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L'évadée de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
  • Текст добавлен: 6 октября 2016, 03:47

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Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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À peine était-elle sortie du wagon pénitentiaire, qu’en arrivant au sommet de l’échelle, tirée par le haut, elle s’était trouvée soudain en présence d’hommes masqués, enveloppés de grands manteaux et qui s’étaient jetés sur elle, l’avaient ligotée, bâillonnée, puis installée de force dans une automobile qui avait roulé pendant la moitié de la nuit.

Le trajet avait duré trois heures environ, et il devait être deux heures du matin, lorsque le véhicule enfin s’était arrêté. On avait alors fait descendre Hélène, on lui avait ôté les liens qui la maintenaient prisonnière et, lorsqu’elle avait repris l’usage de ses membres, elle s’était rendu compte qu’elle se trouvait à l’intérieur d’une maison inconnue, au rez-de-chaussée d’une propriété déserte.

L’automobile qui l’avait amenée avait disparu. Hélène, rebroussant chemin, avait d’abord essayé de sortir du mystérieux immeuble, mais la porte du rez-de-chaussée, par laquelle on l’avait fait entrer était maintenant fermée à clé.

La jeune fille alors, surmontant son émotion et sa fatigue, avait eu l’audace de vouloir se rendre compte, d’une façon aussi nette que possible, de l’endroit où elle se trouvait. Elle avait ouvert une porte, puis une autre et successivement elle avait parcouru des pièces nombreuses, toutes désertes, misérablement meublées de quelques chaises, Hélène avait crié, appelé, nul ne lui avait répondu. La jeune fille cependant, ne s’était pas découragée. Voulant à toutes forces savoir, elle était montée au premier étage, et là, toute palpitante d’émotion, elle avait entendu de légères rumeurs qui déterminaient chez elle un cri de défiance et d’angoisse. Croyant que quelqu’un s’approchait d’elle, elle avait crié : Qui va là ? Puis, elle avait vu filtrer de la lumière sous une porte, elle s’était rapprochée, un bref dialogue s’était engagé alors avec une personne qu’elle imaginait être une femme. De nouveau la nuit et le silence.

Lasse d’attendre et terrassée par la fatigue, Hélène était alors descendue, revenue au hall du rez-de-chaussée dans lequel ses mystérieux ravisseurs l’avaient fait pénétrer tout d’abord, elle s’était endormie au fond d’une bergère.

Hélène dormit longtemps sans doute, car le crépuscule tombait déjà lorsque la jeune fille avait ouvert les yeux. Elle avait regardé autour d’elle stupéfaite, sans même avoir bien conscience de ce qui se passait.

À ses côtés, la considérant avec douceur, s’était penché un visage tout souriant. Or, la fille de Fantômas, stupéfaite de cette apparition, ne songeait qu’à la regarder sans mot dire, lorsqu’elle entendit qu’on lui disait :

– Hélène, reconnais-moi donc ?

– Blanche Perrier, est-ce possible ? c’est toi ?

– Oui Hélène. Oui c’est bien moi. Comme je suis heureuse de te revoir !

Et instinctivement, sans en demander davantage, les deux femmes dans un besoin spontané de tendresse et d’affection, se jetèrent dans les bras l’une de l’autre et s’étreignirent tendrement.

Naguère, Hélène et Blanche s’étaient rencontrées, connues, aimées.

La fille de Fantômas, en effet, au cours de son aventureuse existence avait connu la modeste ouvrière dont elle avait apprécié les grandes qualités de courage et de cœur, elle s’était intéressée à elle, l’aidant de ses conseils. Hélène avait assisté à l’amour naissant de Didier Granjeard pour la jeune ouvrière. Puis, brusquement, les hasards de la dramatique existence que vivait la fille de Fantômas l’avaient séparée de son amie dont elle conservait cependant un agréable souvenir, alors que, de son côté, Blanche Perrier gardait à Hélène, au fond de son cœur, une affection très sincère.

Les premières effusions passées, Hélène retrouva toute sa présence d’esprit, sa netteté de raisonnement quasi masculine pour interroger cette amie qu’elle retrouvait dans des conditions si extraordinaires :

– Où sommes-nous ? demanda-t-elle.

– Je ne sais pas. Nous sommes ici dans une maison, grande, déserte, abandonnée, aux fins fonds d’une campagne, c’est tout ce que je puis te dire, c’est tout ce que je sais.

– Tu plaisantes, Blanche ?

– Je te dis la vérité.

– Où est Jérôme Fandor ? qu’est-il devenu ?

– Jérôme Fandor ? devait-il donc venir ici ?

La jeune femme avait bien entendu parler, longtemps auparavant, du célèbre journaliste, aussi populaire que Juve, aussi notoire que Fantômas. Mais elle ignorait totalement les relations qu’il pouvait y avoir entre Hélène, son amie, et Jérôme Fandor.

– Que lui veux-tu donc ?

– Ce que je veux ? s’écria Hélène, mais Blanche, c’est mon sauveur. Songe donc qu’hier encore, j’étais captive, enfermée dans une affreuse et sinistre prison, c’est lui qui m’en a fait échapper ! M’a-t-il conduite ici ou ai-je été arrachée à sa sollicitude ?

Mais Blanche ne suivait pas. Soudain, Hélène changea de sujet. Elle demanda :

– Es-tu seule dans cette maison ?

– Il me semble que je suis seule, avec mon enfant, mon petit Jacques.

– Alors, continua Hélène, c’est toi qui m’as parlé cette nuit, de l’autre côté de la porte fermée, au premier étage ?

– Non, déclara Blanche, je ne t’ai pas parlé.

– Tu ne m’as pas entendue appeler ?

– Je n’ai rien entendu, j’ai même dormi d’un sommeil lourd, profond.

– Je t’assure, que… À moins qu’il n’y ait une autre femme ici, ce qui, d’ailleurs, est fort possible… Blanche, viens avec moi, mais auparavant, explique-moi ce que tu veux faire ? De mon côté, c’est clair : je m’en vais, je pars, je quitte cette maison.

– Non, ne me quitte pas.

– Mais, je t’emmène.

– C’est impossible. Nous ne devons sortir ni l’une, ni l’autre, c’est défendu.

– Alors, je partirai seule.

– Je t’en prie Hélène, ne fais pas cela, je serais obligée de t’en empêcher.

– De m’en empêcher ?

– De t’en empêcher. Tu es ici, enfermée prisonnière…

– Moi ? ah, par exemple, mais pourquoi veux-tu que je reste ?

– Parce que j’ai peur.

– Serais-tu devenue mon ennemie, Blanche ?

– Oh, Hélène, tu as pu croire un seul instant ? Non, mais si j’agis de la sorte, si je te supplie de rester, si je t’y oblige, c’est pour ton bien, assurément, car, en agissant de la sorte, je ne fais qu’exécuter les ordres de Juve.

– De Juve ? s’écria Hélène, au comble de la stupéfaction, tu connais Juve ? Il t’a parlé de moi ?

Blanche s’expliqua :

– C’est Juve qui m’a conduite ici, lui-même, pour me soustraire aux maléfices des terribles adversaires que j’avais à redouter, m’a-t-il assuré. Il m’a annoncé depuis quelques jours ta venue, sans te nommer, d’ailleurs, mais en précisant que j’aurais une compagne sur laquelle je devrais veiller, dont je serais responsable. Cette compagne, c’est toi. Je l’ai compris tout de suite en te voyant.

Blanche fournissait encore quelques explications. Hélène n’insistait pas, singulièrement troublée ; elle réfléchissait, se demandant ce que tout cela pouvait bien signifier.

– Il faut aviser, pensa-t-elle, il est bon de ne pas prendre une décision à la légère.

Hélène, en effet, avait trop souvent vécu de tragiques aventures pour ne pas s’être accoutumée à la prudence et à la circonspection. Et elle renonça provisoirement à son projet primitif de s’enfuir. Elle décida d’attendre, d’étudier au préalable la situation, la topographie de l’endroit bizarre et mystérieux dans lequel elle se trouvait.

Blanche s’ingéniait à satisfaire les désirs d’Hélène, à prévenir ses besoins. Elle lui préparait un repas avec des provisions trouvées dans une cuisine merveilleusement aménagée, sans que Blanche pût savoir l’origine des approvisionnements que l’on y renouvelait sans cesse.

Blanche avait fait connaître à Hélène le petit Jacques, puis, avant que la nuit ne fût entièrement tombée, les deux femmes étaient allées faire à pied le tour de la maison.

Hélène, aventureuse, audacieuse, sans cesse, voulait s’écarter de la maison, pénétrer sous les bois pour en interroger le mystère, Blanche, craintive la retenait, la suppliait de n’en rien faire, de ne pas s’éloigner.

Puis, elles étaient rentrées et, après une longue conversation au cours de laquelle elles envisagèrent les plus extraordinaires hypothèses au sujet de leur captivité respective, les deux femmes avaient décidé de se coucher.

Blanche avait dressé un lit pour Hélène dans sa chambre.

Et la fille de Fantômas, un peu ironique, avait plaisanté son amie à ce sujet :

– Tu me surveilles ? avait-elle dit. Je vois que tu te méfies encore de mon humeur indépendante et que tu tiens à toujours avoir l’œil sur moi.

Blanche n’avait pas dit non.

***

– Hélène.

– Blanche.

– As-tu entendu ?

– Non, rien.

– Écoute, ça recommence.

Au milieu de la nuit les deux femmes avaient été réveillées en sursaut, elles ne savaient pas pourquoi. Hélène avait nié avoir entendu quelque chose, par simple bonté d’âme vis-à-vis de sa craintive amie. Mais, en réalité, elle avait perçu un bruit, un bruit auquel elle ne se trompait pas, bruit net et catégorique, aisément identifiable, bruit que fait un homme en courant, le bruit de pas lourds et précipités.

Elles prêtèrent l’oreille toutes deux. Après un silence momentané, le bruit des pas recommença. Il provenait du rez-de-chaussée, on reconnaissait fort bien le choc des chaussures, heurtant le dallage en pierre du grand hall.

– Cette fois, murmura Blanche, d’une voix qui tremblait, il n’y a plus de doute.

Hélène, d’une voix nette, répliqua :

– Il n’y a plus de doute en effet, quelqu’un marche au rez-de-chaussée.

– Il monte précisa Blanche. Je reconnais le bruit de ses pas dans l’escalier.

Hélène intriguée, mais courageuse, serrait les poings. Quelques secondes passèrent, angoissantes, les pas se rapprochèrent. Les deux femmes haletaient.

La porte lentement s’ouvrit avec un bruit sec et net, la serrure qui ne tenait que par une ou deux vis tomba sur le plancher, puis, sortant de l’ombre pour se préciser en pleine lumière, la silhouette d’un homme apparut :

Mais à peine l’individu était-il entré dans la pièce que la fille de Fantômas poussa une exclamation :

– Le Bedeau, s’écria-t-elle.

Et, cependant que Blanche ne comprenait pas et reculait instinctivement à l’extrémité opposée de la pièce, la fille de Fantômas voyait s’ouvrir devant elle des horizons nouveaux, rien que par la présence de cet homme. C’était en effet le Bedeau qu’elle avait devant elle, le Bedeau, l’un des plus redoutables apaches, l’un des êtres les plus brutaux et les plus féroces du monde, des bouges et des souteneurs. Le Bedeau était un personnage cruel et néfaste qu’Hélène ne pouvait voir apparaître devant elle sans ira serrement de cœur, car, cette apparition évoquait en elle toute une série de souvenirs, de drames, de tragiques événements, auxquels se mêlait toujours le souvenir de son père, de Fantômas qui, dans de si fréquentes circonstances, s’était trouvé à la tête de bandes de criminels dont le Bedeau avait toujours été l’un des plus acharnés.

L’apache cependant était demeuré stupéfait en présence d’Hélène. Lui aussi la reconnaissait et la saluait d’un surnom que, quelques mois auparavant, on avait donné à la jeune fille, dans le quartier de Belleville qu’elle habitait alors :

– La Guêpe, murmura-t-il, comment se fait-il que tu sois-là ?

Blanche Perrier, pâle comme un linge, venait d’assister à cette scène de reconnaissance, elle interrogea d’un ton alarmé :

– Vous vous connaissez donc ?

– Oui, nous nous connaissons.

Mais Hélène ne précisa pas et, se tournant vers le Bedeau, avec cet air d’autorité hautaine qu’elle savait prendre à l’occasion et qui lui permettait de dissimuler, sous une apparence d’indifférence, ses plus grandes appréhensions, elle interrogea :

– Que fais-tu ici toi-même le Bedeau ? que nous veux-tu ?

– Écoute, la Guêpe, tu n’es pas une mauvaise fille, quoi qu’on ait dit sur toi, je sais d’ailleurs qui tu es et qu’on peut te confier un secret. Je n’aurais pas dû me montrer, je suis monté ici parce que j’ai eu peur.

– Peur ? tu as eu pour toi, le Bedeau ?

– J’ai eu peur, poursuivit l’homme, qui, instinctivement se retournait et devint d’une pâleur livide.

« Voilà, fit-il, je vais te dire toute la vérité. Je suis ici le gardien de cette femme – et le Bedeau désignait Blanche – et j’ai l’ordre formel de ne pas me montrer, de ne pas laisser soupçonner ma présence. La Guêpe, supplia-t-il presque, tu ne diras à personne, n’est-ce pas, que j’ai désobéi, que je me suis fait voir ?

Hélène leva la main :

– Je te le promets, dit-elle, mais explique-nous pourquoi tu as enfreint la défense qui t’était faite ?

– Écoute, dit-il, je n’ai pas peur des vivants, certes, depuis que j’ai été si terriblement blessé, si près de la mort, que j’ai évitée grâce à tes soins, j’ai quelque peu perdu de ma vigueur physique, mais je suis encore robuste et courageux, donc, je n’ai pas peur des vivants, mais les morts me terrifient. Or j’en ai vu, j’en ai vu.

– Quand cela ?

– Cette nuit. Depuis que je suis ici, je vis constamment dans les sous-sols, dans les caves, alors comme je m’ennuie parfois, tu comprends, je fouille un peu de tous les côtés. Je sais que nous sommes ici dans une vieille demeure, un ancien couvent. Les religieux, ce sont des gens riches et j’ai pensé que peut-être, en s’en allant, ils avaient oublié d’emporter des objets de valeur. En visitant les souterrains de cet immeuble, j’ai découvert qu’ils étaient immenses, qu’ils se prolongeaient sous la maison, sous le parc et, cette nuit, guidé par je ne sais quel pressentiment je me suis engagé dans l’un d’eux. Je l’ai suivi, exploré, or figure-toi qu’à un moment donné l’espoir insensé que je formais s’est réalisé, crois-tu la Guêpe, que j’ai trouvé, dissimulé, enfoui dans le sol, un trésor, un véritable, oui, j’en suis sûr, il y a là des mille et des cents enfermés dans une vieille cassette, dans un coffret de fer.

« Mais cet argent je n’ai pas pu m’en emparer, parce que, vois-tu, au moment où j’allais creuser, j’ai vu dans le lointain quelque chose qui passait, un revenant, un fantôme, c’était une forme blanche qui glissait, rasant les parois du souterrain, il avait une chandelle allumée qui éclairait, ses yeux brillaient, sa langue était de feu.

– Tu es complètement fou, dit-elle sévèrement, on ne raconte pas des sornettes pareilles à des personnes sérieuses.

– Je te jure, la Guêpe, que j’ai vu, comme je te vois, ce revenant. Ah, je t’assure, c’était épouvantable, terrifiant, si bien que je n’ai pas osé rester, je suis parti.

Et le Bedeau, soudain s’interrompit. Son regard venait de s’arrêter sur la pendule qui ornait la cheminée :

– Trois heures, dit-il, il est déjà trois heures du matin ?

– Oui, pourquoi ? fit Hélène.

– Parce que, déclara l’apache, c’est l’heure de ma ronde autour de la propriété, quoi qu’il arrive, quoi qu’il advienne, il faut que je la fasse, je suis contrôlé chaque nuit et les ordres que j’ai reçus sont formels. Si j’y manque une seule fois, j’attire sur ma tête les représailles les plus terribles.

Le Bedeau fit mine de partir, malgré sa terreur de l’obscurité, il allait s’enfoncer dans l’ombre. Hélène le rappela :

– Le Bedeau.

– Qu’y a-t-il ?

– Un dernier mot. Pour le compte de qui agis-tu ici ? quel est ton maître ? qui t’a institué gardien de Blanche Perrier ?

– Nous le connaissons mieux que le Diable, toi et moi, la Guêpe. T’as compris ?

La jeune fille hocha la tête, en palissant.

Le Bedeau se retira. Il était à peine sorti que Blanche Perrier qui avait assisté à ce dialogue étrange sans y comprendre grand-chose, se précipitait vers son amie.

– Puisque tu connais cet homme, suggéra-t-elle, tâche d’obtenir de lui qu’il nous libère. Plus je reste ici et plus je me sens devenir folle, je mourrai de peur.

– Rien à faire avec cet homme-là. Le Bedeau est l’être le plus lâche et le plus redoutable à la fois qu’il soit au monde. Par peur, il est capable de tout et ne sert réellement les intérêts que d’un seul homme, celui qui l’a terrifié et qui le terrifie toujours.

– Quel est donc cet homme ?

Hélène ne dit rien.

La jeune fille songeait à l’histoire extraordinaire que le Bedeau lui avait rapportée quelques instants auparavant. Que signifiait cette découverte de trésor dissimulé dans ce souterrain et le fantôme, venant plonger dans le plus profond émoi l’homme cruel, brutal, sans doute, mais primitif aussi qu’était le sinistre Bedeau ? Et un désir insurmontable, immense, pressant, de savoir, s’empara de la jeune fille :

– Que fais-tu ? interrogea Blanche en voyant Hélène se diriger vers la porte, où vas-tu ?

– Je vais à la recherche du fantôme qui a fait peur au Bedeau.

– Hélène, ne fais pas cela, ne me laisse pas seule, supplia Blanche terrifiée.

– Alors, viens avec moi ?

Mais Blanche montrait son enfant :

Laissant Blanche terrorisée à l’idée de rester quelques instants seule, Hélène, bravement, s’achemina vers le rez-de-chaussée, puis descendit au sous-sol : à l’entrée des caves elle trouva un marteau, elle s’en empara, estimant qu’à tout hasard il valait mieux être armée.

Puis, se souvenant des indications du Bedeau, elle s’engagea dans le souterrain.

Un instant après, alors qu’elle ouvrait une porte de cave, un violent courant d’air s’éleva. La petite lampe qu’elle tenait à la main s’éteignit. En même temps un bruit vague, indistinct, comme une sorte de gémissement se fit entendre.

Le cœur d’Hélène battit à rompre :

– J’ai beau dire, pensa-t-elle et faire la brave, j’éprouve tout de même une certaine émotion, que diable se passe-t-il dans ce souterrain ?

La jeune fille eut l’idée, un instant, de retourner sur ses pas, de remonter.

– Bah, pensa-t-elle, s’il y a là des malfaiteurs, ils sauraient assurément où nous trouver. Ils se seraient déjà emparés de nous.

Hélène s’avança à tâtons dans le noir. De son marteau qu’elle tenait de la main droite elle auscultait les parois du souterrain qui résonnaient sourdement avec des bruits mats. Au bout d’une demi-minute, la jeune fille s’arrêta encore. Non seulement elle avait entendu du bruit, mais elle avait aperçu une lueur au loin.

En l’espace de quelques secondes, cette lueur augmenta, se précisa. Hélène éblouie d’abord, se jeta instinctivement de côté, se dissimula dans une anfractuosité de la paroi du souterrain creusée à même le sol, puis elle regarda :

Un spectacle terrifiant. Du fond du souterrain arrivait une flamme, une lumière qui vacillait, avait d’étranges soubresauts. Tout d’abord, on ne voyait que cette lumière qui paraissait suspendue dans le vide, mais peu à peu, au fur et à mesure que le regard d’Hélène s’habituait à l’obscurité, elle découvrait, se silhouettant, derrière le lumignon, une forme blanche, imprécise, qui avançait lentement.

– C’est le revenant, pensa-t-elle, le revenant qui a terrifié le Bedeau tout à l’heure.

Sans un geste, s’interdisant même de respirer profondément, Hélène attendit que la forme mystérieuse et sépulcrale se fût approchée d’elle.

Son cœur battait à rompre lorsque la forme blanche la frôla sans s’en apercevoir.

Mais à ce moment, Hélène se précipita sur l’être fantomatique qui passait et un grand cri retentit : l’apparition s’était jetée à terre, la lumière s’était éteinte, l’apparition hurlait d’une voix blanche, jeune, presque féminine :

– Ah, Bon Dieu, ne me faites pas de mal.

– Obéis-moi et viens. N’essaie pas de résister.

– Ah, n’ayez pas de doute à cet égard, continua la voix qui, tout d’un coup devenait plus rassurée, presque gouailleuse, si vous croyez que c’est rigolo d’errer comme ça dans des souterrains où l’on ne rencontre que des squelettes ou des singes, moi je commence à en avoir ma claque de ce truc-là, et quitte à recevoir une raclée, je préfère qu’elle me soit administrée par quelqu’un de vivant.

Sans répondre, Hélène, intriguée au plus haut point, refit avec son énigmatique et mystérieux prisonnier le chemin qu’elle avait parcouru. Elle retrouva dans l’obscurité l’entrée de la cave, les marches qui conduisaient au hall, puis, sitôt au rez-de-chaussée, elle examina sa capture.

C’était un être, garçon ou femme, vêtu d’une longue blouse blanche et dont le visage, les cheveux, étaient saupoudrés de plâtre, de débris de toutes sortes.

Vu le peu de lumière qui éclairait le hall, Hélène n’identifia pas nettement l’être dont elle s’était emparé et qui, d’ailleurs, abasourdi, abattu, semblable à une loque, n’essaya pas de lui résister.

Hélène le tenant par l’oreille, lui fit monter l’escalier.

Puis, après avoir traversé le couloir, elle poussa brusquement son extraordinaire capture dans la pièce où Blanche l’attendait terrorisée :

– Voilà, s’écria-t-elle, le revenant que j’ai ramassé dans le souterrain.

Elle s’attendait à une exclamation de terreur de la part de Blanche, ce fut un cri de joie qui s’échappa des lèvres de la jeune femme :

– Riquet ! s’écria-t-elle, ah, par exemple !

Après un instant de stupéfaction, le fantôme s’agita, secoua la tête, ce qui fit tomber autour de lui un amas de poussière épaisse et blanche, puis, il s’avança vers Blanche et lui tendit une main toute couverte de plâtre :

– Excusez-moi, madame Blanche, de vous arriver aussi sale, mais on ne choisit pas toujours sa façon de voyager. L’essentiel, c’est que je sois là. Par exemple, mademoiselle-là a des façons de vous inviter à la suivre qui ne sont pas ordinaires. Pour un peu, je lui aurai laissé la moitié de mes esgourdes entre les doigts. Mais ce n’est pas tout ça. Ma chère Blanche, déclarait-il, on n’est pas là pour s’amuser à enfiler des perles, je suis venu te chercher, on va se débiner ensemble, pas vrai ?

Blanche allait répondre, mais Hélène lui fit signe. Des bruits dans l’escalier. Des bruits de pas lourds et pesants, le Bedeau remontait. L’homme avait fini sa ronde, il venait voir les prisonnières, devait-il rencontrer Riquet ?

– Cache-toi, dit Blanche.

Il disparut derrière une portière. Il était temps, le Bedeau rentrait dans la pièce :

– J’ai entendu du bruit dans la maison, fit-il, d’un air soupçonneux. Qu’est-ce que c’est que ça ? Vous savez, vous autres, les femelles, qu’il vous est interdit de bouger sans ma permission.

– Ne te fâche pas, le Bedeau, nous ne voulons pas t’attirer d’ennuis, bien au contraire et la meilleure preuve, c’est que j’ai été moi-même, il y a quelques instants, dans les caves d’où tu venais, j’ai regardé, fouillé partout, aussi loin que j’ai pu voir, il n’y a personne dans les souterrains, pas le moindre revenant.

– Ah, dit le Bedeau, et la cassette ? le trésor ? est-ce qu’il est toujours là ?

– Je suppose, nul n’a touché à rien et si le cœur t’en dit, tu peux retourner voir.

– Oh, fit-il, ce ne sont pas les vivants qui m’inquiètent. C’est même tout juste si j’ai peur des morts. Allons, bonsoir vous autres, et tâchons d’être sages.

15 – LA PRISON MYSTÉRIEUSE

Le Bedeau ne s’était pas plutôt éloigné, hochant la tête, l’air complètement rassuré, mais somme toute convaincu qu’il n’y avait plus de revenants à craindre, que Blanche Perrier bondissait vers le rideau derrière lequel était dissimulé Riquet.

Riquet n’attendait naturellement que le geste de la jeune femme pour sortir. Le gosse abandonna sa cachette, et souriant, il lança :

– Bonsoir, M’sieu dame. Alors il est parti le croque-mitaine ? C’est pas dommage.

Puis, comme Blanche et Hélène, encore secouées, le considéraient des pieds à la tête, sans savoir par où commencer, Riquet reprit :

– Dites donc on va pas jouer à la muette ? Ça serait-y par hasard que vous tombez amoureuses de moi, que vous êtes là, toutes les deux, à me regarder, sauf vot’ respect, comme M. Miracle ? C’est bien moi, quoi.

Blanche, la première, retrouva son sang-froid :

– Mon petit Riquet, où sommes-nous ?

– Çà, répondit-il, je ne sais pas, vraiment pas du tout. On est dans une tôle qui n’est pas mal, une boîte à nonnes et à curés, puisque vous le dites, Madame Blanche, mais, moi, je n’en sais rien de rien.

Blanche l’interrompit :

– Oui, notre gardien vient de dire que c’est un ancien couvent. Mais enfin, comment es-tu ici ? d’où viens-tu ? avec qui es-tu ?

Riquet leva les bras au ciel :

– Ah suffit, cria-t-il, fermez le robinet, madame Blanche, vous m’ahurissez. Comment je suis ici ? Et d’où je viens ? et où que je vais ? D’abord et d’une, voilà mon histoire. Hier, je flânais aux environs de Saint-Lago, sauf vot’ respect, Mam’zelle – et le gosse s’adressait à Hélène – c’est le moment où vous êtes montée dans le carrosse de la Préfectance. Bon, et d’une. Tandis que vous filiez grand train, moi, je remarque à quelque distance de Saint-Lago, une automobile et une bath, dans le genre de celle que je me paierai quand je serai milliardaire. Cette auto-là, il n’y avait qu’une seule personne dedans : le nommé Juve.

– Juve ? s’écriaient à la fois Hélène et Blanche. Juve ? Mais c’est lui qui nous retient prisonnières ici ?

Riquet ne se troublait nullement :

– Laissez-moi débiner mon truc ! Donc, Juve était dans cette voiture et il avait l’air de zyeuter terriblement du côté du « panier à salade ». Bon, que j’me dis. Va sûrement y avoir quéque chose d’intéressant à observer. Seulement, voilà, comme Juve était dans une automobile, y avait des chances pour qu’il se tire des pattes avec, et que vot’ serviteur ne puisse rien voir de ce qui allait se passer.

– Alors, Riquet ? plus vite. Tu nous fais mourir.

– J’aurais pas cru, je me presse. Donc, je vous disais que Juve allait se carapater. Chose mauvaise que je pense et illico, sans prévenir personne, je tourne autour de la voiture. Derrière, sous les pneus de rechange, j’avise un coffre : naturellement, je l’ouvre, le coffre était vide, oh oh, que j’me dis, y aurait bien un moyen de le remplir, et immédiatement je me colle dedans. Le temps de rabattre la porte, le couvercle quoi, et me v’là dans la voiture, ah mes enfants, mes côtes, mes reins, ça a duré trois heures. Pendant trois heures on a filé, et bon train, je vous assure. Je me disais : si jamais le patron s’aperçoit que je me suis fichu dans son coffre, il est capable de me débarquer en pleine campagne et de me laisser revenir à pied. Là-dessus, l’auto s’arrête. Par une fente, j’arrivais toujours à voir que je ne voyais rien et que c’était la nuit. Très bien. Je n’entendais pas grand-chose, mais tout de même y avait la voix de Juve qui m’arrivait de temps en temps. Le patron donnait des ordres. De mieux en mieux que j’me dis, et comme j’avais voyagé sur le côté gauche, je me couche un peu sur le côté droit, pour ne pas être tout à fait en capilotade.

– Et alors Riquet ?

– Alors dame, on fait le poireau comme ça un certain temps, puis, tout d’un coup, je sens qu’on embarque quelque chose dans la voiture, les ressorts fléchissent, bref, on va repartir, je ne me trompais pas. Deux secondes après le moteur ronfle, on détale à nouveau, zou, ça a duré trois heures cette nouvelle course-là et pendant trois heures, je n’ai eu d’autre préoccupation que de me caler confortablement, dans mon coin. Je me disais : est-ce qu’on rentre à Paris ? ou est-ce qu’on s’en éloigne ? ah ouitche, pas moyen de le savoir ! Enfin, la mécanique s’arrête. Très bien. J’attends encore. Pas de bruit. Pas de voix. Personne. Tiens que je pense, si j’allais faire un tour ? J’ouvre mon coffre, je sors, je me dis : où que je vas être ? mes agneaux, j’étais ici.

– Ici ? tu étais ici, Riquet ? cria Blanche. Mais où que c’est, ici ?

– Dame ! Je me le demande, ripostait Riquet, c’est pas dans mon coffre que j’ai pu voir le chemin.

– Mais quand tu es sorti de la voiture ?

– Quand je suis sorti de la voiture, j’ai vu que j’étais dans une grande propriété, seulement comme je n’étais pas certain que le propriétaire soit de mes amis, j’ai préféré pas insister. Au lieu de monter l’escalier d’honneur, je me suis faufilé le long des bâtiments. Je vois une petite porte. C’est peut-être par là qu’on s’en va ? J’ouvre la porte, il y avait là un escalier, je le descends. Boum, je tombe dans les caves, ah, zut alors, qu’est-ce qu’elles sont grandes, les caves. Riquet, que je me dis, tu vas te perdre là dedans, et ça sera le diable pour te sortir, enfin n’importe comment, j’avance toujours. C’est plus fort qu’une histoire des Mille et Une nuits ce qui m’arrive. Figurez-vous mesdames, qu’au beau milieu de ma promenade, je rencontre un type qui a un levier dans les mains, une lanterne près de lui, et qui creuse dans le sol. Naturellement, je mets ma casquette à la main, je m’apprête à lui demander le chemin. Ah, ouitche, dès qu’il me voit, c’t’imbécile là, il se met à hurler comme une baleine, qu’il y a des fantômes et qu’il faut pas que je l’étrangle, et patati et patata. C’est le moment que vous êtes arrivée, Mam’zelle Hélène, vous savez le reste.

Hélas, ce que Blanche et Hélène savaient, n’était pas de nature à les rassurer. L’invraisemblable aventure de Riquet, caché dans l’automobile de Juve, tombant à l’improviste, sans être vu de personne dans le château mystérieux, ancien couvent, n’était pas faite pour les rassurer.

Riquet, sa confession terminée, son histoire racontée s’assit tranquillement et tranquillement encore, tira de sa poche, un bout de mégot, qu’il alluma avec un sourire béat :

– Et puis, c’est pas tout ça, déclara-t-il, ayant, à son tour, questionné les deux femmes, et appris comment elles se trouvaient dans le château. Je ne dis pas, que ce n’est pas gentil ici, mais j’aimerais autant me trouver sur le pavé de Pantruche. Faudrait voir à s’en aller, hein ? Qu’est-ce que vous en pensez ?

Hélène et Blanche étaient bien de l’avis du gavroche. S’en aller. Quitter la prison où elles pensaient mourir de peur et d’ennui. Ah, certes, Hélène et Blanche eussent fait des prodiges pour y réussir, mais hélas, elles ne trouvaient guère le moyen pratique leur permettant de franchir ces hautes murailles, pour se délivrer de la surveillance du Bedeau et pour fuir.

– Mon pauvre Riquet, dit Blanche, j’ai bien peur que tu ne te sois fait prendre à un terrible piège. Tu as toi, toute confiance en Juve, mais pourtant tu conviendras que sa conduite est étrange. Et puis surtout…

Mais Riquet l’avait interrompue :

– Oh là là, c’est pas la peine de me chanter les vêpres, moi je suis pas comme le monsieur qui disais : j’y suis, j’y reste. J’suis venu c’est possible, mais ce qu’il y a de certain, c’est que je veux m’en aller. D’abord, il y a pas à dire, il faut que j’me débine, j’vas du reste aller prévenir un de mes bons copains, un journaliste nommé Jérôme Fandor et à nous deux sûrement qu’on vous tirera de cette cage-là.


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