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le collier sacré de Montézuma
  • Текст добавлен: 17 сентября 2016, 20:33

Текст книги "le collier sacré de Montézuma"


Автор книги: Жюльетта Бенцони



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Il y avait à peine un siècle qu’un certain nombre d’aristocrates espagnols, empêchés de se rendre aux bains de San Sébastian par la révolte carliste qui allumait une ceinture de feu sur la côte basque espagnole, avaient passé la frontière pour venir s’installer dans ce qui n’était alors qu’un village de chasseurs de baleines implanté dans un paysage plein de charme. Parmi eux, il y avait Mme de Montijo, comtesse de Teba, et sa toute jeune fille Eugenia dont la beauté s’affirmait de jour en jour. Devenue plus tard impératrice des Français par son mariage avec Napoléon III, Eugénie ne devait pas oublier la plage de son adolescence et, l’année qui avait suivi son union, elle y revint en compagnie de son époux aussitôt séduit, qui ordonna sur-le-champ la construction d’un palais qui serait la Villa Eugénie. À partir du 26 juillet 1865, le couple impérial y séjourna chaque été avec une partie de sa Cour, celle qui composait le cercle d’amis. Ils devaient y donner des fêtes magnifiques, notamment en l’honneur des princes espagnols, et la ville se développa autour de ce séduisant pôle d’attraction.

Après la chute de l’empire et surtout la disparition de son fils, l’impératrice vendit la villa à une banque qui en fit un hôtel. D’autres ensuite avaient été construits sur le site, amenant des têtes couronnées, tels l’inévitable reine Victoria, son fils Édouard VII qui aimait trop la France pour ne pas y venir souvent, l’impératrice errante, Élisabeth d’Autriche, le roi des Belges Léopold II puis plus tard le roi Gustave V de Suède, avec ses longues jambes et ses raquettes de tennis, enfin les souverains espagnols, Alphonse XIII et la reine Victoria-Ena. Sans compter les riches Argentins, de presque aussi riches réfugiés mexicains et nombre de notabilités.

Indépendamment du fait qu’elle comptait de la famille et quelques amis dans les environs, Mme de Sommières y était venue à plusieurs reprises, avec son époux d’abord, puis plus tard. Elle avait toujours apprécié le décor magnifique et le confort de ce qui était devenu l’hôtel du Palais, reconstruit à l’identique après l’incendie qui en 1903 avait ravagé l’ancienne Villa Eugénie.

Ayant pris possession de ses quartiers, Aldo se mit en quête d’Adalbert. Il le trouva occupe à se faire dorer au soleil sur la terrasse d’où l’on découvrait la mer depuis la pointe Saint-Martin où s’érigeait le phare jusqu’au Rocher de la Vierge, le site le plus célèbre de la ville fréquenté par les amoureux en face des vagues déferlantes, minuscule îlot relié à la pointe par une passerelle métallique due à Gustave Eiffel et dominé par la statue mariale, au pied de laquelle venaient soupirer les joueurs décavés sortis du proche casino Bellevue. Entre l’hôtel du Palais et le rocher, les vagues de l’Atlantique venaient mourir sur la grande plage où le soleil déjà chaud attirait ceux qui n’allaient pas tarder à s’y plonger car la sacro-sainte heure du bain approchait.

La terrasse aussi se remplissait mais Adalbert, les yeux protégés par un panama, n’avait pas l’air de s’en apercevoir et pas davantage de l’arrivée de son ami. C’était tout simple : il dormait, ainsi qu’Aldo put s’en apercevoir en soulevant ledit chapeau. Ce qui le réveilla :

– Qu’est-ce que… ah, c’est toi ?

– En personne… et heureux de constater que tu prends la vie du bon côté ! J’espère que je ne te dérange pas ?

– Si ! Il y avait bal à l’hôtel et je n’ai pas beaucoup dormi.

– Tu as trop dansé ? Et moi qui te croyais attelé à la filature du jeune Faugier-Lassagne ? À moins qu’il ne soit ici et n’ait partagé tes ébats chorégraphiques ?

Adalbert remplaça son chapeau par des lunettes noires, non sans avoir considéré Morosini avec un franc dégoût.

– Ce que tu peux être agaçant quand tu t’y mets ! Et d’abord, assieds-toi ! Tu me fais de l’ombre…

Aldo appela un serveur pour lui commander un café, ôta les jumelles posées sur le siège voisin d’Adalbert et s’installa en soupirant :

– Le voilà qui se prend pour Diogène !

– Plains-toi donc ! Ça te permet de tenir le rôle d’Alexandre le Grand. Tu devrais te sentir flatté.

– Assez tourné autour du pot. Où en es-tu ?

Adalbert prit les jumelles et les lui tendit :

– Regarde toi-même ! À ta gauche, le maillot de bain noir avec une ceinture blanche !

Il n’y avait pas encore foule. Aldo trouva sans peine la silhouette indiquée. C’était sans doute possible le substitut lyonnais qui, après un ou deux mouvements de culture physique, se dirigeait vers l’eau au pas de course, plongeait et se mettait à plumer l’eau d’un crawl efficace.

– Il nage bien, apprécia-t-il, mais à part ça ?

– Il fait l’idiot ainsi qu’on le redoutait. N’ayant pas trouvé de place à l’hôtel, il s’est logé en face, au Carlton, mais il passe dans nos murs le plus de temps qu’il peut, surtout après avoir repéré les dames mexicaines. Il faut avouer que la beauté de Doña Isabel se remarque facilement. Il a même réussi à se présenter…

– Sous quel prétexte, Seigneur ? Il n’a pas eu la bêtise de dire de qui il est le fils ?

– Il est un brin idiot mais pas à ce point-là. Elles étaient seules ici. Il a dû se débrouiller pour leur rendre de menus services et j’ai pu le voir causer avec elles à deux reprises et, si tu veux le résultat de mes observations, je peux t’assurer qu’il est tombé amoureux de sa trop jolie belle-mère !

– Il ne nous manquait plus que ça ! Mais comment le sais-tu ?

– C’était visible comme le nez au milieu de la figure. Hier, ça s’est plutôt mal passé : il les a rejointes au salon de thé où je me trouvais à l’abri d’une plante verte et il a voulu prendre place à leur table. Ce qui n’a pas plu à la grand-mère qui lui a intimé l’ordre de les laisser tranquilles. Elle a le verbe haut quand elle est en colère. Elle lui a déclaré qu’elle et Doña Isabel quitteraient l’hôtel s’il continuait à les importuner. Il ne lui restait plus qu’à prendre la porte avec la mine que tu imagines…

– Et la belle Mme Vauxbrun n’a rien dit ?

– Rien. Cela n’avait pas l’air de la concerner. Elle a continué de déguster sa tartelette aux fraises en regardant dans le vide… Je ne sais pas si tu te souviens mais, au soir du mariage civil, tu as dit à Mme de Sommières, qui me l’a répété, que cette jeune fille ne semblait pas vivante ? Cela m’avait frappé aussi à l’église. Si elle n’était pas si gracieuse dans ses mouvements, on pourrait même penser à une poupée animée.

– Une éternelle absente ! En tout cas je ne l’ai jamais vue sourire…

– Moi si ! Hier, justement, après l’exécution du jeune Faugier-Lassagne, elle a souri à ce dragon de Doña Luisa et lui a adressé quelques mots. J’avais l’impression qu’elle la remerciait… Je peux te garantir que le sourire est charmant… Pauvre garçon !

L’intéressé sortait de l’eau et se bouchonnait rêveusement, avant de remonter vers la cabine où il avait laissé ses vêtements, apparemment peu désireux de se mêler à ces gens qui commençaient à se précipiter à la plage. L’heure sacrée du bain était arrivée, une partie de la jeunesse dorée séjournant alors à Biarritz accourait après avoir troqué ses vêtements contre des tenues de bain aux couleurs vives. La plage s’anima d’un seul coup, pleine de rires et des petits cris des jeunes femmes qui entraient dans la fraîcheur de l’eau, les bras levés au-dessus de la tête en s’éclaboussant joyeusement. D’autres, plus courageuses, s’y jetaient carrément et se mettaient à nager aussitôt pour se réchauffer, le menton relevé afin d’éviter de « boire la tasse ». Sur le sable, un cercle se formait autour de deux très beaux garçons, magnifiquement bâtis, qui sortaient de l’eau en arrachant leurs bonnets de caoutchouc. Depuis la terrasse on pouvait entendre leur rire sonore.

– Les princes Théodore et Nikita de Russie ! commenta Adalbert. Depuis la révolution d’Octobre, les Romanov se sont mis à coloniser Biarritz. Hier, j’ai vu le grand-duc Alexandre, cousin et beau-frère du tsar dont il a épousé la sœur Xénia, sortir de l’église Saint-Alexandre-Nevski. Il habite une belle villa non loin d’ici, à Bidart, où il écrit un bouquin et s’adonne au spiritisme…

– D’où sors-tu ces connaissances ? émit Aldo, sidéré. Je ne te savais pas si au fait de l’ancienne famille impériale ?

– Figure-toi qu’avant d’avoir l’honneur de te connaître, j’ai vécu un certain nombre d’années… dirais-je… aventureuses. Je suis allé plusieurs fois en Russie avant la guerre.

– Il ne me semble pas qu’on y rencontre énormément de pyramides !

– Ne fais pas l’imbécile. T usais très bien que je ne suis pas seulement égyptologue et qu’il m’est arrivé de servir la France autrement ! Cela fait voir du pays et crée des relations. Ainsi, je peux t’apprendre que dans cet hôtel vit une autre sœur de Nicolas II : Olga, princesse d’Oldenburg, en compagnie d’une collection de poupées... Je l’ai croisée hier et, si tu veux, je te présenterai ?

– Je préfère être aussi discret que possible…

– Erreur magistrale ! Il faut nous comporter comme s’il n’y avait pas d’affaire Vauxbrun. Nous allons évoluer sous les yeux de deux femmes qui nous sont proches et, officiellement, nous venons nous reposer et nous changer les idées. Demain soir, il y a gala au golf de Chiberta et nous irons avec la famille : j’ai retenu une table… Ça va beaucoup plaire à Plan-Crépin.

– Et à Tante Amélie ?

– Elle ? Je parie qu’elle connaît tout le monde !

Peut-être pas tout mais une grande partie. Aldo put s’en convaincre, lorsque le quatuor fit son entrée vers neuf heures dans la lumineuse salle de restaurant donnant sur la mer, au nombre de saluts qu’elle récolta. Il s’en était déjà aperçu lors de la fête à Trianon, l’an passé, les apparitions de la marquise, où qu’elle aille, prenaient facilement des allures d’entrées royales. Sa classe, son élégance – même si elle restait fidèle aux modes d’il y a cinquante ans ou peut-être même à cause de cela – étaient inimitables et les sourires qu’elle recevait étaient tous empreints de sympathie et de respect.

Il n’en fut pas ainsi, quelques minutes après leur arrivée, quand les dames mexicaines vinrent s’installer à une table voisine de la leur. Il y eut un léger murmure et des regards admiratifs rendant hommage à la beauté de la jeune femme mais la silhouette noire et monolithique de Doña Luisa n’eut pas l’air d’éveiller les sympathies. L’oreille sensible d’Aldo capta un chuchotement !

– … la Reine de Ruy Blaset sa Camarera Mayor ! Saisissant, non ?

Les deux groupes étaient trop voisins pour ne pas se reconnaître. Aldo et Adalbert se levèrent pour une brève inclination du buste. Tante Amélie, alors occupée à consulter le menu à travers son face-à-main, pencha un peu la tête avec l’ombre d’un sourire. Marie-Angéline, qui leur tournait le dos, à son grand dépit, ne fit rien bien entendu.

Doña Luisa, plus raide que jamais, rendit le salut. Quant à Isabel, elle dirigea vers eux un instant son beau regard sombre dépourvu d’expression. Elle eût peut-être contemplé avec plus de chaleur un pot de fleurs ou un plant de tomates.

– Incroyable ! chuchota Adalbert. On a l’impression qu’elle est sous hypnose ! Lui arrive-t-il quelquefois de sourire ?

Au supplice, Marie-Angéline se tordait le cou dans le vain espoir de regarder derrière son dos sans y paraître.

– Vous risquez le torticolis, Plan-Crépin, fit la marquise, amusée. Et allez devoir souffrir le martyre car voilà du nouveau ! Si je ne me trompe, c’est ce « charmant » Don Miguel qui vient de rejoindre sa tribu !

La malheureuse s’empourpra. Adalbert eut pitié d’elle :

– Changez de place avec moi, Angelina !

– Oh, c’est si gentil !

Ce fut rapidement fait tandis que l’orchestre attaquait un pot-pourri de La Périchole.L’arrivée du jeune homme empêcha les Mexicains de s’en apercevoir. Celui-ci – superbe dans un smoking impeccable – s’excusait de son retard après avoir baisé la main des deux femmes puis, arborant un sourire satisfait, s’installait et consultait brièvement la carte qu’un maître d’hôtel lui tendait. Il porta ensuite son attention sur les tables qui se trouvaient dans son champ de vision. Il semblait d’une humeur charmante et souriait encore lorsque son regard se posa sur Morosini. Le changement fut immédiat : les sourcils se froncèrent tandis qu’il se penchait sur la vieille dame pour lui adresser des mots qui pouvaient se traduire par : « Qu’est-ce que ces gens-là font ici ? » Ce à quoi elle répondit par un haussement d’épaules et détourna la tête. Voyant que l’autre s’obstinait à le fixer, Aldo l’imita, accompagnant son geste d’un demi-sourire dédaigneux.

Il put croire un instant que Miguel allait se jeter sur lui, mais la main de Doña Luisa s’était posée, impérieuse, sur celle du jeune homme et il cessa de s’intéresser à ses voisins.

– Il n’a pas l’air de te porter dans son cœur, remarqua Adalbert qui, lui, n’avait pas hésité à se retourner.

– C’est entièrement réciproque.

– Alors pourquoi continuer à l’observer ?

– Je me demandais si le désagréable personnage que j’ai rencontré au bois de Boulogne pouvait être lui…

– Et alors ?

– En toute sincérité, je ne le pense pas. L’autre m’a paru plus grand, avec de plus larges épaules et un comportement différent ! Plus rude, plus maître de lui ! En revanche, il se peut que Miguel ait été l’un de ceux qui étaient à ses côtés…

– N’importe comment, ce n’est pas ce soir que nous aurons une réponse à ces questions… n’est-ce pas, Angelina ?

Mais elle ne l’avait pas entendu. Son attention était si centrée sur le jeune homme qu’elle en oubliait ce qui refroidissait dans son assiette. Elle le contemplait avec la même expression béate qu’elle eût réservée à une apparition céleste.

– Il suffit, Plan-Crépin ! intima Tante Amélie en lui tapant sur le bras avec son face-à-main. Un peu de tenue, que diable !

Le dîner s’acheva sans incident, les Français abandonnant la place les premiers. Fatiguée par le voyage, Mme de Sommières déclara qu’elle allait se coucher et force fut à son « fidèle bedeau » de lui emboîter le pas. Quant aux deux hommes, ils décidèrent de finir la soirée au casino Bellevue et s’y rendirent à pied en longeant la grande plage pour mieux profiter de la douceur du soir. Le bruit de la ville s’estompait pour laisser la place au ressac.

Dans la nuit, le casino brillait comme une comète. On dansait dans la rotonde et des cordons de lumière soulignaient l’architecture palatiale. L’intérieur mélangeait l’art moderne au style Eugénie avec un certain bonheur, l’élégance des habitués faisait le reste. Pas une robe qui ne fût signée d’un grand couturier, pas un smoking qui ne fût l’œuvre d’un grand tailleur. C’était l’exigence de Biarritz, peut-être parce que, lancée par une impératrice, elle était fréquentée par des rois, l’aristocratie – en majorité espagnole ! – ou les fortunes considérables, telle celle du constructeur André Citroën dont les nuits se passaient au « privé » du casino. Autour des tables de jeu, singulièrement celle du baccara où de très jolies femmes prenaient part à la partie tandis que d’autres, derrière un joueur, en suivaient le déroulement en maniant avec grâce de longs fume-cigarettes en ivoire, en écaille ou en or. Un silence de bon ton, troublé seulement par les voix des croupiers, y régnait avec parfois un murmure suscité par un coup particulièrement heureux.

Aldo et Adalbert mirent quelque argent sur le tapis. Le premier ne gagna rien mais le second, après deux succès, prit la chaise d’un joueur dégoûté par ses poches vides et s’installa.

– Je sens que je suis en veine ! déclara-t-il à Aldo qui resta avec lui un moment puis en eut assez.

– Quand tu auras ruiné la banque, chuchota-t-il, viens me rejoindre au bar…

– Ne bois pas trop ! Ça peut s’éterniser !

Morosini s’apprêtait à quitter la salle quand il se heurta à une dame qui, très occupée à compter les plaques remises par le changeur, ne l’avait pas vu. En outre, elle lui marcha sur un pied, lui arrachant un :

– Aïe ! Vous ne pouviez pas…

– Oh, Dieu tout-puissant ! Mais c’est vous ? Voilà deux jours que je vous cherche…

La consternation chez Aldo remplaça la douleur en reconnaissant la baronne Waldhaus. Ravissante, il fallait l’avouer, dans une robe de dentelle d’argent ponctuée de strass, un bandeau assorti ceignant son front. Mais c’était bien la dernière femme qu’il eût envie de rencontrer. Que venait-elle de dire ? Qu’elle le cherchait depuis deux jours ?

– Vous me cherchiez ? Comment pouviez-vous savoir que je me trouvais à Biarritz ?

– Pourquoi expliquer ? Je le savais, point final ! Vous devriez savoir que tout s’achète ?

– Ne me dites pas que vous m’avez fait suivre ?

– Peut-être !…

Avec un sourire mutin, elle s’accrocha à son bras sans vouloir remarquer son recul instinctif et enchaîna :

– Vous devriez vous sentir flatté que je vous porte tant d’intérêt. (Puis, voyant se froncer les sourcils de celui qu’il fallait se résigner à appeler son gibier, elle ajouta :) Allons, ne vous fâchez pas ! Je dois dire que la chance était avec moi puisque c’est justement ici que vous veniez.

– Et qu’est-ce qu’ici a de particulier ?

– C’est ma plage d’enfance. Ma mère y possède la Villa Amanda sur la côte des Basques. Et j’espère que, cette fois, vous allez accepter une invitation à dîner ?

– Veuillez m’en excuser mais je n’en ai pas l’impression, répliqua-t-il en se dégageant doucement. Je ne suis pas venu seul mais avec deux dames de ma famille…

– Celles avec qui vous avez quitté Paris, n’est-ce pas ?

– Bravo ! Vous êtes vraiment merveilleusement renseignée ! J’ajoute que je suis également en compagnie d’un ami. Il est en train de jouer au baccara mais nous ne nous sommes pas déplacés pour nous distraire. Nous avons à traiter une affaire… importante ! Aussi vais-je avoir le regret de vous quitter…

La baronne Agathe s’esclaffa :

– C’est une manie, décidément ? Suis-je à ce point antipathique ?

Tout en parlant, elle avait pris du recul et déployé un éventail de plumes d’autruche blanches derrière lequel elle cachait son visage dans un geste plein de coquetterie, ne laissant dépasser que son regard pétillant de malice…

– Vous savez bien que non et, en d’autres circonstances…

Les yeux d’Aldo repérèrent soudain sur la maîtresse branche d’écaille blonde, frappé en minuscules diamants, le monogramme C surmonté d’une couronne impériale.

– Hé ? Que vous arrive-t-il ? fît-elle en le voyant se figer.

– Pardonnez-moi, j’admirais votre éventail ! Il est superbe… et vous n’ignorez pas que je m’intéresse aux objets anciens… en particulier lorsqu’ils sont beaux, rares et ressemblent à des joyaux. Si je ne me trompe, celui-ci a appartenu à une… plus que reine, mais j’avoue que le chiffre me déroute…

Le voyant s’humaniser, elle s’amusait franchement :

– Vous ne vous trompez pas et ce n’est pas sorcier à deviner. En revanche, je suis enchantée que l’initiale vous pose un problème. Je vous en donnerai la solution à condition que vous veniez dîner demain soir. Ma mère est absente ces jours-ci… et j’en ai profité pour lui emprunter cette adorable chose à laquelle elle tient particulièrement…

Aldo s’accorda un instant de réflexion. En dépit de ce qu’il venait de dire, la cause était entendue pour lui car l’éventail avait sûrement appartenu à Charlotte. D’un autre côté, la perspective d’un dîner en petit comité ne le réjouissait pas. Il devinait trop comment cela risquait de s’achever…

La chance cependant continuait à lui sourire : avant qu’il eût émis une parole, Adalbert, rayonnant de satisfaction, les rejoignait :

– Quelle merveilleuse soirée ! s’écria-t-il. Je viens de gagner une somme rondelette et je te trouve en compagnie d’une fort jolie dame… à laquelle j’aimerais être présenté.

– Avec joie ! Baronne, je vous présente mon plus cher ami, Adalbert Vidal-Pellicorne, égyptologue et académicien distingué, homme de lettres, homme du monde et mon plus fidèle compagnon d’aventure. Adalbert, voici la baronne Agathe Waldhaus dont je t’ai parlé…

– En effet, en effet ! approuva Adalbert qui ne se souvenait de rien de tel. Vous me voyez positivement ravi de cette rencontre, baronne ! ajouta-t-il en s’inclinant sur la main de la jeune femme.

– C’est un plaisir partagé, Monsieur… et j’espère que vous me ferez celui de venir un jour prochain visiter ma maison, mais je vous demande de m’excuser si je ne vous prie pas de vous joindre au prince Morosini dès demain soir. J’ai à parler avec lui d’une chose importante... et assez intime ! À moins que vous n’ayez besoin de lui ?

– Absolument pas, je vous assure, nous nous reverrons quand il vous plaira !

– Vous êtes l’amabilité même ! À bientôt donc, et vous, mon cher Aldo, à demain vers dix heures ? Vous savez qu’ici l’heure espagnole prédomine.

En s’éloignant, elle lui envoya un baiser du bout d’un doigt, les laissant aussi stupéfaits l’un que l’autre.

– Elle est peut-être un peu familière mais charmante, fit Adalbert. Comment se fait-il que tu ne m’en aies jamais parlé ?

– Parce que je préférais l’oublier. Elle est charmante mais surtout collante. C’est d’ailleurs une relation récente : je l’ai rencontrée dans le train qui me ramenait de Vienne à Bruxelles…

En quelques mots, il raconta l’embarquement de Vienne et ce qu’il en était résulté.

– C’est simple : elle est amoureuse de toi, conclut Adalbert. Ce n’est pas la première fois que cela t’arrive mais ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi tu as accepté d’aller dîner chez elle ?

– À cause de son éventail ! La maîtresse branche porte une couronne impériale et un C majuscule en diamants. La baronne m’a avoué qu’elle l’avait emprunté à sa mère dont c’est l’un des trésors. Et la mère, Mme Timmermans, des chocolats, pour lui donner son nom, est absente pour le moment. Tu commences à comprendre ?

– Mais c’est bien sûr ! s’exclama Adalbert en frappant sa paume de son poing fermé. Tu veux te faire montrer la boîte… Seulement, si c’est la bonne – et cela n’aurait rien d’étonnant vu la taille de l’objet –, tu ne seras pas plus avancé.

– Ça, mon garçon, on en parlera plus tard ! D’abord acquérir une certitude.


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