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L'évadée de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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Текст книги "L'évadée de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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Juve et Fandor eurent la même inspiration, et se glissèrent l’un et l’autre sous le meuble.

– C’est là, avait murmuré Juve, qu’il doit y avoir un dispositif quelconque pour s’échapper, si toutefois la pièce comporte quelque truquage.

Les deux hommes, consciencieusement, respiraient sous le canapé une poussière lourde et épaisse, lorsque, soudain, ils s’arrêtèrent net de parler. Ils venaient d’entendre du bruit. Pénétrait-on dans la pièce ?

D’un geste instinctif, Juve et Fandor s’enfoncèrent encore plus sous le divan, de façon à se dissimuler complètement. Les deux hommes s’étaient introduits de telle sorte sous ce canapé que, par un heureux hasard, ils se trouvaient nez à nez et pouvaient s’entretenir à voix basse, sans risque d’être entendus.

– Zut, nous voilà bouclés ici pour je ne sais combien de temps.

– Ce n’est pas gai, Juve, mais enfin, il faut se résigner.

Les deux amis pouvaient parler à mi-voix sans crainte d’être entendus, les hommes qui pénétraient, et il y en avait au moins une dizaine, faisaient un tapage du diable, qui, à coup sûr, couvrait complètement la conversation du journaliste et du policier.

Les nouveaux arrivants avaient fermé la fenêtre, et, petit à petit, la chaleur montait dans la pièce avec une rapidité extraordinaire. Juve et Fandor en étaient les premiers incommodés, car, tout à côté d’eux, sous le divan, courait le tuyau métallique du chauffage.

Ils dressèrent l’oreille :

– Bonjour, patron, firent plusieurs hommes en même temps.

– Bonjour les enfants, bonjour, répondit une voix joviale et autoritaire.

Juve et Fandor ne pouvaient s’y tromper, c’était la voix de Fantômas.

– Ah çà, pensa Fandor, Juve s’est donc trompé ? Est-ce ce soir au lieu de demain qu’a lieu le rendez-vous ? Si Fantômas nous découvrait dans notre cachette, il aurait tout le loisir voulu pour nous canarder à bouf portant, sans même que nous puissions dire ouf.

Juve n’était pas moins étonné que son compagnon… Certes, il était convaincu qu’il ne s’était pas trompé de jour, et que c’était bien le lendemain seulement que Fantômas devait se retrouver dans ce restaurant avec les Granjeard, mais, il se demandait quels étaient les hommes qui tenaient compagnie au bandit. C’était toute la bande, la bande noire au complet, qui se trouvait là. Bec-de-Gaz et Œil-de-Bœuf, le terrible Bébé, le lugubre Mort-Subite, un certain Julot, et quelques autres encore.

La chaleur augmentait sensiblement dans la salle, eu égard à la présence d’aussi nombreux convives. L’un d’eux avait suggéré d’ouvrir la fenêtre, mais Fantômas s’y était opposé :

– Laisse-la fermée, avait-il ordonné, et tire même bien les rideaux, il est inutile que l’on nous voie du dehors, à plus forte raison, il ne faut pas ouvrir ni même entrebâiller la fenêtre.

– Mais pourquoi ? avait demandé un colosse écarlate.

– À cause des mouches, avait répondu Fantômas.

Éclat de rire général. Tout le monde avait compris la charmante plaisanterie du sinistre criminel. On sait que c’est le mot qui sert dans la pègre à désigner les policiers et les agents de la Sûreté.

Les plus échauffés n’hésitèrent pas à quitter leurs vestes et leurs faux cols, voire même leurs gilets. On buvait ferme, on fumait beaucoup dans la salle, l’atmosphère y devenait irrespirable.

Entre-temps, Fantômas, qui paraissait décidément l’homme le plus aimable de la terre, causait aux uns et aux autres, prenait quelques hommes à part, et il semblait résulter de ces entretiens particuliers ou généraux que le sinistre bandit avait convié ses amis à une petite fête intime et cordiale, tant pour les remercier de leur précieuse collaboration, que pour les mettre sur la piste de nouvelles bonnes affaires à réaliser.

– Et vous savez, concluait Fantômas, c’est pas la galette qui manquera, je n’ai qu’une parole et je la tiens. Voilà six mois que dans les diverses opérations que nous avons faites, vous avez été payés largement, plus qu’il ne vous était dû.

– Ça, reconnut-on d’une façon générale, c’est exact.

Juve, depuis quelques instants, se livrait à une gymnastique délicate et compliquée, qui intriguait singulièrement Fandor. Le policier, jusqu’alors couché sur le ventre, essayait de se retourner pour se mettre sur le dos.

– Vous avez des crampes ? lui demanda tout bas Fandor.

– Non, fit Juve, mais je veux le voir.

Le policier parvint à se mettre sur le côté, mais, ainsi que Fandor, il éprouva soudain une grosse émotion. Il avait trop remué, le sofa avait bougé, si l’on s’en était aperçu, c’en était fait d’eux. Mais, par bonheur, à ce moment Œil-de-Bœuf et Bec-de-Gaz qui commençaient à être ivres, avaient voulu protester mutuellement de leur inaltérable amitié et avaient cherché à s’embrasser. Ils étaient tombés sur le canapé, au grand éclat de rire de l’assistance.

Cela sauvait Juve et Fandor, mais cela contusionnait aussi le policier, car, sous le poids des deux ivrognes, les ressorts fatigués du divan avaient très violemment comprimé Juve entre le dessous du canapé et le plancher.

Juve, en écartant insensiblement le volant de cuir qui garnissait le bas du divan, avait vu Fantômas et s’était aperçu que, malgré la température élevée de la pièce, le bandit avait conservé son pardessus.

– Pourquoi ? se demandait-il, ne le quitte-t-il pas ?

Fandor se faisait machinalement la même question, et, Juve, le pressentant, expliqua à l’oreille de son ami :

– Parbleu, je comprends tout. C’est très simple. Tu sais ce que je t’ai raconté tout à l’heure à savoir que le Bedeau, lorsqu’il a tiré à bout portant sur Fantômas a cru que le bandit était invulnérable, lorsqu’il a vu que la balle de son revolver ricochait sur son pardessus au lieu de pénétrer dans le vêtement ou dans le corps. Cela tient tout simplement à ce que Fantômas a sur lui quelque chose à la fois d’assez mince et d’assez épais pour intercepter tout projectile. Seules des feuilles de papier en nombre suffisant peuvent avoir constitué semblable bouclier.

– Possible, et alors ?

– Alors, Fantômas porte sur lui en ce moment, sous son pardessus, les billets de banque qu’il a escroqués à la famille Granjeard.

– Soit. Alors ?

– Alors, il va s’agir de l’obliger à retirer son pardessus, pour que nous puissions nous en emparer et voler ce voleur.

Fandor pensa :

– Juve est fou. Il a complètement perdu la tête. Ce séjour sous ce sofa ne lui vaut absolument rien.

Le journaliste ne répondit rien. Il se contenta de regarder les gestes bizarres qu’accomplissait son ami. Juve s’était remis à plat ventre. Il se refoula aussi loin qu’il le put, sous le canapé et parvint à atteindre, de sa main droite, le robinet permettant de doser le chauffage. Progressivement, Juve l’ouvrit. La vapeur pénétra dans les radiateurs qui entouraient la salle, et, peu à peu, la température s’éleva encore dans la pièce.

Les apaches, qui, s’ils redoutaient Fantômas, n’avaient guère cependant de formules respectueuses à son égard, commençaient à le plaisanter de conserver obstinément son pardessus.

Ces railleries devaient gêner Fantômas. Rester couvert et vêtu comme il l’était dans un lieu surchauffé ne pouvait être que suspect. Et Fantômas connaissait bien trop son monde pour ne pas savoir que ses complices allaient se douter de quelque chose.

On blaguait Fantômas. On insistait lourdement :

– C’est-y murmurait-on, qu’il a froid dans les moelles pour rester comme ça avec sa pelure.

– Ou alors, suggérait un autre, c’est-y qu’il a des nippes cousues d’or à l’intérieur du manteau.

Le policier qui suivait la scène du coin de l’œil, tout d’un coup, laissa presque échapper un petit cri de triomphe :

Fantômas, en effet, cédant aux moqueries dont il était l’objet, d’un geste brusque et décidé, venait d’ôter son pardessus et l’avait jeté pêle-mêle avec les autres vêtements qui se trouvaient entassés sur une chaise, tout à proximité du divan :

– Bravo, murmura Fandor en pinçant le bras de Juve, voilà qui est bien travaillé.

Le policier secoua la tête et il murmura :

– Ce n’est pas fini.

Juve, en effet, tentait maintenant d’attirer à proximité du divan le pardessus de Fantômas et de le fouiller sans que nul ne pût s’en apercevoir. Comment allait-il faire ?

Le moindre geste inopportun, le moindre bruit insolite, et c’était la mort.

Ce fut l’inénarrable Bec-de-Gaz qui, sans s’en douter, vint en aide au policier. Bec-de-Gaz était complètement ivre, on pouvait lui tendre les embûches les plus grossières, il était incapable d’en deviner la nature ; Juve attendit le moment précis où Bec-de-Gaz en titubant passerait à proximité du divan. Ce moment se présenta enfin, et, comme les gros souliers de l’apache traînaient sur le plancher, tout à côté du canapé, Juve allongeant brusquement le bras, accrocha la jambe de l’ivrogne et le fit s’étaler de tout son long. Le policier avait bien calculé son geste. Bec-de-Gaz en proférant un juron épouvantable, tomba la tête en avant, le nez sur la chaise surchargée de vêtements, la chaise s’écroula, les vêtements tombèrent par terre, le pardessus de Fantômas, entraîné dans la chute, vint se placer à portée de main de Juve.

Téméraire, Juve attira d’un geste brusque le vêtement sous le canapé. D’une main fiévreuse, il palpa la doublure. Elle était vide, Fantômas se méfiait sans doute de ses amis. Mais le dépit de Juve devait se transformer en une inquiétude beaucoup plus grave. Malgré tout son courage et son imperturbable sang-froid, le policier tressaillit, de même que Fandor ; les deux amis sentaient leur cœur battre à rompre dans leur poitrine, un événement grave venait de se produire : les mouvements involontaires de Juve et de Fandor avaient remué le canapé, de façon si anormale que Fantômas et ses invités ne pouvaient plus ne pas s’en apercevoir :

– Nom de Dieu, avait juré quelqu’un, voilà le canapé qui bouge.

Juve, qui désormais ne cherchait plus à se dissimuler, fit encore un mouvement brusque, pour extraire son revolver de sa poche. Hélas, il ne put y parvenir.

– Dans une seconde, pensa-t-il, nous sommes découverts et assassinés.

Mais, à ce moment, on entendit plusieurs coups de sifflets à l’extérieur. Sans se donner le mot, les apaches s’étaient rués sur la fenêtre, l’avaient brisée, passaient au travers des carreaux brisés, mis en fuite.

Juve et Fandor s’étaient relevés, renversant le canapé, qui oscillait un moment, sur leurs épaules. Dehors, des coups de feu éclataient.

Juve bondit par la fenêtre, Fandor allait l’imiter, un revolver soudain appuya contre sa poitrine.

– Halte, ordonna une voix rude, impérative.

Fandor, instinctivement, obéit. Deux mains s’abattirent sur ses épaules. Le journaliste regarda puis éclata de rire :

– Ah, par exemple fit-il, ça n’est pas ordinaire. C’est vous, monsieur Havard, qui jugez bon de m’arrêter ?

– Fandor, s’écria le chef de la Sûreté. Ah, naturellement. J’étais sûr de vous trouver là, du moment que Juve était dans les parages.

– Ah ça, fit le journaliste interloqué, vous aviez donc rendez-vous ?

– Pas le moins du monde, déclara le chef de la Sûreté, mais je savais que Fantômas devait venir ici demain, et, avec quelques hommes, j’ai eu l’idée d’étudier la disposition des lieux afin de préparer plus sûrement sa capture.

– Les grands esprits se rencontrent, lui répondit Fandor. Voilà deux heures que nous sommes ici. Juve avait eu la même idée que vous, et il faut croire aussi que Fantômas avait formé les mêmes projets, car il nous quitte à l’instant.

– Fantômas ? Fantômas était ici ?

– Voilà son manteau, fit-il, quant à l’homme…

M. Havard l’interrompit pour dire d’un air désespéré :

– L’homme, parbleu, il est loin. Fantômas s’est échappé, mais Juve est sur ses traces.

28 – LE VERTIGE QUI SAUVE

– Qu’est devenu Fantômas ? Malédiction, où est-il passé ? Fouillez les caves. Fouillez les greniers. Il faut qu’on le retrouve.

Tandis que M. Havard hurlait des ordres à ses agents et que cette fois, contrairement à son habitude, il perdait un peu la tête, tandis que Fandor grimpait l’escalier de l’immeuble sinistre, forçait les portes, vociférait des jurons épouvantables, Juve, plus sage, plus rassis, n’avait pas hésité. Juve, au moment même où les bandits s’échappaient par la fenêtre, avait tranquillement ouvert la porte, et sans même trop se presser, gagné la rue. Les trottoirs étaient déserts, l’ombre clignotante des réverbères ne révélait aucun passant suspect. Juve n’avait pas perdu courage pour si peu.

– Parbleu, avait immédiatement estimé le policier, ces gens-là ne se sont pas évanouis, ne sont pas montés au ciel. Qui s’échappe par la fenêtre doit forcément atterrir quelque part. Or, la rue où nous nous trouvons, cette lugubre rue Froidevaux, est composée d’importants pâtés de maisons qui ne comportent guère de jardins, donc, fatalement, par où qu’ils aient passé, mes individus vont être obligés à un moment quelconque, de sauter sur la chaussée et de s’enfuir. Le tout est de se trouver au bon endroit.

Juve raisonnait, très calme. Peu lui importait les ordres qu’il entendait hurler par M. Havard à tous les échos, rien ne le troublait, même pas les exclamations et la colère de Jérôme Fandor. Tous couraient après Fantômas. Juve, lui, tranquillement, se cachait dans un coin d’ombre de la rue et là, comme s’il eût été en embuscade, se contentait d’attendre le bandit. La tactique qu’employait le policier et qui prouvait une fois de plus son extraordinaire sang-froid, l’empire qu’il avait sur ses nerfs réussit parfaitement. Juve n’était pas depuis cinq minutes en observation, qu’à moins de vingt mètres de lui un homme vêtu de noir sautait lestement d’un balcon dans la rue et s’enfuyait en courant.

Juve se jeta sur ses pas :

– À moi, hurla-t-il, c’est Fantômas ! Ah, cette fois, c’est bien le diable s’il m’échappe !

Tout en courant, tout en se précipitant sur les traces du bandit, – et Juve, certes, gagnant du terrain sur lui -, le policier avait saisi dans la poche de son paletot, son inséparable browning.

Le temps des procédés policiers était passé, ce n’était plus le moment de faire grâce. Si Fantômas ne s’arrêtait pas, Juve était décidé à faire feu, à l’abattre. Comme on abat une bête malfaisante, comme on met un monstre hors d’état de nuire.

Juve cria :

– Arrêtez-vous, Fantômas, ou je tire !

Malheureusement Juve avait déjà perdu quelques minutes. Dans la rue Froidevaux, déserte et solitaire, la tactique eût été bonne, car Juve, alors eût pu tranquillement tirer, mais déjà Fantômas avait tourné au coin du cimetière de Montparnasse, il débouchait place Denfert-Rochereau, et les passants étaient trop nombreux pour que, sans crainte d’accidents, Juve pût faire usage de son arme.

– Il sait bien que je ne peux pas tirer, s’écria le policier.

Fantômas, en effet, loin de s’arrêter aux injonctions de Juve, avait accéléré. À son tour, il gagnait du terrain sur le policier, qui moins jeune que lui, s’essoufflait.

Juve usa de la dernière ressource qu’il pensait avoir en son pouvoir :

Comme on s’écartait devant le bandit, Juve hurla désespéré :

– Au voleur. À l’assassin ! Arrêtez-le. C’est Fantômas !

Il eût annoncé le diable, il eût annoncé la mort, qu’il n’eût pas produit plus d’effet. Les passants étaient peut-être de braves gens, mais à coup sûr ce n’étaient point des gens braves. Voyant l’homme qui courait, entendant annoncer que c’était Fantômas, ils n’eurent les uns et les autres, qu’un sentiment : ne pas se trouver sur son chemin.

Panique générale. Les cris de Juve n’avaient eu qu’un résultat, on fit place nette devant le bandit.

Juve voyait déjà Fantômas hors d’atteinte, lorsqu’il eut la joie d’apercevoir à l’autre bout de la place Denfert-Rochereau, deux braves gardiens de la paix, émus par ses cris et par la fuite éperdue du public, qui accouraient, qui allaient barrer le chemin à Fantômas. C’était un renfort imprévu.

– Je le tiens, songea Juve. Ils vont l’arrêter.

Hélas, au moment même, Fantômas obliquait, tournait à droite, lui aussi avait aperçu les gardiens de la paix et, pour les éviter il ne trouvait rien de mieux que de s’engouffrer dans l’escalier de la station du métro. Juve n’hésita pas. Coupant au plus court, lui aussi courut à la station. Sa manœuvre lui avait fait gagner quelque distance sur Fantômas. Juve était en haut de l’escalier, quand le bandit ouvrait les portes qui mènent au vestibule où se distribuent les billets.

– Je le tiens, se répéta Juve.

Et au risque d’une chute il dégringola l’escalier… Naturellement Fantômas ne s’attarda guère à demander un billet. Sans souci des protestations des gens qu’il bousculait, il fonça dans l’un des couloirs qui s’ouvraient devant lui.

Et, à ce moment précis, Juve poussa un cri de victoire.

– Pincé, pensa-t-il.

Fantômas, en effet, venait de commettre une faute. Au lieu de se diriger vers l’un des escaliers conduisant aux quais du Métropolitain, il avait pris le couloir auquel vient aboutir l’escalier roulant qui amène, à l’arrivée de chaque train les voyageurs descendus dans le souterrain, à la hauteur du vestibule de la station. Et Juve qui s’était aperçu de l’erreur de parcours de Fantômas, riait presque, en se disant :

– Il est impossible que Fantômas descende par cet escalier qui monte, il va se jeter par terre, l’escalier me le ramènera. Je le tiens.

Le policier, pourtant, poursuivait toujours le bandit. Fantômas parvenait, comme l’avait deviné Juve à la hauteur de l’escalier roulant. Mais, ce que n’avait pas deviné Juve, c’était, une fois de plus, l’extraordinaire audace de l’Insaisissable.

D’un coup de poing formidable, Fantômas assomma à moitié l’employé du métropolitain assis au sommet de l’escalier pour surveiller le signal d’alarme. Fantômas s’empara du haut tabouret sur lequel était juché le malheureux surveillant. Ce tabouret, il le jeta sur les marches et, en même temps, il s’accroupit dessus. Le tabouret n’appuyant que sur les arêtes des marches, par ses montants de bois, glissa vers le bas comme sur un véritable toboggan, à une allure vertigineuse.

Ainsi, au moment même où Juve tendait la main pour arrêter Fantômas, le bandit, au risque de se fendre le crâne, sur son chariot improvisé, dégringolait l’escalier roulant.

De stupeur, Juve perdit quelques secondes. Il retrouva vite son sang-froid, il bondit à son tour vers le poste de surveillance, il appuya sur le bouton d’alarme, l’escalier s’immobilisa, Juve s’y lança, le descendit comme un fou.

Qu’était devenu Fantômas ? Emporté par son élan, Juve allait pénétrer sur les quais, voir si le bandit n’y était pas bloqué, lorsqu’en croisant l’escalier ordinaire, remontant au jour, Juve aperçut l’Insaisissable, qui, pensant bien l’avoir dépisté et après n’avoir fait qu’apparaître sur les quais, se hâtait de remonter au grand jour.

– Misérable, gronda Juve.

En même temps, il se précipita dans l’escalier, derrière Fantômas. La poursuite recommençait. Mais la ruse dont le bandit avait usé, lui avait permis de gagner quelque distance sur son poursuivant. Juve arriva tout juste à la sortie du métropolitain pour apercevoir le monstre sauter dans un taxi-auto, bientôt parti à toute vitesse. Une autre voiture automobile maraudait à quelque distance. Juve s’y élança :

– Cent francs si vous rattrapez la voiture qui s’en va là-bas.

La promesse d’un pourboire aussi royal produisit naturellement son effet sur le wattman abasourdi. Sans se soucier des gestes des agents, des récriminations des passants, à une allure de vertige, il lança sa voiture. Après la poursuite à pied, la poursuite en auto commençait.

Hélas, les deux véhicules, celui de Juve et celui de Fantômas, appartenaient à la même compagnie, étaient du même type, aussi bien réglés l’un que l’autre, conduits aussi expertement. Les deux taxis, sans se distancer, sans se rattraper, pendant de longues minutes, se livrèrent à une course folle.

– Si seulement, se disait Juve, il a l’idée de passer par les quartiers déserts, je risque le tout pour le tout, je tire sur lui. Mais il ne l’aurait pas fait.

Boulevard Montparnasse, boulevard Pasteur, boulevard Garibaldi, les deux véhicules continuaient leur match poursuite. Puis, brusquement par la rue Desaix, le taxi-auto de Fantômas obliquait sur la droite.

– Où va-t-il ?

En même temps, Juve se penchait vers son chauffeur :

– Coûte que coûte, il faut les rejoindre, hurlait-il, j’épingle mille francs sur les coussins de la voiture, c’est pour vous, c’est votre prime, si seulement vous m’amenez à la hauteur de la voiture que je poursuis.

Avenue de Suffren, la voiture de Fantômas redoubla de vitesse. Cette fois, on arrivait dans de grandes allées désertes où les chauffeurs pouvaient faire rendre le maximum à leur moteur. Mais les distances demeuraient égales, Fantômas ne gagnait ni ne perdait sur la voiture de Juve.

Et puis, brusquement, un événement que n’avait probablement prévu ni le bandit ni le policier, finissait par survenir. Au détour d’une rue, au moment où il pensait tourner pour rejoindre le quai d’Orsay, un peu en avant du pont d’Iéna, le taxi-auto de Fantômas heurtait la roue d’un tombereau qui ne s’était point rangé à temps. L’automobile s’émietta contre la lourde carcasse du pesant chariot.

Chauffeur et bandit roulèrent sur le sol, Fantômas se releva, s’enfuit. Déjà, Juve, au risque de se rompre le cou avait sauté de son propre taxi, courait sur les traces du monstre.

Fantômas, toutefois, avait toujours de l’avance sur Juve. La distance qui séparait les deux hommes, n’excédait certainement pas une cinquantaine de mètres, c’était suffisant cependant pour que Juve, qui venait de perdre son revolver en sautant de voiture, fût absolument impuissant face au bandit.

– Que diable va-t-il inventer encore ? se demandait le policier.

Juve avait raison de se méfier. Fantômas, en effet, venait de concevoir une ruse suprême : il traversa, courant de toutes ses forces, l’esplanade des Invalides, il atteignit, toujours courant, le pilier nord de la tour Eiffel. Un bond l’amena par-dessus la grille au pied de l’ascenseur.

Mais il était trop tard, Fantômas venait de déclencher le mécanisme. L’ascenseur, lentement, montait au long du pylône, emportant le bandit.

Mais si Fantômas avait eu idée de génie en pensant échapper à Juve en se perdant dans l’ombre des étages supérieurs de la tour Eiffel, il avait cependant négligé de compter avec l’incroyable ténacité du policier.

Au moment même où l’ascenseur partait, Juve, au risque de se tuer, saisit à bout de bras les poutres formant le plancher de cet ascenseur et là, suspendu dans le vide, invisible pour Fantômas, narguant le vertige, se cramponnant avec la seule crainte de ne pouvoir tenir jusqu’au bout, épuisé de fatigue, il se laissa enlever.

L’ascension du premier étage dura peut-être dix minutes. Juve, sans souci du vide immense, du vide attirant, qui déjà, se creusait sous ses pieds, entendit la porte de l’ascenseur s’ouvrir, se refermer. Fantômas venait de sortir.

Qu’allait faire le bandit ?

Au prix d’une acrobatie qui était un véritable défi à la mort proche, Juve venait d’atteindre la charpente métallique de la tour. Lui aussi quittait l’ascenseur. Il se hissa par-dessus le garde-fou, prit pied sur la plate-forme même du premier étage, assez à temps pour voir Fantômas s’engouffrer dans le nouvel ascenseur qui l’emportait vers le second étage.

– M’a-t-il vu ? se demanda Juve.

Comme un fou, le policier se précipita dans l’étroit escalier qui mène au second étage. Juve grimpait en désespéré. C’était quelque chose d’insensé que cette poursuite qu’il tentait. À peine de perdre irrémédiablement Fantômas, Juve, par l’escalier, devait aller aussi vite que l’ascenseur qui emportait le bandit dont le visage contracté s’apercevait collé aux vitres. Nul bruit d’ailleurs. Au fur et à mesure que Juve s’élevait dans la tour Eiffel, complètement déserte à cette heure, les clameurs de Paris s’effaçaient peu à peu, le vent se faisait plus âpre. Une impression de solitude pesait sur le prodigieux monument. Seul, le vent, gémissant sur les innombrables parois métalliques, troublait ce silence chargé.

Ce que tentait Juve était évidemment fou, irréalisable. Cependant, le grand policier, qui par moments, semblait presque, tant il avait d’intrépidité et de courage un surhomme, un génie, cette fois encore, réalisa l’impossible. Il n’atteignit pas le second étage en même temps que l’ascenseur, mais sans doute, Fantômas avait été retardé par le maniement des appareils, car, au moment où Juve débouchait sur la plate-forme, l’appareil s’enlevait lentement, très lentement, droit devant lui.

– Miséricorde, s’exclama le policier.

Une échelle était là, qui pointait vers le ciel, Juve la gravit. Comme pour le premier étage, il eut l’audace de s’agripper à l’extérieur des poutres du plancher de l’ascenseur. Juve, cramponné dans cette situation invraisemblable, risquant la mort à toutes les secondes, exposé au plus affolant des vertiges, se laissait emporter dans l’espace.

L’ascenseur montait vite. Quelques secondes après, Juve le sentit s’immobiliser. De même que Fantômas quittait l’appareil pour sauter dans celui qui devait l’emporter jusqu’au troisième étage, Juve, audacieux jusqu’à la folie, parvint à s’agripper une troisième fois, à se laisser une troisième fois encore emporter, suspendu dans le vide.

– Il ne montera pas plus haut, que diable ! songeait le policier.

À ce moment des crampes douloureuses commençaient à faire terriblement souffrir le malheureux Juve. Il baissa la tête. Dans la nuit, à plus de deux cents mètres sous lui, Paris n’était plus qu’une auréole de lumière, perdue dans le brouillard, croulant rapidement, si rapidement qu’un vertige prenait le policier à considérer les monuments minuscules dans un vide immense. Le froid, d’ailleurs, devenait terrible. Juve avait l’impression que ses pauvres mains, crispées dans une posture incommode, se crevassaient, que le sang giclait, et que, un par un, ses doigts allaient lâcher prise.

– Ce serait une jolie fin, pensa Juve.

Mais, il se roidissait, il se faisait plus fort que sa propre souffrance, il ne voulut pas sentir son mal, il tint bon.

Maintenant, l’ascenseur parvenu à la hauteur des dernières travées de la tour, montait presque perpendiculairement. Les immenses chaînes à contrepoids, emplissaient presque en entier la robuste armature que Juve par moments se prenait à trouver bien fragile.

– Décidément, pensa Juve, mesurant d’un regard le gouffre de trois cents mètres qui béait sous ses pieds, décidément, je ne m’en tirerai pas.

Au même instant, l’ascenseur s’arrêtait.

– Ouf, pensa Juve, je me souviendrais de ce petit voyage.

Avec des précautions extrêmes, car le brouillard rendant toutes choses humides pouvait lui faire manquer sa prise, le policier abandonnant le dessous de l’ascenseur, gagna les poutrelles métalliques.

À ce moment, au-dessus de lui, il n’y avait plus que le plancher de la troisième plate-forme et certainement, Fantômas se trouvait là, à quelques centimètres.

Juve, quelques secondes, se tînt coi, serrant entre ses bras et ses jambes une barre de fer, son seul appui. Le policier s’accordait une seconde pour reprendre haleine. Indifférent au danger, il surveillait seulement les portes de l’appareil, prenant garde à ce que Fantômas ne se jetât à l’intérieur de l’appareil, n’entreprît de descendre à l’improviste.

Après quelques secondes d’attente, dans le silence de la nuit, Juve entendit des pas :

– C’est lui, se dit-il, il doit se demander où je puis être.

Juve se débarrassa de son chapeau qui le gênait, en l’accrochant à un croisillon de l’architecture. Puis, plus libre de ses mouvements, il se glissa, au risque de se faire broyer, entre l’ascenseur et le plancher de la plateforme. Un dernier effort et il atteignait, enfin sauvé du gouffre, le troisième étage de la tour. Au-dessus de lui, brillait un phare automatiquement commandé, qui promenait sur la nuit un pinceau lumineux. La plate-forme, tour à tour, était noyée d’ombre et baignée de clarté, éclairée a giorno.

Juve avait pris pied sur le plancher, profitant d’une éclipse. Quand la lumière revint, Juve fouilla du regard le balcon où il se trouvait.

Où avait passé Fantômas ?

Juve l’aperçut aussitôt. Le bandit était à moins de trois mètres de lui, tête nue, le vent agitait les mèches de sa chevelure, il était pâle, il tenait dans ses doigts crispés la serviette où Juve lui avait vu enfermer la liasse de ses billets de banque, il se penchait au-dessus du vide. Il semblait halluciné, hypnotisé.

– Fantômas, rends-toi, hurla Juve.

Au même instant, le phare tourna, l’ombre à nouveau envahissait la plate-forme. Juve, par précaution, s’adossa à l’ascenseur qui, étant abandonné sans mécanicien, redescendit lentement, pour s’immobiliser sans doute à mi-hauteur, à l’endroit où son contrepoids le mettait en équilibre.

– Il ne peut pas s’enfuir se dit Juve et si nous devons lutter ici, eh bien, j’aime autant cela, ou j’arriverai à le mettre hors d’état de nuire ou il me lancera dans le vide.

Continuant à tourner cependant après une éclipse qui semblait interminable au policier, le phare de la tour, à nouveau, baigna de lumière l’étroite plate-forme. À ce moment Juve pensait s’élancer sur le bandit. Or, la lumière n’avait pas réapparu que Juve poussait un cri de rage : Fantômas n’était plus sur la plate-forme.

Juve eut beau explorer celle-ci, d’ailleurs peu étendue. D’un bout à l’autre, il n’apercevait plus le bandit.

Une fois encore, l’insaisissable bandit avait trouvé moyen de s’enfuir. Qu’était-il devenu ? Comme un fou, Juve courait à l’endroit où Fantômas lui était en dernier lieu apparu. Juve se hissa, insouciant du danger, sur le garde-fou très élevé qui termine le dernier étage de la tour. Il se pencha sur l’abîme. Et soudain, Juve poussa un cri de triomphe : où était Fantômas, Juve le savait. Profitant du moment d’obscurité qui avait suivi l’arrivée de Juve, Fantômas, en effet, aussi téméraire que l’avait été le policier, avait enjambé la balustrade, tenant entre ses dents la serviette bourrée de billets de banque. Souple et leste, il s’était, en se cramponnant aux moindres points d’appui, évadé de la troisième plate-forme. Le bandit maintenant étreignait la charpente même de la tour, et là, cramponné aux formes métalliques, renouvelant les prouesses des constructeurs de gratte-ciels américains, il s’efforçait de descendre, furtif, inaperçu.


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