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Piège pour Catherine
  • Текст добавлен: 7 октября 2016, 15:15

Текст книги "Piège pour Catherine"


Автор книги: Жюльетта Бенцони



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Текущая страница: 27 (всего у книги 27 страниц)

Il faut que je retourne là-bas... chez nous... pour eux. Il faut que je m'en aille... que je te laisse, mon amour...

Elle enfouit sa tête contre cette main, souhaitant éperdument mourir là, à cette seconde, ne plus se relever jamais.

– Dame Catherine, fit la voix rauque de Gauthier, il faut partir, nous sommes prêts.

Elle les regarda. Il y avait des larmes dans leurs yeux, mais aussi une résolution farouche.

Landry, ficelé étroitement, était toujours debout et sa bouche était encore libre.

– Je veux te dire au revoir avant que l'on me bâillonne, fit-il doucement. Aie confiance, Catherine ! Va sans crainte dans le chemin qui t'attend. Tu sais bien que je suis ton frère et que je t'ai toujours aimée tendrement.

Alors, elle se jeta au cou du moine, l'étreignit farouchement et l'embrassa plusieurs fois.

– Veille sur toi, mon Landry, hoqueta-t-elle. Veille aussi sur lui et prie Dieu qu'il ait pitié de nous...

– Vite ! s'impatienta Landry qui ne voulait pas se laisser gagner par l'émotion. Il ne faut plus perdre de temps. Le bâillon, maintenant... puis un coup d'escabeau. Mais tâche de ne pas me tuer, garçon ! Je prierai pour vous tous. Adieu, Catherine...

Un instant plus tard, le moine qui s'était appelé Landry Pigasse gisait sur le dallage, proprement assommé par Gauthier. Un peu de sang perlait sur la peau brune de son crâne tonsuré.

Il aura une bosse énorme, constata le jeune homme, mais il respire normalement et j'ai fait de mon mieux. Filons, maintenant.

Arrachant Catherine presque de force du corps inerte de son mari où elle était revenue irrésistiblement, il la traîna vers le réduit.

La dernière vision qu'elle eut d'Arnaud fut, dans la lumière jaune d'une chandelle, un profil qui lui parut figé pour l'éternité sous des linges ensanglantés...

La longue nuit s'acheva. Quand le jour se leva sur les grandes forêts d'alentour, à l'appel de quelques coqs enroués, le ciel, où s'attardaient des étoiles brillantes, devint gris-bleu, puis mauve... puis rose. L'aurore éclata, triomphante, annonçant une très belle journée, et les trois fugitifs, tapis sous les ronces et les cornouillers, regardèrent grandir la lumière...

Ils étaient las, transis de froid dans leurs vêtements mouillés que la fraîcheur du petit matin avait glacés. La traversée de la rivière avait été dure, à cause du flot rapide, et l'escalade de la motte féodale, à travers fourrés et éboulis, ne l'avait pas été moins. En arrivant au pied des formidables murailles, ils s'étaient jetés sous les buissons comme dans un havre. Ils y étaient invisibles, presque en sûreté. Pourtant, ils attendaient avec impatience que le château, enfin, s'ouvrît pour eux.

Le village, en bas, paraissait tout petit, privé d'importance et cependant, parmi tous ces toits couleur de terre, Catherine parvenait à en distinguer un : celui sous lequel reposait l'époux qu'elle avait dû abandonner.

Respirait-il encore ou bien la mort, si habile à se glisser dans les corps épuisés des malades, aux heures noires du petit matin, avait-elle fait son œuvre ? Landry était-il revenu de son évanouissement ?

Avait-on découvert leur fuite ?

Le village était tranquille, presque trop. Sur la place, quelques soldats à moitié nus se dirigeaient vers la fontaine pour y effacer les brumes de la nuit, tandis que d'autres s'en allaient, en armes, relever les sentinelles. Un peu de fumée voltigeait à la cheminée de la maison du notaire...

Contre sa joue, Catherine sentit le souffle de Bérenger et vit que le page, lui aussi, regardait le village et qu'il avait les larmes aux yeux.

Émue, elle demanda :

– Vous pleurez, Bérenger ?

Il tourna vers elle sa petite figure fatiguée où la lassitude et l'angoisse ramenaient l'enfance. Mais la tristesse des yeux bruns était celle d'un homme. En quelques jours, Bérenger avait vieilli, même s'il n'avait toujours que quatorze ans.

– Messire Arnaud..., murmura-t-il... Le reverrons– nous un jour ?

Dieu nous fera-t-il miséricorde ?

– Nous ? Souhaitez-vous donc le servir encore... après ce que vous avez vu ?

– Oui ! À cause de vous, Dame Catherine. Vous l'aimez tant. Et cependant, pour moi, vous avez consenti à le quitter, sans même savoir s'il vivrait.

– Ce n'est pas à cause de vous, Bérenger. Le Damoiseau aurait trouvé un autre moyen de me contraindre.

– Vous dites ça pour que j'aie moins de peine, mais je suis coupable, moi aussi, car il est mon seigneur et je l'ai abandonné. S'il meurt... je retournerai chez les chanoines de Saint-Projet et je me ferai moine.

Le chagrin de l'enfant, ce besoin de sacrifice et aussi cette espèce de marché qu'il voulait passer avec Dieu, louchèrent Catherine au plus profond. Doucement, elle tourna la tête et posa ses lèvres sur la joue mouillée du page.

– Ne dites pas de sottises, Bérenger ! Vous n'êtes pas fait pour le cloître...

Mais quelque chose se serra dans son cœur. Landry, lui non plus, ne paraissait pas fait pour le couvent lorsqu'il avait l'âge de Bérenger...

L'appel du ciel emprunte parfois d'étranges chemins... Cependant, elle savait que Bérenger ne l'avait pas entendu. Il voulait seulement payer ce qu'il estimait être sa dette : entrer en religion pour expier la mort solitaire de son seigneur...

Elle regarda le ciel comme pour lui demander un signe. Il était beau et pur, si serein qu'il semblait ne pouvoir couvrir que le calme et le bonheur. Ce n'était pas du tout un ciel de désespoir mais, dans la chaude teinte dorée qui commençait d'envelopper la nature, Catherine croyait lire une sorte de promesse.

Elle crut entendre, par-delà l'espace, la voix de Sara qui, pleine de conviction, lui avait dit au premier soir du siège :

– Messire Arnaud reviendra à Montsalvy !

Hélas, elle n'avait pas précisé sous quelle forme et sa prédiction s'était bornée à lui affirmer qu'elle aurait encore à souffrir de lui...

La cloche de la chapelle sonna prime et le cœur engourdi du château, lentement, se remit à battre. Les cris des guetteurs se répondirent d'une tour à l'autre, tandis qu'une corne mugissait quelque part pour appeler les hommes à leur tâche quotidienne.

Gauthier, qui avait fini par s'endormir, s'étira et bâilla :

– Est-ce l'heure ? demanda-t-il.

Pour toute réponse, Catherine lui montra le soleil qui bondissait au-dessus de la grande mer verte des arbres. L'heure était venue, en effet

! La première d'une longue suite inconnue...

Quel avenir annonçait-il, ce soleil, pour la dame de Montsalvy ?

Celui de l'amour retrouvé, revécu, rénové, à l'abri d'une poitrine d'homme... ou bien celui, austère, d'une femme en noir, isolée sur sa montagne suzeraine, à mi-chemin du ciel devenu le dernier espoir et de la terre où s'élèverait l'héritier et où le petit peuple chaleureux, tenace et fier continuerait d'écrire avec sa sueur et son sang la belle histoire du pays arverne ?

La réponse n'appartenait pas à Catherine mais, cette fois, elle n'essaya pas de forcer le destin par de nouvelles supplications. Le temps en était révolu. Avec simplicité, avec humilité aussi, elle s'en remit enfin à plus puissant qu'elle :

– Que Ta Volonté soit faite, Seigneur..., murmura-t-elle.

Et, courageusement, elle détourna les yeux de la maison du notaire, tandis qu'avec un grondement de tonnerre descendait le grand pont-levis...


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