Текст книги "La livrée du crime (Преступная ливрея)"
Автор книги: Марсель Аллен
Соавторы: Пьер Сувестр
Жанр:
Иронические детективы
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– C’est vrai, fit Fantômas, je sais que tu es une brave fille et qu’on peut compter sur toi. Eh bien, écoute, changeons de plan. Puisque tu n’as pas peur, tu vas retourner là-bas, tu vas te montrer. Ne crains rien, tu possèdes assez d’alibis pour que nul ne te soupçonne. Seulement, il faut t’arranger pour ne pas rester longtemps dans la place. Ça sentirait mauvais à la longue.
Adèle interrompit :
– C’est compris, Fantômas, autrement dit, je vais m arranger pour qu’on me flanque à la porte.
– Bien, dit Fantômas.
– Mais que faudra-t-il faire ensuite ?
– Une belle fille comme toi n’est jamais en peine, et d’ailleurs, puisque tu fais les femmes de chambre, tu n’as qu’à retourner à ton bureau de placement. On te retrouveras du travail, tu as de si bons certificats.
– Et que tu sais si bien fabriquer, Fantômas.
– On est sûr de trouver des places de tout repos.
4 – LE RETOUR D’ADÈLE
Avec un « ah » de stupéfaction qui marquait son étonnement profond, M. Casimir s’était levé, au moment même où la porte du vestibule s’ouvrait :
– Ah, par exemple, continuait le concierge, voilà précisément Adèle, voilà la bonne.
Juve n’était pas moins surpris que M. Casimir.
Depuis quelques minutes, le policier nourrissait une série d’hypothèses relativement à l’affaire dont il étudiait en ce moment les côtés mystérieux, et ces hypothèses trouvaient précisément leur point de départ dans la disparition simultanée de Rita d’Anrémont et de la domestique qu’elle avait engagée. Or, cette domestique arrivait.
Juve, après avoir contemplé d’un rapide coup d’œil la mise simple, mais coquette, de la jeune femme de chambre, qui s’était arrêtée en apercevant le concierge et Juve qui était un inconnu pour elle, se précipita vers l’arrivante et l’interrogea :
– C’est vous Mlle Adèle ?
– Mais oui, monsieur.
– La femme de chambre de Mme d’Anrémont.
– Oui, monsieur.
– D’où revenez-vous ?
– De faire mes courses.
En répondant, la jeune bonne jetait des regards étonnés dans la direction de M. Casimir, qui, d’énervement, de stupéfaction, demeurait muet, la bouche ouverte, les yeux blancs.
Juve ne tint aucun compte de l’attitude de la jeune femme de chambre qui se demandait évidemment à qui elle avait affaire. Il continuait son interrogatoire, le précisait, espérant surprendre par la vivacité de ses questions la jeune bonne qui se trouvait devant lui.
– Vous revenez de faire vos courses ? Lesquelles ?
– Mais, celles que Madame m’avait données. J’ai été chez sa couturière, puis chez la modiste, j’ai passé chez le fourreur.
– Bon, bon, et où est madame ?
– Madame ? mais je pense qu’elle est avec monsieur, ici.
Juve, pour le coup, tapa du pied. Est-ce que la jeune fille se moquait de lui ? Est-ce qu’elle ignorait ?
– Voyons, Mademoiselle, reprit Juve, entraînant la petite bonne dans le salon et fermant la porte au nez de M. Casimir, s’apprêtant à le suivre. Voyons Mademoiselle, savez-vous ce qui s’est passé ici ?
– Je n’y comprends rien du tout monsieur, on m’a dit que M. Sébastien avait eu des ennuis. Rien de grave j’espère ?
– Si, au contraire. Votre malheureux maître, a reçu le contenu d’un bol de vitriol à la figure. Il est probable qu’on le sauvera, mais il est probable aussi que ce crime aura de terribles conséquences pour lui. Mais il ne s’agit pas de cela, les soins à donner à M. Sébastien ne nous regardent ni l’un ni l’autre et n’intéressent que le médecin. Vous allez me dire exactement votre emploi du temps depuis hier soir huit heures ?
Juve tout en questionnant, ne perdait pas de vue le visage de son interlocutrice. Or, il crut la voir tressaillir.
– L’emploi de mon temps, monsieur, le voilà : je n’ai rien fait que ce qui m’a été commandé. Hier soir, à huit heures, je suis sortie pour quelques commissions et j’ai été causer dans la loge des concierges, puis, j’ai causé avec Mme Thorin la directrice du bureau de placement qui m’a envoyée ici, et enfin vers les dix heures, je suis rentrée, après avoir mis à la poste les lettres que M. Sébastien et madame m’avaient données.
– Où avez-vous couché, mademoiselle ?
– Mais ici, monsieur.
– Bon. À quelle heure vous êtes-vous levée ?
– À sept heures, sept heures moins le quart, ainsi que madame me l’avait recommandé.
– Et vous n’avez rien vu de suspect ? rien entendu d’extraordinaire pendant la nuit ?
– Absolument rien.
– C’est très bien, mademoiselle. Et qu’avez-vous fait une fois levée ?
– Je me suis dépêchée de m’habiller, puis je suis sortie sans faire de bruit, comme madame me l’avait recommandé, pour me rendre, ainsi que je l’ai dit à monsieur, chez la teinturière, le couturier, la modiste, le fourreur…
– Pas si vite, pas si vite.
Il se leva, il alla dans un angle du salon, où, sur un petit meuble, se dressait un appareil téléphonique :
– Le nom et l’adresse des fournisseurs ?
Juve y consacra près de trois quarts d’heure. Avec une précision extrême, en effet, le policier vérifia l’itinéraire que la jeune bonne affirmait avait suivi. Il était parfaitement exact. Dans les différentes maisons où Adèle prétendait s’être présentée, Juve obtint confirmation de son passage. La bonne avait dit la vérité. Elle était bien partie le matin de bonne heure faire des courses urgentes pour sa patronne, elle était bien passée, aux heures où elle le disait, chez les fournisseurs qu’elle indiquait, et le temps même qu’elle avait mis à effectuer ces différentes courses était normal, raisonnable. Elle n’avait pas pu faire autre chose.
Juve, convaincu, raccrocha :
– Vous avez bien de la chance, déclara-t-il, à la jeune bonne, accompagnant cette fois ses paroles d’un sourire aimable, vous avez bien de la chance d’avoir été envoyée faire des courses ce matin, et qu’on puisse vérifier. Savez-vous que tout à l’heure encore, ne vous voyant pas ici, vous croyant disparue, je pensais… Mademoiselle, savez-vous où est votre patronne ?
– Mme Rita ? Mais n’est-elle pas ici ?
– Non.
Elle est sortie alors ?
– Ce que je vous demande, c’est précisément si vous pouvez avoir une idée de l’endroit où Mme d’Anrémont a pu aller ce matin, ou cette nuit ?
– Comment « ou cette nuit ? »
– Dame, mademoiselle, le crime a été commis cette nuit même. J’imagine que Mme d’Anrémont devait être sortie avant, car, sans cela, il serait inadmissible qu’elle ait quitté M. Sébastien sans donner l’alarme, ou du moins, sans avertir de ce qui venait de se passer. De deux choses l’une, vous comprenez bien : ou Mme d’Anrémont devrait être ici, ou elle doit ignorer ce qui s’est passé.
– Je n’ai vraiment pas de chance, moi qui ai si besoin de travailler, moi qui pensais avoir trouvé une bonne place, voici que dès le premier jour…
Mais Juve ne lui laissa pas le temps de se lamenter :
– Venez, mademoiselle.
Juve refit en compagnie de la camériste le tour des pièces situées au rez-de-chaussée. La jeune bonne fut formelle dans ses affirmations.
Juve et le concierge ne s’étaient pas trompés, de nombreux bibelots avaient disparu et même un petit meuble fracturé auquel ni Juve, ni Casimir n’avaient prêté attention, avait contenu une certaine somme d’argent.
– Quand je me suis présentée, disait Adèle, madame m’a donné le denier à Dieu, bien que ce ne soit pas l’usage, mais elle devait être très généreuse, et elle a pris des pièces d’or dans ce tiroir. Il y avait aussi des billets de banque.
Juve s’approcha du petit meuble, l’examina, claqua la langue, enchanté :
– Hé, hé, je vous crois… Cette petite table qui a l’air si légère, c’est tout simplement un véritable coffre-fort.
Et renseigné, édifié sur le cambriolage qui avait accompagné la tentative d’assassinat, qui l’avait motivée peut-être, Juve poursuivit son enquête :
– Enfin, en ce qui vous concerne, vous n’avez rien entendu du tout pendant la nuit ?
– Rien du tout, monsieur, en effet. C’est bien heureux tout de même, car enfin, si j’avais entendu du bruit, je serais descendue et bien probablement, les assassins se seraient jetés sur moi.
– Et maintenant, menez-moi au dernier étage, je suis curieux de voir la pièce où vous avez couché.
Juve monta l’escalier derrière la femme de chambre, il compta deux étages :
– Voici ma chambre, annonça Adèle.
Juve y pénétra, jeta un rapide coup d’œil à la malle de la jeune fille, qu’elle n’avait point encore défaite, ferma la porte. Puis, la porte une fois close, Juve brusquement :
– Monsieur Casimir.
– On m’appelle ? Qu’est-ce qui me demande ?
Juve était déjà sur le palier de l’escalier, il calma le concierge :
– Rien, rien, c’est une erreur, ne bougez pas… C’est extraordinaire, mademoiselle, vous avez vu, je n’ai pas crié bien fort, et M. Casimir, qui n’était pourtant pas prévenu, m’a parfaitement entendu. Comment se fait-il que vous, cette nuit, vous n’ayez rien entendu au premier étage, c’est-à-dire, exactement à quelques mètres de vous ?
– Mais, monsieur, je ne sais pas, moi. Je dormais.
– Évidemment, vous dormiez.
Juve et la petite bonne se tenaient toujours sur le palier. Or, à l’étage inférieur, il y eut un bruit de portes et une voix appela :
– C’est vous, monsieur Juve ?
– C’est moi, Docteur.
– Si vous voulez interroger le blessé, vous pouvez venir maintenant, je viens d’achever de le panser, je vais lui faire avaler une potion qui l’aidera à dormir, le mieux serait que vous veniez le voir avant qu’il ne repose.
Juve n’en demandait pas davantage.
Précipitamment, il descendait rejoindre le médecin non sans avoir donné l’ordre à Adèle de descendre au rez-de-chaussée et de l’attendre en compagnie de Casimir.
Les pansements étaient finis, la tête du jeune homme disparaissait sous des flocons de ouate, serrés par des bandes de tarlatane, on ne voyait rien de son visage. Il geignait continuellement, visiblement en proie à de terribles douleurs.
– Eh bien ? vous le sauverez ?
– Le sauver, oui. Je ne crois pas que la vie soit en danger, mais ce que je vous disais ce matin est malheureusement confirmé, les yeux sont perdus, ce garçon restera aveugle.
Sur la pointe des pieds, Juve s’approcha du lit, se pencha sur le jeune homme :
– Monsieur Marquet-Monnier ? Pouvez-vous me répondre ? C’est l’inspecteur Juve qui vous parle.
– Rita ? où est Rita ?
– Votre amie va venir, répondait Juve, qui jetait un regard vers le docteur. Monsieur Marquet-Monnier, je vous en supplie, faites un effort. C’est de la plus haute importance. Savez-vous qui vous a frappé ?
– Non, je n’ai rien vu. On m’a jeté le vitriol au visage, au moment où j’entrais dans ma chambre. Rita me suivait dans l’escalier. Où est-elle ? Je la veux.
– Elle va venir, répétait Juve, calmez-vous. Dites-moi, quelle heure était-il ?
– Neuf heures et demie, dix heures, je ne sais pas. Quelque chose comme cela. Nous montions nous coucher.
Juve allait poser d’autres questions, le médecin l’en empêcha. Il avait pris le poignet du malade, il suivait les battements du pouls.
– Monsieur Juve, dit-il, je crois qu’il serait bon de laisser reposer le malade. Avez-vous encore une question urgente à poser ?
Des bandages, la même voix faible, répétait encore :
– Rita ? Où est Rita ? Je veux qu’on retrouve Rita.
– Il y aurait cruauté, dit Juve, à pousser plus loin cet interrogatoire. Allons, docteur, je vais continuer mon enquête.
– C’est bizarre, murmurait le policier, mais j’ai beau faire, tout semble, dans cette histoire, s’enchaîner pour charger cette extraordinaire Rita d’Anrémont, si mystérieusement disparue. Ce matin, je croyais la bonne coupable, crac, elle revient. L’emploi qu’elle me donne de sa matinée est exact. Bon, je me méfie de ce qu’elle m’affirme quand elle jure n’avoir rien entendu dans la nuit, je monte à sa chambre, j’établis par surprise qu’il est exact en effet que les bruits du premier étage y sont nettement distingués, et puis, la première parole sensée que je tire du malade détruit toute mon hypothèse. Ce jeune homme affirme que le crime a eu lieu entre neuf heures et demie et dix heures. C’est précisément le moment où la jeune Adèle reconnaît qu’elle est sortie. Cela expliquerait qu’elle n’ait rien entendu. Oui, mais alors, comment admettre qu’à son retour, elle ne se soit aperçu de rien ? M. Marquet-Monnier, sans doute, une demi-heure après le crime, pouvait être évanoui. Mais sa maîtresse ? cette Rita d’Anrémont, qui n’est pas là, qui n’est nulle part ? qui le suivait dans l’escalier, au moment où le drame s’est produit ? Comment se fait-il qu’elle n’ait pas appelé ?
Et, entraîné malgré lui par les renseignements mêmes qu’il venait de recueillir, Juve finissait par penser que M. Casimir avait peut-être imaginé juste lorsque le matin il confiait ses craintes à Juve en lui disant :
– Pour moi, Mme Rita d’Anrémont a dû être assassinée, je m’attends à ce qu’on trouve son corps d’une minute à l’autre.
Juve traversa le vestibule, sans presque en avoir conscience.
Il releva la tête, brusquement, s’étonnant de voir la porte d’entrée ouverte :
– Tiens, où sont donc le concierge et la femme de chambre ?
Ils étaient dans le jardin.
Juve n’était pas parvenu sur le perron que la petite bonne suivi de M. Casimir se précipita vers lui :
– Monsieur, monsieur, regardez donc, ce que nous venons de trouver.
Elle lui tendit un trousseau de clefs, et expliqua :
– Nous venons de découvrir cela dans la pelouse, tout près de la porte de la grille, ce sont les clefs de madame.
– Voilà qui est intéressant. C’est tout ce qu’il y a de curieux, cette découverte dans le jardin et M. Casimir vient de rendre un signalé service à l’enquête policière. Allons, mademoiselle Adèle, conduisez-moi vers les caves. Il ne faut rien négliger, nous allons fouiller la maison du haut en bas et ouvrir tout ce qui peut être ouvert.
– Je ne sais pas seulement par où on descend à la cave, dit la petite bonne, je n’étais placée chez Madame que depuis un seul jour, et je n’ai pas encore eu besoin…
Déjà M. Casimir intervenait :
– Venez, monsieur, je vais vous conduire moi. J’ai souvent aidé à descendre des pièces de vin, je connais le chemin.
– Il faudrait de la lumière, dit M. Casimir.
Juve tira de sa poche une petite lampe électrique qui ne le quittait jamais.
– Avancez, monsieur Casimir, pressons-nous.
M. Casimir ne semblait pas très rassuré.
– Voulez-vous passer devant ? faisait-il, s’effaçant avec une amabilité obséquieuse et plongeant des regards timides dans l’escalier tortueux qui conduisait aux caves et dont la lampe électrique de Juve n’éclairait que les premiers degrés.
– Je passe, répondit Juve, suivez-moi.
Or, Juve avait à peine fait trois pas dans le couloir de la cave qu’il s’arrêta brusquement, levant la tête, étendant la main, faisant signe à Casimir et à Adèle de s’arrêter eux aussi.
– Écoutez.
Dans le silence de la cave, des gémissements.
Le caveau était rempli de charbon. Sous les planches coincées par un vieux porte-bouteilles dont les pointes s’accrochaient dans un buffet cassé, les pieds dépassant la jupe retroussée pointaient vers le haut, ficelés d’une sorte de câble. Et tout de suite Adèle s’effara :
– Madame, c’est madame, ah mon dieu !
M. Casimir avait tout autant perdu la tête. Seul, Juve, conservait un peu de sang-froid. Il prit à bras le corps, la malheureuse qui hébétée, à demi évanouie, inconsciente, gémissait.
– Un cordial, vite, et prévenez le Docteur.
***
Une heure plus tard, dans le salon du rez-de-chaussée, Juve en présence de Rita d’Anrémont avoua qu’il ne comprenait plus rien de rien à cette tragique affaire qu’il tentait depuis le matin d’éclaircir.
– Enfin, madame, que vous est-il arrivé ?
C’était la vingtième fois que le policier posait cette question à la demi-mondaine.
– Ce qui s’est passé ? mais je n’en sais rien. Nous montions nous coucher, mon pauvre Sébastien et moi, lui était devant moi, il a eu la galanterie d’entrer dans la chambre le premier pour allumer l’électricité et j’attendais debout au milieu de l’escalier qu’il ait fait la lumière pour continuer d’avancer, lorsque soudain je l’ai entendu qui poussait un cri horrible, et au même moment, moi aussi j’ai crié, car j’ai senti qu’on me saisissait par derrière, j’ai été étouffée à moitié par un bâillon, j’ai perdu connaissance. J’ai eu l’impression qu’on m’emportait. C’est tout ce que je sais. Jusqu’au réveil dans la cave sous les planches, roulée comme un saucisson.
– Et vous n’avez pas vu vos agresseurs ? Vous n’aviez rien entendu dans l’hôtel qui vous ait intriguée avant le moment où vous êtes montée vous coucher ? Quelle heure était-il ?
– À peu près neuf heures, neuf heures et demie, peut-être un peu plus.
Juve, tête basse, s’éloigna de la chaise longue et arpenta le salon à grands pas.
C’était incroyable cette affaire où tous les suspects revenaient d’eux-mêmes se présenter, et dont les mobiles restaient incompréhensibles. Pourquoi avait-on vitriolé Sébastien ? Pourquoi sa maîtresse avait-elle été épargnée ? Mais Rita d’Anrémont, qui il y a quelques instants semblait anéantie, s’était levée, avait couru à Juve et lui disait, véhémente :
– Vous cherchez qui ? Oh parbleu, ça n’est pas difficile, c’est la bonne que j’ai engagée, c’est Adèle qui a introduit les bandits qui nous ont attaqués. C’est elle. L’agression a eu lieu quelques minutes à peine après qu’elle m’ait demandé à sortir.
– Coïncidence, répondit Juve, la bonne ne serait pas revenue si elle avait été complice des assassins, et puis elle donne un emploi de son temps scrupuleusement exact, j’ai vérifié à la minute près.
Déjà Rita s’était affaissée dans un fauteuil. La maîtresse du malheureux Sébastien, sanglotait, gémissant sur un ton désespéré :
– C’est horrible, quand je pense que le docteur ne veut même pas que je monte, quand je pense à ce malheureux enfant en train de m’appeler, en train de souffrir, et qu’on m’interdit d’aller soigner.
Mais déjà Rita avait couru à la cheminée, elle appuyait sur un timbre qui devait correspondre avec l’office puisque quelques instants plus tard la femme de chambre apparaissait.
Rita bondit sur elle :
– Vous êtes une misérable, allons, avouez, c’est vous qui avez introduit votre amant, des apaches, je ne sais qui, c’est vous qui avez…
– Seigneur Dieu, madame, mais je jure bien à madame que non, que je suis une honnête fille. Ah peut-on dire des choses pareilles. On n’a qu’à aller aux renseignements sur moi. Le bureau de placement dira bien qui je suis. Madame ne peut pas croire…
– Alors, répondait Rita, qui, de rage déchirait entre ses doigts son fin mouchoir de batiste, alors, si ce n’est pas vous qui avez introduit les coupables volontairement, c’est vous quand même qui êtes responsable de ce qui est arrivé. Vous avez dû laisser traîner vos clefs quand vous êtes sortie, vous avez dû laisser la porte ouverte.
– Mais non, madame, mais non.
– Taisez-vous donc, l’interrompit-elle, je les connais les domestiques, je sais de quoi ils sont capables.
Juve voulut s’interposer :
– Vous avez tort, madame, faisait-il, d’un ton conciliant, cette pauvre fille n’est pour rien dans ce qui est arrivé.
– Je sais ce que je dis, reprit Rita d’Anrémont. On n’a pas pu s’introduire ici sans la complicité ou sans la négligence de cette fille. C’est absolument certain, c’est indiscutable. Que ce soit donc par négligence ou par complicité volontaire qu’elle a laissé introduire les misérables qui ont cambriolé et voulu tuer ici, elle en est responsable.
Adèle, cette fois, avait éclaté en sanglots :
– Madame, murmurait la jeune bonne, ne peut pas penser ce qu’elle dit.
– Je le pense si bien que je vous chasse, répondait Rita de plus en plus furieuse. Allez vous faire pendre ailleurs, ma fille, et vite, vite. Partez, je ne sais pas ce qui me retient.
Juve de nouveau dut s’interposer.
***
À six heures du soir seulement, Juve quitta l’hôtel ou il venait d’enquêter sans grand succès. Il était épuisé. La curiosité ne nourrit pas. Il n’avait ni déjeuné ni dîné, il ne s’était pas reposé une seconde, mais il continuait à penser à la Villa Saïd. L’enquête se poursuivait sous la demi calvitie du policier.
– Qu’est-ce que tout cela veut dire ? songeait-il. Et pourquoi surtout Rita d’Anrémont a-t-elle chassé sa femme de chambre avec une si grande précipitation ? Je n’aime décidément pas beaucoup l’histoire de cette femme à peine blessée alors que son jeune amant est terriblement atteint, et puis, on ne se débarrasse pas d’une domestique contre qui on ne relève rien de suspect. Il y a décidément quelque chose de louche dans tout cela, et je crois bien que Mme Rita d’Anrémont aura bientôt l’occasion de répondre à mes questions.