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Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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Текст книги "Le pendu de Londres (Лондонская виселица)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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Ils étaient trois d’âge à peu près analogue, la cinquantaine passée et tous les trois, l’un après l’autre, parlaient :

– Symptômes graves, disait un premier…

– Processus morbide, affirmait un deuxième…

Le troisième se contentait de toussoter, les mains ouvertes en signe de résignation…

Puis, les hommes graves se turent jusqu’à ce que l’un d’eux se décidât à déclarer :

– Il faut aviser.

Ils en seraient restés là, sans doute, si la porte ne s’était ouverte, brusquement, pour livrer passage à Nini, qui, les yeux rouges, la figure gonflée comme si elle venait d’avoir une véritable crise de larmes, les mains jointes, se précipita vers les trois hommes, interrogeant d’une voix haletante :

– Eh bien, docteurs ?

Le plus âgé des trois se décida à répondre à Nini :

– Mon Dieu, mademoiselle, il est certain que votre amie est malade… très malade.

– Ah ! c’est horrible ! mais qu’a-t-elle ?…

– Le diagnostic est difficile à préciser, mademoiselle, très difficile. Mes collègues sont, je crois, du même avis que moi ?

Les deux autres médecins s’inclinèrent gravement.

– Et c’est pourquoi nous tardons à vous donner le résultat de cette consultation, à laquelle nous avons été appelés sur l’avis de votre infirmière, d’ailleurs fort bien inspirée…

Le médecin fit une pause, puis, se décida à reprendre :

– Nous voudrions tout d’abord savoir, mademoiselle comment cette indisposition s’est déclarée ?

Nini qui s’était arrêtée au milieu de la pièce et qui avait examiné successivement la figure des trois médecins, comme si elle cherchait à deviner leur pensée, répondit :

– Mais subitement, messieurs, subitement… Françoise allait très bien il y a une semaine encore, et puis tout d’un coup elle s’est plainte de violentes douleurs à l’estomac, de fourmillements dans les jambes, de maux de tête violents…

L’un des docteurs acheva :

– Et la fièvre l’a prise ?

– Oui, monsieur, et la fièvre l’a prise…

– C’est alors, mademoiselle, qu’effrayée de voir votre amie souffrante, vous avez fait venir le médecin du quartier ?

– Oui docteur…

– Puis la malade a été moins bien, n’est-ce pas ?… Le délire s’est déclaré, et votre propre médecin vous a conseillé de prendre une infirmière ?

– Oui, docteur…

– Laquelle infirmière, effrayée à son tour de voir baisser le pouls de la malade a fait sa déclaration, cette bizarre déclaration que j’ai entre les mains – et le docteur agitait une feuille de papier – au poste de police qui nous a commis tous les trois pour examiner Mme Françoise Lemercier, rechercher l’exacte nature de son indisposition, décider enfin quelle pouvait en être la cause…

– C’est bien cela, messieurs, et vous ne trouvez rien ?

La voix de Nini s’était faite encore plus anxieuse.

Évidemment, la jeune femme n’était pas dupe des paroles onctueuses du médecin. Elle se rendait parfaitement compte, que le célèbre médecin que la police avait envoyé parlait beaucoup pour ne rien dire, et noyait le poisson.

– Nous trouvons, mademoiselle, reprit enfin l’homme de science, des symptômes extraordinaires et contradictoires. Votre infirmière, Mlle Kate, nous disait tout à l’heure, conformément d’ailleurs à ce qu’elle indiquait dans sa déclaration, qu’elle avait un instant supposé qu’il pouvait s’agir d’un empoisonnement… Après examen de la malade, je dois vous dire qu’il semble, à mes confrères, comme à moi, que ce soit bien là le cas en effet. Mais d’autre part, nous ne comprenons pas d’où pourrait provenir cet empoisonnement, et, par conséquent, comment nous pourrions y remédier.

Nini joignit les mains, encore une fois dans un geste affolé :

– Ah ! c’est horrible ! c’est épouvantable s’écria-t-elle… nous sommes trop malheureuses. Françoise empoisonnée… non, je n’y puis croire. Cela ne peut pas être. Et puis, qui donc aurait pu l’empoisonner ? Il faut donc que la fatalité s’acharne sur elle… c’est à devenir folle.

– Calmez-vous, mademoiselle, calmez-vous. Rien n’est encore désespéré. Je vous disais donc, que mes collègues et moi pensions à un empoisonnement… Mais étant donné que votre amie est malade depuis plusieurs jours, une chose me surprend, c’est que cet empoisonnement ait encore des effets. S’il résultait d’aliments toxiques absorbés il y a quelque temps, cet empoisonnement aurait eu son issue déjà… Votre amie serait guérie ou…

– Ah ! mon Dieu !

– Or, reprit le docteur, la malade ne va ni mieux, ni moins bien… son état est stationnaire… Cela semblerait indiquer un empoisonnement chronique, une ingestion répétée d’aliments nuisibles. Mais cela est inadmissible, d’autre part, puisque, j’en ai eu l’assurance encore par votre infirmière, sur les conseils, sur les ordres même du médecin que vous avez appelé en premier, Mme Françoise ne se nourrit, en ce moment, rigoureusement, que de lait pur, de lait qui vous est envoyé directement par une ferme, en litres cachetés, de lait qui ne peut pas être empoisonné, de lait qui ne peut pas être mélangé de poison, même dans votre entourage, puisque vous poussez la précaution et le scrupule à n’ouvrir ces bouteilles, vous et votre infirmière, qu’en présence l’une de l’autre. Par conséquent…

– Par conséquent ?

– Par conséquent, mademoiselle, voici ce que mes collègues et moi, jugeons utile, nécessaire, indispensable. Nous allons faire un nouveau rapport à l’autorité policière, conclure qu’en effet il nous semble que Mme Françoise Lemercier dépérit, victime d’un empoisonnement, que nous ne savons d’où provient cet empoisonnement, et qu’il importe de prendre d’énergiques mesures pour arriver à trouver cette cause… car, mademoiselle, cette découverte intéresse la police plutôt que la science.

Quelques instants plus tard, les médecins quittaient la maison de Françoise.

– Messieurs, supplia Nini qui les accompagnait jusqu’à la porte, messieurs, je vous en prie, je vous en conjure, dites que l’on fasse tout au monde pour sauver Françoise.

Mais les médecins partis, la porte refermée, soudain, Nini perdit son air attristé. Un sourire mauvais au coin des lèvres, elle fit claquer ses doigts joyeusement, murmurant :

– Et allez donc… tous des imbéciles.

Elle devait reprendre aussitôt son maintien grave : une jeune femme, descendant de la chambre où Françoise agonisait, l’appelait :

– Mademoiselle Nini ?

– Que voulez-vous, ma bonne Kate ?

– Je vais sortir deux heures, si vous le permettez, mademoiselle, puis je reviendrai…

– C’est entendu, Kate, je vous attends.

Kate, l’infirmière, une petite vieille d’une soixantaine d’années, proprette et complaisante, s’habilla rapidement, quitta la maison de Françoise Lemercier…

***

Garrick, dans sa cellule, se promenait de long en large, lorsque soudain il entendit, ne se trompant certes pas à ce bruit chaque jour épié, chaque jour désiré, que son gardien menait vers lui un visiteur…

Les verrous grincèrent, la porte s’entrebâilla, joyeusement le condamné serra la main de l’arrivante :

– Vous, mistress Davis… Quelle bonne fortune vous amène en ma cellule ?

Mistress Davis, l’air préoccupé, serra distraitement la main que lui tendait celui qui était, pour elle, Tom Bob, et, la voix changée, répondit :

– Hélas, mon pauvre ami, ce n’est pas une bonne fortune, c’est une affaire grave…

– Affaire de police, Davis ?

– Affaire de police, Tom Bob, et c’est pourquoi je viens vous consulter.

– Hélas ! ma chère Davis, répondait doucement le condamné, vous savez pourtant que, dans la triste situation où je suis, je ne puis guère vous être utile…

– Si, par vos conseils…

– En ce cas, parlez.

– Si vous me jurez, Tom Bob, de ne pas vous énerver.

– M’énerver ? Que voulez-vous dire, Davis ?

– D’une personne que vous aimez… d’une femme.

– Mon Dieu !… Mon Dieu !… souffla Tom Bob… Françoise ?

– Oui… de Françoise Lemercier… Soyez fort, Tom Bob : on empoisonne Françoise Lemercier.

À l’épouvantable nouvelle, une crispation douloureuse passa sur le visage du prisonnier.

Mais Tom Bob n’était pas homme à se laisser aller à l’accablement. Il dompta son émoi et, la voix sourde, interrogea :

– Mistress Davis, que dites-vous ?

Mistress Davis se leva, elle s’appuya au dossier de sa chaise, et, l’esprit clair et précis, elle expliqua :

– Françoise Lemercier, il y a quelques jours, et cela vous le savez, je vous en ai fait part, accueillait chez elle une certaine Nini. Françoise Lemercier était très bien portante, attristée seulement par votre condamnation… et subitement Françoise est tombée malade. Un médecin, le médecin du quartier a été appelé. Il l’examine, ne dit rien, mais, en sortant, s’en va tout droit au poste de police, où il fait une déclaration tendant à conclure que sa cliente Françoise Lemercier serait empoisonnée. Là-dessus, Nini, sur l’avis de ce médecin, demande au service de la police que l’on délègue chez Françoise une infirmière… Mon cher Tom Bob, continuait mistress Davis, je n’hésite pas, dès que j’apprends cette affaire en vérifiant les rapports quotidiens des postes de police : on demande une infirmière… on parle d’empoisonnement… c’est moi qui serai l’infirmière. Je me camoufle. Je me fais une tête de vieille femme, bref, je me présente chez votre amie, et suis agréée par Nini qui, sans défiance, ne voit en moi que Kate, infirmière déléguée par l’hôpital pour soigner Françoise…

– Eh bien ? alors ?…

– Alors, Tom Bob, c’est affolant. À peine suis-je chez Françoise, aux côtés de Nini, près de la malade, que ma conviction est faite… Oui, le diagnostic du premier médecin est fondé : Françoise Lemercier meurt, et meurt empoisonnée. Mais par qui ? comment ? Tom Bob, j’ai provoqué, aujourd’hui même, la réunion de trois grands médecins. Ils sont tombés d’accord qu’en effet il y avait bien empoisonnement. Cela, c’est la certitude indiscutable. Mais cette certitude, je ne sais comment l’expliquer. Je vous dis que Françoise est empoisonnée et qu’elle ne prend pas de poison.

– Vous êtes sûre des aliments ? de la boisson ?

– Sûre. Oui. En ma qualité d’infirmière, j’ai décidé qu’elle ne serait nourrie que de lait, du lait, Tom Bob, qui m’est envoyé directement par une compagnie fermière, sous bouteilles plombées. Ces bouteilles plombées, c’est moi qui les ouvre. Personne d’autre. Ce lait, j’en ai bu. Il ne m’a fait aucun mal. Ce n’est donc pas lui qui empoisonne Françoise. Et, pourtant, chaque jour elle dépérit. C’est inimaginable, c’est incompréhensible.

– Un gaz malsain ?

– Non, j’y ai pensé, mais c’est impossible. Je ne quitte pas le lit de Françoise, je suis tout le temps à côté d’elle. Si c’était par l’air qu’elle respire qu’on l’empoisonne, je serais empoisonnée comme elle, or, ni moi, ni les voisines qui viennent parfois lui rendre visite, ni même Nini, nous ne souffrons d’aucun malaise. Tenez, Tom Bob, vous me comprenez bien ? voilà la situation : Françoise est en ce moment dans son lit, elle n’en sort pas, elle ne boit que du lait qui est pur, elle ne respire qu’un air qui est pur et, pourtant, un mystérieux criminel est à l’œuvre qui la tue avec du poison…

– C’est fou, mistress Davis, c’est impossible.

– Cela est, Tom Bob…

– Non, non, et non, il y a quelque chose que vous n’avez pas su voir, mistress Davis…

– Je passe mon temps à chercher.

– Sans rien trouver ?

– Sans rien trouver.

– Ah ! vous ne savez pas enquêter alors.

– Les docteurs non plus n’ont pas su…

– Les docteurs sont des imbéciles, des ânes, mais vous, Davis, vous, vous qui appartenez à la police, vous ne pouvez pas laisser périr Françoise ? Je l’aime Françoise vous m’entendez ? Il faut que vous la sauviez.

– Je donnerais ma vie pour cela, Tom Bob.

– Vous êtes certaine que Nini ?

– Nini ne l’approche qu’en ma présence… je pousse la précaution jusqu’à faire avec elle le lit de Françoise… ainsi…

De grosses larmes coulaient maintenant du visage amaigri de Tom Bob…

– Et dire, dire, râla-t-il, dans un terrible accès de désespoir, et dire que je suis prisonnier, et qu’on me la tue, et que je n’y puis rien.

D’une voix, qui bouleversait mistress Davis jusqu’au fond de l’âme, le malheureux acheva :

– Ah fatalité, fatalité, tout est donc contre moi ? Voilà donc l’heure où moi qui n’avais jamais eu peur, je dois suer d’angoisse, je dois crier miséricorde ? Fatalité ! il n’y a plus que lui, que lui qui puisse la sauver…

La douleur du condamné était horrible… il prononçait d’étranges paroles en vérité…

Mistress Davis interrogea d’une voix sourde :

– Il n’y a plus que « lui » qui puisse la sauver, dites-vous ?… Tom Bob, de qui parlez-vous ?

À la question nette et précise de mistress Davis, Tom Bob semblait hésiter :

– Lui ? répétait-il, lui ? ah, vous devriez le comprendre, je parle… de Dieu.

Mistress Davis regardait, interloquée, Tom Bob…

Tom Bob n’avait jamais manifesté une grande piété, cela avait même souvent attristé le révérend Hope, et voilà que maintenant il invoquait le Seigneur ?

– Que faire ?… que faire ? répéta la jeune femme…

Tom Bob, d’un bond se redressa :

– Avant tout, disait-il, retournez d’urgence près de Françoise. Votre surveillance, si elle ne peut la sauver, doit au moins suffisamment gêner les assassins pour rendre plus difficile leur horrible besogne… allez… allez… moi je vais aviser…

Et comme mistress Davis, très surprise de l’attitude du condamné, s’apprêtait à partir sans autre remarque, Tom Bob la rappela :

– Dites, Davis, ordonnait-il d’une voix calme, en passant au poste des gardiens, demandez donc que l’on m’envoie le policeman chargé de faire avec moi ma partie de cartes quotidienne…

23 – VENGEZ-MOI

Précédé du porte-clés, Juve, quelques minutes à peine après que mistress Davis eut quitté Garrick, faisait son entrée dans la cellule du condamné à mort.

De la voix rauque qui lui était habituelle, le gardien annonçait :

– Garrick, voilà votre partenaire… vous devenez enragé pour les cartes, ma parole…

– J’aime assez cela, répondit le prisonnier qui, tournant le dos à l’entrée de la cellule, affectait de ne pas se retourner…

– Eh bien, alors jouez, continua le gardien, et bonne chance !…

Le policeman s’introduisit dans le cachot, le gardien s’éloigna, il boucla soigneusement la porte, son pas lourd enfin ébranla en échos lointains les couloirs interminables de la prison…

Certain qu’on ne pouvait plus l’entendre, le policeman 416, Juve, interrogea d’une voix calme :

– Vous m’avez demandé Fantômas ?

– Je vous ai demandé…

Brusquement, le condamné qui, jusqu’alors n’avait pas changé de posture se retourna, regarda Juve… Et Juve, muet de stupéfaction, recula d’un pas :

– Fantômas, qu’avez-vous ?

– Un horrible chagrin.

Sur le visage du bandit, un visage blême, grimaçant, où les yeux allumaient un reflet fiévreux, deux grosses larmes roulèrent lentement.

Que pouvait avoir Fantômas ? pensait Juve, pour qu’il soit dans un tel état, pour qu’un tel désespoir apparaisse dans son maintien…

Juve, après quelques secondes de contemplation muette, répéta :

– Vous avez un chagrin et vous m’avez demandé ? moi ?… je ne comprends pas.

– Juve, vous rappelez-vous notre causerie de l’autre jour ?

– Je m’en souviens, Fantômas !

– Vous souvenez-vous que, donnant donnant, si vous m’avez confié que lady Beltham vous avait échappé, si je vous ai avoué que j’avais perdu les traces de Fandor, vous m’avez promis, vous, de retrouver lady Beltham avant mon exécution, et moi, de vous fournir les moyens de sauver Jérôme Fandor ? Vous vous souvenez ?

Juve, à son tour avait pâli…

Quand mistress Davis, en passant par la chambre du gardiennage, avait annoncé que Garrick désirait voir le policeman 416, Juve n’avait pu s’empêcher de tressaillir…

Si Fantômas le demandait, c’était assurément qu’il avait une proposition à lui faire ?

Juve était persuadé qu’en lui affirmant que Fandor était en vie, et que peut-être on pouvait encore le sauver, Fantômas ne lui avait pas menti…

C’était en pensant à Fandor, en se demandant si le bandit allait réellement lui donner un renseignement important, qu’il s’était précipité vers son cachot, et voilà qu’en effet, dès ses premières paroles, Fantômas parlait de Fandor.

– Je me souviens de tout cela, répondait enfin Juve, je vous ai promis de vous amener lady Beltham, Fantômas, je vous l’amènerai.

– Juve, je vous ai promis de vous faire retrouver Fandor, je vous le ferai retrouver…

« Juve, reprit Fantômas, une fois déjà, je vous ai demandé que nous causions en amis. Pouvez-vous, une heure durant, me faire confiance ? voulez-vous, pour une heure, m’aider ?

– Vous faire confiance ?… oui, Fantômas… Vous aider ? Non. Vous êtes le génie du mal, tout ce que vous faites aboutit à d’horribles conséquences. Je ne veux être en rien, même au prix de la vie de Fandor, l’instrument de vos œuvres…

– Juve, vous vous trompez lourdement, grossièrement… Entre gens comme nous, je vous assure qu’il ne devrait pourtant pas y avoir de méprises de ce genre. C’est un compromis que je vous offre, mais c’est un compromis acceptable. Je n’ai pas l’intention de vous demander quoi que ce soit qui puisse répugner à votre conscience, car je sais que vous me le refuseriez… Mais j’entends vous demander de m’aider, de m’aider à une œuvre morale, nécessaire, je vous prie de m’éviter d’épouvantables chagrins, un deuil…

– Un deuil ? dit Juve. Quoi, vous êtes menacé d’un deuil… Lady Beltham ?

– Non ! non, je vous ai déjà dit, Juve, que j’ignorais où était lady Beltham. Je ne vous ai pas menti, je ne sais rien d’elle. Ce n’est pas d’elle que je m’inquiète…

– De qui alors ?

– De qui… de…

Mais Fantômas, à son tour, n’acheva pas la phrase commencée…

Elle était difficile entre toutes à conclure, l’entente qui devait lier Juve au bandit, le policier au criminel. Et Fantômas lui-même, quelle fût son audace, quel que fût son génie, tremblait d’avoir à prier Juve, d’avoir à se mettre à sa merci…

Pourtant, comme les deux adversaires, un instant, étaient demeurés silencieux, c’est Fantômas encore qui reprit la parole :

– Écoutez, Juve, vous êtes persuadé que je suis un être méprisable, incapable de sentiments un peu nobles… Avant même de vous adresser ma requête, il me plaît de me placer entièrement entre vos mains… J’imagine qu’après cela, vous vous sentirez vous-même mon obligé, vous vous devrez de me servir…

– Fantômas, ne me confiez pas vos secrets, si vous pensez qu’en me les confiant, vous puissiez m’entraîner à devenir votre complice. Loyalement, je vous le répète, pas même dans l’espoir de vous tenir à merci, je n’accepterai de contribuer…

– Non non… ne me parlez pas ainsi, Juve. Les minutes sont trop graves. Écoutez-moi, sans arrière-pensée. Vous avez ma parole de bandit que je vais vous dire la vérité, et c’est de Fandor que je veux vous parler… mais je ne veux rien vous demander, encore une fois, que vous ne puissiez faire…

– Parlez… parlez donc…

– Juve, déclarait gravement Fantômas, vous avez sur terre une affection, une seule, Fandor. Juve, vous ne savez pas ce qu’est devenu votre ami, et vous feriez n’importe quoi pour le retrouver… Juve, si en ce moment il était en mon pouvoir de vous indiquer exactement les moyens de sauver Jérôme Fandor, je vous les donnerais… Mais il n’en est pas ainsi…

– Vous ne pouvez pas me dire où est Jérôme Fandor ?

– Non…

– Mais qu’avez-vous donc fait de lui ?

– Écoutez-moi…

Fantômas précipita ses aveux. Il raconta au policier comment il s’était emparé du journaliste, comment, voulant en faire un otage dont il se servirait pour l’effrayer, lui, Juve, pour paralyser ses enquêtes de policier, il avait enfermé le journaliste dans une chambre mystérieuse, aménagée par ses soins…

– Cette chambre, affirmait Fantômas, j’en avais minutieusement étudié les plans. Fandor n’a certainement pas pu s’en évader. Et quand même il eût crié de toutes ses forces, on ne l’aurait pas entendu…

– Mais cette chambre… cette chambre, hurlait Juve, où est-elle ?…

– Je n’en sais rien…

– Vous ne…

– Non, Juve. Comprenez-moi bien : c’est la pure vérité, je ne sais pas… Juve, cette cachette, que j’avais fait construire avec des soins extrêmes, cette cachette qui, à l’intérieur, avait toutes les apparences d’une chambre, était, en réalité, une énorme caisse. Au moment où j’y emprisonnais Fandor, je prenais mes dispositions pour la faire expédier dans un pays lointain… Vous le savez, les événements, se sont précipités. Je pensais voyager avec cette caisse. Le destin a voulu que je ne puisse le faire… Le lendemain de l’incarcération de Fandor, je partais pour rejoindre Françoise sur le Victoria, et depuis je suis prisonnier…

– Mais cette caisse… cette prison… qu’est-elle devenue ?…

Fantômas ne répondit pas directement à la question du policier.

– Lorsque j’ai fermé la porte de la prison de Jérôme Fandor, j’ai pris soin de faire immédiatement les formalités d’expédition de cette caisse… Malheureusement, pour une certaine partie d’entre elles, je m’en suis rapporté à lady Beltham…

– Mais, protestait Juve, vous mentez… Lady Beltham, à ce moment, n’était plus avec vous ?…

– Je ne mens pas, Juve… ce que je vous dis est encore une fois l’exacte vérité. Lady Beltham était partie, oui, c’est vrai, mais elle était partie connaissant mon projet, et je savais trop l’amour qu’elle avait pour moi, à ce moment encore, pour douter qu’elle ne fît aux époques arrêtées les démarches convenues… La caisse, une fois partie de Londres, j’étais assuré que lady Beltham finirait de s’occuper de son transit, Juve, et c’est cela qui me fait tout craindre maintenant. Depuis, j’ai dû comprendre que lady Beltham, qui refusait de venir témoigner à mon procès, me vouait une haine terrible de femme jalouse… et j’ai peur qu’elle n’ait changé la destination de la caisse où se trouvait Fandor…

– Si cela est, Fandor doit être mort de faim…

– Non, non, Fandor avait des provisions suffisantes… À coup sûr, il vit encore et je suis sûr qu’on peut le sauver si, maintenant, lady Beltham veut nous dire, veut me dire, car, à vous, elle n’avouerait jamais, où est Fandor…

Juve, assis sur le hamac du prisonnier, les coudes sur les genoux, la tête ensevelie dans les mains, donnait le spectacle d’un terrible chagrin…

– Ah ! déclara-t-il, tout cela est horrible Fantômas. Fantômas vous allez mourir, mais votre mort même ne sera pas une expiation suffisante à vos forfaits.

– Juve, dit doucement le bandit, je viens de me confier à vous. Allez-vous m’en payer par de la haine ? Oublierez-vous que j’ai une grâce à vous demander ?…

Le bandit avait calculé juste. Juve comprenait que Fantômas, en effet, venait de lui dire la vérité, venait, en lui confiant ce qu’il connaissait de Fandor, ce qu’il savait du sort du journaliste, de se livrer à lui. Il ne voulait pas être en reste de générosité…

– Fantômas, répondit-il, vous m’avez demandé – je ne sais trop pourquoi, et je ne veux pas le savoir – à revoir lady Beltham avant de mourir… Vous me prouvez maintenant que lady Beltham, seule, peut, sur votre ordre, me permettre de retrouver Fandor, je vous renouvelle ma promesse : soyez en paix… Si c’est cela que vous venez encore me demander, je ferai tout au monde pour que vous revoyez votre maîtresse…

Hélas ! tandis qu’il parlait, Juve ne pouvait s’empêcher de frémir, pris d’une angoisse secrète.,.

N’était-ce pas, en somme, dans trois jours, dans trois jours seulement, que l’on devait pendre Garrick ?

Était-il si certain que cela, en trois jours, de pouvoir retrouver lady Beltham ?…

– Juve, j’avais déjà votre promesse en ce qui concerne lady Beltham, et je ne doutais pas de vous. C’est une grâce nouvelle que je voudrais obtenir… Je vous la payerai en vous donnant au besoin, même si je ne pouvais revoir lady Beltham avant ma mort, le moyen de la faire parler de force, d’obtenir qu’elle vous indique où Fandor agonise…

Cette fois, Juve, d’un bond, se redressa :

– Vous feriez cela ? dit-il… Ah ! Fantômas je vous jure, encore une fois, que je vais tout faire au monde pour vous amener lady Beltham, mais, par pitié, oh ! par pitié, si je ne réussis pas, oui, donnez-moi le moyen de la contraindre à sauver Fandor…

– Je le ferai, déclarait lentement Fantômas, je le ferai Juve si, renonçant à m’épier pour quelques instants, vous confiant à ma parole que je ne m’évaderai point pendant votre absence – et d’ailleurs, vous savez qu’on ne s’évade pas d’une prison comme celle-ci – vous voulez consentir à courir chez Françoise Lemercier, pour la sauver de la mort, car vous seul, oui vous seul maintenant, pouvez peut-être la sauver !

Ah, cette fois, Juve ouvrit des yeux hagards, affolés.

– Sauver Françoise Lemercier, et moi seul puis la sauver ?… Fantômas, Fantômas, je ne vous comprends pas, qu’arrive-t-il donc ?…

– Il arrive, Juve, qu’on empoisonne Françoise, on l’empoisonne. Qui ? Je ne le sais pas.

D’une voix lente, torturée, Fantômas fit à Juve le récit de ce que lui avait rapporté Mistress Davis.

– Juve, affirmait le bandit, si j’étais libre, moi, Fantômas, je saurais bien sauvegarder Françoise de ceux qui la tuent… Mais je suis prisonnier, et je n’ignore pas qu’il n’y a qu’un homme au monde, assez habile pour me remplacer. Cet homme, c’est vous. Et c’est pourquoi je vous implore… Voulez-vous sauver Françoise ?

Juve, déjà, était debout :

– Je le veux, dit-il… Mais, Fantômas, Fandor sera libre ?

– Vous sauverez Fandor si Françoise vit…

Cette fois, Juve n’en demanda pas plus. Il traversa la cellule, il gagna la porte, prêt à frapper, pour se faire ouvrir par le gardien.

Ce fut Fantômas qui le rappela :

– Juve, avouait le bandit, il faut que je vous donne une indication précieuse… si toutefois vous ne l’avez point déjà devinée… Jack, le fils de Nini, vous n’ignorez pas qu’il est mort ?

– Non, je ne l’ignore pas… oh ! j’ai compris vos ruses, Fantômas. Celui que lord Duncan appelle maintenant son fils, c’est, n’est-ce pas, le petit Daniel, l’enfant de Françoise, l’enfant que vous avez volé à votre maîtresse pour le donner à Nini et faire chanter le riche Anglais ?

D’une voix sourde, Fantômas, baissant la tête, vaincu, prostré, reconnut :

– Oui, Juve, oui, le Jack qui vit, c’est Daniel… Daniel que j’ai volé à Françoise… un crime qui me fait peur quand j’y songe, car c’est en somme de lui que viennent tous mes malheurs actuels…

Et telle était à ce moment la douleur de Fantômas que Juve lui-même eut pitié de lui.

S’abstenant de répondre pour ne pas accabler le bandit dont il triomphait enfin, il appela le gardien.

Mais comme pour la seconde fois Juve allait frapper, celle-ci s’ouvrit et Juve, reprenant son rôle de policeman, s’effaça pour laisser entrer celle qu’introduisait le gardien : Mistress Davis.

***

Fantômas, maintenant, écroulé sur son hamac, pleurait.

Devant lui, le policeman 416, Juve, le front contracté, les sourcils froncés, l’air ému, se tenait sans rien dire…

C’est que mistress Davis, mistress Davis, qui, depuis quelques minutes à peine, venait de quitter la cellule où Garrick sanglotait, y était venu précisément pour y apporter l’affreuse nouvelle : Françoise Lemercier était morte.

Ah ! certes, si Fantômas, à l’abominable annonce de ce deuil s’était écroulé sur son hamac, comme frappé en plein cœur, Juve, lui-même, s’était senti terriblement inquiet.

Françoise morte, Juve songeait que Fantômas, peut-être, se renfermerait dans un mutisme dédaigneux, refuserait de l’aider à sauver Fandor…

Si jamais le bandit s’obstinait à ne vouloir guider le policier qu’au cas où celui-ci retrouverait lady Beltham avant sa mort, Juve devait s’avouer que le sort de Fandor était compromis. Où chercher lady Beltham ? où la retrouver dans les trois jours qui restaient avant l’exécution de Garrick ?

Et tandis que Juve réfléchissait, sombrement inquiet, il tressaillit, entendant le bandit lui dire encore :

– Juve, Juve, vengez-moi, en vengeant Françoise… Allez là-bas !… Ah, si vous avez besoin d’une nouvelle promesse, je vous la donne encore… Arrêtez les assassins de Françoise, mettez tout en œuvre pour me faire voir lady Beltham avant ma mort et, de même que je ne doute pas de vous, ne doutez pas de moi : je vous jure que, de mon côté, je m’arrangerai pour que vous puissiez retrouver votre ami.


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