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Le mariage de Fantômas (Свадьба Фантомаса)
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Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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11 – SUR LES TRACES D’HÉLÈNE

Il était environ minuit, une heure du matin, peut-être, Fandor ne dormait pas. Le journaliste s’était couché, l’esprit préoccupé, soucieux. La journée qui avait mal commencé par son incarcération au poste de police du faubourg Montmartre, s’était plus mal achevée encore. Certes, il avait eu la satisfaction de voir Juve, d’être libéré par lui, mais à peine avait-il pu s’entretenir avec son ami le policier que les deux hommes étaient obligés de se séparer. Ils avaient pris rendez-vous pour la soirée, or, Fandor avait attendu en vain l’inspecteur de la Sûreté. Juve, l’homme exact par excellence, n’avait pas donné signe de vie, Fandor l’avait inutilement attendu. De guerre lasse, Fandor après un repas rapide dans le restaurant même où Juve devait venir le rejoindre, était rentré chez lui, perplexe, la communication téléphonique qu’il avait demandée avec l’appartement de Juve était restée sans réponse.

Le journaliste, s’était donc couché, en désespoir de cause, mais il ne parvenait pas à s’endormir. À un moment donné, Fandor se leva en grommelant :

– Cette insomnie est assommante.

Puis il allait à la fenêtre, arrangeait ses rideaux.

– Il vient de la lumière par là, monologua-t-il, c’est ce qui m’empêche de m’endormir.

Depuis quelque temps déjà, Fandor, en effet, avait remarqué que sur le mur de la chambre opposé à son lit se silhouettaient de temps à autre des lueurs blafardes qui allaient et venaient comme des feux follets.

Et Fandor imaginait que c’étaient là des reflets, des lumières de la rue, qui se glissaient dans son appartement par l’interstice laissé entre les rideaux mal fermés.

Fandor se recoucha, désormais assuré que l’obscurité serait complète. Mais il ne resta pas longtemps étendu. Le journaliste s’assit sur le bord de son lit, interdit, les yeux hagards, cependant que ses lèvres balbutiaient :

– Mais qu’est-ce que cela veut dire ?

Fandor pouvait être étonné. Sur le mur faisant face à son lit se profilait nettement, un grand cercle lumineux, qui allait en s’élargissant. Fandor tourna la tête et s’aperçut que ce pinceau de lumière provenait d’un petit trou percé dans le mur au-dessus de sa tête. Fandor y porta la main, boucha cet orifice insoupçonné jusqu’alors, et détermina l’obscurité complète, mais dès qu’il enlevait le doigt, la tache lumineuse se produisait à nouveau.

Puis, soudain il comprit :

– Parbleu, fit-il, c’est quelqu’un qui a percé le mur et s’amuse à projeter des rayons lumineux par le trou.

Et Fandor s’habillant à la hâte, allait se précipiter à sa fenêtre, l’ouvrir, regarder au dehors, lorsque soudain il s’arrêta pétrifié. La tache lumineuse semblait s’animer et, à la manière d’une toile blanche servant d’écran à une projection cinématographique, le mur reflétait une scène animée extraordinaire :

Fandor, tout d’un coup, voyait Juve, Juve avait sa figure contractée des jours d’angoisse. Le policier marchait sur une route déserte dans une campagne, puis, soudain, Fandor faisait de nouvelles découvertes, les mains de Juve étaient jointes, unies par des menottes, et brusquement, à côté du policier, surgissait la silhouette terrible et redoutable de Fantômas. Or, Fandor s’en rendait compte, c’était là une vue cinématographique, la reproduction de la réalité, la réédition d’un fait que l’on n’inventait point, qui était exact, certain.

Tremblant d’émotion, Fandor continua à regarder le spectacle qui se déroulait devant ses yeux : Juve, lentement, avançait sur l’ordre, semblait-il, de Fantômas, qui marchait derrière lui et faisait de grands gestes, parlait avec animation, cependant que le policier se contentait, soit de hausser les épaules, soit de hocher négativement la tête. Puis, soudain, à un détour du chemin se profilait un gigantesque château dont les fenêtres étaient hermétiquement fermées. À cette apparition, Juve s’arrêtait, mais Fantômas, d’un geste énergique, lui intimait l’ordre d’avancer. Juve obéissait.

– Bon Dieu de bon Dieu ! jura Fandor, qu’est-ce que cela signifie ?

Quelques instants après, Juve précédant Fantômas entrait dans le château dont la porte venait de s’ouvrir, puis celle-ci retombait lourdement derrière eux, et dès lors, c’était l’obscurité absolue.

Fandor hurla :

– Juve est prisonnier de Fantômas, et Fantômas a imaginé cet abominable procédé pour me le faire savoir.

Il se précipitait vers la fenêtre, résolu à courir sur les toits, à s’emparer de l’audacieux opérateur qui venait de lui donner ce spectacle, mais il s’arrêta encore, une nouvelle projection lumineuse annonçait un autre spectacle évidemment.

Et Fandor regarda. Toutefois, c’était la même scène qui repassait devant ses yeux, le mystérieux opérateur tenait évidemment à ce que Fandor en retînt tous les détails. Il faisait repasser la projection une deuxième fois, et celle-ci terminée, Fandor lisait sur le mur lumineux une phrase ainsi conçue :

Juve mourra, si demain vous ne me dites pas où est Hélène. Je dois avoir ce renseignement ce soir, onze heure trois quarts, à…

Puis c’était la nuit, la phrase restait inachevée.

– Malédiction ! jura Fandor, qui frémissait dans l’obscurité.

Mais une projection nouvelle le clouait sur place, et désormais Fandor reconnaissait l’image paraissant devant lui : c’était la place Blanche avec au fond, bien en vue le restaurant de nuit que tous les Parisiens connaissent et qui portait sur sa façade cette enseigne : La Boîte à Joseph.

Fandor comprit aussitôt :

– C’est là que Fantômas me donne rendez-vous, évidemment, la chose est claire, mais dans le cas où je pourrais savoir l’adresse d’Hélène à laquelle il semble tenir si fort – pas autant que moi cependant – à qui devrai-je communiquer le renseignement ?

Une nouvelle projection répondait à la question mentale que se posait Fandor. L’appareil cinématographique, évidemment placé de l’autre côté du mur de la pièce, projetait le portrait très agrandi d’une femme à l’altière beauté, à la silhouette élégante.

– L’écuyère de Grenelle.

Le journaliste reconnaissait en effet fort bien la femme. C’était celle qu’il avait aperçue pour la première fois lors de la bagarre de l’omnibus Auteuil-Saint-Sulpice, celle qu’il avait d’abord prise pour Hélène en la voyant s’élancer si hardiment sur le cheval échappé au palefrenier, puis, qu’il avait identifiée ensuite pour être une sorte de danseuse espagnole égarée dans le monde des apaches, où on la connaissait sous le nom de La Recuerda.

Et désormais, Fandor, résumait ainsi la situation :

– Parbleu c’est clair ! Demain soir, il faudra que je retrouve cette femme à onze heures trois quarts, à la Boîte à Joseph, que je lui donne l’adresse de l’endroit où se trouve Hélène, sans quoi Fantômas, impitoyable, mettra sa promesse à exécution et Juve périra.

Depuis dix minutes déjà, la chambre de Fandor était replongée dans l’obscurité et le journaliste apeuré ne bronchait pas. Soudain, comme mû par un ressort, il bondit à sa fenêtre, en écarta les battants violemment, sauta sur la gouttière, atteignit le toit.

– Je suis fou, pensait-il, de ne m’être pas précipité à la poursuite du mystérieux opérateur qui m’a fait voir cet odieux spectacle. Ce ne pouvait être que Fantômas.

« Hélas, se dit Fandor, cependant que d’un coup d’œil désolé, il embrassait l’ensemble des toitures, hélas, il a dû fuir, disparaître depuis longtemps.

Et le journaliste baissant la tête, regagna sa chambre.

***

Il était dix heures du matin et Jérôme Fandor, qui n’avait pas fermé l’œil de la nuit, arpentait d’un pas rapide l’interminable rue de la Croix-Nivert. Il longeait, préoccupé, troublé, le mur de l’immeuble appartenant aux Pompes funèbres, puis, parvenu à l’entrée du lugubre établissement, où il sonnait, il attendit quelques instants. Un serviteur en livrée noire à boutons d’argent vint lui ouvrir, s’inclina très bas, et, sans demander au journaliste les motifs de sa visite, l’introduisit dans un petit salon placé tout à proximité de la porte d’entrée.

– Que monsieur, dit-il, veuille bien patienter une minute, on va venir tout de suite se mettre à sa disposition.

D’un regard machinal, Fandor étudia la pièce où il se trouvait. Elle était meublée sobrement à l’anglaise et paraissait être un petit salon d’attente comme il y en a dans les banques de bon ton. Toutefois, les opérations commerciales traitées par la maison se révélaient immédiatement par la nature des croquis et des gravures qui ornaient les murs. C’étaient dans des cadres de verre, invariablement, des photographies de corbillards de toutes natures, de toutes catégories. Il y avait là des voitures attelées de quatre chevaux recouverts de grandes robes noires, ces véhicules étaient surchargés de draperies, surmontés de panaches. D’autres gravures représentaient des corbillards moins élégants et enfin, on finissait par en découvrir de très simples.

Une porte s’ouvrit. Quelqu’un se présenta à lui, un jeune homme blond et pâle, au visage distingué, aux vêtements de coupe irréprochable :

– Permettez-moi, fit le nouveau venu, de me présenter à vous, monsieur, je suis le marquis Ange de Villars, directeur de la maison. Je me doute des circonstances douloureuses qui vous amènent à solliciter mon concours, soyez assuré que…

Fandor interrompit l’élégant personnage :

– Je vous demande pardon, monsieur, fit-il, je ne viens pas pour un enterrement, mais pour vous demander la faveur de m’autoriser à voir de toute urgence une personne employée dans votre administration. Il s’agit de Mme Delphine Fargeaux à laquelle j’ai une importante communication à faire.

– S’il s’agit d’une affaire de service, monsieur, je suis là pour répondre au nom de mes employés.

– C’est pour une affaire personnelle, monsieur, strictement personnelle. Je vous en prie, accordez-moi la faveur que je sollicite.

– C’est entendu, fit le marquis Ange de Villars, qui se retira, ayant cérémonieusement salué le journaliste.

Quelques instants après, Delphine Fargeaux arrivait, stupéfaite, de voir Fandor.

– Monsieur, demanda-t-elle, pour quel motif… ?

Mais Fandor, sans s’attarder à des préliminaires, entrait dans le vif du sujet.

– Madame, fit-il, vous voyez devant vous quelqu’un que torture une angoisse profonde. Peut-être avez-vous entendu parler des extraordinaires aventures qui, depuis plusieurs années bouleversent mon existence. Il me faut aujourd’hui savoir à tout prix ce qu’il est advenu d’une personne à laquelle je m’intéresse énormément, tenez, je vais tout vous dire, il s’agit d’une femme que j’aime, d’une jeune fille qui s’appelle Hélène.

– Hélène, la fille de Fantômas ? s’écria Delphine Fargeaux.

– Vous la connaissez, n’est-ce pas ? Je sais par Juve, d’ailleurs, qu’il y a quelques mois, son existence a été liée à la vôtre. Je vous en prie, madame, dites-moi tout, absolument tout ce que vous pouvez savoir d’elle.

L’émotion de Fandor était si sincère, si communicative, que Delphine Fargeaux eut pitié de lui.

Elle raconta à Fandor les événements qui lui étaient survenus, les tragiques circonstances dans lesquelles son frère, puis son mari, avaient péri, victimes indubitablement de Fantômas, puis elle précisait l’enlèvement d’Hélène par l’infant d’Espagne, et enfin, prenant des précautions pour ne point trop émouvoir le journaliste, elle lui dit ses craintes, au sujet de la mort de cette mystérieuse personne que don Eugenio avait fait enterrer sous le nom de Mercédès de Gandia.

À la fin de ce récit, Fandor était blême, mais il y avait dans ce cœur généreux des trésors d’énergie. Il remercia sincèrement Delphine Fargeaux de ce qu’elle venait de lui dire et se précipita comme un fou hors du macabre établissement que dirigeait le marquis Ange de Villars.

Une demi-heure plus tard, Fandor carillonnait à la porte de l’hôtel de l’infant d’Espagne, rue Erlanger. La rue était déserte, les abords de l’hôtel silencieux, l’intérieur de la demeure restait muet.

Fandor, le visage contracté, mordant ses lèvres pour dissimuler son émotion, sonna pendant un quart d’heure.

Le journaliste ne se résignait pas. Il carillonna encore, s’écarta de la maison en scrutant du regard les abords. Soudain quelqu’un l’interpella. C’était un cantonnier :

– Vous perdez votre temps, jeune homme, proféra celui-ci, il n’y a personne. Les patrons et les domestiques sont partis depuis quelques jours.

– Ah, fit Fandor, d’un air si désolé que le cantonnier s’en aperçut.

– Ça vous embête, hein ? vous auriez voulu les voir ces gens-là ?

– Oui, déclara Fandor, qui, dans l’espoir que ce cantonnier pourrait le renseigner, se faisait loquace. On m’a promis une place chez l’infant d’Espagne.

– Une place ? Vous n’avez pourtant pas l’air d’un domestique.

– C’était une place d’employé, de secrétaire.

– Ah oui, fit le cantonnier, probablement que vous êtes comptable de votre métier ?

– C’est cela, fit Fandor. Renseignez-moi donc un peu. Quelqu’un, m’a-t-on dit, est mort dans la maison tout récemment ?

– Oui, même que l’enterrement a été superbe. Seulement ça m’a donné du travail. Parce que les Pompes funèbres ont fait des dégâts. Ils ont creusé la chaussée et laissé des bouts de fleurs partout.

– Connaissiez-vous la personne que l’on a enterrée ?

– Je la connaissais pour l’avoir vue deux ou trois fois quand elle venait voir l’infant d’Espagne. C’était sa nièce qu’on m’a dit.

– Comment était-elle ?

– Ah une belle fille, je vous jure, et je m’y connais, une superbe brune. Paraît que c’était la nièce de l’infant, mais elle n’habitait pas avec lui. C’était même assez rare quand on voyait la demoiselle venir rendre visite à son oncle.

– Merci, dit Fandor, cependant qu’à demi rassuré, il quittait la rue Erlanger.

Mais il n’avait pas fini sa journée, bien au contraire. Pendant quelques heures, il courut Paris, apprit par la mairie, que les obsèques célébrées rue Erlanger, quelques jours auparavant, étaient très régulièrement celles de Mlle Mercédès de Gandia, nièce de don Eugenio, infant d’Espagne. Et cela lui redonna courage. Le journaliste se disait que, vraisemblablement, ce ne pouvait être Hélène. Hélène au contraire devait avoir été enlevée par l’infant, comme le lui avait appris Delphine Fargeaux. La jeune fille, sans doute, se trouvait encore au pouvoir de son ravisseur. En Espagne, selon toute probabilité, dans l’inaccessible résidence de don Eugenio. Au palais de l’Escurial.

***

À onze heures du soir, Fandor était place Blanche. Trois quarts d’heure plus tard, il s’introduisait dans le restaurant où il pensait avoir rendez-vous avec l’écuyère de Grenelle.

À peine eut-il pénétré dans l’établissement, que Fandor sursauta. La première personne qu’il vit, au fond du café était la Recuerda.

Le cœur du journaliste battit violemment. Ainsi donc il ne s’était pas trompé ? Il avait compris le rendez-vous de Fantômas, et Fandor, désormais, se disait :

– J’ai gagné la première manche. Je ne lâcherai pas la partie jusqu’à ce que j’aie sauvé Juve.

– Vous m’attendez, madame ?

– Peut-être monsieur. Je crois en effet que vous avez une commission à me faire.

– Causons, voulez-vous ?

– Vous n’avez cependant, dit-elle, qu’une chose à me dire, si j’en crois les indications de votre ami.

– De mon ami ? interrogea Fandor qui, du coin de l’œil regardait l’Espagnole, de quel ami voulez-vous parler ?

– Du cocher John.

– Ah, parfaitement, dit Fandor, qui ne comprenait pas, mais sentait qu’il fallait jouer serré. Vous informerez donc, le cocher John, qu’Hélène est à l’Escurial.

Mais surprise, la Recuerda eut comme un soubresaut, puis étouffa un éclat de rire.

– Non, expliqua la Recuerda, mais enfin, vous savez ce que c’est que l’Escurial ?

– Oui, c’est un palais en Espagne, à quelques kilomètres de Madrid.

– Vous savez qui habite ce palais ?

– C’est la demeure de l’infant d’Espagne don Eugenio.

– Quand il n’est pas à Paris.

– Vous avez l’air bien renseignée. Vous le connaissez ?

– Non, mais j’ai entendu parler de lui. Je sais qu’il a quitté son hôtel de la rue Erlanger.

– Et vous savez pourquoi, sans doute ?

La Recuerda hocha la tête et le journaliste, qui la regardait dans le blanc des yeux, précisa :

– En tout cas, il a quitté Paris au lendemain des obsèques de sa nièce Mercédès de Gandia.

– Mercédès de Gandia est morte ?

– Morte et enterrée, mais qu’avez-vous donc ?

L’interlocutrice de Fandor était devenue pâle. Elle avait porté la main à son front. Un instant plus tard, s’étant retournée, elle regardait attentivement dans la glace placée derrière elle.

Fandor ne comprenait rien à cette mimique. Il allait toutefois questionner son énigmatique compagne, il n’en eut pas le temps. Celle-ci se levait précipitamment, en proie, semblait-il, à une émotion violente.

– Madame, appela Fandor.

Mais l’Espagnole ne l’écoutait pas, elle sortit du restaurant :

– Il ne sera pas dit que je perdrai sa trace ! s’exclama le journaliste.

Il jeta une pièce d’argent sur la table, n’attendit point la monnaie et se précipita sur les traces de la Recuerda. Mais le hasard voulut qu’une foule de gens, de joyeux noctambules, qu’accompagnaient des demi-mondaines, entrât à ce moment dans l’établissement.

Lorsque Fandor se retrouva dans la rue, les quelques secondes qui s’étaient passées avaient suffi à rompre la filature que le journaliste voulait assurer pour savoir où la Recuerda allait retrouver le mystérieux cocher John, auquel elle devait rapporter le renseignement fourni par son « ami » Fandor.

– Parbleu, se disait le journaliste, quel peut être ce cocher John, sinon un complice de Fantômas, sinon Fantômas lui-même ? Cette Recuerda doit être mêlée à un titre quelconque à la bande de notre effroyable adversaire.

Le journaliste était parvenu à l’entrée du pont Caulaincourt et brusquement, dans son esprit, s’éveillait le souvenir de ce nouveau mystère qui, depuis quelques jours, défrayant la chronique, menaçait de s’étendre comme une vague de terreur sur l’opinion.

Fandor jusqu’alors avait été bien trop préoccupé par les aventures qui lui étaient personnellement survenues pour prêter grande attention aux extravagants phénomènes que l’on signalait de toutes parts. Voici que, désormais, il éprouvait une insurmontable envie de se documenter à son tour sur ce que la rumeur publique appelait déjà : « le Fantôme du Pont Caulaincourt ». Et puis, Fandor faisait un rapprochement dans son esprit. L’apparition de ce spectre n’avait-elle pas coïncidé avec l’époque des obsèques de la nièce de l’infant, ensevelie précisément au cimetière Montmartre ?

Les sinistres apparitions ne s’effectuaient-elles pas depuis le moment où Fantômas, après avoir disparu de Paris pendant quelque temps, venait d’y reparaître ? Et Fandor, machinalement, de son pas tranquille et sûr, montait le pont Caulaincourt à peu près désert à cette heure tardive de la nuit.

C’était, en dessous du pont, l’obscurité et le silence absolus, et sur le large passage qui surplombait le cimetière, la lueur des becs de gaz se reflétait pâlotte sur le métal des larges balustrades et des grands fer en X.

Fandor, accoté à la balustrade, plongea le regard dans la nécropole. Il ne vit rien, et il songeait que vraisemblablement tous ceux qui avaient été témoins, ou qui prétendaient l’être, de l’apparition du spectre, n’étaient que des hallucinés, victimes d’une illusion collective. Fandor haussa les épaules et allait rebrousser chemin, lorsque soudain un bruit frappa son oreille.

Il semblait provenir de l’autre côté du pont. Intrigué, Fandor s’y rendit.

Mais, à peine s’approchait-il des grandes formes de fer que, derrière l’une d’elles, presque à le toucher, surgit une silhouette extraordinaire : celle d’un homme, au visage à demi dissimulé sous un masque noir. Cet homme, à la silhouette élégante était en habit, le plastron de sa chemise faisait une tache blanche qui contrastait nettement avec la teinte sombre de ses vêtements. Et cet homme semblait suspendu dans le vide.

– Le fantôme ! s’écria Fandor.

Mais, au moment même, comme s’il avait été aspiré par la fantastique apparition, Fandor poussait un cri terrible et se trouva précipité dans le vide, la tête la première.

Fandor tomba les mains en avant. Toutefois, il eut la chance de se raccrocher aux balustrades du pont, et, lorsqu’il parvint sur le sol du cimetière, sa chuté était atténuée.

– Eh bien, s’écria le journaliste, en se relevant péniblement, voilà qui n’est pas ordinaire ! Mais quel est le malappris qui m’a vidé de la sorte du haut du pont Caulaincourt ?

Fandor, en avait eu la nette impression que ce n’était point le spectre qui l’attirait, mais bien que quelqu’un, placé derrière lui, l’avait pris brusquement par les jambes et fait basculer sur le parapet du pont.

Le journaliste était à peine relevé et s’époussetait machinalement, qu’il bondit de côté. Une balle venait de siffler à son oreille et, en même temps, des cris retentirent, des ombres surgirent du cimetière, des hommes se précipitèrent sur lui, s’emparèrent de sa personne.

– Lâchez-moi ! cria Fandor.

Puis, il ne résista plus, c’étaient des agents de police. Cependant que les sergents de ville s’apprêtaient à lui passer les menottes, un homme survint et Fandor le reconnaissait :

– Michel, s’écriait-il, ah, par exemple !

L’interpellé semblait stupéfait, lui aussi, de voir le journaliste. Michel n’était autre que l’un des inspecteurs de la Sûreté subordonnés à Juve. Il reconnut Fandor :

– Que diable faites-vous là ?

– C’est ce que je me demande, poursuivit le journaliste, on vient de me précipiter par-dessus le pont.

Mais, à ce moment, les sergents de ville poussèrent une exclamation et l’un d’eux, lâchant Fandor avisait une sorte de paquet à quelques mètres de là.

C’étaient des vêtements noirs, des habits d’homme d’une finesse extrême, d’une souplesse telle qu’on pouvait les plier en tous sens, les mettre en boule, les faire tenir presque dans le creux de la main.

– Eh bien ? interrogea Fandor, qui considérait cette étrange défroque.

– Eh bien, déclara Michel, abasourdi, ce sont encore les vêtements du spectre.

Puis, avisant le plastron de la chemise, il y montrait une déchirure :

– Vous avez entendu, tout à l’heure, fit-il, cette détonation ?

– Je vous crois, rétorqua Fandor, la balle a sifflé à mon oreille.

Michel poursuivait :

– Et elle est venue frapper le spectre en pleine poitrine, voyez plutôt la déchirure faite dans le plastron.

Des agents grommelaient :

– C’est de plus en plus extraordinaire et incompréhensible.

Puis, l’un d’eux interrogea Michel en désignant Fandor :

– Monsieur l’inspecteur, faut-il emmener cet individu au poste ?

– C’est inutile, déclara-t-il, ce monsieur y viendra volontiers avec moi.

Puis Michel, prenant le bras de Fandor, l’entraîna :

– Je vous assure, commença l’inspecteur de police, que je commence à ne plus rien comprendre à toutes ces histoires-là. Depuis la première apparition, je passe mes nuits avec des agents dans ce cimetière. Je voudrais bien que Juve soit revenu, sûrement, il nous donnerait une explication.

– Juve, fit Fandor, eh oui, où est-il ?


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