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Le mariage de Fantômas (Свадьба Фантомаса)
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Текст книги "Le mariage de Fantômas (Свадьба Фантомаса)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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– Un pneu, déclara-t-il.

L’infant d’Espagne se penchait à la portière.

– Roulez tout de même, mon ami, je vous en prie, roulez à plat, cela n’a pas d’importance, il faut que nous arrivions.

Le mécanicien obtempéra, remit son moteur en route, mais ou bout de deux cents mètres le moteur calait. Cela d’ailleurs était compréhensible, le pilote avait tout simplement coupé l’allumage.

Mais l’infant d’Espagne était à cent lieues de se douter que ces divers incidents étaient volontairement déterminés et le malheureux don Eugenio tenant perpétuellement sa montre à la main, voyait les minutes passer avec une foudroyante rapidité ; il se lamentait de plus en plus :

– Nous n’arriverons pas !

Le moteur repartit cependant, la voiture marcha normalement pendant quelques centaines de mètres, puis, ce furent encore de longs instants perdus dans un encombrement, au milieu duquel le mécanicien faisait preuve d’une hésitation et d’une maladresse insignes.

Juve, toujours impassible sur son siège, murmurait des paroles d’encouragement au chauffeur :

– Très bien, très bien, parfait, déclarait-il.

Lorsqu’on arriva enfin au boulevard Denain, la façade de la gare du Nord surgit soudain devant eux, Juve ricana d’un air de triomphe :

Il venait d’apercevoir la pendule :

– Neuf heures trois, cria-t-il. Ça y est, le train est manqué !

La voiture n’était pas encore arrêtée dans la cour de la gare que l’infant d’Espagne se précipitait, et ce mouvement avait été fait si vite que Juve eut une émotion :

– Hé là ! pensa-t-il, il ne faut pas encore qu’il se dépêche tant, nous n’avons en somme que deux minutes de retard, si par hasard le train était encore là ?

L’infant d’Espagne gagnait le quai par les voies les plus directes. Juve courut derrière lui.

– Monseigneur, fit-il, venez pas ici ! Coupons au plus court.

Un peu ahuri, don Eugenio, reconnut en cet interpellateur l’agent de la Sûreté qui venait de lui prêter sa voiture.

Et, machinalement, convaincu que ce complaisant personnage allait lui faire gagner du temps, il rebroussa chemin et suivit Juve qui désormais l’entraînait par des lieux compliqués, difficiles à suivre, au milieu de salles de bagages.

Les deux hommes arrivèrent à une porte vitrée. Elle était fermée à clé.

– Ah, sapristi ! cria Juve, en feignant un désespoir qu’il était loin d’éprouver, c’est une malchance extraordinaire !

Les deux hommes rebroussèrent chemin, perdirent encore quelques minutes, lorsque enfin, ils parvinrent sur le quai de départ, la voie sur laquelle avait stationné le rapide de Calais était vide. L’infant d’Espagne avait manqué son train.

Et, dès lors, tandis que, interloqué, abasourdi, le grand personnage demeurait sur le quai, Juve se montra.

L’infant d’Espagne le considéra quelques instants, semblant chercher dans ses souvenirs où il avait vu cette physionomie. Et soudain, il s’écria :

– Juve, n’est-ce pas monsieur l’inspecteur Juve que j’ai devant moi ?

– Lui-même, pour vous servir, monseigneur, répliqua le policier de son ton le plus aimable.

– Ah mon Dieu, monsieur, gémit-il, quelle sotte histoire. Je vous remercie vivement de votre complaisance, vous avez fait tout ce qui était possible pour m’aider à prendre le train, je me plais à le reconnaître, mais les circonstances se sont liguées contre nous.

– Et, poursuivit Juve ironique, vous l’avez manqué.

– Je l’ai manqué, en effet, répliqua l’infant d’Espagne, que va dire le roi ?

– Sa Majesté comprendra fort bien ce qui s’est passé. Je m’en vais, de votre part si vous le voulez bien, lui adresser une dépêche explicative. Demain matin vous pourrez repartir.

– Demain matin ? s’écria l’infant, n’y a-t-il donc point de train ce soir ?

– Il n’y a pas de train, monseigneur, avant demain matin neuf heures.

Une demi-heure après l’automobile de Juve amenait l’infant d’Espagne rue Erlanger. Don Eugenio s’était résigné à son malheureux sort, sur les instances de Juve qui lui conseillait vivement d’aller coucher à son domicile plutôt que de se rendre à l’hôtel ; il avait décidé d’aller passer la nuit à son domicile parisien où, même lorsqu’il était absent, la maison était toujours tenue en ordre et prête à le recevoir.

Arrivé à Auteuil, Don Eugenio remercia Juve, chaleureusement.

Celui-ci se retirait, mais à peine avait-il quitté la maison qu’il avisait des silhouettes dissimulées dans l’ombre. Il se rapprocha de ces mystérieux personnages, puis, allant de l’un à l’autre, il leur recommanda :

– Attention, vous autres, et que l’infant ne sorte point d’ici sans que je sois prévenu. Je ne fais d’ailleurs qu’aller et venir et je serai de retour à l’aube.

Et Juve s’éloignait, préoccupé, perplexe. S’il avait pu apercevoir l’infant d’Espagne quelques instants après qu’il eût pénétré dans son hôtel de la rue Erlanger, Juve n’aurait pas été aussi soucieux.

Don Eugenio avait trouvé dans son cabinet un courrier important, il l’avait dépouillé lui-même. Et parmi la correspondance du grand seigneur une lettre semblait particulièrement intéresser don Eugenio. Cette lettre, il la lut, la relut, puis la lut encore. L’infant murmurait en déchiffrant les termes de cette missive :

– J’ai bien fait de venir ici. Heureusement que j’ai manqué le train.

Juve, vers six heures du matin avait pris une résolution définitive.

– L’infant, songeait-il a assez dormi, je vais le faire réveiller, lui parler. Certes, je joue là le tout pour le tout et je risque gros, mais la première partie de mon entreprise a réussi et je ne vois pas pourquoi il en serait autrement de la seconde.

Juve, en effet, était la cause directe et volontaire des divers retards éprouvés la veille au soir par l’infant d’Espagne et le policier seul était parvenu à faire manquer au grand d’Espagne le train de Calais.

C’était lui qui avait commandé à Michel de jeter la limousine bleue sur un camion pour l’immobiliser et cela à seule fin d’avoir l’infant à sa disposition et dès lors, de l’empêcher d’arriver en temps voulu à la gare du Nord.

Guidé inconsciemment par Juve, don Eugenio lui avait obéi et désormais le policier n’avait plus qu’une chose à faire, c’était de jouer cartes sur table et d’interroger l’infant d’Espagne sur les mystérieux événements auxquels il était mêlé.

Au moment où Juve se présentait au somptueux hôtel de la rue Erlanger et qu’il faisait passer sa carte à un des domestiques, le visage de celui-ci s’éclaira :

– Monsieur Juve, l’inspecteur de la Sûreté, s’écria-t-il, ce n’est pas possible ?

– Mais si, pourquoi pas, mon ami ? répliqua le policier.

– Ah, monsieur, fit le serviteur, précisément Son Altesse Royale qui n’a pas fermé l’œil de la nuit, vient de me dire, il y a quelques instants à peine :

– Envoyez tout de suite chercher M. Juve à la Préfecture de police », et j’allais téléphoner lorsque monsieur a sonné.

– Eh bien, fit le policier, vous n’aurez donc pas cette peine.

On l’introduisit dans un salon où il demeura quelques instants seul, attendant l’infant.

– Que peut-il bien avoir à me dire ? pensait Juve.

Don Eugenio, soudain avait surgi dans la pièce, s’était précipité vers le policier. Il avait l’air tout bouleversé, les traits tirés, l’allure d’un homme qui vient de passer par des émotions violentes :

– Ah, monsieur, commença-t-il, en serrant la main de Juve, comme je vous suis reconnaissant d’être accouru aussitôt !

– De quoi s’agit-il ?

Don Eugenio passa la main sur son front, désigna un siège au policier.

– Voilà, dit-il, ce sera un peu long, mais peu importe c’est tellement grave, que si je manque encore mon train, eh bien, je le manquerai, voilà tout. C’est une véritable confession qu’il faut que je vous fasse, monsieur. Voici.

Le policier, très ému, car il sentait instinctivement que les mystères touchaient à leur dénouement, écouta don Eugenio. Celui-ci commença :

– Monsieur, voici un an environ, mon frère est mort, un frère aîné qui avait mené une existence assez mystérieuse et était déjà veuf. Il laissait au monde une nièce, une jolie jeune fille d’une vingtaine d’années environ : Mercédès de Gandia. Sur ma nièce, je comptais reporter toute l’affection que je témoignais à son père. Mais, à peine ai-je fait sa connaissance, car jusqu’alors, monsieur, mon frère et sa fille, avaient vécu en Amérique du Sud, que j’appris quelque chose d’épouvantable. Mercédès était une sorte de folle, de fille perdue. Elle vivait dans un milieu inqualifiable, indépendante, fière, ne subissant aucune influence s’il s’agissait des bonnes et se laissant naïvement duper, dès lors qu’il s’agissait des mauvaises. Mercédès de Gandia, monsieur, se déshonorait au milieu de gens sans aveux. Elle fréquentait la lie de la population, des apaches, des criminels. J’ai tout essayé pour la ramener au bien, je n’y ai pas réussi. Il fallait cependant y parvenir. À la Cour on m’avait donné l’ordre d’éviter tout scandale et alors j’ai essayé, monsieur, quelque chose d’insensé.

L’infant d’Espagne, s’arrêtait un instant, Juve l’encourageait du geste :

– J’ai imaginé, poursuivit don Eugenio de la faire passer pour morte.

– Pour morte ? s’écria Juve, feignant la surprise, alors qu’au fond de lui-même, il s’applaudissait des révélations de l’infant qui venaient éclaircir le mystère au milieu duquel il se débattait.

Don Eugenio expliqua en effet à Juve, par quelques mots, le subterfuge grâce auquel il avait dupé l’administration des pompes funèbres, fait croire à tout Paris que l’on enterrait Mercédès de Gandia alors qu’en réalité on ne mettait dans son cercueil que des sacs de sable.

– Mais, interrogea Juve, quelqu’un, cependant, s’est prêté avec vous à cette supercherie ? Une femme a été montrée comme morte, une femme, d’ailleurs, m’a-t-on dit, monseigneur, qui n’était pas brune comme votre nièce, mais châtain foncé.

– C’est exact, fit-il, et je ne veux rien vous cacher. Je vous ai menti l’autre jour, quand vous m’avez demandé si je n’avais pas, voici quelques mois, fait enlever une jeune fille aux environs de Biarritz. J’ai, en effet, commis ce rapt et, lorsque je me suis aperçu de l’ignominie de ma faute, il n’était plus temps de reculer. La jeune fille était chez moi. Mais elle était si noble et si digne que je l’ai respectée, que j’ai même gagné son pardon. Elle m’a su gré de m’être conduit en galant homme et c’est elle qui, mise au courant par moi du projet que je méditais, m’a aidé à le réaliser.

– Savez-vous qui c’est ?

– Elle s’appelle Hélène.

– Et c’est la fille de Fantômas.

– La fille de Fantômas ? Ah je comprends maintenant ou plutôt je devine, je me rends compte qu’il y avait dans l’existence de cette femme un mystère qu’elle n’a jamais voulu me dévoiler. Mais alors, poursuivit l’infant, si c’est la fille de Fantômas, n’ai-je pas été la victime de son terrible père ?

– Comment cela ?

– À peine avais-je fait le simulacre de l’ensevelissement et laissé croire que Mercédès de Gandia était morte, ce qui me faisait son héritier et me permettait de sauvegarder son immense fortune, que le fameux spectre du pont Caulaincourt se manifestait dans ses étranges apparitions et qu’il surgissait devant divers témoins, semblait nettement vouloir attirer l’attention, non seulement sur le cimetière de Montmartre, mais surtout sur le caveau de la famille de Gandia. Vous savez tout cela, monsieur Juve, je n’y reviendrai pas, qu’il me suffise de vous dire qu’en fait, ce spectre mystérieux a dû arriver à ses fins, lorsqu’on a découvert que la bière dans laquelle on croyait Mercédès de Gandia était vide.

– C’est juste. Il est bien certain que quelqu’un a eu intérêt à faire découvrir votre supercherie et à montrer ainsi que la tombe de Mercédès de Gandia était vide. La situation, toutefois, est terriblement compliquée. Votre nièce est légalement décédée.

– Non, interrompit l’infant d’Espagne.

– Comment cela ? interrogea Juve. Son acte de décès a été dressé en France, transmis au Consulat d’Espagne.

– Oui, interrompit l’infant et vous imaginez bien, monsieur Juve, que j’ai suivi avec une anxiété sans pareille les diverses phases de cette mystérieuse affaire. Or, il y a quinze jours environ, lorsque j’ai appris les aveux du fossoyeur Barnabé et l’ouverture du cercueil, dans lequel n’était naturellement pas ma nièce, j’ai fait immédiatement annuler purement et simplement en Espagne l’acte de décès de ma nièce. Or, c’est là désormais que la situation se complique.

– Non, au contraire, elle se simplifie.

– Elle se complique, insista l’infant d’Espagne. Tout ce que j’ai entrepris, la machination extraordinaire que j’avais imaginée ne sert non seulement à rien, mais encore a pour but de précipiter les événements.

– Calmez-vous, Monseigneur.

Celui-ci s’arrêta un instant devant le policier, il croisa les bras et le regardant fixement, déclara :

– Avez-vous, quelquefois entendu parler, monsieur Juve, d’une pierreuse, d’une fille perdue, d’une femme apache d’origine espagnole que l’on appelle la Recuerda ?

– Oui, eh bien ?

– Eh bien, lâcha l’infant d’Espagne, la Recuerda n’est autre que ma nièce, Mercédès de Gandia.

– Je l’avais parfaitement compris, monseigneur, depuis le commencement de votre entretien. Au surplus, la Recuerda, autrement dit Mlle Mercédès de Gandia, porte un signe distinctif qui permettra toujours de la reconnaître, qui l’empêchera de renier son ascendance. C’est la fameuse veine bleue qui coupe son front en biais, cette veine bleue que l’on retrouve sur le vôtre, monseigneur, et dans les portraits de tous vos ancêtres.

– Monsieur Juve, j’ai encore quelque chose à vous apprendre. Ah nous avons été bien joués, mais ce que je redoutais le plus va se produire, se produit. Je vous ai dit que si j’avais voulu faire disparaître, en apparence tout au moins, Mercédès de Gandia, c’était afin d’hériter officiellement de sa fortune et pouvoir ainsi la protéger. Je me disais qu’un jour ma nièce, revenue à de meilleurs sentiments, aurait au moins la satisfaction d’être riche. Mercédès de Gandia est perdue, monsieur, perdue pour toujours, elle et sa fortune.

– Pourquoi cela ?

– Parce que Mercédès de Gandia se marie, elle épouse le baron Nicolas Stolberg.

– Le baron Stolberg ?

Un coup discret venait d’être frappé à la porte, le domestique se présentait :

– Que Votre Altesse m’excuse, fit-il, en s’adressant à l’infant d’Espagne, mais il y a là un monsieur qui sait que M. Juve est ici et qui demande à lui parler de toute urgence.

Le domestique tendait une carte à Juve, celui-ci y jeta les yeux, mais à peine avait-il lu qu’il sursauta. Le visiteur qui s’annonçait ainsi, c’était Fandor.

31 – LA CÉRÉMONIE INTERROMPUE

– Eh bien voilà, fit Fandor qui s’asseyait dans un fauteuil où l’infant d’Espagne, après de hâtives présentations, faites par Juve, l’invitait à prendre place.

Le policier interrogea son ami :

– D’où viens-tu ?

– De piquer un galop, mon cher Juve, qui m’a mis en transpiration. D’ailleurs, depuis quarante-huit heures, je n’ai pas fermé l’œil et tel que vous me voyez, je descends du train et j’arrive de la frontière où j’ai manqué monseigneur. Mais j’ai retrouvé Hélène, et c’est quelque chose, et même beaucoup. J’ai dû, toutefois, l’abandonner sitôt arrivé à Paris, car je tenais à vous voir, Juve, dans le plus bref délai. J’ai quelque chose de très important à vous annoncer.

– Tu peux parler, Fandor, devant monseigneur.

– Donc, poursuivit le journaliste qui obéissait à l’invite de Juve, en descendant du train à la gare d’Orsay, j’ai rencontré Bouzille. Le brave chemineau m’a appréhendé au passage. Il m’attendait, assurait-il, sachant que j’allais arriver. Comment le savait-il ? Je l’ignore, mais peu importe. Toujours est-il qu’il m’a dit…

– Parle, Fandor.

– Eh bien, déclara enfin Fandor, il m’a dit, prouvé, non seulement que Fantômas gravite autour de nous depuis déjà plus de quinze jours à Paris, mais encore ce que nous ignorions, il a ajouté : Fantômas est le baron Stolberg.

– Évidemment.

– Quoi, cela ne vous surprend pas, Juve ?

– Non, Fandor, fit le policier, car nécessairement Fantômas devait être le baron Stolberg et cela nous donne la clé du mystère. Oui, poursuivit Juve en se levant, tout s’explique désormais. Fantômas a dû manigancer cette affaire de longue date, il a surpris, connu vos projets, monseigneur. Il a su dans quel esprit généreux, élevé vous aviez décidé de faire passer pour morte votre nièce Mercédès, afin de la sauvegarder. Il a facilement identifié la personnalité de Mlle de Gandia, avec celle de la pierreuse connue dans le monde des apaches sous le nom de La Recuerda. Il a su que, vivante, elle était propriétaire d’une immense fortune et il s’est dit ceci : je l’épouserai, j’en ferai ma femme, je deviendrai, par suite, le propriétaire de ses biens inestimables dont hérite actuellement l’infant d’Espagne et qu’il sera obligé de restituer s’il est démontré que sa nièce est vivante. Fantômas, alors, sous divers déguisements, a organisé toute son affaire. N’osant pas vous accuser au grand jour d’avoir faussement enterré Mercédès de Gandia, il a inventé le fantôme du cimetière Montmartre, et, tout en commettant les vols et les crimes sous le couvert de cette apparition, il a, en semant l’épouvante au pont Caulaincourt, attiré l’attention générale sur la tombe de la jeune princesse, et obtenu ce qu’il voulait, à savoir : les aveux de Barnabé et l’ouverture du cercueil.

– Et, poursuivit l’infant abasourdi par ces révélations qui ne laissaient rien dans l’ombre, j’ai été moi-même au-devant de ses désirs en faisant annuler l’acte de décès de Mercédès de Gandia. Dès lors, plus rien ne s’oppose au mariage de Mercédès de Gandia avec le soi-disant baron Stolberg.

Fandor, qui, depuis quelques instants, écoutait avec une surprise croissante les déclarations de Juve, ne put s’empêcher d’interroger :

– Mais, que chantez-vous là ? Fantômas a l’intention d’épouser la nièce de don Eugenio ?

– Tais-toi, fit Juve, je t’expliquerai plus tard ce que tu ne comprends pas.

Puis, serrant les poings, le policier se tourna vers l’infant et déclara :

– Nous empêcherons ce mariage, monseigneur !

À ce moment, la sonnerie du téléphone retentit. Don Eugenio se précipita sur l’appareil.

– Allô, allô, oui, c’est moi. Ah mon Dieu, murmura-t-il, ce n’est pas possible ! Si. Que dites-vous ? j’entends bien, en effet. Ah, mon Dieu !

À l’autre bout du fil, hélas, on parlait en espagnol, mais Juve connaissait suffisamment cette langue, pour comprendre. Lorsque la conversation fut terminée, les deux hommes se regardèrent.

– Eh bien ? interrogea Fandor, furieux d’être ainsi laissé à l’écart, me direz-vous ce dont il s’agit ?

Juve se tournait vers lui :

– Il y a, fit-il, que l’on vient de téléphoner à Son Altesse du consulat d’Espagne, pour l’informer que deux personnes venaient d’apporter leur certificat de mariage, célébré ce matin même à la mairie du VIIIe arrondissement. On a cru devoir en avertir don Eugenio, car il s’agit de Mlle Mercédès de Gandia qui vient de s’unir légalement au baron Stolberg.

– Comment est-ce possible, demanda Fandor ?

– Mercédès de Gandia, orpheline, émancipée et majeure depuis quelques mois déjà, avait parfaitement le droit de s’unir sans solliciter le consentement de personne. Quant à Fantômas, il a dû produire des papiers parfaitement en règle pour que l’union du baron Stolberg soit des plus régulières.

Juve paraissait désespéré.

– C’est fait, déclara-t-il, nous arrivons trop tard !

Mais don Eugenio sursauta :

– Peut-être pas, fit-il. Si la loi française ne reconnaît que le mariage civil, la loi espagnole veut, pour que l’union soit régulière, qu’il soit accompagné du mariage religieux.

Juve se précipita sur le téléphone, redemanda le consulat d’Espagne :

– Fantômas, grommelait-il, doit ignorer ce détail.

Lorsqu’il eut la communication, le policier la passait à don Eugenio :

– Demandez-leur, dit-il, s’ils n’ont pas connaissance d’une cérémonie religieuse quelconque.

L’infant posa la question, puis lâcha l’appareil, et d’une voix blanche, il murmura :

– Fantômas a pensé à tout, il se marie aujourd’hui à midi précis à l’église de la Madeleine.

Juve bondit, mais Fandor consulta sa montre :

– Onze heures trois quarts, déclara-t-il, peut-être avons-nous encore le temps !

***

C’était une belle matinée de printemps et un soleil radieux illuminait la ville. La circulation intense des boulevards fut soudain arrêtée pendant quelques minutes, alors que toutes les horloges du voisinage marquaient midi. Un long cortège de voitures arrivaient au grand trot devant l’église de la Madeleine, sur les marches de laquelle on avait déployé un vaste tapis rouge. Le porche de l’église était orné de plantes vertes et de superbes gerbes de fleurs qui répandaient à l’entour de délicieux parfums. Par la grande porte de l’église, ouverte à deux battants, on apercevait la nef, toute scintillante de cierges allumés, cependant que les grandes orgues entonnaient une marche nuptiale. Une foule assez nombreuse était déjà dans le chœur de l’église et attendait avec impatience, semblait-il, l’arrivée du cortège. Depuis quelques instants déjà, à la foule des invités et des curieux deux hommes s’étaient mêlés, qui éprouvaient une vive émotion : c’étaient Juve et Fandor.

Le journaliste et le policier, un quart d’heure auparavant, s’étaient précipités comme des fous hors du somptueux hôtel de l’infant d’Espagne. Ils avaient la chance de trouver tout de suite un taxi-auto qui les conduisait à toute vitesse à l’église de la Madeleine et ils y pénétraient quelques instants avant l’arrivée du cortège. Ils avaient interrogé les suisses à l’entrée de l’église, on leur avait répondu qu’il s’agissait bien du mariage de M. le baron Stolberg avec Mlle Mercédès de Gandia. Et dès lors, Juve et Fandor s’étaient regardés, interdits, stupéfaits, car ils s’attendaient peu à cette réponse.

Certes, ils croyaient à l’audace de Fantômas, ils connaissaient par expérience la folle témérité du bandit, mais jamais ils n’auraient imaginer qu’il serait assez audacieux, assez fou, pour risquer une pareille aventure et venir se marier ainsi à la face de tous, sous le nom qui le déguisait à peine, de baron Stolberg.

Juve et Fandor, lorsqu’ils faisaient le trajet d’Auteuil à la Madeleine, avaient, après discussion, conclu que cela était impossible. Ils avaient supposé qu’en arrivant à la Madeleine, ils verraient les prêtres unir un tout autre couple.

Or, ils avaient été détrompés. C’était bien le mariage du baron Stolberg et de Mercédès de Gandia que la religion catholique allait consacrer. Juve s’était avancé le plus près possible de l’enceinte réservée aux futurs époux et à leur famille. D’un œil fixe, il considérait les deux fauteuils dorés à parements de velours avancés sur la nef au pied du chœur, et dans lesquels, d’ici quelques instants, les mariés viendraient prendre place.

Juve frémissait de tout son être. Fandor serrait les poings. Les deux hommes, anxieux, attendaient.

Cependant, à l’entrée de l’église, le cortège s’était formé. Juve et Fandor voyaient alors, cependant que l’église s’emplissait de chants superbes, un spectacle extraordinaire : la mariée paraissait la première au bras d’un vieil homme que le policier et le journaliste ne connaissaient aucunement. Ils le regardèrent d’ailleurs fort peu. Leur attention se fixait sur la future épouse du baron Stolberg et tous deux demeuraient interdits, plus troublés qu’auparavant, plus perplexes aussi. L’un et l’autre connaissaient Mercédès pour l’avoir vue à maintes reprises et dans les circonstances les plus diverses. Certes, la future épouse baissait la tête, dans une attitude si recueillie qu’il était impossible de distinguer les traits de son visage que dissimulait d’ailleurs un long voile, mais rien, dans sa silhouette, dans sa tournure, ne rappelait la fiancée. Mercédès était fine, menue, élégante, gracieuse, la mariée, au contraire, était grande, carrée d’épaules, sans grâce et vraisemblablement sans charme. Était-il possible qu’une robe nuptiale modifiât à ce point la silhouette d’une femme ?

La surprise de Juve et Fandor allait en s’accroissant. Derrière l’épousée, au bras d’une dame également inconnue d’eux, s’avançait un homme en habit, le fiancé, le futur mari, le baron Stolberg à coup sûr.

– Eh bien, non, déclara Fandor, ça n’est pas lui. J’ai vu bien des fois Fantômas et il ne saurait, en aucune façon, se donner l’allure de ce jeune homme fluet, mince, aux mains petites, à la peau délicate.

Juve avait la même impression :

– J’ai vu une fois Fantômas en baron Stolberg, ce n’est pas lui.

La cérémonie, toutefois, commençait. Les membres du cortège s’étaient installés dans l’enceinte réservée à la famille, et il semblait à Juve, que, volontairement ou non, tous ces gens en s’asseyant se serraient les uns contre les autres, semblaient faire une sorte de barrière, séparant du public les deux futurs époux qui venaient de s’installer dans les grands fauteuils qui leur étaient réservés.

Au dehors, les cloches sonnaient à toute volée, cependant que, dans la grande nef, tout embaumée d’un encens qui montait en nuages floconneux et épais vers les voûtes, la cérémonie commençait. Les prêtres, selon l’ordonnance, s’étaient avancés un par un et l’officiant, revêtu de ses plus beaux vêtements du culte, commençait les rites sacrés, assisté de deux enfants de chœur.

Cependant qu’on célébrait la messe, Juve et Fandor, de plus en plus interloqués, s’interrogeaient à voix basse :

– Ce ne sont pas eux, murmurait Fandor.

– Ce sont eux. Regarde plutôt derrière toi, regarde !

Et, d’un geste imperceptible, le policier montrait à Fandor, perdus dans l’assistance, quelques silhouettes suspectes de gens mal famés, d’êtres mal réputés, la bande de Fantômas. Et Juve poursuivit :

– Nous ne savons pas où est Fantômas, mais Fantômas est là. Chaque seconde qui s’écoule nous rapproche du moment fatal où le mariage du baron Stolberg avec Mercédès de Gandia sera définitivement consommé, tant au point de vue de la loi française que de la loi espagnole. Or, nous avons juré à don Eugenio que nous empêcherions cette sinistre aventure de se produire : nous l’empêcherons à tout prix.

– Juve, murmura Fandor qui, du coin de l’œil suivait les diverses étapes de la cérémonie, cela va être fait. Le prêtre s’approche d’eux. Il leur donne une bague. Juve que faites-vous ?

Fandor poussa un cri qui fit se retourner l’assistance. Le policier avait bondi. Avec violence, il écarta les gens qui lui barraient le passage, fonça sur la haie d’individus qui, dans le chœur, constituaient une barrière vivante le séparant des deux époux. Et Fandor s’élançait derrière lui, sans savoir ce qu’ils allaient faire, mais n’ayant à ce moment qu’un but, qu’une pensée, agir comme agirait Juve, lui prêter main forte.

Le prêtre s’était reculé, il balbutia encore machinalement quelques paroles, celles qui consacraient l’union définitive. Les deux époux, rapidement, avaient échangé leurs bagues, leur mariage était achevé. Mais, à ce moment, Juve se précipitait sur l’homme qui jouait le rôle de l’époux et l’appréhendait par le bras.

– Au nom de la Loi, déclara-t-il.

Le policier n’acheva pas. C’était, dans l’église, une clameur immense, une bousculade insensée. Tout le monde se précipita, des cris retentirent :

– Au voleur ! à l’assassin ! c’est un fou. Au secours !

Fandor, toutefois, avait eu le temps de voir ce qui s’était passé. Plus rapide que l’éclair, au moment où Juve avait bondi sur le futur époux, la mariée, sortant de dessous son voile un poignard, en avait frappé le policier. Elle visait au cœur. Juve, par bonheur, n’avait été atteint qu’au bras. Mais le voile s’était soulevé, et Fandor, malgré son audace, en apercevant le visage de la femme, avait reculé d’effroi. Mais il réagissait aussitôt, se précipitait sur la mariée au moment où elle s’enfuyait, il la retenait par sa robe, celle-ci se déchira. Et alors, on vit dans le chœur de l’église de la Madeleine, un spectacle inoubliable, extraordinaire et stupéfiant : la robe entière de la mariée se détachait, le voile tombait aussi, et, sous ce pur vêtement, apparaissait une silhouette noire, celle d’un homme enveloppé d’un long maillot qui moulait les formes de son corps. D’un geste brusque, il avait abattu sur son visage un loup noir qui lui masquait les traits.

Mais, quoique le geste eût été rapide, Fandor avait reconnu le Monstre, et il hurlait :

– Fantômas !

Et, dès lors, il comprenait. Décidément, l’ingéniosité du bandit était invraisemblable, inépuisable. Oui, Fantômas avait tout prévu. Il s’était douté que, peut-être, ses adversaires seraient là au moment où il accomplirait l’acte le plus audacieux de sa formidable carrière : son mariage avec la nièce de l’infant d’Espagne.

Et, pour les induire en erreur une fois de plus, il avait revêtu des vêtements de femme, une robe de mariée. Cependant que Mercédès de Gandia, travestie en homme, jouait à côté de lui le rôle du baron Stolberg.

– Fantômas ! répéta Fandor.

Et il se précipita sur lui, mais le bandit, avec une agilité surprenante, avisant un lustre au-dessus de sa tête, s’y cramponna, y grimpa avec une souplesse de gymnaste consommé.

La silhouette noire de Fantômas se perdit un instant dans le scintillement des cierges allumés auxquels se mêlaient des ampoules électriques, puis, ce fut soudain un vacarme épouvantable, cependant que, d’une hauteur de deux mètres environ, un bolide lumineux s’écroulait à terre, tombant sur Mercédès de Gandia qu’il écrasait. C’était le lustre qui venait de se détacher, arraché de son câble soit par le poids de Fantômas, soit parce que celui-ci, calculant son but, en avait tranché la corde.

Les invités, terrorisés, abasourdis, auxquels se mêlaient de nombreux complices de Fantômas, assistaient encore à un spectacle plus extraordinaire.

Rapidement, Fantômas s’enlevait au bout du câble où pendait le lustre quelques instants auparavant. Il montait vers les voûtes avec la plus grande facilité. En effet, les lustres des églises sont soutenus par des contrepoids, et dès que Fantômas, plus léger que le lustre, s’agrippait à la corde, celle-ci, grâce aux contrepoids, montait jusqu’au sommet des voûtes.

Par deux fois, Fandor déchargeait sur le terrible bandit son revolver dont la détonation résonna sous l’église sonore. Mais il était si tremblant qu’il manqua son but. Un éclat de rire strident lui répondit, cependant qu’une voix terrifiante, pleine de menace, une voix tragique comme celle du Jugement Dernier, hurlait du haut de l’église :


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