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L'agent secret (Секретный агент)
  • Текст добавлен: 8 октября 2016, 22:24

Текст книги "L'agent secret (Секретный агент)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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36 – AMBASSADEURS !… ?

– Filons, Fandor, nous allons arriver en retard…

Jérôme Fandor passait son pardessus et, dégringolant l’escalier à la suite de Juve, qui lui-même descendait deux marches par deux marches, cria au policier :

– Voilà où je vous attendais, Juve, depuis un quart d’heure. Il va bien falloir que vous donniez une adresse à notre cocher ? Cette adresse m’apprendra enfin où vous me menez, pourquoi vous m’avez fait mettre en habit. Pourquoi vous-même vous vous êtes mis en queue de morue…, chose que, de mémoire d’homme, je ne vous ai jamais vu faire…

– Au fait ! c’est vrai ! dit Juve, je m’amuse à t’intriguer, c’est probablement stupide… Fandor, nous allons au bal…

– Au bal ?

– Parfaitement ! et j’imagine que nous y ferons danser quelqu’un… de la belle façon !

– Qui donc ?

– Le maître de la maison !

– Juve, vous parlez par énigmes…

– Non… sais-tu chez qui nous allons ?

– Je ne vous demande que cela, Juve…

– Nous allons chez Fantômas !… pour l’arrêter.

– Mais, bon Dieu, Juve, que voulez-vous dire ?… Vous m’avez affirmé l’autre jour qu’il vous était impossible d’arrêter Naarboveck, n’était-ce pas là la vérité ?

– Si.

– Et ça ne l’est plus ?

– Ça l’est encore !

– Ah ça ! ne jouons pas sur les mots. C’est trop grave, Juve. Nous savons que Naarboveck est Fantômas, mais vous m’avez juré qu’il était impossible d’arrêter Naarboveck, vous me l’affirmez encore et pourtant vous m’annoncez que nous allons arrêter Fantômas… Que voulez-vous dire ?

Pour toute réponse, Juve tira sa montre et, le doigt sur le cadran :

– Tiens, regarde, Fandor, il est exactement dix heures et demie, n’est-ce pas ? nous allons être chez Naarboveck à onze heures moins le quart. Il me sera impossible de l’appréhender – tu le comprendras, cela, à onze heures vingt environ… – mais tu verras qu’à minuit moins le quart, minuit peut-être au plus tard, il me sera fort aisé de mettre la main au collet de Fantômas… et je ne m’en ferai pas faute !

– Juve, vous êtes assommant avec vos mystères…

– Mon cher Fandor, répondait Juve, pardonne-moi de n’être pas plus explicite… Je t’ai dit que Naarboveck était au-dessus d’une arrestation, je t’ai dit que nous allions arrêter Fantômas, tout cela est subordonné à une volonté qui doit lever ce soir un dernier obstacle qui m’empêche de procéder à la capture du bandit…

– La volonté de qui, mon Dieu ?

– La volonté d’un roi !… mais chut !…

– Bien, Juve, je m’en rapporte à vous… quoi qu’il arrive, j’aurai soin d’être continuellement à vos côtés… si vous avez besoin de moi…

– Merci, Fandor !…

« Tu sais, ajouta Juve, qu’une fois encore nous risquons notre peau ?… Je suis sûr de la victoire finale, sauf si la balle stupide d’un revolver…

– Ça va bien ! Juve, vous voulez me faire peur.

La voiture tournait à l’extrémité du pont Alexandre.

***

L’hôtel du baron de Naarboveck était brillamment illuminé.

Le bal battait son plein dans les salons du premier étage.

Un orchestre de tziganes dissimulé derrière un massif de plantes vertes dans un angle de la principale pièce exécutait ses valses les plus entraînantes, et joyeusement la foule tourbillonnait, foule nombreuse, élégante, composée de tout ce qui compte à Paris.

Mme Paradel, la délicieuse femme du Ministre des Affaires Étrangères, s’entretenait cordialement avec le maître de maison. Considérant Wilhelmine, qui passait affairée devant elle, sans toutefois omettre de la saluer d’un gracieux signe de tête, elle murmura :

– Charmante jeune fille !

Puis, se tournant vers de Naarboveck et affectant une mine inquiète :

– Mais vous devez être désolé, mon cher baron ! N’ai-je pas entendu dire que vos jeunes mariés allaient partir pour le centre de l’Afrique ?…

– Oh ! riposta en riant le diplomate, on a beaucoup exagéré, madame. Mon futur gendre, Henri de Loubersac, quitte en effet l’État-Major, mais c’est avec le grade de capitaine, et ses chefs l’envoient, non pas, comme vous le croyez, au milieu des nègres, mais tout simplement à Alger… excellente garnison…

– J’aime à croire, reprit la ministresse, que vous irez bientôt leur rendre visite.

Le baron s’inclina comme son interlocutrice s’écartait de lui, il en profita pour se diriger vers l’entrée des salons.

Deux visiteurs dont la silhouette n’avait pas échappé aux regards perspicaces du maître de maison s’avançaient lentement vers lui.

Naarboveck réprima un tressaillement et, interrogea les nouveaux venus :

– Vous êtes, messieurs, de mes invités ?…

– Cela va sans dire, répliqua l’un des arrivants… Vous pouvez être assuré, baron, que mon ami Fandor et moi-même, nous ne nous serions pas permis…

– Mais je sais, je sais, monsieur Juve, dit le baron. D’ailleurs, je vous attendais…

– Nous nous en serions voulu aussi de ne point venir vous apporter dès ce soir les félicitations auxquelles vous avez droit !

– Vraiment, s’écria de Naarboveck, vous parlez du mariage de Wilhelmine ?

Juve secoua la tête :

– Non, baron, je réserve ces compliments à M. de Loubersac et à Mlle Thérèse… pardon, Mlle Wilhelmine.

– Que voulez-vous donc dire, monsieur Juve ?

– Je veux dire… Je veux dire, mon cher baron, que j’ai récemment appris votre nouvelle fonction. Vous voici donc, dès ce soir, représentant du royaume de Hesse-Weimar ?… J’imagine, monsieur l’ambassadeur, que vous êtes satisfait de cette nomination ?

– Elle comporte, en effet, quelques avantages…

– Comment donc ! Vous n’ignorez pas que vous voilà de la sorte définitivement accrédité dans les milieux officiels… de plus vous jouissez de l’inviolabilité.

– En effet, monsieur, je jouis de l’inviolabilité. Avantage appréciable, n’est-ce pas ?

– Très appréciable ! reconnut Juve.

Mais le flot des arrivants sépara les interlocuteurs. Le maître de maison s’échappa, regagnant le fond du salon, tandis que Fandor tirait le policier par la manche et dans l’angle d’une fenêtre, le questionnait à voix basse :

– Juve ! Juve ! que signifie cette comédie ?

– Hélas, Fandor, ce n’est pas une comédie !…

– De Naarboveck est ambassadeur ?

– … Du royaume de Hesse-Weimar, oui, Fandor ; il l’est depuis huit jours, depuis le soir où nous avons failli l’arrêter dans l’atelier de la rue Lepic… où tu as failli toi-même rester sur le carreau…

– Et il est inviolable ?

– Naturellement. Conformément aux conventions internationales, tout représentant accrédité est inviolable… quel que soit l’endroit où il se trouve. À plus forte raison dans l’immeuble de l’ambassade… mais tout n’est pas fini… excuse-moi, j’ai à faire !

Brusquement, le policier quitta Fandor, se faufila au milieu des innombrables habits noirs et des femmes décolletées.

Juve s’approcha d’un invité isolé dans l’assistance. C’était un homme fort distingué, jeune encore, de trente-cinq ans environ, il portait une moustache blonde soigneusement frisée, avec les pointes retroussées à l’allemande. Juve s’inclina devant lui, murmurait avec une profonde déférence :

– Ah ! merci d’être venu, merci, Majesté !…

– Je suis ici, monsieur, le prince Louis de Kalbach, respectez mon incognito et faites vite, je vous prie. Ma présence à Paris est ignorée de tous, je désire qu’il en soit ainsi, j’ai comme vous savez l’heureuse chance de n’être point connu de mon… de cet… individu…

Juve allait répondre mais quelqu’un le tirait par le bras. Le policier se retourna.

Il vit le lieutenant de Loubersac qui, le visage radieux :

– Ah ! monsieur Juve, que je suis heureux de vous rencontrer !… mais j’allais oublier !… précisément M. Lépine vous cherchait tout à l’heure…

– Parfait, mon lieutenant, répliqua l’inspecteur de la Sûreté, je vais le voir à l’instant, mais j’en profite pour vous féliciter…

Le policier rejoignit le populaire préfet de police qui se tenait à l’écart, sur la galerie dominant le hall.

M. Lépine, en dépit du sourire aimable qu’il affectait, était soucieux.

– Juve, interrogea-t-il, êtes-vous de service ici ?…

– Oui et non, monsieur le préfet…

M. Lépine ouvrit de grands yeux.

Mais Wilhelmine de Naarboveck surgit soudain : Rayonnante de beauté, de bonheur, elle aperçut le policier et, l’attirant dans le salon :

– Monsieur, fit-elle, en bonne maîtresse de maison je m’aperçois que vous ne dansez pas, voulez-vous me permettre de vous présenter à quelques charmantes jeunes filles ?

– Sapristi, pensa Juve, ça n’est ni le moment… ni de mon âge…

Cependant, le préfet se tiraillait la barbiche, signe précurseur d’une certaine nervosité. Il attira de nouveau le policier dans un coin écarté et sans préambule, demanda :

– Juve, à quoi pense donc la Sûreté ?

– Je l’ignore, monsieur le préfet…

– Comment ! poursuivit celui-ci ; il y a dans ces salons un visiteur qui ne m’a pas été signalé et cependant… Ignorez-vous donc, vous aussi, Juve, que le baron de Naarboveck reçoit ce soir un roi ?…

– Ça, déclara Juve, je le sais…, Frederick-Christian II…

– Vous le savez, vous le savez, grommela-t-il, et l’administration l’ignore… enfin ! Mais puisque vous savez tant de choses, que vient-il faire ici, ce roi ?…

– Il vient me voir ! déclara Juve…

– Juve, vous êtes fou…

– Non, monsieur le préfet, voyez plutôt…

Le policier rompant soudain l’entretien s’écarta de M. Lépine, s’approcha du souverain et lui dit quelques mots à voix basse…

Or, le préfet de police vit, non sans un indescriptible étonnement, le roi écouter attentivement les propos du policier, puis hocher la tête, sortir du salon et gagner la galerie sur laquelle s’ouvraient différentes pièces dont la deuxième, la plus éloignée, était la bibliothèque.

Mais Juve qui avait discrètement regardé l’heure à sa montre, eut un tressaillement. Le policier se composa un visage sévère et avec l’allure d’un homme qui prend une décision irrévocable, chercha des yeux le baron de Naarboveck. Lorsqu’il l’eut découvert, il alla à lui et proposa :

– Monsieur de Naarboveck, voulez-vous que nous causions un instant ? non pas ici…

– Dans ma bibliothèque ? proposa de Naarboveck. Vous y tenez, monsieur ?

– Immensément ! dit Juve.

– Et, poursuivit de Naarboveck, que prétendez-vous dire ou faire au cours de cet entretien ?

– Démasquer Fantômas et l’arrêter ensuite.

– Comme il vous plaira.

***

Dans la bibliothèque, encombrée d’un excès de meubles n’appartenant pas à cette pièce et qu’on avait relégués là pour débarrasser les salons à l’occasion du bal, Juve et le baron de Naarboveck engagèrent un duel oratoire des plus émouvants.

Ils étaient seuls, bien seuls, et Juve, qui avait fait passer devant lui le baron, savait que cette pièce n’avait qu’une seule issue. Si jamais de Naarboveck voulait employer la force ou la ruse pour en sortir, il lui faudrait d’abord éloigner Juve de la porte devant laquelle il se trouvait.

Certes, il y avait bien, à l’autre extrémité de la bibliothèque, la fenêtre donnant sur l’Esplanade des Invalides, mais cette fenêtre était dissimulée par les rideaux que l’on avait fermés, et Juve ne craignait pas de voir son adversaire s’échapper par là : il savait – il était le seul à le savoir – qu’entre cette fenêtre et ces rideaux, se trouvait quelque chose… quelqu’un…

– Vous souvient-il, monsieur de Naarboveck, de cette soirée au cours de laquelle la police vint ici chez vous, pour procéder à l’arrestation de Vagualame ?

– Oui, répliqua de Naarboveck… et c’est vous, monsieur Juve, qui vous êtes fait prendre sous ce déguisement…

– En effet… Est-ce que vous vous souvenez, monsieur de Naarboveck, d’une certaine conversation qui eut lieu entre le policier Juve et le vrai Vagualame au domicile de Jérôme Fandor ?

– Non, déclara le baron, pour cette bonne raison que la conversation était un dialogue entre deux personnes : Juve et Vagualame.

– Pourtant ce Vagualame n’était autre que Fantômas.

– Eh bien ?

Juve, après un silence d’une seconde, brûla ses vaisseaux :

– Naarboveck, s’écria-t-il, inutile de ruser plus longtemps : Vagualame, c’est Fantômas, Vagualame c’est vous, Fantômas, c’est vous ! Nous le savons, nous vous avons identifié et demain matin l’anthropométrie prouvera, aux yeux de tous, ce qui est aujourd’hui une conviction, une certitude pour certains seulement. Depuis longtemps, vous vous voyez poursuivi, traqué, vous avez remarqué que le cercle fermé autour de vous se resserrait chaque jour et, jouant votre dernier atout, tentant l’impossible même, vous avez médité cette abominable comédie qui consistait à duper un souverain et à vous faire nommer son ambassadeur, afin de bénéficier pour un temps plus ou moins long de l’inviolabilité diplomatique… ah ! évidemment, ça n’est pas mal trouvé…

– N’est-ce pas ?…

– Vous avouez donc ?…

– Et quand ça serait ?… déclara le mystérieux personnage. Puisque vous avez découvert la vérité… sans doute, monsieur Juve, avez-vous l’intention de me dénoncer, de prouver que le baron de Naarboveck n’est autre que Fantômas ? Ah ! je reconnais votre adresse, j’avoue même qu’il se peut fort bien que vous obteniez l’autorisation de m’arrêter d’ici quelques jours.

– Non ! pas dans quelques jours, interrompit Juve, brusquement, mais immédiatement.

– Pardon, les lettres de créance que je possède sont authentiques et nul au monde ne peut me relever de mes fonctions…

– Si ! fit Juve…

– Qui ?

– Le roi, dit Juve.

De Naarboveck hocha la tête malicieusement :

– Frederick-Christian, en effet, seul peut m’enlever ma qualité d’ambassadeur, mais… qu’il vienne donc…

Juve, à ce moment, s’arrêta de parler. Il leva le doigt lentement vers le fond de la bibliothèque, vers la fenêtre.

Et de Naarboveck qui suivait machinalement ce mouvement ne put retenir un cri de stupéfaction, un cri d’angoisse !

Le rideau dissimulant la fenêtre venait en effet de s’écarter et lentement, aux yeux du misérable, apparaissait la silhouette majestueuse et digne, du roi de Hesse-Weimar, Frederick-Christian II.

Le souverain était blême et l’on sentait qu’une colère sourde bouillonnait dans son cœur.

Le policier s’était rapproché de lui et Frederick-Christian sortant de sa poche une large enveloppe, la tendit à Juve :

– Je suis victime, déclara-t-il, de l’imposture de ce monstre, mais je sais reconnaître mes erreurs et aussi les réparer, monsieur Juve : voici le décret que vous m’avez demandé annulant la nomination du baron de Naarboveck !

Fantômas, au cours de cette brève scène, s’était peu à peu reculé dans un angle de la pièce, le visage contracté.

Mais, aux derniers mots du roi, Fantômas se redressa. Lui aussi tira de sa poche un document et avec un sourire féroce, il le tenait au souverain :

– Sire, déclara-t-il, à mon tour de vous donner ceci… C’est le plan volé chez le capitaine Brocq… le plan de mobilisation de toute l’armée française, que votre État-Major…

– Assez, monsieur ! hurla le roi qui, dans un geste d’indignation, jeta à terre le papier que lui présentait Fantômas.

Cependant, Juve, sans le moindre souci des attitudes protocolaires, ramassait avec empressement le document.

Le roi qui l’avait vu faire poursuivait, en hâte, comme pour s’excuser et prévenir le soupçon que l’on aurait pu formuler à son égard :

– Ce plan, Juve, déclara-t-il, appartient à votre pays, jamais nous n’avons voulu…

Un instant les deux hommes quittèrent des yeux Fantômas, et cet instant suffit au bandit pour soudain se dissimuler… disparaître…

Juve, loin de perdre la tête, appela :

– Michel !

L’inspecteur de la Sûreté, posté dans la galerie toute voisine, entra aussitôt.

Derrière lui parurent quelques messieurs en habit noir, qui n’étaient autre que des agents de la Préfecture.

En deux mots, Juve renseigna Michel :

– Fantômas est là… dissimulé… mais non pas évadé… Ces murs peut-être recèlent une cachette… mais point un passage, une issue…

« Enlevons tous ces meubles, qui constituent une véritable barricade et fortifient le monstre dans sa retraite. »

Quelques minutes s’écoulaient, angoissantes, silencieuses. Juve avait obtenu, exigé que le roi quittât la pièce dont le policier, assisté de Michel, défendait soigneusement l’entrée.

Des domestiques arrivèrent, laquais aux faces glabres, qui disposèrent sur la cheminée quelques vases de fleurs qui, ailleurs encombraient sans doute. Puis ils se retirèrent sans se douter du drame qui se déroulait, sans soupçonner un instant que derrière l’amoncellement insolite de meubles qui se trouvaient dans la bibliothèque, se cachait leur maître, le baron de Naarboveck, et que ce maître n’était autre que Fantômas, désormais acculé par la police, mais sans doute aussi prêt à vendre chèrement sa vie…

Ils eurent un semblant d’hésitation, puis Juve commanda :

– En avant !

Aidé de six hommes, le policier et l’inspecteur Michel commencèrent le bouleversement définitif de la bibliothèque, remuant les meubles un par un, regardant sous les canapés, écartant les rideaux, les tentures.

Rien… Pas de Fantômas !

– Par exemple ! murmura Juve.

Cependant, Juve était également sûr de lui : la bibliothèque ne comportait pas de trappes ni de porte secrète, le plancher ne s’ouvrait pas, le plafond n’était pas mobile.

Juve prit une décision soudaine :

– Tirez-moi tous ces meubles dans la galerie, ordonna-t-il, nous allons bien voir… Fantômas n’est ni invisible, ni impondérable…, il ne peut être sorti d’ici, il faut donc qu’il y soit.

Non sans peine, car il fallait agir en hâte et sans bruit, les agents déménagèrent par l’étroite porte de la bibliothèque les gros meubles qui s’y trouvaient, les menus objets également.

On avait enlevé un confortable fauteuil de cuir, quatre chaises, un guéridon, deux étagères, et la pièce se démeublait de plus en plus, lorsque, soudain, Wilhelmine apparut à l’entrée.

Pendant ces tragiques événements, le bal continuait et la fête était plus animée que jamais. De temps à autre les trois personnages qui s’étaient trouvés réunis dans cette bibliothèque avaient perçu les refrains entraînants des valses des tziganes et le joyeux murmure des conversations animées.

À la vue du désordre organisé par Juve, la jeune fille demeura interdite, stupéfaite.

Le policier, nerveux à l’extrême, parut interloqué, aussi, par cette apparition soudaine, mais il sembla défaillir au premier mot que lui adressait la jeune fille :

– Monsieur Juve, dit en effet celle-ci, sur un ton fort naturel, je suis bien contente de vous trouver. Le baron de Naarboveck m’envoie à vous…

Juve bondit :

– Qui cela, mademoiselle ?

– Le baron de Naarboveck, répéta la jeune fille, étonnée par l’attitude de Juve.

– Le baron de Naarboveck me demande ? insista celui-ci. Où ?… Depuis quand ?…

Très simplement Wilhelmine expliqua :

– Je le quitte à la seconde, à l’entrée du salon : il sortait d’ici… Mais pourquoi mettez-vous tous ces meubles dans la galerie ?… Il m’a dit : « Wilhelmine, je suis un peu fatigué et je remonte un instant dans ma chambre, mais va donc dire à M. Juve… »

Wilhelmine s’interrompit, car Juve s’était ressaisi, et, sans se préoccuper de Wilhelmine, il se précipitait dans la galerie encombrée des meubles retirés de la pièce.

Et soudain le policier s’arrêta, figé de stupeur.

Il venait de se heurter à un grand fauteuil, qu’il n’avait pas remarqué jusqu’alors, bien que cependant ce meuble figurât dans l’installation de la bibliothèque. Mais désormais son allure insolite devait retenir l’attention du policier.

Atterré, Juve le considérait :

C’était un siège extraordinaire et merveilleusement aménagé. Les accoudoirs et le dossier, ainsi d’ailleurs que le fond, s’ouvraient par le milieu et à l’intérieur du fauteuil étaient ménagés des vides, prévus évidemment pour que quelqu’un puisse s’y dissimuler. C’était, en réalité, un fauteuil double, un fauteuil à double fond, une merveilleuse cachette, un fauteuil dans lequel on était invisible, et qui, une fois refermé sur vous, paraissait vide, inoccupé.

Juve, désormais, comprenait ce qui venait de se passer.

Oh ! la chose était fort simple !

Fantômas, au moment d’être pris, profitant d’une seconde d’inattention, avec une agilité surprenante s’était introduit dans son fauteuil secret… et ce qu’il avait prévu était arrivé.

Juve, pour appréhender le bandit, avait fait fouiller la pièce, puis ordonner de la vider. Dès lors, du fauteuil abandonné dans la galerie, Fantômas était sorti le plus tranquillement du monde.

Même il avait poussé l’ironie, au moment où il quittait – pour toujours – son magnifique hôtel de la rue Fabert, jusqu’à envoyer Wilhelmine prévenir Juve de son évasion…

Juve comprit tout cela, et c’était un coup affreux qui le frappait au cœur. Il demeura anéanti.

– Qu’avez-vous donc, mon cher Juve ? interrogea doucement une voix.

Fandor qui venait de voir le diplomate qu’il savait être Fantômas – et Fantômas sur le point d’être arrêté – traverser rapidement le bal et disparaître dans la foule des danseurs.

Le policier ne répondit pas tout de suite. De grosses larmes roulaient sur ses joues creusées par la fatigue et le souci. Lentement il articula :

– Fantômas… Je le tenais… Et c’est moi qui ai fait sortir de la bibliothèque ce maudit fauteuil… c’est grâce à moi…

 Juve ne put continuer. Il s’effondra dans les bras de son ami…

Encore une fois, Juve avait échoué en arrivant au port.

Encore une fois le bandit lui échappait… Juve n’aurait-il donc jamais sa revanche ?… À l’avenir d’en décider.


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