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L'Arrestation de Fantômas (Арест Фантомаса)
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Текст книги "L'Arrestation de Fantômas (Арест Фантомаса)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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L’homme interroge l’officier :

– Vous êtes armé ?

– Sans doute, répondait celui-ci.

– Bien, je pense que vous n’avez pas peur ?

– Non, fit Nikita, jamais.

L’homme avait éteint sa lanterne, il serra le bras du prince et l’entraîna dans l’obscurité.

L’officier, malgré tout son courage, malgré son désir de faire l’impossible pour se procurer le portefeuille rouge, était en proie à une certaine émotion.

Certes, il bénissait l’heureux hasard qui lui avait permis de rencontrer cet homme, mais il maudissait la légèreté de Juve qui avait complètement omis de lui dire que, dans le cas où le document ne se trouverait pas dans la cachette, il conviendrait de se rendre au manoir voisin pour y trouver un collaborateur pouvant l’assister dans ses recherches.

Juve n’avait rien dit. C’était invraisemblable. Et Nikita, par moments, se demandait s’il n’était pas victime d’un extraordinaire quiproquo, ou s’il ne bénéficiait pas d’une chance inespérée.

Soudain, comme il passait près d’une porte sous laquelle filtrait un filet de lumière, l’homme proféra ;

– Doucement, ne faisons pas le moindre bruit, elle a beau être vieille, elle a l’oreille fine, elle pourrait nous entendre.

– Ah.

Ils avaient beau marcher sur la pointe des pieds, on entendait le grincement des clous sur les dalles de pierre. Et soudain, ce fut la porte ouverte, un flot de lumière dans l’étroit passage, une voix angoissée, une voix de femme :

– Qui va là ? Ah, c’est vous, Jean-Marie. Mais où allez-vous ?

L’équarisseur ne disait toujours rien. Nikita resta immobile, figé, ébloui.

Devant eux, se dressait une femme jeune et merveilleusement belle, chevelure d’or fauve auréolant son majestueux visage, simplement vêtue d’une robe sombre qui moulait admirablement ses formes magnifiques. Quelle allure, quel port de reine.

Mais, soudain, le prince eut un sursaut de terreur.

Jean-Marie, revenu de sa stupéfaction, s’était précipité sur cette femme, la menaçait de son coutelas ouvert :

– Je te connais pas, dit-il, mais peu importe. Deux femmes ne me font pas peur, et si tu viens défendre la vieille Brigitte, elle n’aura pas longtemps à compter sur toi.

Une seconde de plus, l’infortunée était frappée par le monstre.

Plus vif que la pensée, Nikita s’était précipité sur son guide et, faisant preuve d’une force herculéenne, il lui tordait le poignet, l’obligeait à lâcher son arme.

Les deux hommes alors roulèrent à terre, dans une lutte déchaînée. L’officier frappait à tour de bras l’audacieux criminel, cependant que Jean-Marie rugissait, l’écume aux lèvres :

– Traître. Bandit. Canaille. Je te crèverai toi aussi.

Jean-Marie mordit au bras l’officier qui poussa un cri de douleur. Mais voyant rouge, Nikita, cette fois, étrangla à moitié Jean-Marie, puis le rejeta inerte, évanoui, hors de la pièce, dans le couloir d’où ils venaient.

Le poussant du pied, comme une charogne, Nikita laissa le vaincu sur les dalles de pierre puis, pour empêcher un retour offensif de sa part, il referma à double tour la porte communiquant avec le couloir et se trouva seul à seul avec la jeune femme qu’il venait d’arracher à un si terrible danger.

La malheureuse, plus belle encore dans l’expression sincère de sa frayeur, avec ses grands yeux bruns qui brillaient étrangement, s’était emparée d’un revolver et sa main blanche et délicate braquait sans trembler le canon de l’arme sur l’officier.

Machinalement, Nikita rétablit le désordre de sa toilette puis, immobile en face de l’inconnue, il courba la tête dans un profond salut, et attendit.

D’une voix étouffée, la jeune femme lui demanda :

– Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ?

– Madame, balbutia le lieutenant prince Nikita, excusez-moi, je n’y comprends rien moi-même, je suis victime d’un quiproquo, je le bénis toutefois, car il m’a permis de vous arracher à l’agression de ce bandit.

– Vous n’êtes pas son complice ? Vous êtes donc pas tous les deux des assassins ? interrogea la superbe créature.

Blêmissant sous l’outrage, Nikita dressa la tête et spontanément déclara :

– Madame, vous avez devant vous un honnête homme, je m’appelle le prince Nikita, je suis lieutenant de l’armée russe.

– Que veniez-vous faire ici ?

Nikita rougit comme un écolier pris en défaut :

– Je ne peux pas vous le dire, madame.

Mais la magnifique créature insistait :

– Vous êtes peut-être un imposteur. Je veux vous croire. Vous avez un visage qui m’inspire confiance.

L’officier balbutiait maintenant :

– Je ne peux pas vous le dire, madame, je ne le peux pas, il s’agit d’un secret d’État.

– Vous venez de la côte, monsieur, dit la dame, vos vêtements sont souillés de boue, vous avez erré cette nuit dans mon voisinage, qu’y faisiez-vous ?

– Vous avez raison, madame, hélas je cherchais quelqu’un, quelque chose.

Mais, soudain, l’extraordinaire personne parut comprendre et deviner ce que l’officier voulait taire.

Au mépris de toute prudence, elle quitta l’angle de la pièce dans laquelle elle se tenait jusqu’alors, traversant l’intervalle qui la séparait de l’officier avec une allure souple et majestueuse, elle vint auprès de lui, si près, que son parfum captivant monta aux narines de Nikita, et le grisait.

– Prince, dit-elle, je sais ce que vous êtes venu faire ici, vous cherchez un document, et prétendez vous emparer du portefeuille ?

– Ah, madame, madame, s’écria Nikita, taisez-vous, je ne peux rien dire !

La grande dame se tut. Elle semblait avoir compris. Désormais certaine de ce qu’elle soupçonnait, elle n’éprouvait plus la moindre crainte.

Un sourire triste erra sur ses lèvres qui pâlirent un peu.

D’un geste de la main, d’un geste élégant de vraie femme du monde, elle désignait un siège à l’officier :

– Asseyez-vous, prince, fit-elle, nous avons à causer.

La mystérieuse inconnue s’étendit à demi sur une bergère, et dès lors Nikita, qui jusqu’alors avait été trop troublé pour se rendre compte de l’endroit où il se trouvait, s’apercevait qu’il était avec son interlocutrice dans un petit salon meublé avec un goût parfait.

Quittant son air hautain, la grande dame parut prendre l’officier en pitié.

– Prince, dit-elle, vous êtes jeune, vous êtes encore au seuil de la vie, peut-être que vous nourrissez quelque espoir. Eh bien, croyez-en une femme qui a connu les malheurs les plus terribles, quand elle vous dit : Fuyez.

– Pourquoi, madame ?

Une frayeur subite se peignit sur le visage de la superbe créature.

– Parce que quiconque prétend retrouver ce document courra les plus grands risques. Celui qui voudra se l’approprier est voué à la mort certaine.

Nikita, frémissant, s’était levé :

– Je m’en doutais, madame, je me doutais que vous saviez quelque chose. Peut-être est-ce vous qui détenez ce document ? Dans ce cas, madame, quoi qu’il doive m’en coûter, je connais mon devoir, je sais ce que je dois faire.

– Quoi donc, mon garçon ?

– Je ne ferai rien, que vous ne m’autorisiez à faire, mais je vous en supplie, madame, dites-moi la vérité, aidez-moi à rester un homme d’honneur.

– À la bonne heure. Écoutez, prince, peut-être pourrais-je vous aider un jour, mais pour le moment je ne puis rien faire et, d’ailleurs, je tiens à rassurer votre conscience en vous donnant ma parole que ce portefeuille n’est pas ici et que je ne puis rien pour vous le restituer. Vous allez partir, monsieur, et tout de suite.

– Pas encore, madame, pas avant d’avoir tué tout à fait ce misérable qui vous voulait du mal.

– Vous ne tuerez pas Jean-Marie.

– Mais…

– Vous ne le tuerez pas.

– Au moins, madame, souffrez que je le remette à la police, que je le fasse emprisonner, il faut que ce bandit soit puni, voyons.

– Non. Je ne veux pas. Vous allez au contraire l’emmener avec vous. Il faut que jusqu’au matin vous ne le quittiez pas, c’est la meilleure manière de me protéger. À l’aube, vous vous séparerez de Jean-Marie, et vous pourrez le faire sans inquiétude pour moi, car moi je serai loin.

– Vous serez loin.

– Que vous importe ?

– Madame, ne me torturez pas. Je n’ai pas beaucoup d’usage de la vie, je ferai ce que vous voudrez, mais accordez-moi une grâce. C’est un homme à genoux qui vous supplie, un homme qui vous aime. Votre nom Madame ?

Et il baisait le bas de sa robe.

La châtelaine du manoir tendit au prince Nikita sa main aux doigts fuselés, pour l’inviter à se relever, mais elle retira brusquement cette main que l’ardent officier voulait couvrir de baisers. Il insistait, humble et pressant.

– Votre nom, madame ? Faites-moi la grâce de ne pas me quitter avant que je sache où vous revoir.

Lentement enfin, la grande dame laissa tomber de ses lèvres ces paroles :

– Je m’appelle Mathilde de Brémonval et, dans deux jours, je serai à Paris.

– Ah, madame, s’écria l’officier radieux, dans deux jours…

– N’oublions pas nos conventions. Retirez-vous, exécutez votre promesse. Il faut que ce Jean-Marie sorte d’ici immédiatement, que vous le teniez éloigné du manoir jusqu’au lever du jour. Promettez-moi qu’il en sera ainsi fait ?

– Je vous le jure, madame, vous avez ma parole.

Puis, il insista d’une voix torturée d’émotion :

– Une grâce encore, madame.

– Laquelle ?

– Votre main à baiser.

D’un geste gracieux, la grande dame tendit à l’officier ses jolis doigts, et le jeune homme les porta à ses lèvres où il les maintint longuement.

***

Jean-Marie, maintenu au collet par Nikita, épaule démise, poignet foulé, se laissa faire. Enfin, l’équarrisseur s’expliqua :

– Vous n’êtes pas trop rosse pour moi, car maintenant que je suis démoli, vous pourriez me faire boucler, or, vous ne le faites pas. Une charité en vaut une autre. À mon tour de vous rendre un service.

– En êtes-vous donc capable ?

– Pourquoi pas ? fit Jean-Marie. Tout à l’heure, j’ai entendu votre conversation avec la femme du manoir, une femme que je ne connais pas d’ailleurs, car moi qui suis depuis trois mois jardinier dans cette boîte, je n’ai jamais vu qu’une vieille toupie qui s’appelle dame Brigitte, et qui s’est bien gardée de se montrer ce soir. Je vous disais donc que j’ai entendu votre conversation. Vous êtes de ceux qui cherchez le portefeuille ?

– Hein.

– Hé oui, la jolie rombière avec qui vous avez jaspiné pendant la moitié de la nuit ne vous a pas balancé des blagues. Elle ne sait pas où est le portefeuille. Seulement moi Jean-Marie, je le sais.

– Où ?

– Il est entre les mains d’une femme, une jeune et une chouette, une qui n’a pas froid aux yeux, une môme à la redresse, une qui est un peu là.

– Jean-Marie, si tu m’aides à le retrouver, je te couvre d’or.

– Suffit d’avoir la poule, et l’œuf d’or n’est pas loin. Mais attention, son poulailler, il est un peu gardé.

– Et où est-il ?

– C’est simple. Vous aurez compris quand vous saurez que la fille de Fantômas est sous les verrous à la prison de Morlaix.

16 – PISTE ROMPUE

Nous avons laissé Hélène à Morlaix, au moment où elle a blessé Fandor, alors qu’elle était persuadée que, comme tous les soirs, une cartouche truquée chargeait l’arme qu’elle avait épaulée.

Hélas, la cartouche n’était pas à blanc comme toujours jusque là.

Et ce Jérôme Fandor qui surgissait là sans crier gare, Jérôme qu’elle n’avait pas revu depuis le moment où on l’avait recueilli avec Juve à bord du Skobeleff.

En attendant, le pandémonium s’était déchaîné dans la baraque.

La foule s’était jetée sur la jeune fille, hurlant à mort. Il y avait surtout une sorte de colosse à grosse voix qui réclamait l’intervention de la police.

Alors tout s’était brouillé devant les yeux d’Hélène.

Arrêtée par les robustes gars qui eux, du moins, la protégeaient de la colère de la populace, accablée, elle s’était laissée conduire en prison sans même protester.

Mais qu’allait-il se passer ?

Allait-on réellement la maintenir en état d’arrestation ?

Hélène commençait à se le demander. Elle attendait Jérôme Fandor, qu’elle avait aperçu s’en allant vers une pharmacie, se frottant l’épaule vigoureusement, mais qui ne paraissait pas, somme toute, être grièvement blessé.

Le commissaire avait fait entrer dans le local où il tenait ses assises, non seulement la jeune fille, mais encore tout un groupe de spectateurs qui demandaient à être entendus en qualité de témoins.

Là, les témoins affirmèrent d’une seule voix que la jeune fille avait, de ses propres mains, et sous leurs yeux, remplacé la cartouche truquée par une véritable.

– C’est encore une histoire d’amoureux, criait un jeune homme à mine d’ouvrier d’usine, encore une garce qui a voulu se venger de son amant. Elle a fait feu sur lui, exprès.

Un autre, d’une bonne foi tout aussi apparente, affirmait :

– On a parfaitement vu quand elle a glissé la deuxième cartouche.

Et d’autres, toujours aussi convaincus, s’acharnaient contre la malheureuse, victime sans s’en douter même, de ce besoin de jouer un rôle inné au cœur de certains.

Le commissaire ne pouvait rien évidemment contre des témoignages aussi précis et aussi concordants. Il signa un mandat de dépôt.

Tant et si bien qu’Hélène couchait, le soir même, dans la chambre de force de la maison de détenus de Morlaix, d’où elle devait être, le lendemain, dirigée sur la prison de Brest.

– Monsieur le commissaire, protesta enfin Hélène, comme on s’apprêtait à l’entraîner, est-ce que vous n’allez pas interroger le jeune homme que j’ai blessé ? Il serait le premier à dire que je suis innocente et que tout ceci est le fait d’un horrible malentendu.

Malheureusement, le commissaire n’écouta pas cette requête, il y attachait même d’autant moins d’importance, qu’Hélène semblait la faire avec une réelle hésitation, comme étant elle-même peu convaincue de ce qu’elle avançait.

C’est qu’en vérité, tout en parlant, la fille de Fantômas venait d’être prise d’un doute affreux.

Littéralement bouleversée par la marche rapide des événement dont elle était victime, la jeune fille, qui n’avait rien compris à ce qui lui arrivait, venait d’y trouver une explication tragique.

C’était si extraordinaire à ses yeux, en effet, cette apparition de Fandor sur l’estrade où elle-même allait faire feu, qu’elle se prenait à se demander si le journaliste était bien arrivé là par hasard, si le coup de fusil n’avait pas été machiné, combiné par l’ami de Juve à des fins qu’elle n’entrevoyait pas encore, mais qui devaient à coup sûr se rattacher à l’implacable poursuite que le policier et le journaliste conduisaient contre son père.

– Fandor ne vient pas, songeait Hélène tandis que les gendarmes l’emmenait brutalement, c’est assurément qu’il ne veut pas venir, c’est qu’il ne doit pas venir, c’est qu’il se venge de mon père et de moi en favorisant mon arrestation.

Hélène, à vrai dire, se trompait du tout au tout.

À peine Fandor avait-il rappelé à lui ses esprits dans la pharmacie où il venait de panser ses blessures – une écorchure à l’épaule – qu’il songeait au sort de la malheureuse enfant.

– Miséricorde, pensait le journaliste, se rappelant brusquement le brouhaha, la colère de la foule au moment de l’accident, miséricorde, ils vont l’écharper.

Qu’allait dire, d’ailleurs, la fille de Fantômas si on l’arrêtait ?

Allait-elle livrer son identité ? refuserait-elle de répondre ?

Mais, dans ce cas, que déciderait le magistrat ? Ne trouverait-il pas dans ce mutisme une raison suffisante pour maintenir la jeune fille sous les verrous ?

Quittant la pharmacie où l’on venait de le soigner, Fandor se précipita au Palais de Justice de Morlaix, demanda le Procureur, décidé à obtenir la mise en liberté de l’innocente Hélène.

Mais au Palais de Justice, Fandor ne trouva qu’un greffier imbécile, un certain M. Lerouge, qui refusa d’abord de le recevoir à cette heure avancée de la nuit, puis enfin, consentit à s’entretenir quelques minutes avec lui, mais avec un mécontentement visible, car il était fort occupé à consulter l’indicateur des chemins de fer pour trouver un train qui le menât rapidement le lendemain à Paris, où il comptait aller faire un peu la fête.

Fandor finit par éclater lorsque le greffier lui communiqua que le procureur était à Brest, occupé non des devoirs de sa charge, mais d’une charmante petite amie qu’il avait là.

Quand il arriva enfin au commissariat, Fandor y trouva, non plus le commissaire, qui venait de partir se coucher, mais bien un simple brigadier de gendarmerie, fort aimable, celui-là, mais terriblement désireux de ne rien faire de nature à le compromettre.

Fandor dut parlementer pendant plus de vingt minutes pour obtenir que le brigadier consentît à enregistrer une déclaration formelle dans laquelle le journaliste affirmait qu’il y avait eu « accident », non pas « crime », et qu’il se refusait à porter plainte.

À quoi bon d’ailleurs, étant donné que la jeune fille resterait, dans tous les cas, enfermée jusqu’au lendemain matin.

Furieux, rageur, jalousant la tranquillité de Juve, qui, confortablement installé dans un wagon du rapide, se dirigeait vers Paris, Fandor se retrouvait donc à deux heures du matin sur la place déserte de Morlaix.

En maugréant le journaliste rentra se coucher… Il dormit très mal, se réveilla à l’aube.

– Peste de peste, grommelait-il, que dois-je faire maintenant ? Les instructions que Juve m’a données sont, en somme, assez peu explicites. Je dois muser le long de la route, pour donner le change à Fantômas, et lui faire croire que, malgré ma tranquillité apparente, je ramène le portefeuille rouge à Paris. Bien. « Muser », qu’est-ce que ça signifie au juste ?

De très bonne heure, Jérôme Fandor retourna au poste de police, et là, profitant de ce que le commissaire de Morlaix ne le connaissait pas, il interviewa le fonctionnaire sous un prétexte quelconque, et parvint à savoir ce qu’Hélène était devenue.

– La jeune fille arrêtée hier soir ? Figurez-vous qu’elle est déjà transférée à Brest. Elle est partie ce matin.

– À Brest. Pourquoi diable a-t-on transféré la prisonnière à Brest ? Nous ne sommes pas dans le ressort judiciaire du Tribunal de là-bas et puisqu’il y avait flagrant délit ici ?

– Figurez-vous, mon cher monsieur, que la place dont nous disposons ici, à Morlaix, est en réalité fort restreinte. Bien entendu, nous avons des salles communes et des cellules. Or, il était impossible, n’est-ce pas, de mettre la prisonnière dans une salle commune, puisque les règlements interdisent de détenir en « commun » des hommes et des femmes. Restaient les cellules… Eh bien, les cellules, au nombre de quatre, sont en ce moment toutes occupées par des inculpés détenus préventivement et maintenus au secret par ordonnance de notre juge d’instruction. Dès lors, où conserver la prisonnière ? Vous devinez, mon cher monsieur, que nous avons été obligés de la diriger sur Brest, où il y a une prison de femmes.

– Mais l’instruction, comment se fera-t-elle ?

– Oh, l’instruction, l’instruction il est bien évident qu’elle sera fort contrariée par cette captivité au loin. J’imagine qu’on attendra, au Parquet, pour s’occuper de cette jeune fille, que les prisonniers actuellement en cellule, ici, à Morlaix, aient été remis dans les locaux communs. Alors, on pourra faire revenir de Brest cette bohémienne et l’affaire suivra son cours.

Fandor n’en demandait pas plus.

Il se dirigea vers la gare où, quelques minutes plus tard, il prenait un billet à destination de Brest.

***

– Eh ! la prisonnière 22. Voyons, l’inculpée, où êtes-vous ?

Dans le grand dortoir, une gardienne venait d’apparaître, qui s’impatientait visiblement :

– Numéro 22 ? est-ce qu’il va falloir vous prendre par la main ?

– Que voulez-vous ? demanda une jeune fille à la démarche hautaine.

– Je viens vous avertir que vous serez libérée prochainement.

– Comment cela ?

La fille de Fantômas – car c’était elle – avait frémi en s’entendant annoncer une prochaine mise en liberté.

– Comment va-t-on me mettre en liberté, je n’ai pas encore été interrogée ?

La gardienne haussa les épaules.

– Moi, dit-elle, je ne sais pas. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il est arrivé des pièces au greffe de la prison, et que j’ai vu que l’on préparait votre transfert de la salle commune. Si on vous retire d’ici, ça n’est pas pour vous mettre en cellule, étant donné que vous n’avez rien de grave sur la conscience. Donc, c’est que vous êtes renvoyée des fins de la plainte. Je vous en préviens, parce que je pense que si vous avez quelques sous à votre sortie, vous n’oublierez pas que c’est moi qui ai pris soin de vous pendant votre séjour ici.

– C’est entendu, répondit Hélène, je vous remercie de me prévenir et si vous pouvez hâter les formalités de levée d’écrou, je vous en serais très reconnaissante.

La gardienne s’éloigna.

Hélène songeait à ce moment à l’extraordinaire facilité avec laquelle on signait sa mise en liberté.

Elle n’était pas éloignée même de penser que, peut-être, elle devrait sa rapide sortie de prison à un effet de la volonté de Fantômas.

– Mon Dieu, pensait-elle, pourvu qu’en quittant cet horrible endroit, je ne tombe pas entre les mains de mon père ?

Mais plus elle réfléchissait et moins il apparaissait vraisemblable à son imagination surexcitée que ce fût grâce à Fantômas qu’elle allait recouvrer la liberté.

– Si ce n’est point mon père, se disait-elle, qui donc, si vite, a pu obtenir ma grâce ? Ne serait-ce pas Fandor ?

La jeune fille en était là de ses réflexions, lorsque le surveillant-chef fit son entrée.

– Numéro 22, venez ici, numéro 22, cria-t-il.

– Est-ce pour ma mise en liberté ? demanda Hélène.

– Ah bien, vous en avez de bonnes, vous ? votre mise en liberté. C’est pas pour vous conduire à la rue que je viens vous prendre, c’est pour vous mener en cellule.

– En cellule, mon Dieu, pourquoi donc ?

– Paraît que vous êtes inculpée dans l’affaire du naufrage du cuirassé russe. Vous avez été mal inspirée, tout de même, de vous faire choper à Morlaix. Sans votre maladresse, jamais on ne vous aurait mis la main dessus.

Hélène ne répondit rien. Car il n’y avait rien à dire au garde-chiourme.

En suivant le surveillant, Hélène croyait vivre un abominable cauchemar.

Deux jours plus tard, comme la fille de Fantômas commençait à déjeuner, c’est-à-dire entamait la miche de pain rassis offerte par l’administration pénitentiaire, elle ne fut pas peu surprise de trouver, enfoui dans la mie de son pain, un tout petit billet écrit sur du papier à cigarette, roulé en boule, et sur lequel se lisaient ces mots :

«  Plaignez-vous d’une rage de dents… »

Hélène réfléchissait encore à cette mystérieuse intervention quand un gardien, par le judas trouant l’épaisse porte de sa cellule, effectuant la ronde ordinaire, demanda :

– Rien à noter au rapport ?

– Si, dit Hélène, inscrivez-moi pour la visite médicale. J’ai une terrible rage de dents.

Le sort en était jeté. Qu’allait-il se passer ?

Il devait être à peu près six heures du soir, lorsque enfin un gardien s’arrêta à la porte de la cellule occupée par la fille de Fantômas.

Les verrous grincèrent, la porte imposante et massive finit par s’ouvrir.

– Venez dit le gardien. C’est pour le dentiste, numéro 22 ? Ah, sacré Dieu, je vous plains, les rages de dents, ça fait bougrement souffrir, je sais ce que c’est. Il y a un an, j’avais comme ça une grosse molaire.

***

Par raison d’économie budgétaire, la prison de Brest possédait une infirmerie aussi mal organisée que possible.

Les malades, hommes ou femmes, étaient entassés dans des salles étroites et petites, mal aérées, où l’on respirait un air vicié.

Les consultations, notamment les consultations des médecins proprement dits, des oculistes, des dentistes, se tenaient dans un petit cabinet dont la fenêtre était close par des vitres dépolies si sales que le jour y passait à peine, avec des barreaux de fer entre lesquels s’accumulaient d’épaisses toiles d’araignées mêlées à une poussière séculaire.

Ce fut dans ce local que, sous la conduite du gardien-chef préposé aux mouvements des prisonnières, on introduisit Hélène.

Deux hommes se trouvaient là, en blouses blanches : le dentiste et son aide.

– Mon Dieu, songeait la fille de Fantômas, que vont-ils dire s’ils s’aperçoivent que je n’ai rien ?

Mais déjà le plus âgé des praticiens, évidemment le dentiste en titre, la brusquait :

– Allons, montez sur ce fauteuil. Asseyez-vous. Plus vite que ça, où souffrez-vous ?

Il n’écouta même pas sa réponse, bégayée d’une voix mal assurée. Il introduisait dans la bouche de la patiente une sorte d’instrument d’acier, destiné à maintenir les mâchoires ouvertes.

Cela fait, le dentiste ordonnait à son aide :

– Faites-moi une abondante projection de chlorure d’éthyle. Je ne me soucie pas que l’on entende crier encore ici et que demain il y ait dans le Phare de Brest un article affirmant que l’on torture les malades à la prison. Allons, dépêchez-vous mon ami, je reviens tout de suite.

Pour plus de rapidité, en effet, l’usage était, pendant les consultations dentaires, que plusieurs malades fussent, dans des cabinets contigus, livrées aux mains des aides. Tandis que l’on en pansait une, le dentiste allait en soigner une autre. Et c’est pourquoi le médecin-chef livrait Hélène aux mains de son praticien. Le jeune homme, qui jusqu’alors, avait paru s’occuper très activement de menus soins à donner aux instruments disposés sur une tablette, aux paroles du dentiste, se retourna :

– Vous pouvez compter sur moi, Docteur.

Or, le docteur n’avait pas plutôt disparu, que le jeune aide littéralement, bondissait vers le fauteuil.

– Vite, criait-il à Hélène, ne perdez pas une seconde, voici un grand manteau d’infirmière, prenez le couloir droit devant vous. Marchez avec assurance, le concierge ne vous dira rien. C’est le moment où les infirmières changent de service. Fuyez, fuyez, vous trouverez une voiture sur la place, le cocher est prévenu, il sait où il doit vous conduire, je vous rejoindrai. Allez, allez.

– Mais qui êtes-vous donc ? qui êtes-vous donc ?

– Qui je suis ? Fandor, parbleu. Mais sapristi, ce n’est pas le moment de bavarder, fichez donc le camp.

Et Hélène, enveloppée en un tournemain dans un grand manteau d’infirmière, fut hors de la petite pièce.

Déjà, elle était dans le couloir. Bon gré mal gré. Il lui fallut suivre les instructions du journaliste, marcher, droit devant elle, l’air assuré.

***

Fandor, sachant qu’Hélène était détenue à la prison de Brest, n’avait pas été long à décider en effet qu’il fallait faire évader la jeune fille.

Restait à trouver le moyen de réaliser un projet aussi périlleux.

Après avoir expédié une dépêche fort laconique à Juve, dépêche dans laquelle Fandor notifiait tout simplement au policier qu’Hélène était arrêtée, il avait quitté Morlaix, il était arrivé à Brest. Le soir même on le voyait dans tous les beuglants de la ville, devenu l’ami intime des jeunes gens faisant leur stage à l’École Dentaire.

Si bien qu’il y avait eu souper au champagne, prolongé. Sur quatre convives deux durent être ramenés à domicile sur les genoux.

Le lendemain il y avait visite dentaire à la prison. Les deux autres jeunes gens encore debout, croyaient appendre la chose à Fandor et s’effrayaient fort de leur équipée :

– Jamais les copains ne vont être en état, demain matin, déclaraient-ils en montrant leurs compagnons affalés sur les coussins de la voiture qui les emmenait, de se rendre à la visite. Diable, cela va faire du grabuge.

Et, benoîtement, alors, Fandor avait proposé :

– Bah ! ne pourrais-je pas les remplacer ? J’ai des notions d’art dentaire. Vous diriez au médecin-chef que vos amis sont malades et que l’un de vos camarades s’est spontanément offert à venir à la prison.

Ce plan savamment ourdi, perfectionné par les jeunes étudiants eux-mêmes, avait parfaitement réussi.

Qu’allait faire Fandor, Hélène une fois partie ?

Le journaliste, avec la même prestesse qu’il avait mise à déguiser la jeune fille du manteau d’infirmière, se dévêtit lui-même.

Il envoya sa longue blouse dans un coin de la petite pièce où il se trouvait. D’un revers, il décolla les moustaches postiches, les sourcils d’emprunt qu’il s’était composés, il dépouilla enfin sa perruque, il redevint lui-même, alors que, quelques minutes auparavant, il était méconnaissable, si méconnaissable qu’il avait dû se nommer à la fille de Fantômas.

– Cela marche comme sur des roulettes, murmura-t-il.

Et moins de quatre minutes après le départ du médecin-chef, par le même couloir où il avait fait passer la fille de Fantômas, tenant un sac d’instruments dentaires à la main, – ce qui constituait pour le portier une sorte de passeport, – Fandor s’enfuyait, non sans avoir, pour compliquer les choses, bouclé à double tour la porte du petit local où il venait de jouer son rôle d’aide-dentiste.

Il sortit sans la moindre difficulté de la prison… même, tout joyeux, il s’apprêtait à se moquer de la facilité avec laquelle on pouvait faire évader une prisonnière quand on savait s’y prendre, lorsque, soudain, au détour de la place sur laquelle était construite la prison, il s’arrêta, un cri de rage aux lèvres :

– Eh bien ? interrogea Fandor, nerveusement, cependant que le cocher, non moins étonné, le considérait avec curiosité, eh bien ? comment êtes-vous là ? Vous n’avez donc vu personne ?

– Non, personne, monsieur.

– L’infirmière que je vous avais annoncée n’est pas venue vous trouver ?

– Non, monsieur, non, je l’attends toujours…

La fille de Fantômas n’avait-elle pu s’enfuir ? Avait-elle été reprise ? Ou bien s’était-elle enfuie plutôt que de se rendre au rendez-vous que lui avait assigné son sauveur ?

17 – CHEZ LES BIFFINS

– Et alors, la mère, est-ce qu’on s’en va prendre une tournée ?

– On ira, le père, on ira. Tout de même, tu peux bien attendre que j’aie fini de donner à manger à Papillon ?

– D’accord, si Papillon a faim.

– Eh oui, il a faim, la brave bête. D’ailleurs, soit dit sans te le reprocher, mon homme, depuis quelques jours, tu ne t’occupes plus assez de lui. C’est de l’ingratitude, ça, vois-tu. Ça n’est pas parce qu’il a onze ans bien sonnés qu’il faut le laisser crever de faim.

– D’accord, la mère, d’accord.

Papillon était un grand vieux cheval, dégingandé, qui, depuis de longues années, traînait la roulotte familiale le long des routes de France.

Papillon, qui était une bête, avait, prétendait la mère Zizi, plus d’intelligence que bien des hommes.

La brave femme citait à l’appui de ses dires ce fait remarquable à son compte, que Papillon mangeait beaucoup plus l’hiver que l’été.


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