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L'agent secret (Секретный агент)
  • Текст добавлен: 8 октября 2016, 22:24

Текст книги "L'agent secret (Секретный агент)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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– Vous avez de graves présomptions ?

– Oui, de très graves présomptions, répondit M. Havard… Je sais de source certaine qu’il a vu Nichoune la veille de sa mort. Je sais que depuis il a quitté Châlons et n’y est plus revenu… je sais que cet individu avait des relations suivies avec des gens peu recommandables, qu’on peut soupçonner d’espionnage… peut-être même espionnait-il personnellement…

– Si j’étais à votre place, monsieur Havard, sachant ce que vous avez l’air de savoir, je n’hésiterais pas une seconde… je déciderais l’arrestation de Vagualame…

– Et qui vous dit, Fandor, demanda Havard, que je n’ai pas, en effet, pris cette décision ?

17 – ENFIN DANS LA PLACE.

Premier entracte.

On venait de voir, sur la toile où s’effectuaient les projections, se silhouetter le profil d’un coq, signature de l’entreprise cinématographique dont le film s’était déroulé, et la lumière renaissait dans la salle, éclairant les grands murs nus, le plafond délabré de l’établissement connu, dans la rue des Poissonniers, sous le nom de « Cinéma-Concert Moderne ».

Parmi les spectateurs, un couple composé d’un affreux vieillard à barbe blanche et d’une jolie fille rousse.

À peine l’éclairage eut-il été rendu que le vieillard, s’adressant à sa compagne, lui murmurait :

– Je vais profiter de l’entracte pour aller fumer une cigarette.

La jeune femme approuva d’un signe de tête.

Le vieillard, qui s’acheminait rapidement vers la sortie, attirait un peu l’attention de ses voisins par sa silhouette imprévue. Il portait en bandoulière un accordéon en ruine, mais cela n’avait pas grande importance. Dans ce milieu, on ne s’étonne de rien.

Le joueur d’accordéon, c’était le policier Juve qui, poursuivant la série de ses enquêtes, continuait à se présenter à diverses personnes dont la conversation l’intéressait particulièrement, sous l’aspect de Vagualame, personnalité adoptée un certain temps par Fantômas jusqu’au moment où Juve l’avait démasqué.

Juve, exact au rendez-vous que lui avait accordé huit jours auparavant la jolie Bobinette, avait eu la chance, à l’heure dite, de rencontrer la jeune femme sous le péristyle de l’établissement où ils devaient se joindre.

Si Juve avait choisi cet étrange lieu de rendez-vous, c’était afin de ne pas risquer de choquer son entourage par son accoutrement.

Certes, le policier aurait bien pu retrouver Bobinette dans un débit de vins comme il en pullule dans les quartiers excentriques, mais il avait préféré, afin de ne pas éveiller les soupçons de Bobinette, qui aurait pu, en tête à tête avec lui, découvrir, à certains indices, qu’il n’était pas le vrai Vagualame, se rencontrer avec elle, non seulement dans un lieu public, où la bienséance voulait que l’on regardât machinalement devant soi le spectacle qui se déroulait, mais encore dans un lieu où, de par les nécessités du programme, il faisait noir presque tout le temps.

Juve, tout en faisant les cent pas devant l’établissement, en attendant la sonnette de l’entracte, se frottait les mains, satisfait de la façon dont marchait son enquête.

Bobinette, depuis une heure à peine qu’elle était avec lui, l’avait à peu près complètement renseigné sur son emploi du temps depuis huit jours.

Bobinette informait donc Juve que son voyage à la frontière avait été couronné de succès, et que la combinaison avec le caporal Vinson était « épatante ».

Et Juve, à qui Bobinette parlait d’une façon qui aurait été fort nette pour le vrai Vagualame, mais qui comportait néanmoins beaucoup d’obscurités pour le faux bandit, retenait toutefois ce fait évident que le caporal Vinson était l’un des traîtres les plus audacieux, l’une des plus grandes fripouilles que l’on pût imaginer.

Bobinette avait encore dit à Juve que le moment approchait singulièrement où le « gros coup » allait être effectué, car, ajouta-t-elle à l’oreille de son pseudo-chef, « demain, Vinson sera à Paris ».

Le policier n’osait pas insister pour avoir des renseignements complémentaires, craignant d’éveiller les soupçons de la confiante Bobinette.

***

Après l’entracte, l’interrogatoire continua. Juve mit en doute ce que Bobinette avançait :

– Puisque je vous dis que le caporal V… doit apporter avec lui le plan de la pièce en question…

– Le plan… très bien, mais c’est insuffisant…

– Puisque je vous dis que j’ai entre les mains le débouchoir destiné à l’agent du Havre. La fabrication en est tellement compliquée que, sans le dessin qui a servi à la construire, la pièce ne serait que d’un médiocre intérêt. Nous avons déjà la pièce – je vous dis qu’elle est entre mes mains, – demain nous posséderons le plan, grâce à Vinson !… Peut-on espérer mieux ?

Désormais, Juve eut une idée fixe, un irrésistible désir.

Il voulait à toute force voir de ses yeux le fameux débouchoir. Lorsqu’il se fut fait comprendre nettement par Bobinette, celle-ci le regarda avec des yeux ahuris :

– Mais vous n’y pensez pas, Vagualame ? Je ne promène pas cette pièce avec moi !

– Je pense au contraire, poursuivit Juve, que tu la gardes précieusement chez toi, bien dissimulée ?

– Assurément, répliqua Bobinette.

– Nous sommes bien d’accord, insista le faux Vagualame… et je te confirme mon intention…

Presque terrifiée, la jeune femme observa :

– Vous prétendez venir chez moi ?

– En effet…

– Et quand donc ? Rappelez-vous, Vagualame, que la pièce en question, je m’en dessaisirai demain matin de bonne heure…

– D’ici-là, j’ai le temps de la voir. Il faut que je la voie, que je l’examine, que je la tienne dans mes mains, j’ai mes raisons pour cela.

– Mais j’habite l’hôtel du baron de Naarboveck et le moindre bruit…

– Rien à craindre. D’ici une heure je serai dans ta chambre avec toi.

– Comment entrerez-vous ?

– Tu rentreras seule, ostensiblement, mais sitôt montée dans ta chambre, dont je connais la disposition, tu entrebâilleras la fenêtre. Je me charge du reste.

***

Arrivé à l’entrée du pont Alexandre, le véhicule s’arrêta.

Vagualame paya le chauffeur, cependant que, conformément aux conventions, Bobinette gagnait l’hôtel de Naarboveck.

Elle devait ensuite monter aussitôt dans sa chambre et prendre les dispositions voulues pour que Vagualame puisse y pénétrer ensuite à son tour.

Bobinette, en parvenant à son appartement ne put se défendre d’une émotion étrange.

Certes, elle était accoutumée aux audacieuses entreprises de ce Vagualame, dont elle avait souvent apprécié l’habileté, mais cette fois elle estimait que le chef avait trop d’aplomb, allait trop loin…

***

Cependant, Juve, en attendant l’heure fixée, errait sur le pont Alexandre, ne pouvant s’empêcher de penser avec une joie extrême :

– Cette fois, je tiens le bon bout. Me voilà enfin dans la place.

18 – AU NOM DE LA LOI

Le baron de Naarboveck et sa fille Wilhelmine, confortablement installés devant le feu de bois qui brûlait dans la cheminée de la bibliothèque, parlaient de la pluie et du beau temps.

Le diplomate éprouvait visiblement pour la jeune fille une affection un peu solennelle, mais sincère, tandis que Wilhelmine gardait une attitude éminemment respectueuse, mais qui ne se transformait en tendresse familière qu’au bout de quelques heures d’intimité.

On entra enfin dans le vif du sujet et Wilhelmine rougit en baissant les yeux, cependant que le baron de Naarboveck, avec une insistance taquine, la pressentait sur les sentiments réels qu’elle éprouvait à l’égard du lieutenant de Loubersac.

– Ma chère enfant, avait déclaré le baron, cet officier est plein d’avenir, il est charmant. C’est un parti qui te conviendra fort bien.

Soudain Wilhelmine pâlit :

– Je l’aime, dit-elle, il m’aime sans doute, mais quand il connaîtra le secret de ma vie…

Le baron de Naarboveck haussa les épaules :

– Ma chère enfant, fit-il, interrompant la blonde Wilhelmine, rien dans ce secret dont tu te fais un monstre ne vient entacher ton honneur ni ta responsabilité. Si j’ai cru jusqu’à présent devoir te présenter à nos relations comme étant ma…

Le baron de Naarboveck s’arrêta net, la porte de la bibliothèque s’était ouverte et le valet de pied annonçait :

– C’est une femme qui vient d’arriver avec son fils et désire voir Mademoiselle ou Monsieur. Elle dit comme ça qu’elle présente le nouveau palefrenier.

– J’avais, en effet, oublié de vous en prévenir, dit Wilhelmine, j’attendais ce soir le garçon d’écurie qui doit remplacer Charles.

Et, se tournant vers le valet de pied, demeuré impassible à l’entrée de la pièce :

– Priez donc, demanda-t-elle, Mlle Berthe de s’occuper de ces personnes.

– Mademoiselle m’excusera d’être venu la déranger, mais Mlle Berthe est absente et…

– C’est bien, interrompit Wilhelmine, je viens.

***

La mère et le fils s’inclinèrent respectueusement devant la jeune fille lorsque celle-ci parut. La garçon d’écurie avait bonne allure, et même paraissait plus distingué que ne le sont d’ordinaire les palefreniers.

Mlle Wilhelmine demanda, selon l’usage, à voir les certificats. La femme qui accompagnait le jeune homme les montra.

– C’est moi que je suis sa mère, avait-elle déclaré d’une voix forte et criarde…

– Oh ! la vilaine tête, pensa Wilhelmine.

***

M. de Naarboveck, resté seul dans la bibliothèque, se promena quelques instants de long en large, puis ne voyant pas revenir Wilhelmine, et sentant le sommeil le gagner, il quitta la bibliothèque et suivit à petits pas la longue galerie qui bordait les salons de réceptions et dominait, par un balcon à jour, le hall du rez-de-chaussée.

Soudain, le baron s’arrêta, prêta l’oreille ; il lui semblait entendre un bruit de voix. Le bruit s’affirma. M. de Naarboveck descendit.

Il se trouva, au rez-de-chaussée, en présence de deux personnages coiffés de chapeaux melon, et rigoureusement boutonnés dans des pardessus sombres. Leurs mains n’étaient point gantées, ils ne portaient ni canne, ni parapluie.

L’un d’eux tendit sa carte. Le baron lut :

Michel

Inspecteur de la Sûreté

– Veuillez me suivre, messieurs.

Posément, le baron de Naarboveck remonta le grand escalier, la main sur la superbe rampe de fer forgé, les deux policiers derrière lui.

M. de Naarboveck fit entrer ses visiteurs dans le fumoir :

– À quoi dois-je l’honneur de votre visite, messieurs ?

L’inspecteur Michel prit la parole :

– Vous nous excuserez, monsieur, de nous présenter à pareille heure à votre domicile, mais, si nous avons enfreint les usages, c’est qu’il s’agit d’un cas exceptionnellement grave. Nous sommes depuis quelques jours porteurs d’un mandat d’amener, et nous allons, avec votre permission, procéder dans votre hôtel à une arrestation…

– Il faut, en effet, messieurs, que l’arrestation que vous méditez soit particulièrement importante pour que vous vous permettiez de vous introduire chez moi à pareille heure. Puis-je savoir ce dont il s’agit ?

L’inspecteur Michel acquiesça d’un signe de la tête.

– Il n’y a aucun inconvénient à cela, monsieur, tout au contraire. L’individu que nous venons arrêter chez vous est un bandit inculpé de deux assassinats dont vous n’êtes pas sans avoir entendu parler : l’assassinat du capitaine Brocq et celui d’une chanteuse de café-concert appelée Nichoune… C’est un individu connu sous le nom de Vagualame que nous venons appréhender !

– Vagualame… balbutia le baron de Naarboveck d’une voix toute blanche.

Et si violent était son trouble, qu’il dut s’appuyer au coin de la cheminée…

– Nous étions en surveillance sur l’esplanade des Invalides, il y a une heure environ, effectuant une filature qui n’a aucun rapport avec l’affaire en question, lorsque, tout d’un coup, nous avons aperçu l’individu nommé Vagualame qui s’approchait de votre hôtel…

Le baron de Naarboveck leur coupa la parole :

– Vous avez vu Vagualame… s’écria-t-il avec l’air abasourdi d’un homme qui se trouve soudain en présence d’une bande de fous… mais c’est… c’est…

Toutefois, le diplomate semblait s’excuser de sa surprise.

L’inspecteur Michel affirmait :

– Cela est, monsieur !

Puis il continuait :

– Après avoir hésité quelques instants et s’être assuré que personne ne le suivait – nous venions de nous dissimuler derrière des arbres – Vagualame s’est introduit chez vous, monsieur, et d’une extraordinaire façon qui ne laisse aucun doute sur ses intentions sinistres. Il a grimpé au mur en s’aidant d’un tuyau de gouttière, et a pénétré dans l’hôtel par une fenêtre entrebâillée au troisième étage.

***

– Vous avez entendu, Bobinette ?

Elle avait entendu et elle frémit. Puis réagissant :

– Vagualame, murmura-t-elle, il faut fuir…

– Pourquoi ? interrogea le vieillard.

Bobinette eut un geste de désespoir et, s’élançant vers lui, le fixant les yeux dans les yeux :

– Mais ne comprenez-vous donc pas ce qui se passe ? On a dû vous apercevoir, on vient ici…

Vagualame haussa les épaules :

Le vieillard ne paraissait aucunement ému.

– Bah ! tu te fais des idées.

Mais il n’en était pas de même de la jeune femme.

Bobinette, en s’approchant de Vagualame, avait vu son regard, et ce regard soudain lui parut inconnu.

Est-ce que le Vagualame qu’elle avait devant elle était bien le vrai Vagualame, son maître, celui auquel elle obéissait aveuglément depuis si longtemps ? N’était-ce pas, au contraire, un faux Vagualame, et dans ce cas… qui était-ce ? La réponse à cette question s’imposait… Un faux Vagualame ne pouvait être qu’un adversaire de la bande dont Bobinette était membre important, ce ne pouvait être qu’un agent de la police. Dès lors, tout était perdu.

Bobinette, le cœur battant à faire éclater sa poitrine, recula avec peine de quelques pas, car ses jambes se dérobaient sous elle.

Elle atteignit un petit chiffonnier, ouvrit nerveusement un tiroir et, d’un geste brusque, y plongea la main.

La jeune femme, de ses doigts tremblants, venait de rencontrer, parmi les chiffons et les dentelles, la crosse froide d’un revolver. Sa résolution était prise : si elle était tombée dans un guet-apens, si elle s’était involontairement livrée à la police, plutôt que de subir la honte d’une arrestation, l’angoisse des enquêtes et la torture du châtiment, elle se ferait justice, mais auparavant…

Auparavant, elle ferait payer cher leur victoire à ceux qui la remporteraient.

Mais elle formait à peine ce projet que Vagualame, avec une insoupçonnable agilité, avait bondi sur elle.

Sa main étreignit le poignet de la jeune femme, le serra comme un étau, et Bobinette, cédant à la violente douleur qu’elle éprouvait, se vit obligée de lâcher l’arme que déjà elle avait au poing.

Vagualame lui ordonna :

– Pas de blagues… du sang-froid ! D’abord, sors d’ici, va sur le palier savoir ce qui se passe, et ne crains rien.

Interdite, Bobinette regarda encore une fois Vagualame. L’espoir revint. Pour parler ainsi, l’homme qui se trouvait devant elle devait bien être son maître, son complice, et cependant, en dépit de son désir de compter sur sa protection, Bobinette ne pouvait y croire. Il y avait toujours ces yeux, ces terribles yeux de Vagualame, qui n’étaient pas ceux du Vagualame qu’elle connaissait.

Juve, en un éclair, avait pensé aux envahisseurs. Qui était-ce ? Il se dissimula derrière le rideau de la fenêtre, ne laissant passer que son visage. De ce poste d’attente, il pouvait surveiller les allées et venues, et particulièrement les mouvements de Bobinette qui titubait à l’entrée de sa chambre.

Quatre personnes venaient d’atteindre le palier. L’agent Michel et son collègue regardaient avec stupéfaction les deux personnages qu’ils y rejoignaient : le palefrenier et son étrange mère.

Quelques instants auparavant, le baron de Naarboveck avait appelé auprès de lui sa fille Wilhelmine.

– Qui sont donc ces messieurs ? demanda la grosse mère du palefrenier.

Mais l’agent Michel prit la parole :

– Qui êtes-vous, madame ? Que faites-vous là ?

Juve, derrière son rideau, poussa un soupir.

– C’est Michel qui opère, pense-t-il, tout va bien !

La mère du palefrenier, un instant interdite, avait considéré le policier.

Elle hésitait à répondre, mais, Michel ayant décliné ses nom et qualité, la lourde personne venait directement à lui, le prit familièrement par le cou et lui murmura tout bas quelque chose à l’oreille.

L’agent Michel parut décontenancé et objecta :

– Je vous reconnais, en effet, maintenant… monsieur… Mais depuis quand est-ce à vous d’intervenir ?

La femme répliqua, hautaine :

– J’appartiens au service des renseignements, et le Deuxième Bureau…

– Le Deuxième Bureau n’arrête pas… que je sache… mon capitaine ?

Haussant les épaules, le capitaine Loreuil désigna son compagnon :

– Monsieur appartient au service secret du ministère de l’Intérieur… Mais peu importe… nous perdons du temps… agissons…

Tout cela si vite que Bobinette avait à peine pu comprendre qu’il se passait quelque chose. Mais la respiration lui manqua lorsqu’elle vit les quatre mystérieux personnages s’approcher de sa chambre et dire à haute voix :

– Nous commençons par ici !…

– Mademoiselle, déclara l’inspecteur Michel en s’adressant à la jeune femme effroyablement pâle, êtes-vous seule dans votre chambre ?

Incapable de répondre, Bobinette hocha la tête affirmativement.

Peu convaincu cependant, l’inspecteur Michel s’introduisit dans la chambre et jeta un rapide coup d’œil circulaire autour de la pièce.

Bobinette, les yeux fous, le regarda faire.

Elle n’avait pas vu se cacher Vagualame, et elle commençait à espérer que peut-être le mystérieux vieillard avait pu s’échapper, mais la grosse femme que Bobinette prenait encore pour une personne de son sexe se livrait à un examen plus minutieux de la chambre.

Sans la moindre discrétion, la fausse mère du faux palefrenier remua les chaises, souleva les tentures, regarda sous le lit. Brusquement, elle écarta les rideaux derrière lesquels était caché Juve, et Vagualame apparut. Juve était appréhendé, arraché hors de sa cachette. Deux hommes fort habiles et expérimentés lui passaient les menottes.

– Vagualame, déclara l’inspecteur Michel, au nom de la loi, je vous arrête !…

Cependant que le capitaine Loreuil, reprenant sa voix naturelle, dont l’intonation faisait un contraste étrange avec sa silhouette de grosse femme, s’écriait à son tour :

– Enfin, nous le tenons.

Le faux Vagualame ne broncha pas.

Il attendait la suite et, dans son esprit, la suite immédiate de son arrestation ne pouvait être que l’arrestation de Bobinette… Évidemment, l’affaire était dans le sac. Son intervention n’aurait pas été inutile, puisqu’il emmènerait avec lui la complice du vrai bandit, Bobinette, enfin démasquée. Juve était tellement convaincu que tels étaient les événements qui allaient se dérouler qu’il faillit tomber de son haut lorsqu’il entendit l’agent Michel s’excuser auprès de la jeune femme de l’émotion qu’il venait de lui causer :

– Hein ! vous ne vous doutiez pas de ce voisinage, mademoiselle ?

Et l’inspecteur ajouta :

– Vous l’avez sûrement échappé belle, car ce bandit en voulait, j’en suis convaincu, à votre existence. Mais… Vagualame est désormais hors d’état de nuire.

L’inspecteur Michel fit un signe.

Son collègue et l’agent du ministère de l’Intérieur entraînèrent brutalement Juve hors de la pièce, cependant que le faux Vagualame, se laissant faire, songeait :

– Ah çà ! mais Michel est donc complètement idiot ?

– Allons, en route pour le Dépôt ! ordonnait Michel en secouant le faux Vagualame par l’épaule.

Un instant, le policier faillit arracher sa fausse barbe, se faire connaître et, renversant soudain les rôles, décider ses collègues à arrêter Bobinette. Toutefois, Juve se ravisa.

Il avait eu, quelques instants auparavant, le soupçon que la jeune femme doutait de son authenticité. Cette arrestation sous ses yeux devait désormais la rassurer et la persuader que le Vagualame qu’on menait en prison était bien le vrai Vagualame. Mieux valait donc laisser s’accréditer chez elle cette opinion. Juve, une fois sorti de l’hôtel de Naarboveck, s’expliquerait avec ses collègues, et ça ne serait pas long.

Cependant, le prisonnier, encadré des agents de la Sûreté, descendit l’escalier, gagna la rue.

Au premier étage, il avait aperçu, dissimulé dans un coin de l’antichambre, le baron de Naarboveck, très digne, et Wilhelmine, terrorisée. D’autre part, n’ayant pas jugé opportun de se faire connaître des maîtres de la maison, la pseudo-mère entraînait son fils, criant à tue-tête :

– En voilà une boutique ! je ne veux pas que tu restes là-dedans !… Sosthène, mon enfant, viens-t’en avec ta bonne mère qui te trouvera une place plus tranquille !

***

Bobinette était tombée assise dans un fauteuil, à demi morte d’émotion. Les idées se pressaient en foule dans son esprit, mais elle était incapable d’en préciser une seule, tant ces événements étranges s’étaient précipités, ne lui permettant pas de s’y reconnaître. Néanmoins, deux grands faits lui apparaissaient.

Le premier, c’est que Vagualame était arrêté, tandis qu’elle était libre, et le second, c’est qu’on n’avait pas cherché dans sa chambre le fameux débouchoir volé à l’arsenal, et que, le lendemain, elle irait selon les ordres reçus transporter au Havre en compagnie du caporal Vinson, porteur, lui, du plan de l’appareil.


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