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Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
  • Текст добавлен: 26 сентября 2016, 16:38

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Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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11 – QUE VOULAIT LE D. 33 ?

L’un après l’autre, tous les trois, le major, la sentinelle et le gardien de l’aile D, étaient arrivés dans le petit vestibule aux allures de parloir misérable qui attenait au cabinet de M. Van den Goossen, directeur du bagne de Louvain.

Les trois hommes faisaient piètre figure.

La sentinelle qui, pour une fois, avait laissé ses armes au corps de garde et ne savait où mettre ses mains, soulevait perpétuellement son képi pour se gratter le front.

Près d’elle, les deux gardiens échangeaient des regards atterrés d’abrutis.

– Quoi c’est qu’on t’a dit ? interrogea le major.

– Tout simplement que M. le directeur me demandait, qu’il voulait me parler au sujet du D. 33,

– C’est comme moi. On ne m’a pas donné d’autres explications.

La sentinelle s’approchait des deux hommes :

– Ah, bon Dieu de malheur, s’exclama le soldat, c’est tout de même pas de veine que je n’aie pas pu le dégringoler d’un coup de fusil.

– Oui, opinait le major, maintenant on n’aurait pas d’histoires. Tout se serait parfaitement passé, et même tu toucherais demain matin la prime d’évasion.

La porte du cabinet directorial s’ouvrait, M. Van den Goossen apparut en personne.

– Allons, entrez.

À son invitation, les deux gardiens et le soldat pénétrèrent dans la pièce assez élégante qu’était le bureau de M. Van den Goossen.

Le digne M. Van den Goossen se jeta sur un fauteuil dont les ressorts grincèrent sous son poids. Il s’écria :

– Alors, maintenant les prisonniers font ce qu’ils veulent ! Ils grimpent sur les murs. Ils s’évadent. Ils rentrent dans la prison. Ils en ressortent. Ils vont et viennent. En toute liberté. C’est la nouvelle consigne ?

Le directeur de plus en plus en colère avait soulevé sur son bureau un lourd presse-papier de bronze qu’il laissa retomber.

– C’est inimaginable ! Enfin, gardien, racontez-moi exactement comment les choses se sont passées.

Le gardien rougit, pâlit, se pencha en avant pour examiner le bout de ses pieds, puis se renversa en arrière :

– Monsieur le directeur, commença-t-il, moi, je n’ai fait qu’accomplir mon service. Et voici comment. Tout à l’heure, à neuf heures du soir, comme je faisais ma ronde, aile D, et que par les « espions » je surveillais les prisonniers, j’ai été avisé par le D. 33 qu’il était souffrant, il se plaignait de terribles crampes d’estomac.

– Eh bien, c’est excessivement simple. Il fallait prévenir le major et le conduire à l’infirmerie.

– C’est bien ce que j’ai fait, monsieur de directeur.

– Et alors ?

– Alors, monsieur le directeur, une fois le major prévenu et l’un de mes collègues mis en garde à ma place, j’ai ouvert la cellule et j’ai invité le D. 33 à venir à l’infirmerie.

– Bon. Après ?

– Après, monsieur le directeur, nous sommes sortis de l’aile D, et pour gagner l’infirmerie, mon prisonnier et moi, nous avons longé le mur d’enceinte.

– C’était votre chemin, je le reconnais, et ensuite ?

– Ensuite ? Monsieur le directeur, voyez-vous, c’est à ce moment-là que le malheur a commencé. Voilà-t-y pas que, tout d’un coup, pendant que nous marchions côte à côte le long du mur d’enceinte, je vois le D. 33 qui sursaute à la façon d’un homme qui a une vive émotion. Et puis, avant que j’aie eu le temps de me reconnaître, vlan ! je reçois une bourrade à l’épaule. Une bourrade, sauf votre respect, qui m’envoie m’aplatir par terre.

– C’est le D. 33 qui vous la donne, cette bourrade ?

– Oui, monsieur le directeur, c’est le D. 33 qui me la donne, et je vous assure qu’il ne perd pas son temps. Je ne suis pas encore par terre, monsieur le directeur, que je le vois qui prend sa course comme un fou. Il s’élance en avant, il s’approche du mur d’enceinte. Je ne suis pas relevé qu’il a saisi une corde, une corde lisse qui pend là, et en deux temps trois mouvements, il est sur le mur, sur le sommet et il a retiré la corde.

– Alors, qu’est-ce que vous faites ?

– Qu’est-ce que je pouvais faire, monsieur le directeur ? Il avait retiré la corde, donc je ne pouvais pas le poursuivre. Mais, tout de même, je me mets à crier, à hurler, à gueuler. Ah ouitche ! je vous assure, monsieur le directeur, que ça n’avait pas l’air de l’impressionner beaucoup. Je vous ai dit qu’il était monté en moins de dix secondes sur le haut du mur, sûr comme je vis qu’il n’y est pas resté plus de cinq secondes, le temps de crier trois fois, et je ne voyais plus rien du tout. Du mur d’enceinte, il avait sauté sur le mur de clôture. Moi, naturellement, monsieur le directeur, quand je ne l’ai plus vu, je me suis sauvé comme un voleur pour aller donner l’alarme au poste. Et voilà tout.

Le directeur ronchonna quelque chose d’indistinct, puis, brutalement, interrogea le soldat :

– Et vous ? qu’est-ce que vous savez ? À quoi sert-il que vous soyez de garde si vous n’êtes même pas capable d’empêcher un prisonnier de se sauver ?

Le soldat se gratta la tête.

– Mais, monsieur le directeur, protesta-t-il, c’est tout de même moi qui l’ai empêché, en l’empêchant pas et en l’empêchant tout de même.

– Expliquez-vous.

– Eh bien, voilà la chose. Monsieur le directeur. J’étais de garde dans le chemin de ronde, entre les deux murs, le mur d’enceinte et le mur de clôture. Bougez pas, m’avait dit le caporal, surtout ne bougez pas, seulement levez la tête tout le temps parce que si un détenu se sauve, il faut que vous lui tiriez dessus.

– Et vous n’avez pas osé tirer sur le D. 33 ?

– Pardon, excuse, monsieur le directeur, j’aurais très bien osé, seulement j’ai pas eu le temps.

Et s’échauffant à son tour, le malheureux militaire expliqua :

– Il y avait déjà une heure et demie que j’étais de garde. Je ne voyais rien. Tout était tranquille. Je ne pensais même pas à grand-chose. Et puis, tout d’un coup, voilà que j’entends de l’autre côté du mur d’enceinte, des hurlements, des cris, des jurons, des appels. Bref, un raffut du diable. Bon, que je me dis, y en a encore un qu’est en train de s’empoigner avec les gardiens. Ça ne me troublait pas autrement, vous comprenez. Et puis tout d’un coup, ah sapristi, monsieur le directeur, ça m’en a fait une émotion ! je vois un grand diable qui est pour ainsi dire à cheval sur le mur d’enceinte. Oh, que je pense, ça devient grave. Bien sûr, je ne me trompais pas, l’individu en moins de rien court sur le mur et je le vois qui empoigne quelque chose, une corde qui était jetée du mur d’enceinte sur le mur de clôture. Cette corde-là, monsieur le directeur, ça faisait comme qui dirait un pont pour passer. L’homme la suit comme un gymnaste : en deux secondes, il était sur le faîte du mur de clôture.

– Et vous ne tiriez toujours pas ?

– J’aurais bien tiré, monsieur le directeur, mais il allait vite, le bougre. Et puis je ne voyais pas clair. Je me disais : c’est-y un détenu ? c’est-y un gardien ?

– Imbécile. Et alors ?

– Alors, ça c’est le plus étrange ! Tandis que je l’ajustais avec mon mousqueton, prêt à le descendre ni plus ni moins qu’un lapin, voilà qu’il me crie : « Fais donc pas feu, espèce de tourte, tu vois bien que je reviens. » Et c’était la vérité vraie, monsieur le directeur, il revenait. Je le vois qui repasse au-dessus du chemin de ronde, qui remonte sur le mur d’enceinte, et puis qui prend son élan, qui saute…

Le soldat n’ajouta rien à son récit. Il avait l’air de ne pas comprendre ce qu’il disait.

Pour le directeur, après avoir haussé les épaules deux ou trois fois, il se tourna vers le gardien-chef :

– Et vous, major, qu’est-ce que vous savez ?

– Moi, monsieur le directeur, ne pensant qu’à mon service, je suivais le mur d’enceinte bien tranquillement, dans le sens opposé à celui où venait le D. 33 et son gardien. Je ne les voyais pas encore. Ils étaient masqués par les bâtiments. Et puis, subitement, à l’improviste, j’entends crier, j’entends hurler ! Devant moi ou derrière moi ? Ma foi, je n’en savais rien. Naturellement, je m’arrête, je cherche à m’orienter, à deviner ce qui se passe. Et voilà que pendant que je réfléchis, j’entends au-dessus de ma tête, à ma hauteur, un bruit extraordinaire. Le temps de me détourner, monsieur le directeur, et crac, j’aperçois le D. 33 qui saute du mur d’enceinte à mes côtés. Il a fait un bond formidable. Il y avait de quoi être surpris, vous pensez bien.

– En effet. Et alors ?

– Oh alors, monsieur le directeur, ça ne traîne pas, comme vous pensez. À peine le D. 33 est tombé devant moi, tombé du ciel pour ainsi dire, que je me précipite sur lui, que je l’empoigne, que je le couche par terre. « Bouge pas que je lui crie, ou je te casse la figure ». Et je l’aurais fait, monsieur le Directeur, je ne m’en cache pas.

– Le D. 33 s’est débattu ?

– Non, pas du tout, monsieur le directeur. C’est même ça qui m’a le plus surpris. Il s’est laissé coucher sur le sol comme un enfant. Il n’a rien dit du tout. Alors, j’ai appelé le gardien, mais comme il vous l’a dit lui-même, à ce moment-là, le gardien était occupé à donner l’alarme au poste. Ne comprenant rien à ce qui se passait, j’ai pris le D. 33, je l’ai ramené dans sa cellule. J’étais en train de faire une rapide enquête quand vous m’avez demandé.

– Et vous ne savez rien de plus ?

– Rien de plus.

– C’est incompréhensible, murmura le directeur, c’est ahurissant ! Si le D. 33 avait voulu s’évader, une fois parvenu sur le mur de clôture, rien ne lui était plus facile que de sauter hors de la prison. Donc il n’a pas voulu s’évader, mais alors, pourquoi ce commencement de tentative d’évasion ? Pourquoi est-il monté sur ces murs ? Qu’est-ce qu’il dit maintenant ?

– Il dit, répondait le major, qu’il a horriblement mal à la tête et qu’il ne se rappelle rien.

– C’est peut-être bien que le D. 33 a eu une attaque de fièvre chaude ?

– Et la corde lisse, la corde lisse qui était là à point donné, vous l’oubliez ?

– Oh la corde, protestait le major, cela ne prouve pas grand-chose. Justement on répare le chemin de ronde, c’est peut-être bien les ouvriers qui, sans penser à mal l’ont laissée traîner là.

Et le major, qui peut-être ne voulait pas s’attarder à parler de la corde qu’une surveillance plus active aurait permis de déceler, se dépêcha de demander :

– En tout cas, monsieur le directeur, qu’est-ce qu’on va faire au D. 33 ? Va-t-on le punir ? Va-t-on le mettre au cachot ?

M. Van den Goossen, précisément, réfléchissait sur la conduite à tenir.

Il interrogea de nouveau le soldat :

– Voyons, d’après vous, sentinelle, est-ce que cet individu aurait pu fuir s’il l’avait voulu ?

– Oh ça, faisait-il, c’est sûr et certain. Il a eu le temps voulu pour sauter au bas du mur. S’il est revenu à l’intérieur de la prison, c’est qu’il l’a bien voulu.

– C’est bien, pour le moment, on ne punira pas le D. 33, car il n’est pas certain qu’il ait voulu s’évader. Vous pouvez vous retirer gardien, et vous soldat. Restez major.

M. Van den Goossen, demeuré seul avec le major, deux minutes plus tard, s’approcha de lui pour lui souffler à l’oreille :

– Écoutez-moi bien, major, je vais obtenir d’ici peu de temps de l’avancement, donc je ne veux pas de scandale, pas d’histoire à aucun prix dans la maison. Ceci dit, je vous avoue que je ne suis pas tranquille quand je songe à la mystérieuse conduite que vient d’avoir le D. 33. Il faut veiller à ce que rien de pareil ne se reproduise. Je vous recommande en conséquence la plus grande vigilance. Tenez à l’œil ce gaillard-là. Faites tous les jours changer ses gardiens. On ne sait jamais.

– Oui, monsieur le directeur, c’est juste, on ne sait jamais.

Or, tandis que les gardiens et la sentinelle étaient interrogés par M. Van den Goossen, Fantômas, le D. 33 songeait, prostré, dans la cellule solitaire.

« Ai-je eu tort ? Ai-je eu raison ? J’avais reçu cet avis : « cavale-toi, on sera là ». Pourquoi n’était-on pas là ? Pourquoi ceux qui me facilitaient mon évasion et qui m’avaient jeté cette corde lisse, manquaient-ils au rendez-vous ? Ai-je été bien inspiré en redoutant un piège, en refusant de m’évader, en revenant à l’intérieur de cette maudite prison ? Ou bien ce bagne sera-t-il mon tombeau ? Mes complices vont-ils à tout jamais renoncer à me sortir d’ici ? Suis-je condamné maintenant, par mes amis comme par mes ennemis, à la détention perpétuelle ?

12 – L’INQUIÉTANT TRIO

Bébé n’était pas content. Bébé, même, était furieux.

L’apache, tout bonnement, se trouvait couché à plat ventre dans l’étroit espace boueux ménagé entre deux tombes. Bébé était dans un cimetière. Quand il levait la tête, il apercevait au-dessus des deux dalles funéraires qui l’entouraient une perspective étendue de croix blanches, de petites chapelles, de cyprès et de saules.

– Avec ça, continuait Bébé, de moins en moins de bonne humeur, avec ça que je suis en train d’arranger mon complet. C’est tout de même dommage, un habit neuf qui m’a coûté des prix exorbitants. Ah sapristi, en voilà que je ne manquerai pas quand ils se trouveront sur mon chemin, les gens du trio. J’en ai marre.

Bébé qui depuis près d’une demi-heure, en dépit du froid, demeurait accroupi, dissimulé derrière les tombes, se releva prudemment.

– Personne, se répéta l’apache, allons tant mieux.

De tombe en tombe, faisant de grands détours, se courbant quand il traversait des avenues, des espaces découverts, Bébé avança encore, traversant le cimetière entier.

– Total, se dit-il encore, le front soucieux et l’air ennuyé, ils ont beau promettre mais j’ai trois puces dans le dos, et le Fantômas ne s’est pas cavalé.

Bébé, après dix minutes de marche prudente, de manœuvres savantes pendant lesquelles il déploya des ruses de Sioux, avait atteint le mur d’enceinte du cimetière.

– Pas de bonshommes dans le paysage, murmurait la crapule, pas de spectateurs pour applaudir l’acrobate. Allons, c’est décidément de mieux en mieux, comme je n’ai pas envie de faire la quête, je me contrefiche du public. Bonne idée tout de même que j’ai eue en venant faire un tour dans le jardin des mangés-aux-vers.

Au lointain, dans la nuit froide, on distinguait les lumières clignotantes de Louvain. À droite, dressée à une hauteur qui semblait prodigieuse dans la nuit, une lumière vacillait.

– Ça, pensait Bébé, qui cherchait à s’orienter, c’est un disque de chemin de fer, j’ai pas besoin d’en tenir compte. Voyons un peu plus sur la gauche.

Une masse noire indécise se découpait à demi sur le fond sombre du ciel.

– Très peu d’aller à cette villégiature-là, songea encore Bébé, c’est la prison. Merci, j’en viens et j’en ai largement ma claque. Voyons plutôt vers la droite.

Sur la droite, il y avait de hautes maisons lointaines déjà groupées près du mur d’enceinte qui entoure la ville de Louvain. Il y avait surtout une sorte d’amas de masures dont la silhouette parut familière à l’apache.

– Allons toujours prendre un verre de vin chaud à Tivoli-Cabaret, ça n’a jamais fait de mal à personne et trois sous de cordial, ça pourrait me faire du bien pour me remonter le moral.

Un quart d’heure plus tard. Bébé était accoudé à une petite table du Tivoli-Cabaret sur laquelle fumait un bol de punch bouillant.

L’apache but à petites gorgées, heureux de sentir la chaleur brûlante du liquide lui pénétrer le corps.

Or, tandis qu’il buvait, Bébé réfléchissait. Mais ses réflexions n’avaient rien de joyeux.

– Ma foi, s’avouait-il, ce que je comprends de plus clair à ce qui s’est passé, c’est que je n’y comprends rien du tout. En somme voilà mon bilan, le bilan de mes opérations. Je peux me le déposer à moi-même, histoire de tâcher d’y mettre un peu de lumière. Donc, depuis trois jours, pour une fois, sais-tu, comme ils disent en ce patelin-ci, y a trois individus qui m’emboîtent le pas, sans me lâcher d’une semelle, sans me permettre de flâner une seconde. Qui est-ce ces trois individus ? Je n’en ai pas la moindre idée. Mais ce dont je me doute, c’est que tout à l’heure, au moment même où après avoir jeté ma corde lisse, j’attendais que Fantômas s’aboule en douce, si je ne m’étais pas retourné j’allais bel et bien être fait par les trois bonshommes. Ah, les salauds.

Et, de rage, à la pensée du danger qu’il avait couru, ou qu’il pensait avoir couru, Bébé tapait à grands coups sur la table.

Que s’était-il donc passé ?

Depuis qu’il entretenait une correspondance mystérieuse avec Fantômas, devenu le D. 33, Bébé vivait dans la crainte perpétuelle d’être surpris, arrêté par quelque policier belge ayant découvert son manège.

Or, au moment précis où Bébé venait d’envoyer la corde par-dessus le mur, il avait distinctement aperçu, à quelques centaines de mètres de lui, trois personnes semblant s’avancer de son côté avec des intentions qui n’étaient que trop faciles à deviner.

Bébé n’avait pas demandé son reste.

– Acre, s’était dit l’apache, v’là la rousse. Paraît qu’y a de l’eau dans le gaz.

Et sans se tenir de plus long discours, abandonnant sa corde, abandonnant même Fantômas, il s’était enfui.

On ne l’avait pas retrouvé, il avait pu sortir sans encombre de la nécropole, maintenant il consommait du vin chaud au Tivoli-Cabaret, tout cela c’était très bien, mais ce n’était pas assez.

À demi rassuré, Bébé se leva :

– Et Fantômas ? Et le trio ? Ah nom de Dieu, il n’y a pas de justice. Je parie bien que Fantômas est encore bouclé et que le trio continue à vouloir me mettre la main sur l’épaule. Demain, pensait l’apache, je tâcherai voir à trouver moyen de télégraphier à Fantômas. Bon, je l’avertirai de la présence du trio, et que ledit trio, ça ne m’encourage pas à continuer mes manigances. Au revoir, monsieur. Fantômas s’arrangera comme il pourra, moi je me tire des pattes. Quitte à revenir dans un mois ou deux pour recommencer à m’occuper du Costaud.

***

À quelque distance de la prison de Louvain, dans une rue montueuse et mal pavée du faubourg, se dressent d’énormes magasins généraux perpétuellement traversés du va-et-vient des charrettes, camions, fardiers, haquets, et ainsi de suite.

Bébé habitait ces magasins généraux. L’apache n’avait pas été long, en effet, à deviner tout l’intérêt que présentait pour lui un semblable emplacement.

– On ne pêche pas une aiguille dans une botte de foin, s’était dit Bébé, c’est bien le diable si l’on me pince dans la multitude de pauvres diables qui turbinent là dedans.

Au-dessus des salles de l’entrepôt proprement dit s’étendaient de vastes greniers. En théorie nul ne devait y coucher, mais en fait l’administration fermait les yeux lorsqu’en hiver quelque pauvre bougre y était découvert, tapi dans la paille tombée d’un emballage. À l’abri du froid, à l’abri du mauvais temps, misérable et peu dangereux.

Bébé installé là le premier jour, ayant apprécié le local, y revenait régulièrement.

Or, cette nuit-là, Bébé ne s’était pas introduit dans le grenier (il était près de quatre heures du matin et les entrepôts à cette heure dormaient presque, désertés par la plupart de ceux qui y avaient à faire) qu’il demeurait figé sur place et claquant des dents.

– Ah nom de Dieu, murmurait l’apache, pirouettant sur lui-même et dégringolant à toute rapidité l’escalier. Nom de Dieu, je ne rêve pas. Les trois bonshommes qui ronflent à ma propre place, c’est les trois types du trio. Ah zut alors, décidément j’en ai marre, je me cavale. Le Fantômas il attendra encore un peu, avant de jouer la fille de l’air.

***

– Nous avons très bien dormi, c’est incontestable, mes chers amis, mais ce n’est pas suffisant. Il faut aviser à faire de la besogne utile, de la bonne besogne et pour cela rédiger une dépêche.

Juve tranquillement, parlant avec l’autorité qui lui était particulière, semblant d’excellente humeur et persuadé que les événements prenaient une tournure excellente, s’entretenait avec Léon et Michel.

– Une dépêche pour qui ? interrompait Léon.

– Vous ne devinez pas ?

– Ma foi non.

– Et vous, Michel ?

– Moi non plus, Juve.

– Eh bien tant pis pour vous. Une dépêche pour Fantômas.

Et comme une stupéfaction passait visiblement dans l’esprit de Léon et de Michel, Juve expliqua :

– Voyons, j’imagine que vous avez bien compris tous les deux ce qui s’est passé hier soir. Bébé, que nous poursuivions depuis quelques jours, s’occupait évidemment, quand nous sommes arrivés, à préparer l’évasion de Fantômas. Bien. À notre venue intempestive, Bébé a pris la fuite, s’est perdu dans les champs et, par conséquent, il n’est pas osé de supposer que Fantômas, en ce moment, doit être malheureux et inquiet, car il est assurément dans la plus complète ignorance au sujet du motif qui a pu amener la non-réussite de son évasion.

Et Juve achevait avec un sourire :

– Tout ceci, mes chers amis, fait qu’il serait de la dernière imprudence et surtout du dernier manque de tact de ne point rassurer Fantômas, c’est pour cela que je veux lui envoyer une dépêche.

Juve riait en achevant ces mots. Léon et Michel, eux, avaient beau faire bonne figure et approuver de la tête, il n’en reste pas moins que les deux agents de la Sûreté ne comprenaient rien aux paroles de leur chef.

– Rédigeons notre dépêche, poursuivait cependant le maître policier.

Juve tira de sa poche une feuille de papier sur laquelle il écrivit quelques mots qu’aussitôt il lut à haute voix.

– Voici ce que je vais télégraphier :

« Profite demain de tout ce que tu trouveras d’anormal autour de toi, rien à craindre. »

Juve, ayant lu, demandait encore :

– J’espère que vous comprenez ?

Puis, devant la mine surprise de Léon et de Michel, il consentit à s’expliquer, cependant qu’il tirait de sa poche une petite glace dont il frotta soigneusement le verre.

– Mon bon Léon, mon excellent Michel, il est exactement dix heures cinq. Fantômas se trouve dans le préau que nous avons sous cette fenêtre. Bien, je lui passe ma dépêche.

Répétant la manœuvre que Bébé avait employée quelques jours avant, Juve, avec une rapidité qui prouvait qu’il n’en était pas à son premier essai de correspondance lumineuse, envoya sur le mur de la prison, formant écran, les reflets de soleil qui devaient permettre à Fantômas de lire la dépêche. Sa besogne achevée, il avait peut-être mis vingt minutes en tout à transmettre son télégramme, Juve se frotta les mains :

– Et maintenant, disait-il, tirant encore de sa poche une extraordinaire barbe grise, et maintenant, Léon et Michel, écoutez-moi bien. Désormais, nous tenons Fantômas. Demain soir, vous n’aurez qu’à vous trouver près de la prison et à surveiller la sortie des gardiens relevés par l’équipe de nuit. Fantômas sera parmi ces gardiens. Vous le reconnaîtrez à cette barbe grise, vous le suivrez et…

– Ah çà, Juve, demandait Léon, mais c’est donc décidé, Fantômas s’évade ? vous le laissez s’évader ?

Juve eut un sourire énigmatique :

– Si je le laisse s’évader ? mais comment donc, je l’y aide.

Et tandis que Léon et Michel, demeuraient muets de stupéfaction, Juve ajouta d’une voix triomphante :

– Écoutez-moi bien, mes bons amis, écoutez bien mon plan. C’est mon tour d’avoir la victoire, c’est au tour de Fantômas d’expier ses forfaits.

Juve conta par le menu à Léon et à Michel l’extraordinaire plan qu’il avait conçu pour arriver à rendre Fantômas à la justice française, et cela en dépit de toutes les conventions diplomatiques réglant les conditions d’extradition.

Tandis que Juve parlait, dans son grenier des Entrepôts Généraux, Fantômas, sa promenade terminée, avait réintégré sa cellule.

Mais, si le prisonnier était sorti tristement sous la conduite de ses gardiens, c’est avec un visage radieux que le D. 33 avait repris son travail.


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