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Том 5. Письма из Франции и Италии
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Текст книги "Том 5. Письма из Франции и Италии"


Автор книги: Александр Герцен



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Собрание на зло Барбесу вотировало тотчас благодарность децемвирам. Барбес остался с десятком своих друзей против всего Собрания. Грустно и задумчиво качая головой, сел он на свое место и замолчал до 15 мая. Замечательно, что ему отвечал один оратор, защищая резню, и этот оратор, рекомендовавшийся Парижу такою речью, был Сенар, представитель руанский и участник в кровавом деле. Кто думал тогда, что этому Фуше, этому Карье достанется печальная слава устроить с Каваньяком и не такую резню!

Отблагодаривши Временное правительство, Собрание назначило исполнительную комиссию из пяти членов (Араго, Гарнье-Пажес, Мари, Ламартин, Ледрю-Роллен), комиссия составила министерство из журнальных поденщиков «Насионаля» и из знаменитого стенографа Флокона. Марраст остался в мэрии и оттуда передергивал людей и подсовывал своих корректоров и батырщиков. Самое жалкое и самое преступное назначение было, без сомнения, назначение Бастида министром иностранных дел – человека тупого, ленивого, без малейшего образования. Луи Блан и Альбер были отстранены от правительства – слово «социализм» делалось уже позорным клеймом в глазах мещан-представителей. Говорили об устройстве особого министерства работ, но Собрание и слушать не хотело. Все демократические клубы вотировали поздравления Луи Блану и Альберу. Члены исполнительной комиссии, напротив, потеряли последнюю популярность выбором министров – на них смотрели как на ренегатов.

Четвертое мая открылось Собрание – десятого оно было ненавидимо всем Парижем, исключая партии «Насионаля». Каждый день ронял его в общественном мнении. Так, например, упорное отвращение Беранже от звания представителя, его письма по этому предмету, исполненные вольтеровской остроты, и необходимость Собрания принять, наконец, его отставку – деморализировало Собрание всею славою любимого народного поэта. После десятого мая все ожидали чего-то, всем казалось невозможным, чтоб эта торговая баня, чтоб толкучий рынок продолжал стоять во главе Франции и Парижа. Журналы были полны укора, в кафе, на улицах все говорили с жаром против Собрания, на площадях и углах собирались всякий день группы, в клубах делались, как говорят, зажигательные предложения, произносились судорожные речи. Так подошло наконец пятнадцатое мая.

Авторские переводы

Lettres d’un Russe de l’Italie*
Réminiscences de 1850-52
Premiere lettre

30 juin 1850

Nice

Me voilà encore une fois à Nice si chaude, si aromatique, si calme et maintenant complètement déserte.

…Il y a deux années et demie, j’avais entrevu Nice, je cherchais alors des hommes, les grands centres de mouvement, d’activité; beaucoup de choses étaient neuves pour moi, m’attiraient, me préoccupaient. Plein d’indignation, je pouvais encore me réconcilier. Plein de doutes, je trouvais encore des espérances au fond de mon cœur. Je me hâtai de quitter la petite ville ayant à peine jeté un coup d’œil distrait sur ses environs si pittoresques. Le bruit solennel del Risorgimento se répandait par toute la péninsule… Je ne pensai qu’à m’arracher au plus vite de Nice pour aller à Rome.

C’était vers la fin de 1847… Maintenant je reviens à Nice, la tête baissée comme le pigeon voyageur de la fable, ne cherchant qu’un peu de repos. Maintenant je m’éloigne des grandes cités, je fuis leur activité incessante, qui ne produit rien de plus en Occident que le désœuvrement nonchalant en Orient.

Après avoir cherché longtemps où m’abriter, j’ai choisi Nice, non seulement pour son air si doux, pour sa mer si bleue, mais aussi parce qu’elle n’a aucune signification politique, scientifique… ou autre. Je répugnais moins à aller à Nice que partout ailleurs. C’était comme un couvent tranquille dans lequel je pensais me retirer du monde – tant que nous serions inutiles l’un à l’autre. Il m’a beaucoup tourmenté, je ne m’en fâche pas,je sais que ce n’est pas sa faute… mais je n’ai plus ni force, ni désir de partager ni ses jeux féroces, ni ses récréations banales.

Cela ne veut pas dire que je me sois fait moine à tout jamais, que je me suis lié par un vœu indissoluble. Le genre humain et moi nous avons quitté l’âge où de pareilles plaisanteries étaient en vogue. J’ai agi beaucoup plus simplement, je me suis écarté prévoyant un long hiver et ne voyant aucun moyen d’empêcher cette morte saison.

Et c’est un bien grand bonheur qu’il y ait encore un coin de la terre – si beau, si chaud – où l’on puisse rester tranquille…

…Quand je pense à l’existence que j’ai traînée à Paris les derniers mois, une agitation pleine d’anxiété s’empare de moi. Ces souvenirs me font la même impression que le souvenir d’une opération récente. Je sens de nouveau l’approche des bistouri et de la sonde.

Depuis matin au soir toutes les fibres de l’âme étaient brutalement froissées. Un coup d’œil sur les journaux, sur les débats de l’Assemblée, sur les rues, suffisait pour empoisonner chaque vingt-quatre heures.

Non. Le royalisme, ni le conservatisme n’ont abaissé ces hommes jusqu’à une telle corruption, au contraire, ce sont les hommes qui ont dépravé le royalisme et le conservatisme à ce point de cynisme éhonté.

Le royalisme est une espèce de religion sociale, il n’exclut ni noblesse, ni dignité. C’est un anachronisme – ce n’est pas un crime. Le conservatisme est une théorie, une manière de voir, c’est le présent considéré au point de vue du passé, il est stationnaire, mais non dénué de pudeur, d’honneur, de probité. Qu’y a-t-il de commun entre les Stafford, les Malesherbe, les tories et ces intrigants ignobles qui surnagent à la surface de la société française? Les députés, les littérateurs, les journalistes du parti de l’ordre se sont tellement confondus avec les instruments les plus vils du pouvoir qu’on n’est jamais sûr, avec qui on a à faire si c’est avec un homme ou avec un espion.

La majorité de l’Assemblée, les journaux réactionnaires sont des organes fidèles non du royalisme mais bien de cette génération de Français qui, née sous le despotisme soldatesque de l’Empire, épanouit la floraison sous le parapluie du roi-citoyen. Cette génération ne croit ni à la monarchie, ni à la révolution, ni au catholicisme, ni à la république… Elle veut jouir en toute sécurité pendant quelques années encore, elle veut exploiter la position le plus longtemps possible.

C’est la doctrine d’Esaü vendant ses droits pour un mauvais potage de lentilles.

Pour exploiter, pour jouir – il leur faut l’esclavage, et ils le désirent avec frénésie, pour que le maître garantisse leur avoir et leurs bénéfices. A ce prix ils ont tendu la main aux polices de tous les gouvernements hostiles à la France, ils ont donné leurs enfants aux jésuites qu’ils détestent.

Jamais on n’a fait tant de sacrifices pour la liberté qu’on en fait maintenant pour l’esclavage!

Les journaux de l’ordre représentent les mouchards comme anges gardiens de la société. Les espions publient leurs mémoires, L’Assemblée Nationale invite l’empereur Nicolas, «cet Agamemnon, ce roi des rois» à mettre fin aux désordres de l’Europe… Le Constitutionnel, La Patrie – c’est quelque chose dans le genre de Justine politique, des élucubrations éhontées, dépravées dans le genre de De Sade et qui n’en diffèrent que par l’objet.

La civilisation n’oblige à rien les conservateurs français; de ce côté ils sont tout à fait libres, complètement émancipés. Sophistes couvrant d’une politesse banale et stéréotypée un fond de dépravation et de férocité sans bornes – ils ont très bien conservé la nature de tigre-singe dont parle Voltaire…

J’ai suivi avec horreur et curiosité… avec cette curiosité mêlée de dégoût que nous sentons lorsqu’on nourrit devant nos yeux un boa-constrictor avec des lapins vivants… les débats sur la déportation.

Je ne parle pas de l’absurdité de condamner à la prison perpétuelle pour des faits politiques accomplis quelques jours après une révolution, lorsque les esprits sont encore agités et les institutions n’ont pas encore acquis de stabilité. C’était un fait hideux, mais un fait accompli. Ce qui est colossal pour moi, c’est qu’il se soit trouvé une réunion d’hommes au nombre de 700 qui ait consenti de retourner après deux années dans les cachots, dans lesquels elle jeta ses propres adversaires, avec l’intention de déculper leur punition!

Il faut savoir ce que c’est qu’une prison française en général. La différence avec Spielberg et la forteresse de Pétersbourg, avec Spandau et Rustadt n’est pas si grande qu’on le pense. C’était une de ces erreurs, par lesquelles les libéraux de l’époque de Louis-Philippe se consolaient eux-mêmes et trompaient le peuple[353]353
  La prison de Chillon sur le Léman, élevée au moyen âge par les ducs de Savoie, est une salle de bal en comparaison du château d’If près de Marseille où l’on faisait suffoquer les insurgés de Juin!


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Mais si les prisons françaises valent bien le Castel S. Elme, la déportation à Nouka-Hiva est bien plus terrible que la Sibérie. Le climat de la Sibérie est très rigoureux, mais très salubre. Les déportés qui ne sont pas envoyés aux mines sont libres dans leur district. Les femmes et les enfants peuvent suivre leur mari, père.

Je n’ai pu comprendre les murmures des honorables législateurs lorsque Pierre Le Roux a dit que «Nouka-Hiva était une Sibérie ardente». C’était à Kisseleff, l’ambassadeur russe, à s’offenser qu’on assimilait la Sibérie à ces piombi de l’océan.

Mais Nouka-Hiva n’était pas encore suffisante pour les ministres et les représentants, ils proposèrent d’élever une prison sur cette île marécageuse, brûlée par le soleil tropical et couverte de mosquittes. Ils veulent avoir une bastille républicaine et équatoriale – pour y envoyer leurs ennemis, même ceux qui étaient déjà condamnés antérieurement.

Lorsqu’un dernier vestige de conscience de justice s’est réveillé chez Odillon Barrot contre cette absurdité juridique, lorsqu’un remord, peut-être, appela à la tribune un général pour proposer une enceinte fortifiée au lieu d’une prison, – c’est alors qu’il fallait voir les Iroquois de l’ordre! Des sons inhumains s’échappèrent pendant le scrutin des lèvres tremblantes de ces vieillards fauves, de ces avocats impitoyables! Ayant perdu les deux points, ils se cramponnèrent au troisième avec la furie d’une louve à laquelle on veut arracher ses petits, et ils le firent passer… «Les familles des condamnés n’ont pas le droit d’accompagner leurs chefs à la déportation – c’est une grâce que le ministre peut refuser. – «Les condamnés politiques, les ennemis de la société n’ont pas de famille», – a dit un des orateurs.

…Et une langue humaine a trouvé, au beau milieu du XIXe siècle, ce siècle de lumière et de civilisation – assez de force pour prononcer publiquement ces paroles! Comment a pu s’élever à cette hauteur de lâcheté le cynisme politique… Je ne le sais, c’est un mystère de l’éducation de ces gens…

Demandez-leur – ils vous répondront qu’ils sacrifient tout ce qui est humain pour défendre la société, la religion, la famille. Comment la défendre, contre qui?.. Une société qui tombe en pièces a son ennemi dans son cœur, dans son sang…

Elle doit être belle pourtant, la société défendue par Thiers.

La religion – défendue par Thiers!

La famille – défendue par Thiers!

Thierus, salvator societatis, redemptor – usurae et proprietatis defensor… ora pro nobis!

Pauvre Jésus Christ! A quels temps de misère es-tu parvenu…

Je dis Thiers… car il est le plus parfait représentant de la majorité, de cette majorité audacieuse en apparence et humble en fait, majorité joviale qui en riant et faisant des phrases déporte des milliers, qui n’a qu’un Dieu – le capital – et son prophète – la rente… n’a d’autre Dieu à côté de lui.

Thiers – causeur inépuisable, léger, superficiel, mutin et aimant l’autorité; libéral et couvert du sang de Lyon; esprit fort qui a dicté les lois de septembre – oui, c’est le type dela majorité rentière! Même son extérieur de vieillard mignon avec de petites jambes dodues, avec un ventre agréable, avec son air de majordome, de Figaro à cheveux blancs – est un idéal – représente très bien la couche grasse qui se répand comme l’huile sur toute la société moderne!

Qu’on ordonne donc au plus vite de couler une statue de Thiers, en airain, une statue avec des lunettes, avec son costume d’été et son sourire de toutes les saisons. Sa place est toute trouvée; il remplacera la danseuse d’opéra sur la colonne de Juillet. A la Place de la Bastille – Thiers; à la Place Vendôme – son empereur. L’époque héroïque de la bourgeoisie allant conquérir le monde et l’époque de floraison de la bourgeoisie jouant le monde à la bourse!

– Tout cela est bien triste, bien déplorable, – me disaient mes braves amis atteints d’une espérance chronique et d’un optimisme incurable, – mais c’est passager; il ne faut pas se méprendre… Attendez un peu; nos ennemis veulent toucher de leurs mains «sacrilèges et liberticides» au suffrage universel. Le peuple se lèvera comme un seul homme pour défendre le plus sacré de ses droits…

Je secouais la tête sans rien dire. Deux mois se sont écoulés. Le suffrage universel est aboli, et pas un homme ne s’est levé. Le peuple est resté dans le calme «majestueux et imposant» qu’on lui prêchait tant, calme, dans lequel reste un homme dévalisé au milieu d’un chemin désert, content de n’être pas assassiné ni estropié.

Mais les hommes frappés d’espérances à perpétuité me rient au nez… «Vous n’y comprenez rien, le gouvernement est tout proche de sa chute… regardez, regardez comme il se penche!..»

Je regarde… Le gouvernement devient de plus en plus stable…

– Mes amis, – leur disais-je, – il tombera, pas le moindre doute; tout passe dans ce monde, et la passion du changement est le bon génie de la France… Mais ce n’est pas par vous ni pour vous que le régime actuel tombera. Le peuple n’est ni pour le gouvernement ni pour vous. La lutte entre les formes gouvernementales ne l’intéresse pas. Il vous suffit, à vous, d’avoir les mots; le peuple ne désire que les choses,votre liberté formaliste ne le tente pas. Le peuple n’est pas avec vous parce que vous devez être avec lui. Vous devez enfin sérieusement l’étudier – non dans les livres mais dans les chaumières, – et non lui – donner son sang pour des essais de révolution expérimentale. Il faut abandonner la vieille routine… ou être prêt à passer à l’état d’anachronisme vivant, de revenants, de rareté historique, paléontologique – comme les légitimistes, les jésuites et autres fossiles.

– Il est beau d’espérer… mais il est diablement utile d’analyser!

Mais je quitte mes amis… pour ajouter encore quelques mots sur Paris.

Il est difficile de s’imaginer de loin ce qui se fait ici. Aucune de ces petites, pauvres garanties, données par le code à l’individu n’existe plus; une terreur policière domine la ville, une terreur féroce et hypocrite qui se tient dans les ténèbres, qui se cache derrière le mur, qui écoute derrière la porte. Les secrets de famille, les confidences amicales, tout tombe dans les mains sales des laquais de l’inquisition laïque. On fait des perquisitions on emporte les papiers – on ne restitue que les notes des tailleurs et des bottiers.

On craint tout le monde… On craint les portiers, les соmmissionnaires, ses domestiques et les trois quarts de ses amis. Les uns dorment ailleurs que chez eux; d’autres portent toujours un passeport visé pour quelque pays libre. Au coin des rues rôdent des figures patibulaires en redingote qui n’est pas faite à leur taille, en chapeau râpé, avec une moustache militaire. Ces êtres reconduisent les passants par leur regard, les suivent, les montrent à d’autres… Ce sont les anges gardiens de la société!

Le soir, des bandes d’espions vont à la chasse des journaux qui n’ont pas l’autorisation de la vente dans les rues. Par de petites ruses, en se parjurant, en mentant, ils parviennent à acheter un numéro de L’Evénement… Ils sifflent alors et d’autres en <…>[354]354
  Оторван край листа. – Ред.


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sieurs embarqués s’élancent sur la petite boutique ou sur la table d’étalage – tout est déchiré, brisé… Une vieille femme, qui perd là son dernier avoir, se lamente, pleure; on la traîne, on la bouscule, on la maltraite et on l’amène à la préfecture avec un enfant demi-nu, qui n’a rien mangé et sur lequel on a trouvé pour trois sous d’ Estafette. Les passants regardent ces scènes dégoûtantes en se taisant… et vont leur chemin, heureux de ne pas être compromis… Tout à fait comme à Varsovie après le triomphe de l’ordre ou à Pétersbourg où l’ordre triomphait toujours.

Et qui est-ce donc celui qui fait to<…>[355]355
  Оторван край листа. – Ред.


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Une société anonyme d’intrigants po[356]356
  Оторван край листа. – Ред.


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, joueurs de bourse, s’appuyant sur la com<…>[357]357
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lique[358]358
  Оторван край листа. – Ред.


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, sur la sympathie de la bourgeoisie <…>[359]359
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par les pirates de la police et les condottieri, écrase, opprime, abaisse la France et reste <…>[360]360
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anonyme! – West-french company!

Dans une tyrannie – sans tyran – il y a quelque [361]361
  Оторван край листа. – Ред.


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de plus dégoûtant que dans l’oppression par[362]362
  Оторван край листа. – Ред.


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monarque. Là, on sait au moins qui haïr – on a une mire…

Cette «Gallican-exploration company» a un chef central de la police – un commissaire des commissaires, un homme qui a obtenu 6.000.000 de votes en mémoire de ce que son oncle opprimait pendant 15 ans le même peuple et parsema les champs de

l’Europe entière de cadavres français pour faire possible la rentrée des Bourbons.

Mais le président n’est pas la cause du mal, il en est le résultat. Le principe morbifique est ailleurs, et d’abord, qui est-il, cet homme?

J’ai eu beau le regarder, je n’ai vu dans ses traits vulgaires,dans ses petits yeux torves, dans son nez d’une ignoble capacité – que des qualités négatives… et c’est ce qui m’a fait peur; c’est pour cela, pensai-je, qu’il sera grand, car il est de son temps.

L’honneur de produire ces hommes fades, effacés, négatifs, sans sexe, sans talents et jouant un rôle historique – appartient exclusivement à notre siècle. J’ai vu de mes propres yeux le roi de Prusse, Pie IX et Louis Bonaparte – ce sont des vanités de la même famille <…>[363]363
  Пропуск в рукописи. – Ред.


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Lorsque j’ai passé le pont du Var, et un carabinier piémontois m’a demandé mon passeport pour l’inscrire, – je respirai avec liberté.

J’ai honte, je rougis pour la France et pour moi-même, mais je l’avoue, le même sentiment s’empara de mon âme lorsque je passai la frontière russe.

Enfin je laissai derrière moi cette contrée de la torture morale, de l’irritation fébrile, d’indignation, de colère. De ce côté du pont je serai étranger à tous, je ne connais pas les intérêts de ces gens, je ne les partage pas; je n’ai rien à faire avec eux, ils n’auront rien à faire à moi. Ici je peux être négativement indépendant, me reposer… jusqu’à ce que la Sainte Hermandade de la police universelle ne commencera sa croisade d’épuration dans le Piémon.

Le carabinier me remit le passeport.

…«Visto da reg. carab. al Ponte Varole il 23 giugno 1850».

Je quittai donc la France le jour de l’anniversaire terrible du 23 juin. Je regardai la montre. Il était quatre heures et demie арrès-midi.

Il y a deux ans, à cette heure, une lutte immense et fatale se préparait encore; je regardais, appuyé à l’angle d’une maison sous des torrents de pluie comme on terminait une énorme barricade près de la Place Maubert.

– Le cœur battait avec force, et je pensais: «Tоbe or not to be».

Not to be – décida le sort. La révolution était vaincue. L’autorité prit le dessus de la liberté, la question qui agitait l’Europe depuis 1789 fut résolue négativement. La honte de la prise de la Bastille fut lavée sur la place même par la canonnade de Faubourg St. Antoine.

Après les journées de Juin il ne restait que d’en tirer les conséquences.

La chose principale était faite. La république monarchique sauva la monarchie absolue.

La révolution était vaincue non à Vienne, non à Berlin – mais à Paris; vaincue non par les Anglais, non par les Russes, non par les émigrants et les Bourbons – elle était vaincue par les républicains au nom de l’ordre – de quel ordre? L’ordre de la rédaction souveraine du National,l’ordre qui amena à l’élection de Louis Bonaparte, à l’état de siège, à la prise de Rome et qui amènera encore à la barbarie du despotisme. Le sang des journées de Juin a oint de nouveau tous les monarques, tous les pouvoirs!

Le caractère de l’agonie du vieux monde se détermina. Il mourra par l’esclavage, par le marasme de la stagnation, par le mal byzantin: la liberté l’aurait poussé à la tombe, elle en est indigne.

Un cosaque du Don viendra à son heure réveiller et chasser ces porphyrogénètes et ces Paléologue… Si par hasard ils ne sont pas révéillés avant par le son terrible de la trompette du dernier jugement; du jugement qui tiendra dans des assises immenses le socialisme vengeur, cette Némésis populaire. Il n’y aura pas d’appel contre la sentence, pas de refuge chez les Marrast et les Cavaignac, – il n’y aura plus ni Marrast, ni Cavaignac. Le Communisme est près de l’âme du plébéien français qui sent si profondément la grande injustice du fait social qui l’opprime – et si peu le respect dû à la liberté individuelle.

– Après les journées de Juin, pas un seul rayon d’une prochaine espérance n’est entré dans mon cœur. Que de fois j’avais des disputes sans fin avec mes amis; ils me nommaient pessimiste, ils ne voulaient pas voir ce qui s’était accompli, ils insistaient à me faire partager leur foi dans l’avenir. Je ne pouvais faire une pareille concession. J’étais prêt à partager avec eux les dangers, les persécutions, j’étais prêt à périr… non par résignation, ni par exubérance de courage – mais bien par ennui et parce que cela me plaisait de rester avec mes amis. Partager volontairement leurs erreurs, leurs illusions – cela au contraire ne m’était pas possible. Je ne pouvais me détourner de la vérité, parce qu’elle était laide, m’arrêter devant elle en la niant – parce qu’elle était accablante.

– Et où sont maintenant ceux avec qui je discutais après les journées de Juin – les uns dans la prison, les autres disséminés… l’un a déjà longtemps traversé l’Océan, un autre est au Caire, – un autre se cache en Suisse, un autre – en Angleterre.

Lequel de nous avait raison?

Mais il suffit… Devant ma fenêtre s’étend la Méditerranée, je suis sur la sainte côte de l’Italie. J’entre avec paix dans le port et je tracerai sur le seuil de ma maison l’antique pentagrammepour en éloigner tout esprit d’agitation et de démence humaine.

Traduit à Lugano

2 juillet 1852.

Treiziéme lettre
(Une annèe plus tard)

Nice, 1 juin 1851

J’ai tenu ma parole. J’ai passé une année entière dans mon hermitage sans avoir écrit d’épîtres éthico-politiques, sans en avoir lu d’autres publiées par nos amis et tâchant d’oublier ceux qui me tombèrent antérieurement sous main. Assis avec contrition et résignation au bord de la Méditerranée, j’attendais… le beau temps… Mais le beau temps ne venait pas, au contraire tout s’empire, se rembruni.

La paix que je cherchais dans ce port tranquille, je ne l’ai pas trouvée. C’est en vain que j’avais tracé le pentagramme… peut-être il préserve des esprits impurs, mais aucun polygone ne peut préserver de l’impureté des hommes – si ce n’est le carré d’une prison cellulaire.

Temps ennuyeux, lourd… chemin fatigant, poudreux, entre les deux relais – celui de 1848 et celui de 1852… Une continuation maigre du premier… et pour toute distraction quelque malheur personnel qui vient vous achever, vous briser définitivement votre poitrine meurtrie – une roue quelconque de votre char qui vole en éclats et vous estropie.

Mais enfin, de manière ou d’autre nous sommes parvenus jusqu’au mois de juin 1851… C’est un bon petit bout de chemin; traînons-nous par ce sable profond, par cette boue argileuse… on ne peut rester au milieu.


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