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La guêpe rouge (Красная оса)
  • Текст добавлен: 4 октября 2016, 03:51

Текст книги "La guêpe rouge (Красная оса)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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Juve, nerveux, préoccupé, sans s’attarder à d’inutiles récriminations, déclarait :

– Peu importe, monsieur Havard, il nous reste Ville-d’Avray.

Le chef de la Sûreté prit le téléphone :

– Faites retenir, dit-il, une dizaine de taxi-automobiles, c’est pour aller en banlieue. Au besoin, réquisitionnez-les. Nous partons tout de suite.

M. Havard saisit dans un tiroir un revolver qu’il chargea avec précaution.

– Vous êtes armé, Juve ? interrogea-t-il.

– Toujours, répliqua le policier qui, précédant son chef, quittait le cabinet de M. Havard, gagnait le couloir où étaient amassés les agents de la Sûreté.

À ce moment quelqu’un surgissait, se précipitait vers Juve.

C’était Fandor.

Le journaliste était tout pâle, haletant. Il prit le policier à l’écart et lui demanda :

– Est-ce exact, Juve, que tout ce déploiement de force policière est destiné à l’arrestation de Fantômas ?

– Oui, fit Juve.

– Est-il exact, continua Fandor en baissant la voix, que les opérations de la police vont s’effectuer cette nuit même à la maison mystérieuse de Ville-d’Avray ?

– Oui, fit encore Juve.

– Ah mon ami, s’écria alors douloureusement Fandor qui gémissait. Savez-vous ce que je viens d’apprendre ? Ce que je crois avoir deviné ? C’est que, dans cette maison de Ville-d’Avray nous allons nous trouver en présence d’une femme que dans la pègre on surnomme la Guêpe. Cette femme, vous le savez, c’est Hélène.

– Le sort en est jeté et nous ne pouvons pas reculer, car Fantômas sera cette nuit à Ville-d’Avray. Alors, ceux qui s’y trouveront…

– Juve, supplia Fandor, vous ne pouvez pas permettre cela. C’est impossible que vous ordonniez une perquisition sachant qu’Hélène peut y être compromise.

Le policier regarda Fandor sévèrement :

– Le devoir est le devoir, fit-il, et tu sais que je ne transigerai jamais avec ma conscience. Je souhaite vivement qu’Hélène ne soit pas à Ville-d’Avray, cette nuit, mais si elle y est, tant pis, je n’y puis rien. Il faut que justice s’accomplisse. Ferais-tu donc autrement à ma place ?

Fandor courba la tête :

– Je vous accompagnerai, Juve, je serai là moi aussi.

26 – LA GUÊPE ROUGE

Ah ! qu’elle effroyable nuit se préparait !

Lady Beltham était haletante. La malheureuse venait de sortir de la cachette aménagée dans les sous-sols de la mystérieuse maison de Ville-d’Avray.

Depuis quelques jours, la tragique maîtresse de Fantômas n’osait plus sortir de cette maison où elle avait essayé d’attirer son amant et d’assouvir sur lui toute sa haine jalouse.

En fait, lady Beltham avait vu Fantômas apparaître dans le jardin et, comme elle était armée, rien ne lui aurait été plus facile alors que de tirer, pour ainsi dire à bout portant sur lui.

Mais, au dernier moment, elle avait manqué de courage, son bras tendu était retombé vers le sol et c’était alors seulement qu’elle avait appuyé sur la gâchette.

Deux détonations avaient retenti et Fantômas, aussi stupéfait de les entendre que terrifié par la vision qui se dressait soudain devant lui, s’était enfui.

Puis, les événements s’étaient précipités. Lady Beltham avait appris, par le récit des journaux, l’extraordinaire aventure du palais de Justice. À deux ou trois reprises, elle avait voulu sortir. Fuir cette maison de Ville-d’Avray qu’elle sentait devenir de plus en plus suspecte. Mais elle n’avait pas osé. À chaque fois, en effet, qu’elle voulait partir, elle avait l’impression qu’on l’épiait, que, de tout côté autour d’elle, s’organisait une surveillance active et minutieuse.

Et lady Beltham avait peur de tout et de tous. Elle n’éprouvait désormais plus de sympathie que pour deux personnes au monde : ce gentil couple d’amoureux qui, pendant quelque temps, avaient considéré sa maison comme un asile sûr pour y abriter leurs caresses et qu’elle avait dû leur interdire pour leur éviter un malheur.

Depuis trois soirs, lady Beltham sortait de sa cachette vers dix heures. Dès lors, comme une âme en peine, comme un revenant, elle errait dans la maison et dans le jardin, écoutant sans cesse, tressaillant au moindre bruit.

Or, ce soir-là, comme si elle avait été mue par un pressentiment, lady Beltham se sentait plus nerveuse, plus inquiète encore qu’à l’ordinaire. Elle avait l’impression, la certitude presque, qu’il allait se passer quelque chose de définitif, et de terrible en même temps.

Lady Beltham, pourtant, ne pouvait soupçonner la vérité.

Trois groupes de personnages s’acheminaient, en effet, par des voies différentes, vers la mystérieuse maison de l’avenue des Peupliers.

Il y avait, d’une part, l’automobile de Fantômas dans laquelle se trouvait avec le bandit l’acteur Dick, la voiture tragique d’où s’était échappé, au départ de Paris, un cri d’angoisse, un hurlement de douleur, un râle.

D’autre part, il y avait le taxi-auto loué par Hélène et Sarah Gordon, qui venaient là comme à un rendez-vous dont seule Hélène connaissait le véritable but.

Il y avait enfin, toutes les voitures réquisitionnées par le chef de la Sûreté, voitures emmenant une vingtaine d’agents armés. Au nombre de ces voitures il y en avait une où Juve et Fandor se trouvaient.

Lady Beltham qui avait péniblement gravi les marches du sous-sol, accédant au rez-de-chaussée, arrivait dans le hall de la maison. Il y faisait une lumière discrète, et, drapée de blanc, cependant que ses longs cheveux blancs également étaient épars sur ses épaules, la grande dame écouta avec une secrète angoisse le silence de la nuit.

Oh, cette nuit sombre d’où se dégageait une chaleur moite, une torpeur d’orage ! On n’entendait rien, absolument rien. Pour un peu, lady Beltham aurait perçu les battements de son cœur.

Et, tandis qu’elle réfléchissait, instinctivement sa pensée se reportait à dix ans en arrière :

Dans une maison misérable, située aux environs de la prison de la Santé, elle avait vécu sensiblement à la même époque, une nuit d’angoisse, de terreur et d’émotion semblable à celle-ci, une nuit que rien au monde ne pouvait effacer.

C’était la nuit effroyable qui avait précédé immédiatement l’aube de l’exécution de Fantômas.

Et lady Beltham était alors haletante dans cette maison, attendant l’arrivée de l’acteur Valgrand, qu’elle avait décidé de substituer à son amant :

L’effroyable machination avait réussi, et lady Beltham en condamnant un innocent, avait sauvé la tête de Fantômas.

Cela s’était passé il y avait dix ans, mais lady Beltham en revivait les péripéties comme au premier jour ; alors, elle était jeune et belle, et Fantômas était follement épris d’elle.

Les choses avaient changé. L’amant de la grande dame était devenu plus cruel, plus sanguinaire, mais il était resté aimé. Lady Beltham s’était dégradée pour lui, et folle de cet être, avait décidé d’en faire sa victime.

Car lady Beltham était toujours convaincue que son assassin, c’était Fantômas.

Et dès lors, dans son cœur de femme éprise, était née une haine irréductible qui s’aggravait d’un sentiment effroyable de jalousie. Si Fantômas avait voulu la tuer, c’est parce qu’il en aimait une autre et, depuis ce moment, depuis qu’elle avait miraculeusement échappé à la mort, lady Beltham ne songeait plus qu’à une chose : se venger du traître, avant d’expirer.

Lady Beltham, soudain tressaillit. Un bruit se faisait entendre dans le jardin. Un bruit de pas. La grande dame prêta l’oreille.

– Mon Dieu, balbutia-t-elle, que votre volonté s’accomplisse.

Lady Beltham sentit, devina plutôt, que l’heure solennelle avait sonné. D’une main qui ne tremblait pas, elle arma son revolver et attendit.

Les bruits de pas s’étaient atténués, puis, sur le perron de la maison, lady Beltham vit paraître quelqu’un : une seule personne.

C’était une femme, Sarah Gordon.

Lady Beltham la reconnut et son cœur se serra, une violente douleur l’étreignait, pareille à une morsure.

N’avait-elle pas désormais, devant elle, la femme qu’elle croyait être la maîtresse de Fantômas ? Ne l’avait-elle pas vue s’enfuir, il y avait de cela une dizaine de jours, entraînée par l’homme à la cagoule, alors qu’elle se trouvait dans cette maison, alors que lady Beltham elle-même ne pouvait s’élancer sur leurs traces, obligée qu’elle était de se défier de Fandor et de fuir devant les recherches que le journaliste faisait dans sa maison ?

Si lady Beltham n’avait écouté que sa jalousie, elle aurait tiré lâchement sur la silhouette de l’Américaine, qui se précisait de l’autre côté de la porte, se rapprochait d’elle peu à peu.

Mais lady Beltham se dominait. Avant d’agir, elle voulait savoir la vérité tout entière, avant de se venger. Il lui fallait acquérir la certitude qu’elle était trahie de toutes les façons.

Et lady Beltham décida de parler à cette femme, de l’interroger, d’obtenir ses aveux.

Mais soudain, Sarah Gordon, qui s’avançait, recula dans l’ombre du jardin. On venait d’entendre ronfler dans l’avenue une automobile, dont trois hommes descendaient. La lueur des phares de la voiture permettait à lady Beltham de les voir dans la nuit. Elle poussa un cri de désespoir. Ces hommes marchaient se tenant par le bras, semblait-il, en réalité ils étaient deux, placés de part et d’autre d’un troisième personnage qu’ils soutenaient étroitement, la main sous les aisselles.

Or, ce troisième personnage était drapé dans un grand manteau noir, il avait une cagoule sur le visage.

Lady Beltham crut reconnaître Fantômas.

Elle ne douta pas un instant de ce qui était arrivé : on amenait Fantômas chez elle, mais Fantômas arrêté, ligoté. Et dès lors, il lui semblait qu’un vide immense se faisait dans son cœur, que tout s’écroulait autour d’elle. Fantômas arrêté, Fantômas réduit à l’impuissance, Fantômas prisonnier. Non, cela n’était pas possible. Et pourtant…

Ses yeux s’écarquillaient. Il n’était pas possible de douter de ce qu’elle voyait. Les trois hommes s’approchaient de la maison tragique, avec l’intention bien nette d’y pénétrer.

Tandis qu’ils gravissaient le perron, lady Beltham reculait et, lorsque la porte forcée par une fausse clé s’ouvrit, lady Beltham, par la sortie de derrière, gagna le jardin de la maison. Elle voulait voir sans être vue, elle cherchait à comprendre ce qui allait se passer, ce que signifiaient ces présences.

Alors qu’elle contournait sa tragique demeure, et s’avançait avec précaution, une autre personne, dissimulée derrière un massif auprès du perron, avait vu elle aussi l’arrivée des trois hommes, et cette femme qui les regardait anxieusement, c’était Sarah Gordon.

L’Américaine s’attendait à l’arrivée de Fantômas, ainsi qu’à celle de Dick. Hélène ne lui avait-elle pas annoncé la venue des deux adversaires à cette maison ? Sarah chercha des yeux Hélène qui, jusqu’alors, l’avait accompagnée. La jeune fille avait disparu.

Sarah Gordon, au bout d’un instant, ne songeait plus à sa compagne. Elle regardait les trois hommes et poussa un cri de surprise.

Certes, elle ne voyait pas les traits de Fantômas sous sa cagoule, mais elle voyait ses mains, sortant des plis de son grand manteau noir. Elles étaient toutes blanches, elles avaient une teinte de cire, ces mains sur lesquelles se fixait le regard de Sarah Gordon. L’Américaine poussa un cri. À l’un des doigts de l’homme à la cagoule qui paraissait blessé, brillait un diamant : le diamant d’une bague que Sarah Gordon avait donnée à Dick.

Une crainte affreuse s’emparait d’elle. Les trois hommes venaient d’entrer dans le vestibule. Ils avaient fait asseoir sur un fauteuil l’homme que lady Beltham avait cru être Fantômas. L’homme à la cagoule, lâché par ses deux compagnons, demeurait inerte. Sarah se précipita. Elle parvint jusqu’au mystérieux personnage, elle souleva le masque cachant le visage. Un cri d’épouvante s’échappa de ses lèvres. L’homme qu’elle avait pris pour Fantômas, c’était Dick, mais un Dick blafard, un Dick portant à la gorge une effroyable blessure : Dick l’acteur était mort.

Sarah Gordon chancela, tomba sur le corps de son amant. Elle était folle. Elle le serrait contre elle, voulant hurler sa douleur.

Ses lèvres, simplement, balbutiaient :

– Dick ! Dick !

Et elle s’écroula.

Du fond du jardin, lady Beltham avait vu cette scène, mais sans la comprendre. Elle ne s’était pas aperçue de l’extraordinaire substitution qui avait eu lieu et elle ne retenait qu’une chose, c’est que Fantômas était là dans cette maison, et qu’une femme s’était précipitée sur lui, qu’elle le couvrait de baisers, follement éprise.

Était-ce donc une infâme machination ? Une atroce comédie qu’on avait voulu lui donner ? Toute la haine qu’elle avait accumulée dans son cœur, toute la jalousie qui la faisait souffrir, lui montaient au cerveau.

Lady Beltham bondit comme une folle, l’arme au poing, elle se précipita dans le vestibule, et à bout portant, fracassa la tête de Sarah Gordon.

L’Américaine tomba sans pousser un cri, baignée dans son sang.

Mais, à peine avait-elle tiré, que lady Beltham chancelait, car, devant elle, se trouvait le visage découvert du mort, du mort qui n’était pas Fantômas.

– Malédiction, hurla la malheureuse, ce n’était pas lui, et j’ai tué, j’ai tué cette femme.

À ce moment précis, de sourdes rumeurs s’élevaient. Hélène qui allait accourir, car jusqu’alors, elle était restée aux écoutes à l’entrée du jardin, se sentit trembler.

L’un des hommes qui avait accompagné Dick, surgissait dans le vestibule. C’était cette fois, véritablement Fantômas.

Mais il arrivait trop tard.

Au même instant, une nouvelle détonation retentit : lady Beltham, désespérée du crime qu’elle venait de commettre, s’était tiré un coup de revolver dans la poitrine.

Elle tomba agonisante.

– Maud ! hurla Fantômas, qui vit enfin sa maîtresse.

L’infortunée grande dame avait reconnu la voix de son amant, et faisant un effort suprême, elle essayait de se redresser.

Fantômas s’était jeté à genoux auprès d’elle, il la serrait contre sa poitrine :

– Maud, Maud, balbutia le bandit, qu’avez-vous fait ? Pourquoi mourir ? puisque je suis là, que je vous retrouve ?

Les yeux de lady Beltham se couvraient déjà d’un brouillard rouge et trouble, elle reconnut, toutefois, son amant :

– Fantômas, gémit-elle, vous êtes mon assassin. Vous avez déjà voulu me faire périr, mais soyez heureux, je meurs.

– Ah, s’écria Fantômas, comment pouvez-vous dire une telle chose, Maud. Sur ce que j’ai de plus sacré au monde, sur mon inaltérable amour pour vous, je vous le jure, jamais, au grand jamais, je n’ai voulu votre mort. Si vous saviez ce que j’ai souffert. Lorsque j’ai cru que l’on vous avait assassinée, je n’ai eu de calme et de repos qu’une fois ma vengeance accomplie.

D’un geste tragique, Fantômas désignait le cadavre de Dick :

– C’est lui, c’est cet homme-là qui a voulu vous faire périr. C’est le fils de l’acteur Valgrand.

Lady Beltham avait beau ne l’entendre plus qu’à peine, le nom tragique, le nom de cauchemar et de remords que Fantômas venait de prononcer, lui rappela tout son passé. En l’espace d’une seconde, lady Beltham revit toute son existence, si tragiquement brisée par son amour fatal pour Fantômas.

Elle se sentait mourir. Elle étouffait. Le sang qui s’échappait de sa poitrine avait rougi sa robe toute blanche. Mais un sourire errait sur ses lèvres pâlies. Fantômas venait de lui parler, de la serrer contre son cœur, et elle mourait heureuse. Heureuse d’avoir su qu’elle n’était pas trahie, qu’elle était toujours aimée.

– Maud, Maud, balbutiait Fantômas, en proie à une émotion intense.

Il s’arrêta une seconde, relâcha son étreinte.

Une voix brève et dure venait de s’élever derrière lui :

– Mon père, la police arrive.

Il se retourna, vit Hélène.

La jeune fille avait un masque impénétrable. Elle avait dû, pour arriver jusqu’à Fantômas, écarter de son chemin, le cadavre de Sarah Gordon. Son corsage, ses mains étaient couverts de sang.

– Hélène, gémit Fantômas, lady Beltham se meurt !

La jeune fille ne répondit point. Elle recula de quelques pas, revint sur le perron.

Insensible à se qui se passait, indifférent, Fantômas cherchait sur les lèvres de Lady Beltham son dernier souffle, il épiait son dernier regard :

– Maud, Maud, répéta-t-il d’une voix infiniment douce, je vous aime, je vous aime…

La voix d’Hélène, plus catégorique, plus froide encore que d’ordinaire, retentit dans le silence tragique :

– Mon père, la maison est cernée, disait-elle, la police approche.

On entendait, en effet, des rumeurs qui se précisaient, de plus en plus violentes, des bruits de pas, de branches cassées. Visiblement, les hommes de la Sûreté cherchaient la maison et s’en rapprochaient peu à peu. Quelques ordres brefs, à mi-voix, au lointain. Lady Beltham se mourait. Elle eut un grand soupir, dans lequel elle parut exhaler son âme. Et d’une voix presque imperceptible :

– Fantômas, au nom de notre amour, pardonnez-moi comme je vous pardonne.

– Mon père, cria Hélène, mais un peu plus fort cette fois, ils viennent de faire les trois sommations. Ils vont tirer.

– Qu’ils tirent donc, hurla Fantômas, au comble du désespoir.

Et le bandit, dans un sanglot, ajouta :

– Lady Beltham est morte.

Désormais, Fantômas, en proie à une douleur insensée, s’écroulait sur le plancher du vestibule, serrant dans ses bras le cadavre de lady Beltham couvert de sang.

L’aube se levait. Une vingtaine d’agents de la Sûreté s’étaient dissimulés dans les magasins, entourant la demeure mystérieuse et tragique.

M. Havard avait donné des instructions. On avait fait les trois sommations pour intimer à ceux qui se trouvaient dans la maison l’ordre d’en sortir, les mains hautes, et de se livrer aux autorités. Personne n’avait obtempéré. M. Havard consulta Juve. Bien que sa décision fût déjà prise, il dit au policier :

– Mes hommes ont des balles en quantité suffisante, je vais leur ordonner de faire un feu de salve.

Juve hocha la tête affirmativement :

– C’est votre devoir, monsieur Havard, dit-il, je ne puis m’y opposer.

Le chef de la Sûreté donna un coup de sifflet, ce qui signifiait pour ses subordonnés : « Attention, préparez-vous. »

Mais soudain, Fandor, qui était demeuré à côté de Juve jusqu’alors, bondit devant le policier.

D’un bras qui tremblait d’émotion, il désigna le perron de la maison.

Sur ce perron s’avançait une femme seule, dont la vue fit pâlir les deux hommes :

– C’est la fille de Fantômas, c’est Hélène, c’est la Guêpe, murmuraient les agents.

La Guêpe, le surnom que l’on avait donné jadis à la jeune fille leur revenait à l’esprit.

Et il s’imposait, en effet, car la silhouette d’Hélène se détachait de l’ombre et l’on voyait la finesse extrême de sa taille se découper, une vraie taille de guêpe.

La délicieuse jeune fille qu’était Hélène présentait, cependant un aspect épouvantable. Des pieds à la tête, elle était couverte de sang, elle avait du sang sur le visage, sur sa robe, sur ses mains, et Juve, machinalement, déclara :

– La Guêpe Rouge.

Fandor, néanmoins, avançait seul dans la direction de la maison.

M. Havard, qui allait donner l’ordre de tirer, n’osa le faire :

– Revenez, Fandor ! cria-t-il.

Mais Fandor s’était interposé entre les agents et Hélène.

Et il s’avançait vers elle, lentement, tandis que la jeune fille le voyait venir et demeurait immobile sur le perron. Hélène avait un revolver à la main, elle aperçut Fandor, ses yeux se fixèrent dans les siens, ils exprimèrent un infini désespoir.

Fandor continuait d’avancer, il était au pied du perron, à deux mètres à peine de celle qu’il aimait.

Alors, les lèvres pâles d’Hélène s’agitèrent. La jeune fille le mit en garde :

– N’approchez pas, Fandor, n’approchez pas.

Fandor ne répondit pas un mot, ne fit pas un geste, mais il gravit la première marche, et Hélène lui semblait plus belle qu’elle ne l’avait jamais été, tragique aussi, avec ses pupilles dilatées desquelles sortait un éclair sombre, avec ses bras à demi nus, dont la peau blanche ressortait sous les traces rouges.

Hélène trembla. Elle se rendit compte que la résolution de Fandor était irrévocable, et, le fixant de son regard fou d’amour et d’épouvante, elle répéta :

– De grâce, au nom de notre amour, n’approchez pas.

Fandor monta la seconde marche.

Hélène, dans un cri de désespoir, hurla alors :

– Arrêtez ou je tire.

Fandor continuait d’avancer.

Alors, spectacle inoubliable et terrible à la fois : Hélène dirigea son arme sur la poitrine de celui qu’elle aimait plus que tout au monde, de son fiancé, qui s’approchait d’elle à la toucher. La fille de Fantômas fit feu sur Jérôme Fandor.

FIN

[1] – Voir Fantômas(Fantômas N° 1)

[2] – Voir L’assassin de lady Beltham(Fantômas N° 18)

[3] Voiture de tramway sans impériale, ouverte sur les côtés. Ce type de voiture était, paraît-il, très apprécié du public.

[4] – Le mot chineur, qui a pris aujourd’hui le sens innocent d’amateur de brocantes, désignait à l’origine un filou, un escroc. Faire la chine, écrivait Littré dans son dictionnaire, consiste à augmenter frauduleusement la valeur apparente des objets

[5] – Voir La main coupée(Fantômas N° 10)

[6] – Voir Fantômas(Fantômas N° 1)

[7] – Espion placé par la police près d’un prisonnier dont il doit chercher à acquérir la confiance, afin d’en obtenir des révélations. (Dictionnaire de Vidocq).

[8] – Un règlement du 10 mai 1839 répartissait les sommes gagnées par les prisonniers en trois parts égales : le denier de poche, remis en espèces et qui pouvait être utilisé librement, la masse, somme consignée et remise aux prisonniers à leur libération. Le dernier tiers était retenu par l’administration pénale en compensation du coût de l’incarcération.

[9] – Voir La fille de Fantômas(Fantômas N° 8)

[10] – Voir Le magistrat cambrioleur(Fantômas N° 12).

[11] – Pour palier les besoins en personnels nécessaire pour entretenir, remonter et régler les horloges publiques, la ville de Paris eut l’idée d’utiliser à grande échelle la technique de l’air comprimé, qui faisait déjà fonctionner l’horloge de Notre-Dame depuis 1867. Une convention, valable pour 50 ans, fut passée le 14 septembre 1881 entre la ville de Paris et la Société générale des horloges et forces pneumatiquesde Victor Popp, pour installer dans tous Paris, avant 1889, un réseau d’air comprimé destiné à actionner des horloges publiques municipales. Les particuliers pouvaient également bénéficier de ce service, pour 5 centimes par jour, à la condition évidemment qu’ils se fassent raccorder au réseau d’air comprimé.

[12] – Ce jeu, très ancien, pouvait avoir une multitude de règles, mais qui reposaient toutes sur le même principe : chacun déposait une pièce de monnaie sur un bouchon posé sur le sol, puis, à tour de rôle, on tâchait de le faire tomber avec un palet. Celui qui y parvenait ramassait la mise.

[13] – En août 1912, époque à laquelle parut La guêpe rouge, la Turquie était en guerre avec l’Italie. Le conflit s’acheva par le traité de Lausanne signé le 18 octobre 1912. Avant même la signature du traité, la Ligue Balkanique composée de la Grèce, de la Bulgarie, de la Serbie et du Monténégro, déclarait à son tour la guerre à l’Empire ottoman.

[14] – Voir Juve contre Fantômas(Fantômas N° 2).

[15] – Voir L’assassin de lady Beltham(Fantômas N° 18).

[16] – Voitures qu'à Paris la compagnie des voitures ou des loueurs particuliers louent à l'année, au mois, ou à la journée, sans tarif fixe, à prix débattu. (Littré).

[17] – Ce nom vient des nombreuses boutiques qui faisaient du Palais de Justice un véritable bazar avant la Révolution française. Près de la galerie Marchande, on trouve également une galerie Mercière.


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