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La guêpe rouge (Красная оса)
  • Текст добавлен: 4 октября 2016, 03:51

Текст книги "La guêpe rouge (Красная оса)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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Certes, Hélène était honnête. Certes la pure jeune fille avait horreur de ceux qui l’accompagnaient, mais elle était cependant trop loyale pour jamais trahir ceux qui se confiaient à elle, pour jamais les livrer à la police.

Hélène avait de tout autres desseins.

La jeune fille avait appris, en effet, le vol dont Juve avait été victime. De plus, elle connaissait le coupable. Elle savait que Dick était l’auteur de ce vol. Elle savait que ses papiers, ces fameux papiers qui jadis avaient fait couler tant de sang au Transvaal, se trouvaient entre les mains du terrible acteur, et c’était cela, maintenant, qu’elle voulait aller reprendre de force à Dick.

Or, tandis que le tramway filait sur Enghien, tandis qu’Hélène réfléchissait à la tentative désespérée qu’elle allait entreprendre, Dick et Sarah se promenaient lentement, amoureusement enlacés dans le grand jardin de l’hôtel où, sur l’ordre de Juve, Sarah Gordon continuait d’habiter.

Dick était en train de faire à la jeune femme une brûlante déclaration d’amour :

– Ma chère, affirmait l’acteur d’une voix prenante, sa voix des scènes de tendresse, ma chère, vous avez douté de moi et c’est de là que viennent tous nos malheurs, il fallait être plus confiante, il fallait savoir que je n’étais pas l’homme à vous déclarer un amour que je n’aurais pas éprouvé. Il fallait comprendre aussi que si je vous suppliais de demeurer en France, c’est qu’en réalité, je ne pouvais pas m’en aller au moment où vous le désiriez.

– Taisez-vous, dit la jeune femme. Vous me parlez de confiance, et vous devriez pourtant savoir que la confiance est impossible désormais entre nous.

– Impossible, pourquoi ?

– Parce que je sais assez de choses pour me rendre compte que je suis folle de vous aimer. Parce que je n’ai plus de doute, vous vous moquez de moi, vous avez une maîtresse, vous aimez une autre femme.

Or, à ces mots, Dick éclatait de rire :

– Sarah, ma bonne Sarah, répondait-il, en prenant de force le bras de la jeune femme et en le serrant amoureusement, je vous jure que vous déraisonnez ! J’ai peut-être eu besoin d’éprouver votre amour, peut-être ai-je voulu savoir si vous m’aimiez assez pour être jalouse de moi. Peut-être même, ai-je simplement voulu jouer un peu avec votre cœur. Mais de grâce, n’imaginez point qu’il soit une autre femme au monde que j’aime autant que vous.

– Vous mentez. J’ai vu cette Hélène. Je sais qu’elle est votre maîtresse. Elle me l’a dit.

– Sottise !

– Non, vérité, Dick. Oh n’essayez pas de m’abuser. J’ai bien compris qu’elle vous aimait et que vous l’aimiez !

– Sarah, j’ai un moyen pour vous convaincre. Si vous voulez ne pas douter de mon amour, acceptez ce que je vais vous proposer.

– Quoi donc ?

– Voulez-vous que nous partions en Amérique ?

– Quand ?

– Demain, ce soir, si vous voulez ?

– Je voudrais vous croire. Je voudrais oser accepter votre offre. Mais elle me semble trop belle.

Elle se taisait, elle réfléchissait, puis soudain, elle frissonna.

Le grand parc de l’hôtel dans lequel Sarah et Dick se promenaient ainsi, était planté d’épais massifs que l’ombre de la nuit faisait encore plus touffus et plus mystérieux. Les deux jeunes gens s’étaient éloignés des bâtiments, ils se trouvaient au bout du jardin et le silence de la nuit semblait peser de tout son poids.

– Avez-vous entendu ?

– Non, je n’ai rien entendu.

– Vous me jurez, Dick, que vous n’aimez pas Hélène ?

– Oui, je vous le jure.

– Si je vous prenais au mot, si j’acceptais de partir en Amérique, nous partirions immédiatement ?

– Oui, nous partirions.

– Si vous m’aimiez ? commençait Sarah.

Mais au même moment, la jeune femme s’interrompit, elle poussa une exclamation d’effroi.

– Mon Dieu, Dick, je ne me trompe pas. On marche ici, à côté, dans le fourré.

– Ma chérie, vous êtes nerveuse et impressionnable et c’est pour cela que vous croyez entendre quelque chose, alors qu’en réalité, il n’y a rien. Non, nous sommes seuls ici.

– Rentrons à l’hôtel, voulez-vous ?

– Soit, rentrons.

Dans le silence calme du soir un coup de sifflet retentit.

– Allons-y ! avait crié une voix.

À quoi une voix de femme répondit :

– Ne lui faites pas de mal ! Il faut seulement l’arrêter !

Trois hommes avaient surgi. Et tandis que Sarah affolée s’élançait en avant, ayant si peur qu’elle ne pouvait même pas crier au secours, Dick était renversé sur le sol, étranglé à moitié. On le fouillait, on lui arrachait son portefeuille.

Trois minutes plus tard, avertis par Sarah Gordon dont l’émotion faisait peine à voir, les gens de l’hôtel, portant des torches et armés de tout ce qui avait pu leur tomber sous la main, accouraient dans les allées du parc.

Or, en arrivant, les domestiques aperçurent l’acteur, un peu pâle, mais cependant très calme.

– Eh bien, que s’est-il passé ? Où sont-ils ?

Dick les rassura d’un mot :

– C’est une déplorable méprise qui vient d’avoir lieu, murmurait-il. C’est une abominable méprise ; je me promenais avec miss Gordon lorsque nous avons rencontré d’autres passants. Nous nous sommes mutuellement pris pour des voleurs et voici pourquoi elle s’est enfuie, voici pourquoi elle a donné l’alarme.

Dick en riant fournit d’autres détails sur sa mésaventure. Il semblait amusé.

Une demi-heure plus tard, cependant, Dick était à genoux devant la malheureuse Sarah, encore toute pâle et dolente, étendue sur une grande chaise longue et Dick lui disait :

– Si vous m’aimez, Sarah, par pitié vous ferez semblant de croire à la fable que j’ai racontée tout à l’heure aux gens de l’hôtel.

– On s’est vraiment jeté sur vous ?

L’acteur se leva. Il baisa doucement les paupières endolories de la jeune femme et lui répondit d’une voix très lasse :

– Oui, Sarah, tout cela est vrai. Et tout cela est terrible. Par pitié, ne m’interrogez pas. Il n’y a qu’une chose que je puisse vous dire : je vous aime et il n’y a point de ma faute dans tout ce qui arrive. Oui, sans doute, on vient de se jeter sur moi. On vient de me voler, de me voler des papiers auxquels je tiens plus qu’à la vie. Mais, je les rattraperai, il faudra bien qu’Hélène…

Or, Dick avait à peine laissé échapper le nom de la fille de Fantômas, qu’il avait parfaitement reconnue parmi ses agresseurs, que Sarah se dressait devant lui :

– Ah je savais bien que vous la voyiez toujours et que cette femme voulait se venger. Dick, si vous m’aimez comme vous le dites, partons, partons tout de suite.

– Non, je ne peux plus partir ce soir. On vient de me voler. Il faut que je rattrape les voleurs.

Et se penchant sur Sarah, il la prenait dans ses bras, il la berçait comme on berce une enfant malade :

– C’est vous que j’aime, murmura-t-il, et c’est vous que j’aime par-dessus tout, par-dessus tous. Jamais il n’y a eu un mot d’amour entre cette Hélène qui vous fait peur et moi.

Sarah ne comprenait plus ce qui s’était passé, Sarah ne devinait pas et ne pouvait point deviner quels étaient les papiers que l’on venait de voler à Dick ; elle frémissait seulement en l’entendant répéter :

– Je me vengerai.

***

Dans les bosquets obscurs du Cabaret des Raccourcis, un groupe d’apaches entourait Fantômas, ou du moins un homme vêtu de noir et masqué.

Depuis une heure, le Génie du Crime – si c’était bien lui – était là, et depuis une heure, au milieu de ceux qui l’avaient aidé à accomplir ses desseins, il interrogeait avec cette autorité qui lui était propre et qui faisait que tous s’inclinaient devant lui, acceptaient ses ordres, exécutaient ses commandements, et cela souvent sans comprendre où le Maître voulait en venir.

Fantômas était assis dans un coin d’ombre. Il semblait vouloir se dissimuler et, chaque fois que la porte du bouge s’ouvrait dans le jardin, il jetait un regard inquiet à l’arrivant, un regard qui s’éclairait seulement lorsqu’il reconnaissait un individu appartenant au monde de la pègre.

Fantômas, cependant, n’obtenait pas les renseignements qu’il voulait, car il paraissait d’humeur détestable.

– Tais-toi, Bedeau, dit-il.

Et comme le Bedeau, qui avait commencé à chantonner, lui jetait un regard mauvais, Fantômas reprit :

– Si tu n’es pas content, d’ailleurs, va-t-en.

Dans la troupe où il y avait Beaumôme, Mort-Subite, le Barbu, des grognements s’élevèrent.

– Dis donc, Fantômas, commença Beaumôme, ça ne t’a pas rendu aimable, la prison, et puis, tout de même, faudrait voir à nous raconter comment que tu t’es débiné.

– Tais-toi, dit le bandit.

Et il se tourna vers l’entrée de la tonnelle. L’homme qui s’approchait n’était autre que Bouzille. Fantômas l’appela :

– Viens ici !

Mais Bouzille était entre deux vins.

– C’est pour boire un coup ? demanda-t-il. Pour boire un coup à la santé de la mariée ? Eh bien, je reviens de la noce.

L’ancien chemineau titubait, essayait des entrechats qui menaçaient de compromettre son équilibre et d’occasionner une chute grotesque.

Fantômas se leva, il bondit plus qu’il ne courut vers l’homme et, le secouant :

– Bouzille, me reconnais-tu ?

– Le patron ? dit Bouzille. Pas possible ? Eh bien ! Et comment que ça va ?

– Bouzille, sais-tu où est ma fille ?

– Ta fille, Fantômas, ah, oui, ta fille… Eh bien dame, ça, c’est dommage…

Et il s’interrompit. Mais Fantômas l’avait empoigné à nouveau :

– Parle donc, misérable, hurla-t-il, où est Hélène ?

– Chez Isolino.

– Chez qui ?

– Chez Mario, avec Nadia.

– Où cela ?

– Dans leur cave.

– Mais, que fait-elle là ?

Bouzille grogna quelque chose d’inintelligible, puis porta la main à son gosier :

– Pas possible de parler, faisait-il d’une comique voix de fausset. J’ai tellement soif que mes paroles tombent en poussière.

– Bois, dit le Maître du Crime à Bouzille.

Le chemineau lampa l’alcool d’une seule gorgée et, en faisant claquer sa langue, déclara :

– Et alors, patron, qu’est-ce qu’il y a pour votre service ?

– Tu disais que ma fille était chez Mario Isolino avec Nadia dans la cave. Est-ce vrai ?

– Oui, c’est vrai, c’est même pour cela que je suis soûl. J’ai vu la chose, ça m’a fait de la peine et j’ai décidé de me taper la tête.

– Mais quoi ? Qu’as-tu vu ? Parle donc !

– Eh bien, voilà : paraît qu’Hélène les a floués. La demoiselle leur avait indiqué un coup à faire. Mario et Nadia y ont été avec elle, et puis, quoi, maintenant, elle ne veut plus partager, elle dit qu’elle n’a pas pris de pèze.

– Alors ?

– Alors le Mario et la Nadia l’ont chopée en douce, l’ont ficelée par les pattes et maintenant, dans leur cave, je crois qu’ils lui font chauffer les pieds, histoire de lui faire dire où elle a caché la galette.

Fantômas, d’une poussée, envoya rouler Bouzille. Son attitude avait pris quelque chose de dur, d’impénétrable :

– Les aminches, demanda-t-il d’une voix sifflante, vous savez où habitent Nadia et Isolino ?

– Oui, à deux pas, répondit le Bedeau.

– Alors venez tous avec moi. C’est ma fille qu’il faut sauver de là.

Une certaine hésitation se manifesta parmi les groupes. Ce que demandait Fantômas était grave. Mario Isolino et Nadia logeaient en effet dans un petit pavillon au fond d’une cour derrière un grand immeuble habité par de nombreux locataires. Dans ces conditions comment tenter un coup ?

Mais Fantômas avait l’habitude qu’on lui obéît. Le bandit avait tiré de sa poche une liasse de billets de banque :

– Il y en a pour tout le monde, dit-il. Quand je demande un service je paye.

Et il paya en effet. À ces bandits il distribua les billets bleus.

– Vous venez ?

– Oui ça va. On radine.

Huit hommes sortirent du cabaret, derrière Fantômas. Si la police les avait rencontrés, ces huit individus, elle les eût arrêtés tous les huit et sans doute, quelques mois plus tard, leurs huit têtes fussent tombées sous le couteau de Deibler, mais les rues de Montmartre étaient désertes. C’est sans faire nulle rencontre, sans apercevoir aucun passant que la petite troupe atteignit le logis d’Isolino et de Nadia.

Alors, l’affaire ne traîna pas.

D’un coup d’épaule le Barbu fit sauter la porte, puis pêle-mêle, en se bousculant, la bande envahit la cave où Nadia et Isolino s’occupaient, en effet, à torturer la malheureuse Hélène.

– Bandit, misérable ! hurla Fantômas.

Il sauta à la gorge de l’Italien qui roula sur le sol. En même temps une clameur formidable s’éleva :

– Bravo, Fantômas !

Nadia, déjà, était réduite à l’impuissance.

La lutte n’avait duré qu’un instant.

Fantômas se retourna, cherchant des yeux Hélène.

– Ma fille ? demanda-t-il.

Hélène n’était plus là.

Devenu blême, Fantômas dut s’appuyer à la muraille pour ne point choir. Le monstre avait évidemment une terrible envie de revoir sa fille et il devait éprouver une déception cruelle à s’apercevoir qu’elle lui avait échappé une fois de plus.

Pourtant, après un instant d’abattement, Fantômas se rapprochait de Nadia qui, attachée, sur ses ordres, gisait sur le sol :

– Tu me paieras tout cela, hurla-t-il au visage de la pierreuse. Ce qui arrive est de ta faute.

Il allait continuer à parler, il allait menacer encore la Circassienne, lorsqu’il crut surprendre sur son visage une extraordinaire expression, presque une invite au silence.

Fantômas se baissa. Il s’agenouilla sur le sol, approcha son visage du visage de Nadia et répéta avec une haine effroyable, de façon à ce que les apaches présents pussent l’entendre :

– Tu torturais ma fille. Tu mourras dans la torture.

Mais la Circassienne lui disait :

– Tais-toi et fais sauver les copains, j’ai à te parler. Fantômas, j’ai une commission à te faire de la part de la dame de Ville-d’Avray.

***

Pendant ce temps, folle de terreur, Hélène fuyait dans la nuit.

Hélène se demandait à haute voix :

– Était-ce bien mon père ? Était-ce bien Fantômas, qui est venu me sauver tout à l’heure ou bien était-ce l’autre ?

Sa main froissait sous son corsage les précieux papiers dérobés la veille à Enghien.

11 – L’HOMME QUI A TUÉ

– En somme, toute l’affaire est arrangée maintenant. J’en suis bien content.

C’était Jacques Faramont qui venait d’exprimer ainsi son optimisme.

Fandor releva la tête :

– Arrangée ? Qu’entendez-vous par là ?

– J’entends, mon cher ami, que la fâcheuse agression dont mon père a été victime n’a pas eu les conséquences tragiques que l’on pouvait redouter. Papa est complètement guéri de la secousse morale et physique qu’il a éprouvée. Il va et vient comme auparavant, s’occupe activement de ses affaires, aussi bien de celles qui concernent le Palais, que de ses objets d’art. Ce brave Érick Sunds, grâce à la perspicacité de M. Juve, a été complètement innocenté.

– Oui, tout cela est exact.

– Et, ce qui n’est pas pour me déplaire, mon cher Fandor, le secret de mes amours avec Brigitte a été bien gardé. Je vous en remercie sincèrement, vous avez été à mon égard, dans cette affaire, d’une discrétion et d’une délicatesse que je n’oublierai jamais.

– Comme vous dites, tout cela est terminé, mais le plus important n’est pas fait. Il reste à trouver les auteurs de l’agression.

Le fils du bâtonnier était venu voir Jérôme Fandor chez lui. Il lui avait demandé par lettre un rendez-vous. Les deux jeunes gens s’étaient retrouvés dans l’appartement du journaliste, rue Richer, vers cinq heures de l’après-midi. Il y avait déjà un quart d’heure qu’ils étaient en tête à tête, Jacques Faramont n’avait encore dit que des choses insignifiantes.

Le journaliste se doutait pourtant bien que si le jeune avocat était venu le trouver, ce n’était pas uniquement pour le remercier.

– J’ai encore quelque chose à vous dire, mon cher Fandor. Voilà ce dont il s’agit : la dame blanche est revenue à Ville-d’Avray.

– Vous êtes sûr ? Vous l’avez vue ?

– Non, déclara Jacques Faramont, je ne l’ai pas vue personnellement. Mais je tiens le renseignement de Brigitte, qui m’a téléphoné hier après-midi, parce que, précisément, je dois dîner chez mon oncle. Or, chaque fois que je dîne chez mon oncle, nous convenons au préalable d’un rendez-vous.

– Ces rendez-vous, où ont-ils lieu le plus souvent ? Dans le jardin de la villa abandonnée, n’est-il pas vrai ?

– Oui. Je vous ai dit que la première fois que nous nous sommes trouvés en présence de cette mystérieuse dame aux cheveux blancs, elle nous a suppliés de ne point ébruiter notre rencontre, mais elle ne s’est point opposée, au contraire, à ce que nous venions passer tout le temps qu’il nous plairait dans le jardin de sa maison.

– C’est une femme fort aimable, à ce que je vois, et il me semble, mon cher ami, que vous manquez à tous vos devoirs en n’allant pas lui faire une visite de politesse pour la remercier de son hospitalité.

– Vous voulez rire ?

– Pas du tout, je suis tout ce qu’il y a de plus sérieux, dit Fandor. Si vous voulez me permettre un conseil, je vous engagerais vivement à aller lui porter ce soir vos remerciements, en même temps, par exemple, qu’une gerbe de fleurs.

– Mais, Fandor, cette dame sera étonnée, surprise et puis, me recevra-t-elle ?

– Vous ne le saurez jamais, si vous n’essayez pas d’être admis auprès d’elle.

– Il est bien évident que ma démarche, en somme, n’aurait rien d’extraordinaire. Mais quelle conclusion comptez-vous en tirer ?

– Je vous le dirai un peu plus tard, rétorqua Fandor, et si vous suivez mon conseil, prévenez-moi car je vous accompagnerai.

– Vous ?

– Oui. Moi ! Pourquoi pas ? j’aimerais vivement connaître cette personne.

– Mais, il me semble difficile que nous allions la voir ensemble, et peut-être notre arrivée, à tous les deux, lui paraîtra-t-elle suspecte ?

– Aussi, déclara Fandor, faudra-t-il que vous alliez d’abord sonner à sa porte, seul avec votre bouquet de fleurs, et si la dame aux cheveux blancs vous accueille comme je le suppose, je viendrai à mon tour.

– Et alors ?

– Alors, vous me présenterez, voilà tout.

Le jeune homme se leva, il serra la main de Fandor :

– Vous avez été si délicat, si discret à mon égard, que je ne veux rien vous refuser. C’est une affaire entendue. Je dîne précisément ce soir chez mon oncle, mais je ne pourrai guère être libre avant neuf heures et demie, car il y a du monde, une invitée.

– Qui cela ? interrogea indiscrètement Fandor.

– Oh, fit Jacques Faramont, une seule personne ; une jeune étrangère, une Américaine, que mes parents connaissent, et que ma tante a retrouvée l’autre jour dans un thé. Elles se sont prises d’amitié l’une pour l’autre et cette jeune Américaine a accepté de venir dîner ce soir chez eux, à Ville-d’Avray.

– Ah bah, fit Fandor, et comment s’appelle-t-elle ?

– Sarah Gordon.

Le journaliste changea de couleur, mais dissimula sa surprise. Comment se faisait-il que miss Gordon vînt chez les Keyrolles ?

***

Il était neuf heures et quart lorsque, chez les Keyrolles, on se leva de table. Ainsi que l’avait annoncé Jacques Faramont, Sarah Gordon était venue dîner. La jeune Américaine avait passé tout l’après-midi chez M me de Keyrolles.

Le café absorbé, Jacques, suivant son habitude, demanda à sa tante la permission de se retirer.

– Il faut que je rentre, balbutia-t-il, et je ne voudrais pas attendre le dernier train.

M. de Keyrolles l’approuva :

– Comme il travaille, ce cher enfant, dit-il, c’est à peine s’il prend le temps de manger.

M me de Keyrolles ajouta pour Sarah Gordon :

– Notre petit Jacques a une adoration pour nous. Chaque fois que ses travaux lui en laissent le temps, il saute dans le train et vient nous rendre visite. On ne peut pas dire que cet enfant-là n’aime pas sa famille.

Jacques Faramont cherchait à détourner la conversation. Il lui déplaisait de s’entendre décerner de semblables compliments. Certes, il aimait bien son oncle et sa tante, mais il y avait chez eux quelque chose de plus qui l’attirait, c’était Brigitte.

Ce soir-là, toutefois, Jacques Faramont ne devait pas rencontrer sa maîtresse dans les jardins de la maison abandonnée. Il devait retrouver Fandor, tenter la visite convenue auprès de la dame aux cheveux blancs.

Tout allait pour le mieux jusque-là et Jacques Faramont prenait congé de sa tante, lorsque Sarah Gordon, avec le sans-gêne des femmes de son pays, l’interpella :

– Cher monsieur, fit-elle, puisque vous rentrez à Paris, je veux vous demander de m’accompagner. Je n’aime pas circuler seule dans cette banlieue déserte.

Le jeune homme parut tout décontenancé : « Sapristi, pensa-t-il, comment faire pour me débarrasser de cette personne, et Fandor qui m’attend ? »

Il eut cependant assez de présence d’esprit pour répondre galamment :

– C’est une affaire entendue, mademoiselle, je vous reconduirai bien volontiers, toutefois, voulez-vous m’accorder une petite demi-heure, il faut que je passe au bureau de tabac du village, cela vous détournerait. Je vais y courir tout seul et je viendrai vous reprendre dans quelques instants.

M. de Keyrolles, toujours précis, consultait sa montre :

– Neuf heures vingt ; il faut bien, en effet, une demi-heure à Jacques pour aller et venir au bureau de tabac, il sera donc dix heures moins dix lorsqu’il sera de retour. Vous avez un bon train à dix heures pour Paris, mais il ne faudra pas traîner.

– Parfait, dit Sarah Gordon.

Puis se tournant vers M me de Keyrolles, elle ajouta :

– Je vous quitterai, chère Madame, à dix heures moins le quart, j’attendrai M. Jacques à l’entrée de l’avenue, comme cela nous gagnerons quelques minutes.

– Ouf, soupira Jacques une fois dans la rue, j’ai échappé au crampon, mais sapristi, il va falloir faire vite, puisqu’il faut que je la retrouve à dix heures moins le quart. Ces femmes seules sont vraiment assommantes. Elles ont toujours besoin d’être accompagnées.

Au coin de l’avenue, Jacques Faramont aperçut Fandor.

Le journaliste avait l’air tout penaud. Il était adossé à la grille du jardin et tenait sur sa poitrine une énorme gerbe de fleurs enveloppée de papier blanc.

– Ah vous voilà ! grogna-t-il en apercevant le fils du bâtonnier. J’avais peur d’un malentendu et je commençais à me sentir stupide avec ce bouquet que je promène depuis Paris. Tenez, je vous le passe.

Et Fandor confia les fleurs à l’avocat.

– Ne perdons pas une minute, dit le jeune avocat, il faut que je vienne reprendre Sarah Gordon ici même, à dix heures moins le quart.

– Parfait, dépêchons-nous !

Ils franchirent ensemble la grille du parc de la villa abandonnée, et, tandis que Jacques Faramont se dirigeait vers la maison, Fandor se dissimulait derrière le gros arbre.

Jacques Faramont gravit posément les marches du perron de la maison silencieuse.

Le jeune homme sonna. Nul bruit. Fandor, déjà nerveux, se disait :

« Cette tentative ne sert à rien, la femme aux cheveux blancs ne se montrera pas. »

Mais la porte s’entrebâillait doucement, cependant qu’une légère lueur pénétrait dans le vestibule.

Jacques Faramont pénétrait dans ce vestibule.

« Ça y est », pensa Fandor.

Le journaliste s’était penché pour regarder, il venait d’entrevoir une silhouette, celle d’une femme grande, vêtue de blanc, semblait-il.

Fandor ne voyait pas les traits de la jeune femme.

Qui était la personne mystérieuse de la villa ? Pourquoi Hélène avait-elle fait une apparition dans le jardin, la nuit de l’attentat ? La personne mystérieuse de la villa n’était-elle pas Hélène, tout simplement ?

Pas de bruit, pas de lumière. Fandor s’approcha, sonna. Long bruit de la clochette. Rien. Mais la porte était entrebâillée.

« Allons-y », se dit Fandor qui franchit le seuil, mais il hésitait sur la marche à suivre quand il entendit des gémissements, un cri :

– Au secours ! Délivrez-moi !

C’était la voix du jeune Faramont.

Que lui était-il arrivé ?

Fandor ouvrit la première porte, craqua une allumette : la pièce était vide. La porte du fond était fermée à clé. De derrière elle venait, plus nette, la voix de Jacques qui continuait d’appeler.

– Me voilà, cria Fandor, courage !

Un léger bruit surprit le journaliste. Il se retourna : la porte par laquelle il était entré venait de se refermer brusquement. Il y courut, la secoua. Trop tard. La clé avait tourné. Fandor, à son tour, était prisonnier. Le journaliste n’était pas près de se décourager. Il avisa la fenêtre, l’ouvrit. Des volets cadenassés en interdisaient l’accès. Par les jours de ceux-ci, il aperçut une forme blanche, cependant qu’un grand cri d’angoisse déchirait le silence de la nuit.

Soudain, derrière la forme blanche avait surgi une autre silhouette, et Fandor frissonna. Une ombre venait de glisser le long de la maison, au ras de la fenêtre, tout contre les volets derrière lesquels Fandor était posté.

Le journaliste poussa un sourd grognement, puis, ayant pris son browning dans sa poche, par les interstices des volets, il tira.

En effet, il avait vu, à n’en pas douter, la silhouette tragique du Maître de l’Effroi se profiler, noire sur fond de nuit. Était-ce possible, puisque Fantômas était en prison ?

– Ah par exemple ! s’écria le journaliste, c’est plus fort que tout, il faut que je sache, que j’en aie le cœur net !

Et ses doigts impuissants à ouvrir les volets s’ensanglantaient sur les persiennes qui résistaient à ses efforts. Tout en agissant de la sorte, il regardait par les interstices ce qui se passait dans le jardin. Une nouvelle stupeur le cloua sur place. Une femme passait à travers le parc. Elle courait, et, comme à un moment donné elle traversait le rayon lumineux d’un réverbère, Fandor la reconnut :

– Sarah Gordon !

C’était en effet l’Américaine. Fandor n’eut pas le temps de s’interroger longuement et de se demander par suite de quelles circonstances, curieuses, l’Américaine se trouvait là.

Quelqu’un courait après elle, la saisissait par le bras : ce quelqu’un avait la silhouette de Fantômas que Fandor voyait nettement désormais, enveloppé dans son grand manteau noir.

Sarah Gordon poussa des hurlements de terreur qui, soudain, s’arrêtèrent.

Fandor avait pris son arme, mais n’osait tirer. En visant Fantômas, il risquait d’atteindre l’Américaine.

Et dès lors, ses efforts se concentraient sur le volet qu’il s’efforçait d’arracher de ses gonds. À un moment donné, Fandor poussa une exclamation de joie, il lui semblait que le volet cédait.

« Encore quelques instants, se disait-il, et je serai, moi aussi, dans le jardin. »

Au même moment, un bruit de portes enfoncées retentit et quelqu’un surgit dans la pièce où était Fandor. C’était Jacques Faramont qui venait de démolir la porte de la pièce voisine où il était enfermé.

– Fandor ! appela-t-il d’une voix angoissée.

– Venez, cria le journaliste, je suis enfermé moi aussi, aidez-moi donc à démolir ce volet.

Les deux jeunes gens unirent leurs efforts.

***

Cependant, Sarah Gordon avait quitté ses hôtes à dix heures moins le quart exactement, sur le conseil de M. de Keyrolles, qui voulait lui éviter de manquer son train.

Elle était venue dans l’allée, surprise de ne pas rencontrer Jacques Faramont. Et tandis qu’elle faisait les cent pas devant la maison, elle s’était rapprochée de la grille de la maison abandonnée, voisine de celle des Keyrolles.

L’Américaine, alors, avait entendu des bruits insolites provenant de l’intérieur de l’habitation. Audacieuse et curieuse aussi, elle s’était introduite dans le jardin, mais aussitôt elle avait poussé un cri, car une forme blanche, une forme féminine avait passé brusquement devant elle.

Poursuivant l’apparition blanche, surgissait une forme noire qui s’arrêta net en l’apercevant et murmura :

– Sarah !

C’est à ce moment précis que retentit le coup de feu de Fandor, et Sarah Gordon terrifiée, ne comprenant rien, poussa des hurlements de terreur. Elle avait cru reconnaître, elle avait reconnu, il n’y avait pas à en douter, la silhouette tragique et formidable du monstre de l’effroi, du Génie du Crime, de Fantômas, dont elle avait failli être la victime, déjà, quelques semaines auparavant. Mais comment Fantômas se trouvait-il là puisqu’il était en prison ?

Soudain, Sarah Gordon se sentit défaillir. Elle essaya de s’enfuir, elle ne put le faire, elle tomba à genoux dans le gazon. Une main cependant s’était posée sur son épaule, puis cette main, la prenant par le bras, l’obligea à se relever, l’entraîna avec une brusquerie extraordinaire.

Sarah Gordon, furieusement, résista :

– Au secours ! hurla-t-elle.

Puis elle entendit que de l’intérieur de la maison, on lui criait :

– Résistez, nous arrivons !

Sarah Gordon, cependant,, était entraînée par l’effroyable silhouette noire, puis, soudain, au moment où elle sentait chavirer sa raison, une voix connue proféra à son oreille :

– N’ayez donc pas peur, Sarah, reconnaissez-moi donc. C’est moi, venez.

En même temps l’homme se démasqua et Sarah Gordon, blanche de terreur, demeurait interdite à la vue de son visage.

L’homme qu’elle avait devant elle, le Fantômas qui venait de l’appréhender, ce n’était pas le Roi du Crime, qu’elle avait vu une seule fois mais dont les traits s’étaient irréductiblement gravés dans sa mémoire, c’était Dick.

– Venez, répétait le jeune homme.

Et dès lors, Sarah Gordon, incapable de la moindre volonté, mais rassurée, fort perplexe, se laissait entraîner.

Cinq minutes après cette extraordinaire rencontre, Fandor et Jacques Faramont ayant enfin triomphé de la résistance du volet, sautaient dans le jardin, et Fandor, le revolver au poing, s’enfonçait dans la nuit.

Le parc était désert, on n’y entendait plus rien.

Après quelques rapides recherches, Fandor se rapprocha de Jacques Faramont :

– Écoutez-moi, fit-il, cette femme, cette femme blanche, lorsqu’elle est venue vous ouvrir, avez-vous remarqué son visage ?

– Oui.

– Est-ce une femme jeune ou vieille ?

– Elle avait des cheveux blancs, cependant il me semble, bien que son visage soit recouvert d’un voile épais, que ses traits étaient jeunes.

« C’est Hélène, ce ne peut être qu’Hélène, songeait Fandor, qui se dissimule sous ce déguisement, mais pourquoi… ? Oui, pourquoi ? »

Et de même que la mystérieuse dame blanche avait, quelques jours auparavant, recommandé à Faramont de ne parler à personne de leur rencontre, Fandor demanda au fils du bâtonnier de ne rien dire à personne, pour le moment du moins, de ce qui venait de se passer.

***

– Enfin Dick, m’expliquerez-vous ?

En face de Sarah, l’acteur se tenait, très pâle.

Il était une heure du matin environ. Dick et l’Américaine étaient rentrés à Paris. Ils se retrouvaient dans l’appartement du jeune homme.

Au sortir de la villa mystérieuse, Dick avait entraîné Sarah vers une voiture automobile qui les avait emmenés à grande allure, et, dans ce véhicule, il avait dépouillé la cagoule disposée sur son visage, et le grand manteau noir qui l’enveloppait.


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