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Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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29 – S. O. S. JUVE

– Où sont les bijoux ? Il me faut les bijoux.

Semblable à un ours en cage, ou pour mieux dire, à un fauve emprisonné, Fantômas allait et venait dans son bureau au Palais de Justice, cependant que le commis-greffier Croupan, absolument abasourdi de l’énervement sans cesse croissant depuis le matin, du juge d’instruction, lui répondait au hasard, en balbutiant des monosyllabes et courait dans tous les sens sans faire la moindre besogne utile. D’un coup de poing sur la table, qui retentit avec une sonorité formidable, Fantômas arrêta net le pauvre commis-greffier.

– Monsieur Croupan, s’écria-t-il, en le regardant, les bras croisés.

– Monsieur le juge ? répliqua le brave homme, au front duquel perlait une sueur d’émotion.

– Monsieur Croupan, reprit Fantômas, fixant le commis-greffier, avez-vous juré de m’exaspérer ? Avez-vous décidé de faire l’impossible pour me mettre hors de moi ? Voici plus d’une heure que je vous demande des pièces à conviction et vous allez, vous venez, dans mon cabinet, dans votre bureau, d’une façon incohérente et désordonnée, à la façon d’un bourdon qui se frappe contre les vitres. Avez-vous perdu la tête ? Êtes-vous ivre ?

– Oh, monsieur le juge sait bien que je suis la sobriété même. Mais ce n’est pas de ma faute, je n’étais pas habitué à m’agiter comme cela du temps de M. Morel.

– Du temps de M. Morel, il ne se passait pas des choses comme il s’en passe maintenant. Voyons, Croupan, donnez-moi ces bijoux.

– Mais ils sont là, monsieur le juge, ils sont là. Voilà dix minutes que je les ai posés sur votre bureau. Ils sont dans cette boîte scellée d’un cachet rouge et fermée par des fils de fer.

– Bien, fit Fantômas subitement radouci.

Mais le bandit ajouta aussitôt :

– Et l’argent ?

– L’argent ? Quel argent ? De quel argent voulez-vous parler ?

– Vous ne comprendrez donc jamais rien, monsieur Croupan ? Si je vous ai demandé les bijoux de l’affaire Chambérieux-Tergall, c’est que j’en ai besoin. Si je vous demande l’argent de la même affaire Chambérieux-Tergall, lequel argent a été volé au marquis et repris sur une fille nommée Rosa, dite Mirette, c’est parce que j’en ai besoin, pour mon instruction, c’est parce que ces pièces à conviction me sont nécessaires pour une confrontation importante que je veux effectuer aujourd’hui même.

– Mais, monsieur le juge, vous savez bien que l’argent a été versé à la Caisse des Dépôts.

– C’est un tort, s’écria Fantômas. C’est un grand tort. Votre patron le greffier ne devait pas se séparer de cette somme sans mes ordres. Comprenez donc que j’ai besoin des billets de banque volés, de façon à les identifier avec les numéros de ceux qui ont été dérobés au marquis de Tergall. Il me faut cet argent, il me faut ces billets.

– Monsieur le juge, comment faire ?

– Débrouillez-vous, Croupan, allez vous entendre avec M. le greffier en chef, je vous donne une heure pour me les rapporter.

Et le brave homme, se faufilant à pas rapides et menus dans les couloirs du Palais de Justice, marmottait en levant les bras au ciel :

– Quelle maison, mon Dieu, quelle maison, plus ça va, et plus le Tribunal a l’air d’un asile d’aliénés.

Fantômas, resté seul dans son cabinet, regarda fiévreusement sa montre.

– Trois heures et demie, fit-il, en se mordant la lèvre, et la marquise qui n’est pas encore là. Va-t-elle venir ? Hier, déjà, elle devait me rencontrer, puis, c’était ce matin, ce matin c’était encore remis à cet après-midi, pourvu que… Mais non, c’est certain. Elle va venir, et elle va venir maintenant, d’une minute à l’autre.

Fantômas prêta l’oreille.

De tous côtés, on percevait des rumeurs insolites dans le Palais habituellement paisible et silencieux. Et en effet le tribunal tout entier était agité, troublé. Les coups de théâtre se succédaient ininterrompus. On avait d’abord eu la veille la surprise d’apprendre que le fameux extradé annoncé de Louvain s’était évadé à la gare de Connerré. Puis, ce matin même, une autre nouvelle plus inattendue, plus confondante encore, avait abasourdi la magistrature locale tout entière. On avait informé le Parquet que l’extradé arrivait par le prochain train, qu’il était bel et bien entre les mains des gendarmes chargés de le conduire, qu’il avait passé la nuit à la prison du Mans, qu’avant la fin de la journée il arriverait à Saint-Calais.

Dès lors, Fantômas avait éprouvé une effroyable inquiétude. Les événements se liguaient contre lui et plus il allait, plus il prolongeait son séjour à Saint-Calais, plus il paraissait enfermé dans un dédale qui se compliquait au fur et à mesure. Ah que ne pouvait-il fuir, disparaître en emportant les fortunes que le hasard combiné avec son adresse lui avait permis de réunir autour de lui. Mais qu’il ne pouvait pas encore effectivement tenir entre ses mains.

Certes, Fantômas avait devant lui, sous les yeux, la petite boîte cachetée de cire dans laquelle se trouvaient les bijoux dérobés par Ribonard au bijoutier Chambérieux. Certes, ces bijoux représentaient une fortune. Elle ne suffisait pas à la cupidité de Fantômas et s’il partait incessamment, comme il l’avait décidé, il prétendait au préalable avoir fait main basse sur l’argent du marquis de Tergall et sur la fortune que sa veuve semblait si disposée à lui abandonner. Le jeu était dangereux. Fantômas se rendait compte que le désir qu’il avait exprimé d’avoir immédiatement à sa disposition ce qu’il appelait : « les pièces à conviction » du procès Chambérieux-Tergall avait étonné le commis-greffier. Le soupçonnait-on par hasard de quelque chose ? Non, cela n’était pas possible, rien n’avait encore transpiré de sa supercherie, mais Fantômas ne s’illusionnait pas et se rendait fort bien compte que d’un moment à l’autre il pouvait être découvert. Lorsqu’il était revenu au Palais, après un rapide déjeuner, il avait fait une rencontre qui l’émouvait au plus haut point. Deux hommes étaient dissimulés dans un couloir obscur, peut-être n’avaient-ils pas vu le faux Pradier, mais celui-ci les avait aperçus dans la pénombre et les avait reconnus. Or, ces deux hommes n’étaient autres que Léon et Michel. Que faisaient-ils là, les inspecteurs de la Sûreté, qui n’étaient plus déguisés en gendarmes comme la veille ?

Un instant Fantômas blêmit. La question se posait nette à son esprit :

– Si je suis à l’heure actuelle démasqué, découvert, dois-je me considérer comme pris ?

Le formidable bandit jetait un regard circulaire autour du cabinet paisible et tranquille dans lequel, depuis quelques semaines, il avait vécu une si extraordinaire existence. Les murs en étaient robustes et épais, l’unique fenêtre donnait sur une cour intérieure. Fantômas machinalement s’en approcha.

– Il y a deux étages, remarqua-t-il, avant d’arriver au sol, et ce sol c’est celui d’une cour, d’une cour fermée de tous côtés. Quant aux toits, ils sont inaccessibles.

Impossible de songer à s’enfuir par là le cas échéant, au surplus, d’ailleurs…

Fantômas n’achevait pas de formuler sa pensée, mais elle se devinait, car le bandit avait remarqué qu’à l’intérieur de la cour se trouvaient des hommes, des ouvriers qui, assurément, ne manqueraient pas de signaler si quelque chose d’anormal se produisait dans leur voisinage. Mais Fantômas reprenait courage.

– Non, se dit-il, il n’y a rien à craindre, j’ai encore devant moi une bonne heure au moins, après quoi, peu m’importe.

Un coup discret fut frappé à la porte du cabinet.

– Entrez, fit Fantômas.

C’était la marquise de Tergall, vêtue de noir, dont le visage fatigué par les émotions et la pâleur accroissaient encore la distinction. Ses traits étaient presque entièrement dissimulés par un long voile de crêpe.

Fantômas courut à elle, les deux mains tendues :

– Ma chère sœur, entrez je vous en prie, asseyez-vous.

Mais la marquise ne répondait point à l’étreinte cordiale que spontanément lui offrait celui qu’elle prenait pour son frère.

– Vous refusez ma main ? interrogea Fantômas, surpris.

La marquise hésitait encore un instant, puis, prenant une résolution, elle abandonnait ses doigts frêles et tremblants à l’étreinte du faux magistrat.

– Qu’avez-vous donc ? interrogea celui-ci, vous paraissez m’en vouloir ?

Antoinette de Tergall, après ce premier mouvement d’irrésolution, s’était ressaisie. La jeune femme releva son voile et fixant ses grands yeux sur ceux du bandit, elle répliqua :

– Eh bien oui, franchement, je vous en voulais…

– Pourquoi donc, Antoinette ?

– Charles, je m’en vais vous le dire.

« Oh, murmura la marquise d’une voix entrecoupée de sanglots contenus, vous m’en voudrez peut-être mais il faut que je vous exprime ma pensée, toute ma pensée. Charles, vous m’avez trompée et je me suis méprise sur votre compte.

La marquise, cependant, précisa :

– Lorsque mon pauvre mari est mort, dit-elle, vous m’avez certes mon cher frère, prêté votre appui, votre concours dans les douloureuses circonstances au milieu desquelles je me trouvais, mais vous m’avez également irrémédiablement blessée dans mon amour-propre et dans mon honneur. Vous m’avez soupçonnée, moi sa femme, moi votre sœur, presque accusée d’avoir assassiné Maxime, mon mari. Et tout d’abord, j’étais tellement désorientée, tellement affolée, que je n’ai su que vous répondre, que je me suis contentée de gémir, de pleurer, d’accepter ce que vous me proposiez. J’ai même fait pis, Charles, je vous ai supplié de ne point révéler à notre entourage nos liens de parenté, afin que vous puissiez rester le magistrat chargé d’enquêter sur la mort mystérieuse de mon pauvre mari. Depuis, je me suis ressaisie. Charles, reprenait la marquise, vous m’avez entendue et comprise, n’est-ce pas, je me suis ressaisie, j’ai réfléchi et j’ai compris. Il faut que la lumière soit faite sur cette affaire, sur la mort affreuse de mon pauvre Maxime. Je ne veux bénéficier ni de votre sympathie blessante, ni de l’obscurité, ni du doute. La vérité doit éclater, elle éclatera. Charles, nous allons dire à tout le monde qui nous sommes, vous vous dessaisirez de l’instruction, on nommera un autre juge à votre place et si celui-là croit bon de m’interroger sur la mort de mon mari, je serai heureuse de lui répondre.

Fantômas essaya de protester :

– Antoinette, vous n’y pensez pas. Songez au scandale, songez…

– Non, fit-elle, n’insistez pas. Ma décision est irrévocable.

– Eh bien, dit Fantômas, il sera fait selon votre volonté.

La marquise, cependant, avait ouvert son sac à main, en avait tiré un gros portefeuille tout bourré de titres et de billets de banque dont la seule vue alluma un éclair de convoitise dans les yeux de Fantômas.

– Que signifie cela, ma chère Antoinette ? Quel est cet argent ?

– Le vôtre, déclara la marquise. Avant de faire connaître au public, au monde, nos relations de parenté, avant de savoir ce qu’il adviendra de vous et de moi, j’ai tenu à ce qu’Antoinette se libérât de sa dette envers son frère Charles. Notre mère m’a laissé un million, dont la moitié vous appartient… Cette moitié, vous la trouverez dans ce portefeuille, et maintenant nous sommes quittes.

– Antoinette, murmura Fantômas qui mourait d’envie de prendre immédiatement le portefeuille, mais qui n’osait cependant le faire trop rapidement.

La jeune femme ne lui répondit pas.

La porte du cabinet s’ouvrit brusquement, cependant que d’un geste instinctif, Fantômas faisait glisser le portefeuille dans un tiroir ouvert qu’il referma aussitôt : le procureur général avait pénétré dans la pièce.

C’est à peine s’il s’aperçut de la présence de la marquise !

– Pradier, s’écria-t-il d’une voix vibrante d’émotion.

– Quoi ? fit Fantômas, interdit, troublé par l’irruption du ministère public.

Le procureur général s’était rapproché du faux juge d’instruction et lui ayant mis les mains sur les épaules, le poussa dans un angle de la pièce.

– Pradier, poursuivit-il, encore du nouveau, un crime vient d’être découvert, un crime abominable, extraordinaire aussi, on a trouvé un squelette humain dans le réservoir d’eau des locomotives à la gare de Bessé-sur-Braye.

À ces mots, Fantômas crut qu’il allait défaillir. Une sueur froide inonda soudain son front, perla à ses tempes, ruisselant sur ses joues. Ses jambes vacillaient car le monstre en effet comprenait à merveille les explications que lui donnait le magistrat.

Ah, certes, il se doutait de l’identité de ce squelette.

D’une voix blanche, Fantômas interrogea :

– Mais qui donc, monsieur le procureur, qui donc a découvert les vestiges de ce squelette ?

– Qui ? murmura le procureur, ah Pradier, ah mon ami, c’est extraordinaire, c’est inimaginable, c’est fou.

– Qui ?

– Qui ? Fantômas.

– Fantômas ? que me dites-vous là ?

– Je répète : Fantômas. Fantômas, c’est-à-dire l’extradé, l’homme que la police amène de Louvain, l’homme que les gendarmes n’ont pas laissé évader, bien que…

Le procureur s’arrêta. D’une voix presque imperceptible, le faux Pradier articula :

– Y comprenez-vous quelque chose ?

– Je n’y comprends rien avoua le procureur. Mais d’ici quelques instants, nous saurons tout. J’ai donné l’ordre qu’on amène d’urgence Fantômas sous bonne garde au Palais de Justice. À tout à l’heure, Pradier, à tout à l’heure.

Fantômas n’avait pas esquissé un geste, il n’avait pas prononcé une parole que déjà la porte de son cabinet se refermait sur le procureur général qui repartait dans les couloirs du Palais. Et Fantômas, abasourdi, cherchait en vain à coordonner ses pensées, à fixer sa ligne de conduite.

Que devait-il faire ? Ce n’était évidemment plus pour lui qu’une question d’heures, et même une question de minutes. Il se comprima la tête entre les mains. Quel pouvait être cet extradé ? Que dissimulait encore ce confondant mystère ? Il était bien près de comprendre, de deviner. Mais il ne voulait pas voir clair. Il prétendait nier l’évidence. Et si grande était l’indomptable énergie du sinistre bandit qu’il reprenait son calme par un effort suprême de volonté.

– L’extradé, pensa-t-il, le mystérieux inconnu qui passe pour être Fantômas et qui jusqu’à présent n’a détrompé personne, est amené, m’a dit le procureur, ici même. Donc, dans quelques instants, on l’introduira dans mon cabinet, c’est à ce moment que j’agirai. À moins que, d’ici là, je n’aie disparu.

Et Fantômas jetait un regard de triomphe sur la marquise de Tergall qui, en proie à de douloureuses réflexions, demeurait effondrée dans un fauteuil, se rendant à peine compte de ce qui se passait autour d’elle.

Fantômas se rapprocha d’elle lentement.

– Il faut, pensait-il, que je m’en débarrasse.

Et dès lors le visage du bandit avait repris tout son calme, son admirable impassibilité.

Si Fantômas avait pu voir la scène qui se passait de l’autre côté du mur de son cabinet, il aurait été bien plus inquiet encore.

Dans le couloir, en effet, que traversait rapidement le procureur général pour retourner au Parquet, Jérôme Fandor attendait.

Le journaliste arrêta le haut magistrat, et lui prenant le bras, l’interpella :

– Monsieur le procureur, des drames épouvantables se passent ici, qui vont avoir tout à l’heure, si vous m’en croyez, leur dénouement. Un grand coupable est sur le point d’être pris, il ne tient désormais qu’à vous de procéder à son arrestation et de débarrasser le monde de cet être effroyable.

– Que voulez-vous dire ? interrogea, stupéfait, le procureur, qui lisait dans les yeux de Fandor que le jeune homme ne plaisantait pas.

– Je veux dire, poursuivit le journaliste, que Fantômas est à votre merci, à une condition, à une seule.

– Mais, monsieur, fit le procureur, je le sais aussi bien que vous, Fantômas, amené sous bonne garde va être ici d’un instant à l’autre.

Fandor hocha la tête, grommela des paroles inintelligibles, avant de reprendre :

– Fantômas, oui, sans doute, mais cependant écoutez, monsieur le procureur général. Je vous en supplie, croyez-moi. Je ne peux pas tout vous expliquer, et puis vous seriez tellement stupéfait, d’abord ce serait trop long. Mais jurez-moi une chose. Jurez-moi que dès que l’extradé sera au Palais de Justice, c’est vous qui le recevrez le premier, avant toute autre personne, avant le juge d’instruction surtout.

– Mais, monsieur.

– Jurez, monsieur le procureur général. Je vous en supplie à genoux, il y va peut-être de votre vie.

Interdit, le magistrat considérait Fandor les yeux hagards.

Décidément, dans la paisible localité de Saint-Calais il ne se passait plus que des choses étranges.

Le procureur général, toutefois, n’hésita pas à répondre à Fandor dans le sens que les journaliste désirait. Au surplus, il était tellement intrigué que l’idée d’interroger le premier l’extradé, ne lui déplaisait pas autrement.

– Monsieur Fandor, fit-il, c’est entendu, je serai le premier à le voir.

***

Cependant, la marquise, à laquelle Fantômas avait tendu une main hypocritement cordiale, s’était lentement relevée.

– Adieu, Charles, murmura-t-elle. Jusqu’à la clôture de l’instruction que votre remplaçant ne manquera pas d’ouvrir, je ne veux point vous voir, je me refuse à vous rencontrer. Hélas, en me soupçonnant, vous m’avez fait au cœur une plaie qui saignera longtemps. Mais je vous aime, car vous êtes mon frère, et je sais aussi toute l’affection que vous éprouvez pour moi. Je souhaite que Dieu vous épargne des épreuves nouvelles et qu’il nous permette dans un prochain avenir de nous retrouver ensemble l’un en face de l’autre, amis sans arrière-pensée, et tous les deux lavés de tout soupçon.

– Ainsi soit-il, murmura Fantômas, d’un ton énigmatique, cependant que, modérant à peine son impatience, il reconduisait la jolie veuve hors de son cabinet.

Sur le seuil la marquise de Tergall se heurta presque au commis-greffier qui revenait hors d’haleine.

Le brave Croupan s’effaça poliment pour laisser passer la marquise. Puis il entra dans la pièce.

– L’argent ? demanda Fantômas qui, au fur et à mesure que le temps passait, trépignait d’impatience, perdant toute mesure.

– Je l’ai, déclara le commis-greffier qui jeta sur le bureau du magistrat une liasse de billets soigneusement empaquetés.

Fantômas, déjà, s’en approchait avec un air de triomphe. Enfin, il la tenait, cette fortune, et il l’avait complète. Cinq cent mille francs de la marquise de Tergall, deux cent cinquante mille francs rapportés par le commis-greffier, plus les bijoux, c’était au bas mot un million, un million avec lequel dans deux minutes, dans trois au plus, Fantômas allait disparaître, s’enfuir.

– Allez donc voir dans la pièce à côté, ordonna-t-il au commis-greffier.

Mais celui-ci l’avait interrompu :

– Monsieur le juge, il arrive, il est arrivé.

– Qui donc ?

– L’extradé !

– Où est-il ?

– Dans le couloir. Je viens de le croiser, on dirait qu’il se rend chez le procureur.

– Chez le procureur, s’écria Fantômas qui, pris d’une inquiétude subite, bondit à l’entrée de son cabinet.

Croupan avait dit vrai.

Le faux Pradier arriva juste à temps pour apercevoir la silhouette du mystérieux extradé entre ses deux gendarmes, extradé que l’on conduisait en effet chez le procureur et que tout le monde croyait être Fantômas. Or, le vrai Fantômas avait reconnu l’extradé de Louvain qui n’était autre que Juve.

– Juve, murmura le bandit, je m’en doutais, j’en étais sûr, c’est Juve qui est là. Mais il me reste encore au moins deux minutes, et, d’ici deux minutes…

Fantômas rebroussa chemin, écartant d’un geste brusque le commis-greffier stupéfait.

Revêtant son pardessus, coiffant son chapeau, il s’apprêtait à fourrer dans ses poches la fabuleuse fortune qu’il avait réunie à portée de sa main lorsque le brave Croupan l’interpella doucement :

– Monsieur le juge sort ?

– Oui, Croupan. J’en ai pour cinq minutes. Un rendez-vous urgent.

Mais Croupan secoua la tête.

– Il n’y a rien à faire, monsieur, le Palais est consigné, cerné de tous les côtés. Nul ne peut le quitter en ce moment.

– Que racontez-vous là ? interrogea Fantômas blafard. Cette consigne que j’ignore ne concerne pas les magistrats.

– Mais si, monsieur, et je viens de l’apprendre à l’instant de l’adjudant de gendarmerie. Personne ne sort, pas même le président du tribunal.

– Pas même le juge d’instruction ? haleta le faux Pradier.

– Pas même le juge d’instruction, répondit le commis-greffier.

Fantômas demeurait immobile, les poings serrés, la gorge sèche.

– Qui a donné cet ordre ? demanda-t-il.

– Je ne sais pas, monsieur, je suppose que c’est M. le procureur général.

La sonnerie du téléphone intérieur qui reliait entre eux les cabinets et les bureaux des divers magistrats retentit soudain, impérative.

Croupan se précipita au récepteur cependant que Fantômas, qui allait et venait dans la pièce comme une bête traquée au fond de son antre, s’arrêta machinalement, l’oreille tendue.

– Allô, allô, dît le commis-greffier, qui, après quelques minutes prit un ton respectueux pour répondre :

– C’est une affaire entendue, oui, monsieur le procureur général. Parfaitement, monsieur le procureur général. Je m’en vais lui faire la commission, comptez sur moi, monsieur le procureur général.

Fantômas interrogea :

– Le procureur me demande ?

– C’est-à-dire, répliqua le greffier en raccrochant le récepteur, que M. le procureur a dit que vous l’attendiez dans votre cabinet. Il arrive dans un instant.

Fantômas était devenu horriblement pale. Qu’allait-il faire ?

Assurément Juve avait parlé, c’est à peine s’il lui restait quelques secondes pour édifier un plan pour se défendre.

On frappa.

– Croupan, fit-il, allez ouvrir.

Le bandit, machinalement, fouillait la poche de son veston, caressant la crosse de son revolver.

– Après tout, se dit-il, il me restera toujours la possibilité…

La personne qui avait frappé, c’était le gardien de la prison.

– Monsieur le juge, dit-il en ôtant sa casquette, me voici.

– Que vous faut-il ? interrogea Fantômas qui, jusqu’au dernier moment, ne voulait point défaillir, ne rien laisser paraître de ses angoisses.

Le gardien poursuivait avec le calme d’un homme qui ignore les événements et ne se doute point qu’il évolue au milieu des drames les plus formidables.

– Je venais, reprit-il, prendre avec vous, monsieur le juge, les dispositions relatives à l’incarcération de Fantômas. Hier soir, M. le procureur m’a fait dire qu’on allait exercer à l’égard de ce prisonnier une surveillance toute spéciale et que c’était à vous qu’il appartenait d’en régler les détails.

Et Fantômas, malgré son trouble, ne put s’empêcher de sourire à l’ironie des choses. Ainsi c’était à lui que l’on venait demander des instructions pour mettre sous bonne garde l’insaisissable Fantômas.

Soudain, son visage s’illumina :

– Asseyez-vous, fit-il au gardien chef de la prison, écoutez.

Puis, comme Croupan demeurait au milieu de la pièce, Fantômas, qui sans doute désirait être seul, ordonna au commis-greffier :

– Vous, allez dans le couloir guetter M. le procureur général, et sitôt que vous l’apercevrez se dirigeant vers mon cabinet, vous viendrez me le dire.

Et, se tournant vers le gardien chef de la prison, Fantômas commença :

– Voici comment vous procéderez. Lorsqu’on vous aura livré Fantômas, écoutez bien…


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