Текст книги "Le pendu de Londres (Лондонская виселица)"
Автор книги: Марсель Аллен
Соавторы: Пьер Сувестр
Жанр:
Иронические детективы
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3 – L’OTAGE
– Bigre ! cela fait du bien de s’asseoir !…
Jérôme Fandor alluma sa lampe qu’il posa sur la table, puis se jeta sur son lit.
Jérôme Fandor paraissait accablé de fatigue…
– Passer une nuit, ce n’est rien, monologuait-il, mais la passer dans les conditions où je viens de passer la dernière, en découvrant des choses ahurissantes, en conduisant des enquêtes invraisemblables, cela mérite du repos… je suis rompu… D’ailleurs la journée que je viens de vivre y est bien aussi pour quelque chose… j’ai couru, trotté, enquêté de tous les côtés… Vrai ! j’ai bien le droit d’être un peu tranquille…
Le journaliste n’acheva pas sa phrase : il bondit de son lit et se mit à se promener à grands pas dans sa chambre…
– Quelle tête va faire Juve, pensa le jeune journaliste, quand il va recevoir mon télégramme. Pas explicite du tout mon télégramme !… Je lui dis seulement que j’ai retrouvé Fantômas, cela en réponse à sa propre dépêche m’avertissant qu’il sait où est lady Beltham… Il y a de quoi l’estomaquer…
Ah ! Juve, certes, serait surpris, au reçu de la dépêche que lui envoyait Fandor…
– Il va venir me rejoindre à Londres, songeait encore le journaliste… C’est notre bonne vie de luttes et de dangers qui reprend, c’est la guerre qui recommence après une longue trêve… Mais ce n’est pas tout ça, au travail. J’ai promis à Juve de lui envoyer des explications.
Jérôme Fandor qui, tout à l’heure, parlait de se reposer retrouvait son activité coutumière. Il s’assit devant son bureau, tira de son sous-main une large feuille de papier à lettre, et de son écriture bizarre, indéchiffrable presque, commença la lettre suivante :
Mon bon Juve,
Vous avez dû sauter de joie en recevant ma dépêche, mais, tel que je vous connais, après un instant de réflexion, vous avez dû, aussi, douter de mes affirmations, douter de la vérité, ne pas croire que j’avais réellement rencontré Fantômas. Je ne vais pas m’amuser à vous faire languir. Je ne vais pas accumuler des phrases pour exciter votre curiosité. D’abord je tombe de sommeil, et puis j’ai pitié de vous. Voici donc les faits dans toute leur éloquence…
Mais Fandor s’interrompit, et jetant son porte-plume :
– Au diable l’inventeur du faux-col, sacra-t-il, le mien me scie le cou. Ma foi, comme je suis seul dans ma chambre, au diable l’élégance…
Le journaliste déboutonna sa veste, se libéra le cou.
Plus libre, il revint à sa table de travail où, par habitude il posa à côté de lui, bien à portée de main, son revolver…
Mon bon Juve, poursuivit Fandor, qui avait repris la plume, j’ai découvert un filon extraordinaire. C’est d’abord qu’un riche lord, lord Duncan, n’est autre que notre vieil ami Ascott. Ascott était le nom de ce cadet de lord Duncan. Lord Duncan père est mort, le frère aîné d’Ascott est mort. Ascott est devenu lord Duncan. Sachant cela, je me suis attaché à la piste de ce dit lord Duncan. Était-il toujours marié avec l’infâme Nini Guinon ? Était-il toujours victime de l’extraordinaire chantage qu’avait réussi sur lui Fantômas, sous les apparences du père Moche ? J’ai retrouvé Nini Guinon dans la pègre, où elle mène une existence lamentable de noce, de débauche, de tout ce que vous voudrez… J’ai retrouvé Nini Guinon mère d’un enfant de lord Duncan, un enfant qui s’appelait Jack. Mais j’ai retrouvé Nini précisément au moment où le petit Jack venait de mourir. Ne me demandez pas s’il est mort de mort naturelle ou s’il a péri victime de manœuvres criminelles, je n’en sais rien… Tout ce que je sais, c’est que sa mort pouvait avoir de terribles conséquences pour Nini et pour Fantômas. Comment Nini, en effet « tenait-elle », c’est l’expression consacrée, son illustre époux, lord Duncan ? Par l’enfant, tant que l’enfant vivait. Lord Duncan ne pouvait rien contre Nini, l’enfant mort, il était évidemment bien libre de rompre avec la mère indigne, et comme j’imagine d’autre part que si Fantômas s’était donné le mal de marier Nini avec celui qui devait devenir lord Duncan, ce n’était pas sans motifs, il dû être fort ennuyé de la mort du petit Jack… l’enfant lui étant nécessaire pour faire chanter le père. Mais qu’est devenu Fantômas ?
Mon cher Juve, à grand-peine, nous avons, il y a près de deux ans, identifié Fantômas avec le policier Tom Bob. Nous avons été les seuls, en somme avec M. Havard, avec, peut-être, quelques agents de la Sûreté, à savoir que Tom Bob c’était Fantômas. La personnalité de Tom Bob n’a donc jamais été brûlée, officiellement… Quelle n’a pas été ma surprise, mon admiration, même, pour le génie, pour la superbe audace du monstre, quand je me suis aperçu que profitant de cela Fantômas était resté Tom Bob… Comprenez-moi bien : il y a en ce moment un policier à Scotland Yard, un policier réputé, membre du Conseil des Cinq, chef de tous les détectives, qui est Tom Bob, qui est Fantômas ! Je l’ai vu, je l’ai reconnu…
Ayant ainsi retrouvé Fantômas d’une part, Sir Ascott, devenu lord Duncan et Nini Guinon, d’autre part, je m’apprêtais tout bonnement à vous annoncer ces découvertes lorsque les événements ont pris une orientation inquiétante…
Suivez-moi bien.
Mais comme il écrivait – très absorbé – Jérôme Fandor, soudain, releva la tête :
– Personne ? fit-il… bon. C’est moi alors qui ai dû faire tomber cela en prenant de l’encre…
« Suivez-moi bien, continuait Fandor, connaissant mes personnages je m’occupe de les pister, or, je fais cette extraordinaire découverte : Fantômas vole un enfant de dix-huit mois à une artiste française, nommée Françoise Lemercier, et cet enfant, il l’apporte à Nini pour qu’il remplace aux yeux de lord Duncan le petit Jack si malencontreusement décédé. C’est un chantage qui s’organise, un chantage facile, et dont la réussite semble, je vous le répète, assurée, par le fait que Tom Bob est au-dessus de tout soupçon, en raison précisément de sa situation en tant que détective… Mon cher Juve, vous comprendrez cela, la gravité de l’heure présente, Tom Bob est difficile à attaquer… Mais, d’autre part, il ne doit prévoir aucun piège, il doit se croire assuré de l’impunité…, Fantômas, pense-t-il est oublié… C’est bien cet état d’esprit, n’est-il pas vrai, qui peut nous donner le plus de chance, le plus d’espoir d’arr… »
Fandor cette fois s’interrompit… Ah ça, il n’avait pas rêvé ! Que se passait-il ? Quelle était l’explication ?
…Pour empêcher son papier à lettre de s’écrouler hors de la boîte, Fandor, quelques instants auparavant, en guise de presse-papier, avait appuyé sur la pile d’enveloppes, son outil principal, ses ciseaux de journaliste… or, les ciseaux n’étaient plus à l’endroit où il les avait mis…
– Nom d’un chien ! cria le journaliste, qu’est-ce que cela veut dire ? Mes ciseaux étaient là ! Je suis certain que je les avais posés sur ce papier…
C’était en vérité quelque chose d’insignifiant que la disparition de cette paire de ciseaux…
Un esprit ordinaire n’y eût attaché aucune importance… Sans doute le journaliste se trompait-il…
– Mes ciseaux… mes ciseaux… où sont mes ciseaux ?
Et il ne les trouvait pas…
Mais, comme le journaliste déplaçait un dossier, il aperçut son revolver. Instinctivement Fandor s’en saisit, de l’index il souleva la plaquette masquant le barillet pour vérifier le chargement de l’arme, et le faisant, il pâlit :
– Ah nom de Dieu ! jura-t-il…
Le barillet était vide.
Cette fois, la stupéfaction de Fandor, son émotion, furent terribles.
Puis, renonçant à réfléchir, Fandor, repoussa sa chaise, voulut se lever, courir à son armoire pour recharger son arme.
Mais comme le journaliste tentait de se mettre debout, Il s’aperçut qu’on lui avait lié les jambes au pied de la chaise. Dans son brusque mouvement, il s’empêtra, il roula par terre… À peine avait-il eu le temps de crier, fou de rage : « Nom de Dieu de nom de… » qu’un bâillon lui fermait la bouche, des liens immobilisaient ses bras… Il était mis hors d’état de bouger…
– Monsieur Fandor, gouailla une voix ironique, ne cherchez ni vos cartouches, ni vos ciseaux, ni votre coupe-papier… Armes dangereuses dans les mains d’un enfant terrible comme vous…
L’homme qui parlait c’était le détective Tom Bob, c’était l’effroyable bandit Fantômas…
Dans la chambre, où le drame, rapide, venait de se jouer, un silence lourd d’effroi pesa…
– Ma foi, pensait le jeune homme, je puis dire adieu à l’existence… Puisque j’ai identifié Fantômas, c’est la mort…
Mais le roi du crime prenait la parole :
– Monsieur Fandor, commença-t-il, je ne pense pas qu’il soit besoin que je me présente à vous. Je suis Fantômas, je me fais appeler Tom Bob. Nous sommes, vous et moi, de vieilles connaissances, il y a plus de dix ans que vous me poursuivez, vous souhaitez ma mort… et moi… et moi je ne vous veux pas de mal… Je ne vous veux pas de mal, et vous auriez tort de ne point me croire. Une fois déjà, d’ailleurs, nous nous sommes trouvés en présence, vous et moi, dans une situation ayant beaucoup de rapports avec celle où nous sommes en ce moment… Vous rappelez-vous ? C’était dans le grenier du père Moche ?
Fandor n’en croyait pas ses oreilles… Le bandit lui parlait d’un ton calme, heureux de causer, semblait-il.
Ah çà ! Fantômas n’en voulait donc pas à sa vie ?… Que méditait-il ?
Pourquoi s’était-il emparé de lui ?…
– Monsieur Fandor, poursuivait l’extraordinaire Tom Bob, permettez-moi tout d’abord de vous présenter mes plus sincères félicitations. Tout à l’heure, pendant que vous écriviez à Juve, j’escamotais votre poignard, vos ciseaux, les balles de votre revolver, je me suis permis de lire par-dessus votre épaule… Votre lettre est un chef-d’œuvre. Vous expliquez à Juve une foule d’excellentes choses qui, sans doute, l’intéresseraient beaucoup… s’il devait jamais les lire. Malheureusement…
Tom Bob-Fantômas se leva, prit sur le bureau de Fandor la feuille de papier à lettre, la déchira en mille petits morceaux qu’il glissa dans sa poche :
– …Monsieur Fandor, je n’ai aucunement l’intention de vous violenter, de vous nuire en quoi que ce soit… Tout simplement j’ai le désir de vous empêcher de me jouer de méchantes farces. Tenez, voulez-vous un gage de mes bonnes intentions ? Je vais enlever votre bâillon… Je vous préviens, d’ailleurs, que j’ai pris la précaution de louer toutes les chambres de la maison. Là ! Vous sentez-vous mieux ? Oui ? Vous allez pouvoir me répondre ?…
– Un mot, dit Fandor. Je suis en votre pouvoir, Fantômas, qu’attendez-vous de moi ? Que voulez-vous ? Ma mort, sans doute ? Eh bien, tuez-moi !
– Avant tout, répondit Fantômas, faites-moi le plaisir de m’appeler Tom Bob… c’est en Tom Bob que je suis devant vous, je tiens à rester Tom Bob. Et puis, monsieur Fandor, qui vous dit que je veuille vous torturer ?… Quel vilain mot vous employez… Ai-je donc l’air d’un tortionnaire ? Allons donc. Je vous délivre…
– Oui, fit remarquer Fandor, avec le sourire, vous m’avez enlevé mon bâillon, mais vous n’avez garde de me détacher les mains.
Fantômas se précipita :
– Oh ! pardon, mon cher ! excusez-moi… Je ne vois, au contraire, aucun inconvénient à vous rendre la liberté de mouvements que vous me demandez… Vous êtes sans arme, et j’ai moi, un petit bull-dog, qui me tranquillise…
Tout en parlant, Tom Bob déliait Fandor, aidait le journaliste à se remettre debout :
– Toutefois, je préfère ne pas vous rendre la complète liberté, et laisser vos mains prisonnières, dans ces menottes que je vous ai passées… Vous êtes si follement téméraire que vous pourriez avoir envie de vous jeter sur moi, bien que désarmé…
– Vous avez raison, dit le journaliste.
– Comme toujours… Donc, vous me demandez ce que j’ai l’intention de faire de vous ? Monsieur Fandor, apprenez-le tranquillement… Vous êtes un otage, rien de moins, rien de plus… Désormais, et pour quelque temps, considérez-vous comme prisonnier de guerre de Tom Bob !… Ma vie change. J’ai besoin d’être tranquille quelque temps, et votre ami Juve pourrait me gêner… il m’a semblé que le meilleur moyen de m’assurer le repos, de son côté, était de vous tenir à ma merci… Quand Juve saura que, s’il s’attaque à moi, vous en subirez le premier les conséquences, il devra me laisser tranquille… n’est-ce pas ?
– Non, dit Fandor.
– Ah ?
– Non ! Juve et moi, Fantômas, nous vous poursuivons sans trêve et sans merci, parce que vous êtes l’ennemi de la société, le criminel épouvantable qui n’a pitié de rien. Ce n’est pas une vengeance personnelle que nous voulons tirer de vous… mais nous sommes les vengeurs de toutes vos victimes… Juve ne s’arrêtera donc pas aux considérations que vous croyez. Il sait que j’ai fait bon marché de ma vie. Même si je suis en vos mains, même si je suis votre otage, il vous poursuivra, il vous arrêtera. C’est son devoir…
Mais Fantômas s’était levé…
– Monsieur, déclarait-il brusquement et non sans une certaine solennité, l’heure que nous vivons est étrange ; je ne puis rien vous confier de mes projets, pourtant, au moment où vous devenez mon otage, au moment où je vous annonce que vous allez me servir à intimider Juve, au moment où vous me bravez encore, je tiens à honneur de vous dire que j’admire votre énergie. Vous êtes digne d’être mon ennemi…
Et Fantômas parlait de telle façon, avec une émotion si réelle que, malgré lui, Fandor se sentit troublé…
Certes, l’homme qu’il avait devant lui était un assassin, mais cet assassin était grand, ses crimes s’auréolaient d’audace… et Fandor, malgré qu’il en eût, ne pouvait le mépriser…
– Que voulez-vous faire de moi ?
– Je vous l’ai dit, un otage… Vous allez me servir à effrayer Juve… non, ne protestez pas, ne me dites pas que Juve ne s’arrêtera pas à une telle situation… ne me dites pas qu’il vous condamnera à mort pour obéir à son devoir !… Un tel dévouement à la cause du Bien deviendrait criminel. Je vous tiens et par cela je tiens Juve ! Je le sais… ne le niez pas !
Fandor, cette fois, s’abstint de répondre…
Il connaissait trop la profonde affection que Juve lui portait, il savait, d’autre part, trop bien à quel degré d’atrocité pouvait recourir Fantômas, pour ne point craindre, en effet, qu’étant en sa possession, le bandit ne trouvât moyen de forcer Juve à le laisser poursuivre en paix ses horribles forfaits…
Après un silence, Fandor reprit cependant :
– Je suis votre otage, soit, où pensez-vous donc me conduire ?… Vous avez pu louer cette maison pour empêcher qu’on entendît mes appels, mais, en somme…
D’un geste, Fantômas fit comprendre au journaliste que toute résistance était vaine.
– Venez, dit-il simplement… Vous devriez savoir, monsieur Fandor, que je ne suis pas homme à m’arrêter à des difficultés de cette nature…
Tom Bob devait être, en effet, bien certain de l’impunité, de la réussite de ses projets pour ne point hésiter davantage. Revolver en main, ce qui était superflu puisque Fandor, les menottes aux poings, ne pouvait tenter aucune résistance, il fit descendre le journaliste jusqu’au rez-de-chaussée de la maison meublée…
– Inutile de crier, répéta-t-il, vous pensez sans doute à vous faire entendre des ouvriers employés dans la boutique voisine, du menuisier-emballeur ?… Réfléchissez qu’à cette heure, ils ne sont plus dans l’atelier… D’ailleurs, voici votre prison… aussi confortable que possible… entrez…
Le journaliste, à l’invite de son ravisseur, pénétra dans une extraordinaire petite pièce…
On eût dit une cabine de bateau, large de deux mètres, longue de trois, peut-être, elle était juste assez haute pour que l’on eût pu s’y tenir debout… aux murs étaient accrochées des bibliothèques chargées de livres, quelques gravures ; dans un coin, un lit, une couchette plutôt, dans un autre, une table-toilette…
– Vous voici chez vous, continuait Fantômas… cette chambre n’est pas grande, mais vous n’y resterez guère plus d’un mois… J’ajoute, monsieur Fandor, que j’ai tenu surtout à ce qu’elle soit parfaitement calfeutrée. D’ailleurs, pour mieux vous en convaincre, voyez, sur votre lit, j’ai fait mettre un violon. Vous serez libre de tirer de cet instrument les sons les plus aigus… nul ne les entendra…
– Vous faites de l’ironie ?
– Pourquoi donc ?
– J’ai les mains liées.
– Enfantillage, dit Fantômas, tenez, monsieur Fandor, contre ce mur, j’ai fait sceller cette petite lime… Quand je vais être parti, dans quelques minutes, vous pourrez vous occuper à user les anneaux de vos menottes… Vous y arriverez…
– Bien, répondit Fandor, je n’ai qu’à m’incliner… Mais combien de temps pensez-vous donc véritablement m’obliger à vivre dans un espace aussi restreint ?
– Vous resterez dans cette chambre un mois à peu près… chaque jour vous recevrez ma visite, et je m’efforcerai de satisfaire à tous vos désirs, livres, tabac, etc. Pendant ce mois, vous ne sortirez pas, mais après, je vous promets que votre sort s’améliorera notablement… La pièce est bien ventilée. Comme nourriture, je ferai en sorte de prendre vos ordres, et, en tout cas, comme il faut tout prévoir, j’ai fait disposer des conserves saines, hygiéniques, nutritives, dans ce buffet à droite… Donc, ne craignez point de mourir ni d’asphyxie, ni d’inanition… Avez-vous autre chose à me demander ?…
– Je n’ai rien à demander à Fantômas.
– Alors, fit-il, je n’ai plus qu’à vous quitter. Monsieur Fandor ?… vous comprenez bien la situation, n’est-il pas vrai ?… Je vous soignerai, de mon mieux comme l’on doit soigner un otage, car vous êtes un otage… Votre sort dépend de Juve…
– Soit, dit Fandor, vous êtes le plus fort… Il en sera donc comme vous voudrez…
Mais à cela, Fantômas se contentait de sourire de son éternel sourire.
– Je le pense bien, déclara-t-il… Monsieur Fandor, nous n’avons plus rien à nous dire ?… À demain…
Tom Bob-Fantômas s’inclinant en une sorte de petit salut ironique, sortit de la chambre, Fandor entendit le jeu compliqué de multiples serrures…
***
Il y avait quarante-huit heures que Jérôme Fandor était prisonnier dans la mystérieuse cellule qu’avait aménagée pour lui Fantômas.
Après un violent moment d’abattement, après une affreuse crise de désespoir, le journaliste s’était vite ressaisi.
Fantômas ne devait pas encore être loin de la prison où il avait conduit celui dont il voulait faire un otage que Jérôme Fandor déjà réfléchissait, s’apprêtait à la lutte… Le journaliste, par acquit de conscience, avait minutieusement examiné son cachot, il s’était vite convaincu que Fantômas ne l’avait en rien trompé : l’extraordinaire chambrette était merveilleusement calfeutrée, à coup sûr, rien ne lui aurait servi d’appeler, il n’aurait pu an aucune manière se faire entendre, il ne pouvait davantage s’évader…
Quelle était d’ailleurs cette chambre bizarre ?
Fandor s’en faisait mal une idée.
L’hôtel où il habitait, où Fantômas avait eu l’audace inouïe de se saisir de sa personne, tenait plus de la maison meublée que de l’hôtel proprement dit. Le bandit avait pu facilement, supposait le journaliste, y aménager une chambre en prison, et s’arranger en louant les pièces avoisinantes pour que nul ne pût découvrir ou aider celui qu’il entendait y maintenir captif. En tout cas, Fandor l’avait noté malgré son émotion, le réduit qu’il occupait se trouvait au rez-de-chaussée de l’immeuble…
Le logis dans lequel Fandor se trouvait n’avait qu’une porte fermée par de robustes serrures… Aucune fenêtre ; la lumière électrique.
Être l’otage de Fantômas, ce n’était pas rassurant. Un frisson d’angoisse courait au long de l’échine du journaliste, quand le malheureux songeait qu’il était aux mains de l’énigmatique et cruel Maître de l’Épouvante. Mais en même temps un espoir le rassurait : il y avait Juve.
– Je suis l’otage de Fantômas, soit ! se disait Fandor, si Fantômas a besoin d’un otage, c’est qu’il a besoin de traiter avec Juve, s’il a besoin de traiter avec Juve, c’est que Juve menace d’être plus fort que lui… ayons confiance, Juve me sauvera…
D’ici là, il fallait, sous peine de sentir sa raison craquer, consacrer toute son énergie à une besogne quelconque. Fandor bientôt entreprenait d’user ses menottes à la lime fixée au mur.
Les heures passaient, interminables, consacrées à ce travail de libération…
– Fantômas m’a dit qu’il reviendrait me voir aujourd’hui ?… Comment se fait-il qu’il ne soit pas encore là ?…
Hélas, cette question, le journaliste devait se la poser à maintes reprises…
Les journées, plusieurs, se succédaient. Nul ne venait le visiter…
– Il m’abandonne, songeait Fandor… si je n’avais pas des conserves, j’en conclurais qu’il veut me condamner à périr de faim… mais les approvisionnements dont je dispose sont largement suffisants pour plus d’un mois… alors que veut dire, que signifie la non-venue du bandit ?… Est-ce que Juve, déjà ?…
Et puis, soudain, brusquement, au beau milieu d’une journée monotone où Fandor réussissait à affranchir définitivement ses mains du terrible lien des menottes, une nouvelle surprise…
Il lui avait semblé que son logis bougeait…
Et Fandor, abruti d’étonnement, se demanda :
– Mais sapristi de sapristi, qu’est-ce que cela veut dire ? suis-je donc dans une caisse, ou bien dans une roulotte automobile… et puis où m’emmène-t-on ? que va-t-on faire de moi ? ah ! Juve ! Juve !… je crois que si vous n’arrivez pas…