folie, réussit.

Juve put s’agripper au câble, il réussit à étreindre le robuste filin, et ce qu’il avait prévu se produisit : à l’instant même il sentit que l’appareil descendait.

– Victoire ! cria Backefelder.

La plate-forme arrivait au niveau de la petite fenêtre.

– Fuyez, hurla Juve. Allez prévenir Fandor.

– Juve, je ne peux pas vous laisser ici.

– Allez donc, ou je me laisse tomber.

Backefelder ne pouvait plus hésiter :

– Ah, je vous sauverai, Juve, dans cinq heures d’ici, je viendrai vous arracher à votre prison.

Backefelder s’élança par la fenêtre.

Et, tandis que l’Américain s’enfuyait, Juve se laissait glisser au long du câble, finissait par atteindre l’ascenseur, sain et sauf.

L’appareil qui s’était abaissé sous le double poids de Juve et de Backefelder, était immédiatement remonté après la fuite de l’Américain.

Backefelder était libre mais Juve n’avait fait que changer de prison.

***

– Qui va là ?

D’une voix encore toute ensommeillée, la Recuerda qui, au retour d’une partie nocturne faite en compagnie d’apaches de ses amis, s’était jetée tout habillée sur sa paillasse, se demandait avec une certaine anxiété quel pouvait être le personnage venant frapper à sa porte à une heure aussi avancée de la nuit.

Cette fille superbe fut debout en un instant. Elle comprimait de ses deux mains les battements de son cœur, elle répétait, follement anxieuse, maintenant :

– Qui ? toi, Backefelder ? Ah, ce n’est pas possible.

– Ouvre donc, jurait Backefelder.

C’était bien en effet l’Américain qui, à quatre heures du matin, venait frapper chez la Recuerda.

Backefelder, évadé du Château Noir à plus de six heures du soir s’était soudain aperçu qu’il ne possédait pas même un fifrelin, pas le moindre objet de valeur, que Fantômas l’avait dépouillé complètement.

Backefelder à ce moment se rendait compte que si, par aventure il risquait de se rendre à la gendarmerie pour y dénoncer Fantômas, il avait de bonnes chances de se faire arrêter ou envoyer à Charenton. Entièrement dépourvu, il ne lui était pas commode de regagner Paris. Où demander les subsides nécessaires pour prendre le chemin de fer ?

Backefelder, qui était moins débrouillard que Fandor et que Juve, ne songeait pas à tenter de monter dans le train sans billet. Très courageusement il avait entrepris de rentrer à Paris à pied, avec l’espoir vague qu’en route il découvrirait bien un voiturier qui consentirait à le transporter.

Son espoir ne fut pas trompé. Backefelder, après une marche épuisante, finit par obtenir qu’une automobile attardée le rapatriât. Tout de même il ne devait atteindre Paris qu’à trois heures et demie du matin et il y arrivait si fatigué, épuisé à un tel point, qu’il pensait à chaque pas tomber, s’évanouir sur le trottoir.

Où aller ? Courir à la Préfecture à cette heure-là était une chose folle, il n’était point connu, on ne le croirait pas, il n’arriverait pas à donner l’alarme.

– Purée ! s’écriait le pauvre milliardaire, comme à la porte de l’octroi il hésitait sur le chemin à prendre, il faut que de toute force j’agisse par la voie diplomatique, il faut que je me recommande de mon ambassadeur ou de mon consul, et pour obtenir leur appui il faut que je puisse prouver mon identité.

Or, Backefelder, qui était l’amant de la Recuerda, avait, quelques jours avant de tomber aux mains de Fantômas, laissé dans la chambre de celle-ci un vêtement qu’il possédait, où se trouvait son portefeuille bourré de documents officiels.

– Allons chez la Recuerda, décida-t-il. Allons chercher ces papiers.

Mais lorsqu’il apparut devant la complice de Fantômas, la Recuerda poussa un cri d’horreur.

À peine avait-elle ouvert sa porte, en effet, surprise que Backefelder lui rendît visite à pareille heure, la Recuerda se jetait en arrière, épouvantée.

– Tes oreilles ? hurla-t-elle, tes oreilles ?

Backefelder eut un froid sourire.

– Oui, faisait-il simplement, c’est Fantômas qui me les a coupées, mais je me vengerai.

Et il raconta.

La Recuerda l’écouta d’abord avec horreur, avec rage ensuite :

– Ah, dit-elle enfin, c’est horrible ce qui t’est arrivé, mon pauvre Backefelder, cela prouve que tout ce qu’on dit sur Fantômas est vrai. Mais tu ne seras pas seul à te venger. Je t’aiderai !

***

Une heure plus tard, Backefelder et la Recuerda revenaient d’un bar où ils s’étaient précipités tous deux comme des fous, pour y chercher des compagnons et les interroger sur l’endroit où ils pourraient joindre Fantômas.

La Recuerda et Backefelder n’avaient trouvé personne au bar. Fantômas n’y était point venu.

Ils regagnèrent donc lentement Montmartre. La Recuerda habitait tout en haut de la rue Berthe. Arrivant place Clichy, l’Espagnole se cramponna au bras de son compagnon.

– Back, dit-elle, comptes-tu vraiment passer sur le pont Caulaincourt ?

– Mais, sans doute, pourquoi me demandes-tu cela ?

– Parce que le pont est hanté, parce qu’il y a le fantôme.

Backefelder eut un gros rire. Il écouta avec complaisance le récit que la Recuerda lui faisait de l’apparition du spectre en plein pont Caulaincourt, puis il haussa les épaules :

– Le spectre n’existe pas, déclara péremptoirement Backefelder, il faut craindre les vivants, mais pas les morts. Si tu as confiance en moi, la Recuerda, tu traverseras ce pont avec moi.

La Recuerda était émue, amoureuse aussi de Backefelder. Elle répondit simplement :

– Allons.

Ils s’engagèrent sur le pont sinistre qui domine les tombes du cimetière. L’aube pâle baignait les mausolées d’une lumière verdâtre. Frissonnante, la Recuerda jetait des regards effarés à droite et à gauche :

– Hâtons-nous, supplia-t-elle.

– Allons donc, lui répondit son compagnon, les fantômes, ça n’existe pas.

Et, de fait, la Recuerda et Backefelder traversèrent, en son entier, le pont Caulaincourt sans apercevoir la moindre apparition.


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