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L'agent secret (Секретный агент)
  • Текст добавлен: 8 октября 2016, 22:24

Текст книги "L'agent secret (Секретный агент)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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Un coup discret venait d’être frappé à la porte du cabinet du sous-secrétaire d’État.

– Qu’y a-t-il ? demanda M. Maranjévol.

– Le capitaine Loreuil fait dire à mon colonel qu’il est de retour à l’instant et qu’il a une communication urgente…

– Le capitaine attendra ! s’écria Hofferman.

Mais l’huissier, exécutant la consigne qu’il avait reçue :

– Le capitaine a prévu cette réponse, mon colonel, et il m’a dit d’ajouter que la communication ne pouvait pas attendre…

Le domestique se retirait. Du regard, Hofferman avait consulté le sous-secrétaire d’État.

– Allez-y, lui dit ce dernier, et revenez aussitôt…

Puis, s’adressant à Juve, M. Maranjévol commençait :

– Le Gouvernement est fort ennuyé de tous ces incidents qui prennent des proportions énormes. Nous en causions encore hier au Conseil des ministres… Savez-vous que les bruits de guerre s’accréditent de plus en plus ?… l’opinion publique est bouleversée… c’est désolant !… À la Bourse, la Rente continue à baisser…

– Je n’y peux rien, monsieur le sous-secrétaire d’État.

Midi sonnait.

10 – LA TANTE PALMYRE

Ce même jour, bien avant la réunion mouvementée qui se tenait dans le cabinet de M. Maranjévol, sous-secrétaire d’État au ministère de la Guerre, le patron de l’Hôtel des Trois-Lunes, à Châlons, était fort occupé à mettre son vin en bouteilles.

Soudain il fut troublé dans ses occupations par une voix inconnue de lui qui appelait avec insistance :

– Hé ! il n’y a donc personne ici ? L’père Louis, où est-il ?

En maugréant, l’hôtelier remonta jusqu’au vestibule.

– Le père Louis ? fit-il, c’est moi-même, quoi qu’on m’veut ?

Le gargotier était en présence d’une grosse femme à la silhouette éminemment grotesque, vêtue d’un complet clair dont la jupe, sur le devant, était soulevée par le ballonnement d’un gros ventre. Une voilette à ramages dissimulait les traits de la femme, qui devait être assez âgée, mais voulait sans doute paraître jeune encore. La peau de sa figure était en effet recouverte d’une épaisse couche de maquillage…

– Quel tableau ! pensa le père Louis.

– Ouf ! s’écria-t-elle, l’père Louis, que c’est donc loin, votre cambuse !… Ma parole, j’ai cru que je n’arriverais jamais… Alors, comment c’est-y qu’elle va ma fille ?

 Interloqué, soupçonneux presque, le père Louis regardait la grosse personne.

– Qui donc que vous êtes ? demanda-t-il d’un ton bourru, je ne vous remets pas !

– Parbleu s’écria la vieille, parbleu, ça n’est pas étonnant que vous ne me reconnaissiez pas, puisque vous ne m’avez jamais vue !… Mais, vous savez qui je suis, à force d’en entendre parler… Je suis la tante Palmyre !… la tante à Nichoune.

– En effet !… en effet…

– C’est moi qui l’ai élevée, c’t’enfant, car elle est restée orpheline, la pauv’gosse à l’âge de quatorze mois… Elle a reçu une belle éducation, et maline avec ça ! La même chose que moi, j’vous dis… D’abord, dans la famille nous sommes toutes cocottes de génération en génération… Il n’y a pas de sot métier, pas vrai ?… Qu’est-ce que vous avez donc à rigoler comme une baleine ?…

L’hôtelier riait à gorge déployée…

Ah ! elle n’était pas ordinaire, la tante Palmyre, avec son bagout intarissable !

Quant à ce qui était d’être cocotte, passe encore pour la nièce, mais la vieille ! ça, c’était trop farce !…

– Oui, oui, poursuivit la bonne femme, fichez-vous de moi, maintenant ! Heureusement que j’ai bon caractère…

Mais elle s’interrompait :

– C’est pas tout ça, mon vieux père Louis, où c’qu’est la carrée de Nichoune, que j’coure l’embrasser…

– Au rez-de-chaussée… fond du couloir…

Mais il lui barrait le chemin.

– Vous n’y pensez pas, à huit heures, réveiller Nichoune maintenant, elle en ferait une musique !

– Bah ! s’écria la tante Palmyre, quand elle verra que c’est moi, cette chère enfant… Regardez plutôt je lui apporte des douceurs…

– Ma foi, pensa le père Louis, si Nichoune gueule, elles s’expliqueront !…

La tante Palmyre frappait à la porte à poings redoublés, mais aucune réponse ne venait de l’intérieur.

– C’qu’elle en a du sommeil !

– Dame ! répliqua le père Louis, quand on se couche à quatre heures…

Toutefois, le silence persistant intriguait l’hôtelier.

Il chercha à voir par le trou de la serrure et, n’y parvenant pas, car celle-ci était bouchée par la clé, le plus simplement du monde il sortit une petite vrille de sa poche et perfora la porte…

La tante Palmyre, souriante, le regardait faire ; elle cligna de l’œil et, poussant du coude le père Louis :

– Hein ! mon gaillard, tu la connais ! Faut croire qu’il y a des soirs où tu ne t’embêtes pas.

En homme exercé, l’hôtelier collait son œil à l’orifice qu’il venait de faire.

– Ah ! nom de Dieu !…

– Quoi donc ? interrogea la vieille femme alarmée. C’est-y que la chambre est vide ?…

– Vide, répéta l’hôtelier, non, mais…

L’homme était devenu tout pâle, il fouilla dans sa poche, en tira un tournevis : en un tour de main, il avait détaché la serrure… il se précipita aussitôt dans la pièce, suivi de la tante Palmyre qui bientôt piailla à son tour :

– Ah ! Seigneur, doux Jésus, qu’est-ce qu’elle a ?…

Nichoune, étendue dans son lit, aurait paru dormir si deux détails étranges n’avaient aussitôt frappé les regards. Le visage de la jeune femme était violacé, et elle avait les deux bras en l’air affreusement blancs.

L’hôtelier et la vieille femme s’aperçurent que les bras de Nichoune étaient maintenus dans cette position verticale au moyen d’une ficelle assez forte, attachée aux poignets, qui était fixée au ciel-de-lit…

– Mais, s’écria l’hôtelier, elle est morte !

La tante Palmyre, qui, quelques instants auparavant, n’avait cessé de protester de sa sincère affection pour sa charmante nièce, ne paraissait pas autrement impressionnée. Elle jetait de rapides regards tout autour de la pièce, sans manifester d’émotion. Attitude qui ne dura qu’une seconde… Soudain, la vieille femme éclata en lamentations, poussa des cris perçants. Dieu ! qu’elle était encombrante dans sa douleur. L’hôtelier effaré ne savait que faire. Avec de grands gestes, il imposa silence à la vieille :

– Taisez-vous ! faites pas de bruit !.. bougez pas !… surtout ne touchez à rien avant l’arrivée de la police…

– La police ! geignait la tante Palmyre, mais c’est épouvantable !…

Toutefois, à peine l’hôtelier s’était-il retiré, que la vieille, avec une dextérité remarquable se mit à chercher dans les meubles en désordre et, maîtrisant une extrême surprise, prenait en hâte un certain nombre de papiers qu’elle enfouissait dans son corsage tout en jetant des regards inquiets du côté du couloir.

À peine eut-elle terminé que l’hôtelier revenait, accompagné d’un agent de police…

En vain le père Louis s’efforçait d’attirer le gardien de la paix jusque dans la pièce. L’agent ne voulait rien savoir.

– Que je vous dis, répétait-il de sa grosse voix, que ce n’est pas la peine que je considère ce cadavre… que M. le commissaire, il va arriver tout à l’heure et qu’il fera lui-même les constatations légales…

Dix minutes environ s’écoulèrent. Le magistrat annoncé se présenta, accompagné de son secrétaire, et procéda aussitôt à un interrogatoire sommaire de l’hôtelier. Mais il était impossible, en présence de la tante Palmyre, de faire le moindre travail sérieux. L’insupportable vieille ne comprenait rien aux questions, parlait à tort et à travers.

– Retirez-vous, madame, je vous entendrai tout à l’heure.

– Mais où faut-il que j’aille ?

– Où vous voudrez, au diable, hurla le commissaire.

– Eh bien, c’est pas pour dire, rétorqua la vieille femme, tout commissaire que vous êtes, vous êtes rudement mal embouché…

Et la tante Palmyre ajouta :

– Dire que personne de vous n’y a pensé encore, j’m’en vas aller jusqu’au coin chercher des fleurs.

***

Il faut croire que les fleuristes étaient rares, car la vieille femme avait sans s’arrêter traversé toute la ville.

Elle était désormais devant la gare et, comme elle consultait l’horloge :

– Bigre ! je n’ai que le temps, murmura-t-elle.

La mégère traversa la salle d’attente, fit poinçonner son billet, un coupon de retour, et accéda au quai au moment précis où un employé criait :

– Les voyageurs pour Paris, en voiture !…

La tante Palmyre s’installa dans un compartiment de seconde, réservé aux dames seules…

Un inspecteur contrôlait les billets à l’arrêt de Château-Thierry.

– Pardon, monsieur, fit-il en réveillant un voyageur qui s’était assoupi, mais vous êtes dans les dames seules !

L’homme se frotta les yeux.

– Je vous demande pardon, fit-il, je vais changer de place…, c’est une erreur…

Par le couloir, le voyageur gagna un autre compartiment, y transportant un ballot de vêtements enveloppé d’un châle multicolore…

Une heure après, le train de Châlons arrivait à Paris. Le gros voyageur regarda sa montre :

– Onze heures quarante-cinq, j’ai encore le temps.

Il sauta dans un taxi et dit au mécanicien :

– Rue Saint-Dominique, au ministère de la Guerre.

***

Peu après le départ inopiné du colonel Hofferman, Juve avait quitté le sous-secrétaire d’État, mais, au lieu de quitter le ministère il était monté au Deuxième Bureau de l’État-Major et s’était fait annoncer au commandant Dumoulin.

Bien que se connaissant fort peu, le commandant Dumoulin et Juve sympathisaient.

Juve était monté à tout hasard, espérant que peut-être il apprendrait du nouveau, mais le commandant Dumoulin ne savait rien ou ne voulait rien dire, et Juve, après une conversation banale, allait se retirer, lorsque la porte s’ouvrit.

Le colonel Hofferman entra.

Le colonel avait les yeux brillants, l’air radieux.

Le colonel, ayant aperçu Juve, le salua d’un sourire énigmatique.

– Ah ! par exemple, monsieur, je ne m’attendais pas à vous retrouver ici… mais puisque vous y êtes, vous me saurez gré de vous donner des nouvelles !…

Juve ouvrait des yeux interrogateurs. Le colonel continua :

– J’ai rendu hommage à votre perspicacité tout à l’heure et je reconnais encore que vous avez fort bien pronostiqué en nous annonçant que le capitaine Brocq avait une maîtresse ; malheureusement ce n’était pas du tout celle que vous croyez. Ce n’était pas non plus une femme du monde, tout au contraire…

– Avez-vous l’intention de me la faire connaître ?

– Mais bien certainement, monsieur !… Cette maîtresse, c’est une fille… une chanteuse de café-concert, une nommée Nichoune… de Châlons !

– Vous en avez la preuve ?

Le colonel tendit au policier un paquet de lettres :

– Voici, dit-il, la correspondance que le capitaine adressait à cette fille. Un de mes collaborateurs vient de la saisir chez elle…

Juve considéra les documents :

– C’est curieux ! observa-t-il à mi-voix, évidemment ! coïncidence fâcheuse !… mais pas une fois le nom de Nichoune ne figure dans ces lettres !…

– Il n’y figure aucun autre nom, observa le colonel… par conséquent, vu l’endroit où ces lettres ont été trouvées… nous devons conclure…

Juve questionna encore :

– Ces lettres n’étaient pas accompagnées d’enveloppes ?

– Ma foi, non ! s’écriait le colonel, mais qu’importe !

Juve hocha la tête :

– Bizarre ! fit-il tout bas.

Puis, haussant la voix :

– Mon colonel, je suppose que votre… collaborateur, avant de s’emparer de ces lettres, a fait causer la personne qui les avait reçues… En a-t-il obtenu des renseignements ?…

– Monsieur l’inspecteur, je vais vous étonner encore une fois : mon collaborateur n’a pas pu faire parler la personne en question, lorsqu’il est arrivé chez elle, il l’a trouvée morte.

– Morte ! cria Juve.

– Comme je vous le dis…

– Eh bien !

– Un conseil, Juve, laissez-nous les affaires d’espionnage… et vous, pourchassez donc Fantômas. Il y a de quoi vous occuper.

11 – LA CAGOULE DE FANTÔMAS

Accoudé à la barre d’appui de sa fenêtre, Jérôme Fandor s’occupait, en apparence, à surveiller les allées et venues des passants qui remontaient lentement du centre de Paris.

Il fuma cigarette sur cigarette, pestant, jurant presque et ne quittant pas des yeux les trottoirs de la rue.

– Je me suis peut-être trompé ? pensa encore le journaliste… pourtant, malgré tout, j’imagine que ce gamin de quatorze ans, quinze ans au maximum, ce pâle voyou qui m’a filé dans le métro, puis qui a pris le même tramway que moi, puis que j’ai retrouvé place de la Concorde, n’était pas là tout à fait par hasard. Sept heures et demie… je ne sais si l’autorité militaire respecte les prescriptions légales et peut effectuer une arrestation passé le coucher du soleil ?…

N’avait-on pas ordonné de le surveiller, ne le faisait-on pas pister dans l’espoir de retrouver par lui le caporal Vinson, traître et bientôt déserteur ?…

– Si le Deuxième Bureau, songeait Fandor, a décidé mon arrestation, il est bien évident que je n’arriverai pas à échapper… la police d’espionnage est merveilleusement organisée, s’il prend fantaisie aux officiers qui la dirigent de me considérer comme un complice de Vinson, ils me coffreront dans les vingt-quatre heures.

« J’agis comme un imbécile, pensa soudain Fandor, ce qu’il faut avant tout, c’est que je mette Juve au courant de ce qui se passe, et il demanda la communication téléphonique avec le policier.

Le policier était sorti, Fandor laissa un message pour lui.

***

– Dix heures du soir ! peste ! il ne faut plus que je perde de temps si je ne veux pas rater mon train…

Le caporal Vinson, en hâte, achevait de se vêtir. L’appartement de Fandor n’était pas des plus luxueux ni des plus vastes. Le militaire s’habillait dans la propre chambre du journaliste.

– Où diable est mon pantalon d’uniforme ?

Le jeune homme bouleversa toute une pile de vêtements posée sur les rayons d’une armoire et finit par atteindre le pantalon qu’il devait revêtir pour arriver en tenue à sa nouvelle garnison. Il acheva de s’habiller en un tour de main.

Soudain, un violent coup de sonnette avait retenti…

Après quelques minutes, l’importun qui attendait à la porte de l’appartement sonna de nouveau.

Il fallait prendre un parti. Des gouttes de sueur perlaient au front du militaire.

Rapidement, le jeune soldat retira ses chaussures, pour ne pas faire de bruit, et, sur la pointe des pieds, il gagna le vestibule de l’appartement. Par le trou de la serrure, il regarda qui sonnait une quatrième fois.

Mais, à peine avait-il collé son œil à la porte, que le caporal Vinson parut complètement affolé…

Il étouffa un juron.

– Nom de Dieu ! c’est ce que je craignais… Ce bonhomme-là, c’est l’agent du Deuxième Bureau… je le reconnais… pas de doute à conserver. J’ai été indiqué, on m’a vendu… qui, par exemple ?… Ah ! je suis frais !

Le caporal Vinson vit que le visiteur mettait la main à sa poche, choisissait une clé à son trousseau.

– Ça y est. Cet individu possède des passe-partout… Ah ! une idée…

Au moment même où l’agent, qui venait sans doute pour l’arrêter, introduisait sa clé dans la serrure, le caporal Vinson, sautant en arrière, bondissait vers le cabinet de Jérôme Fandor. Il ferma à clé la porte à l’instant précis où l’agent pénétrait dans l’appartement…

– Halte, cria celui-ci en entendant Vinson…

Le caporal, en réponse, fermait à double tour…

– C’est enfantin, ce que vous faites, cria l’agent, j’ai des passe-partout. Rendez-vous donc…

Et, s’armant d’une nouvelle clé, il ouvrit la porte que Vinson venait de clore. Le caporal n’était plus dans la pièce… L’agent se précipita à une autre porte qui faisait communiquer le cabinet de travail avec la salle à manger.

Il l’ouvrit, pénétra dans cette nouvelle pièce : elle était encore vide.

– Allez toujours, cria l’agent, vous voyez bien que vos portes ne me résistent pas une seconde et que je vais finir par vous acculer au fond de l’appartement !…

Mais, en disant cela, l’agent ne prévoyait pas la manœuvre qu’avait imaginée le caporal Vinson…

Reculant de pièce en pièce, en effet, celui-ci n’avait eu d’autre but que d’attirer l’homme qui le poursuivait au bout de l’appartement. Dès que l’agent eut pénétré dans la salle à manger, le caporal Vinson bondit dans le corridor, traversa d’un saut le vestibule, ouvrit la porte de l’escalier, qu’il claqua derrière lui… Fallait-il descendre ?

Il était évident que l’agent allait se précipiter sur ses traces. Une poursuite s’engagerait et, en voyant un soldat en uniforme, des passants se mêleraient à la chasse ; fatalement Vinson serait pris…

– Rusons ! pensa-t-il…

Et précipitamment, au lieu de descendre l’escalier, il le monta, gagnant l’étage supérieur, le troisième… Il n’était pas arrivé sur le palier qui dominait l’appartement de Fandor, que l’agent, à son tour, arrivait sur l’escalier et courait à la rampe, pour tâcher d’apercevoir Vinson, qu’il supposait en train de descendre, de s’enfuir dans la direction de la rue…

L’agent, ne voyant personne allait descendre lorsque quelqu’un, habitant la maison probablement, se mit en devoir de monter.

Très probablement, l’agent n’avait point le désir d’être reconnu, car, entendant que l’on venait à sa rencontre, il s’arrêta net de descendre… rebroussa chemin, traversa le palier où débouchait l’appartement de Fandor, et voulut gagner le troisième…

Cela ne faisait pas l’affaire du caporal Vinson !

– Bigre ! pensa-t-il, s’il monte de la sorte, j’aurai beau reculer, il va me pincer au sixième…

Le caporal Vinson eut une idée de génie.

Tout en restant sur place, il marcha d’un pas pesant, imitant le bruit de quelqu’un qui descend…

Immédiatement, l’agent qui montait vers lui s’arrêta.

S’il ne tenait pas à être vu par le locataire qui montait, il n’avait pas non plus le désir d’être reconnu par la personne qui descendait, croyait-il.

Or, entre un locataire entrant et un locataire partant, l’homme qui poursuivait le caporal Vinson n’avait pas le choix des moyens.

Il venait de sortir de l’appartement de Fandor, il possédait un passe-partout… il ouvrit la porte à nouveau et rentra chez le journaliste.

Vinson, qui n’avait pas perdu un geste de l’agent, poussa un soupir de satisfaction.

– Et allez donc, mes petits amis. Je ne sais pas si vous vous connaissez, mais, en tout cas, vous êtes presque confrères, par conséquent, vous ne serez pas empruntés l’un en face de l’autre. Vous allez pouvoir causer à votre aise… Là ! sonne donc !… Attends qu’on t’ouvre… Au fait, tu as aussi ton passe-partout… Mais entre donc, cher ami il y a du monde…

Le caporal Vinson paraissait s’amuser follement.

Le personnage qui montait l’escalier et avait, par son arrivée imprévue, contraint l’agent du Deuxième Bureau à rentrer dans l’appartement de Fandor avait à son tour sonné à la porte du journaliste, puis, n’obtenant aucune réponse, prit le plus naturellement du monde une clé à son trousseau et, à son tour, s’introduisit chez le journaliste… Il refermait la porte au moment où Vinson lui adressait ironiquement un grand salut :

– Je regrette de ne pouvoir vous présenter l’un à l’autre… En revanche, je vous remercie pour le service que vous me rendez, sans vous en douter…

Le chemin était libre, en effet ; le caporal Vinson rapidement chaussa ses godillots, gagna la rue, héla un fiacre :

– J’ai raté le rapide, mais j’aurai l’express. Chauffeur, à la gare de l’Est !…

Tandis que le caporal Vinson se félicitait de la tournure prise par les événements, l’agent, demeuré chez Fandor, se croyait victime d’un cauchemar…

Entré précipitamment pour éviter de rencontrer le locataire qui montait, il avait entendu sonner et n’avait pu s’empêcher de tressaillir.

Qui diable était-ce ? Assurément pas l’inconnu qui s’était si mystérieusement enfui… qui alors ?…

Au second coup de sonnette, l’homme avait réfléchi. Que faire ?

Après tout, le mieux était d’attendre dans le cabinet de travail du journaliste. Il était plus que probable que, n’obtenant aucune réponse, le visiteur se retirerait.

Or, ce n’était point ce qui se passait.

Celui qui arrivait introduisit une clé dans la serrure et entra lui aussi, avec beaucoup d’assurance.

Aucune lampe ne brûlait dans le cabinet de travail de Fandor. À la seule lueur des becs de gaz de la rue, l’agent du Deuxième Bureau distinguait mal les traits du personnage qui entra…

Ce n’était pas le journaliste, mais bien un homme d’une quarantaine d’années, coiffé d’un chapeau mou dont les bords dissimulaient à moitié le visage, engoncé dans un pardessus.

L’homme adressa un petit salut à l’agent d’un air très naturel, puis, fit quelques pas dans la pièce, gagna la fenêtre, regarda au dehors, à la façon de quelqu’un qui n’est pas chez lui et qui attend que le maître de la maison soit de retour.

– Ah ça ! pensa l’agent du Deuxième Bureau, qu’est-ce que cela signifie ? On jurerait que ce bonhomme est en visite !…

Quelques minutes passèrent… Les deux hommes, fatigués de leur première pause, prirent des sièges, s’assirent.

– Ce bonhomme se lassera, pensa l’agent ; il s’en ira et je m’en irai après !…

Mais alors, toujours à la façon de quelqu’un qui se considère comme un peu chez lui, l’individu entré quelques minutes auparavant et trouvant sans doute qu’il avait trop chaud, dépouilla son pardessus, le posa sur une chaise, enleva son chapeau et, tirant une boîte d’allumettes de sa poche, avisant une lampe posée sur la cheminée, se disposa à faire de la lumière.

Les deux hommes maintenant se trouvèrent face à face dans la pièce éclairée…

Soudain, rompant le silence, l’agent demanda :

– Vous attendez M. Fandor, monsieur ?

– Oui, monsieur, vous aussi, sans doute ?

– En effet… je crois d’ailleurs que nous l’attendrons longtemps… je l’ai vu tout à l’heure, il avait une course pressée à faire, et je ne crois pas qu’il rentre avant…

– Cette grande barbe ! pensa l’inconnu, cette moustache hirsute !… et puis ce paquet déposé là-bas… je connais cet individu-là…

C’était lui maintenant qui voulut rompre le silence…

– Eh bien, dit-il d’une voix aimable, puisque le hasard nous fait rester ainsi l’un en face de l’autre, voulez-vous me permettre de me présenter, monsieur ?… Je suis Juve, inspecteur de la Sûreté…

– Nous sommes presque confrères, en ce cas, monsieur, je suis l’agent Vagualame, attaché à la Statistique.

Et Vagualame tendit la main à Juve…

– Nom de Dieu ! pensait Juve, Vagualame, ce Vagualame-là, chez Fandor, c’est significatif… non ! pas de doute, cette barbe est postiche, cette moustache aussi. Cet individu est grimé…

Juve était l’homme des décisions rapides…

S’apercevant qu’il avait en face de lui un interlocuteur masqué, il allait, malgré les noms et qualités énoncés se précipiter sur lui, mais, à l’instant où Juve le dévisageait, l’homme avait froncé les sourcils…

Et vif comme l’éclair, sans laisser à Juve le temps de se reconnaître, il échappait à sa poignée de main, bondissait vers la cheminée, renversait d’un coup de poing la lampe qui s’éteignit, bousculant Juve, se précipitant vers la porte…

Juve de son côté, rapide comme l’éclair, se précipitait à la poursuite de Vagualame… Celui-ci toutefois avait quelques mètres d’avance. Porte claquée, escalier descendu quatre à quatre, Juve sur ses talons, Vagualame atteignait la porte, criait :

– Cordon, s’il vous plaît !

Juve emporté par son élan, trébucha contre la porte qui lui était renvoyée sur le nez, roula sur le sol. Quand Juve arriva dans la rue, furieux, hors d’haleine, personne au long des trottoirs !

Bénéficiant de ce que la concierge de Fandor le connaissait fort bien, savait sa qualité d’inspecteur de la Sûreté, Juve, après avoir, en quelques mots rapides, expliqué à la brave femme stupéfaite la cause du vacarme qui venait de bouleverser la maison, remontait chez Fandor.

Le policier était ahuri…

– Du diable, pensait-il, qu’est-ce que cela veut dire que tout ça ? Il y a deux heures, Fandor me téléphone de venir le voir d’urgence ; il m’a téléphoné qu’il ne pouvait pas sortir, qu’il m’attendait… et, non seulement il n’est pas chez lui, mais encore je tombe sur un Vagualame postiche qui s’enfuit, qui disparaît avec une habileté extraordinaire. Qu’est-ce que c’est que ce bonhomme-là ?… Où est Fandor ?

Il avisait sur le sol le paquet qui l’avait intrigué quelques minutes avant.

– L’ennemi, pensa-t-il, s’est retiré, mais en abandonnant ses bagages… Ah ! j’aurais dû m’en douter, c’est l’accordéon, l’accordéon de Vagualame…

Et machinalement, tournant et retournant l’instrument de musique, le policier, introduisant ses mains dans les poignées de cuir, voulut détendre le soufflet. À sa grande surprise, l’appareil résista.

– Tiens ! qu’est-ce que cela veut dire ? est-ce que par hasard il y aurait dans cet accordéon…

Juve n’hésita pas. Il tira de sa poche un couteau-poignard qui ne le quittait jamais, et, d’un coup sec, fendit le cuir de l’appareil.

… Quelque chose de noir tomba sur le sol…

Juve se baissa, ramassa cette sorte de chiffon, le déploya.

Et soudain Juve, devenu terriblement pâle s’abattit sur un fauteuil, anéanti…

Ce qu’il tenait à la main, c’était une cagoule… une longue cagoule noire…

Ah ! certes, Juve le reconnaissait, ce vêtement sinistre, Juve ne pouvait pas se tromper à son sujet !…

Et, affalé dans son fauteuil, les yeux fixes, hagards, Juve croyait apercevoir, se dressant devant lui, une silhouette à la fois mystérieuse et précise… la silhouette d’un homme tout gainé dans une sorte de maillot collant, dont le visage, inconnu, disparaissait sous une cagoule, sous la cagoule que Juve venait de retrouver dans cet accordéon éventré…

– Fantômas ! Fantômas ! murmurait Juve, mon Dieu, c’était Fantômas que j’avais en face de moi !… Vagualame, c’est Fantômas ! Ah ! malédiction ! Pourquoi l’ai-je laissé s’enfuir ?

***

Le policier demeura toute la nuit chez Fandor. Il attendit le retour du journaliste. Fandor ne parut point.


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