355 500 произведений, 25 200 авторов.

Электронная библиотека книг » Марсель Аллен » La fille de Fantômas (Дочь Фантомаса) » Текст книги (страница 9)
La fille de Fantômas (Дочь Фантомаса)
  • Текст добавлен: 21 октября 2016, 18:45

Текст книги "La fille de Fantômas (Дочь Фантомаса)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
сообщить о нарушении

Текущая страница: 9 (всего у книги 19 страниц)

11 – UNE BONNE FARCE

Étrange cavalier.

Après un temps de galopade folle, où il avait fait preuve d’une extraordinaire habileté pour diriger sa bête, la relever quand elle butait aux pierres du chemin, la calmer quand elle s’effarait d’un aspect plus sinistre du paysage, il venait, reprenant rudement les rênes, de se mettre au pas.

Le cheval qu’il montait, impétueux, ardent, acceptait mal cette allure tranquille, mais son maître devait être un cavalier hors ligne, car indifférent à ses révoltes frémissantes, il le maintenait sans apparence d’effort, le forçait à se plier à son caprice.

Les lieux par lesquels passait ce cavalier eussent encore ajouté à l’épouvante que pouvait causer sa seule apparition : Ravins, collines, rivières desséchées avec, par endroit, des blocs de rochers, écroulés de la montagne, obstruant le chemin ; ailleurs, un torrent qui coupait la route, se ruant aux bords escarpés de son lit dévalant avec fracas, pour se perdre, plus loin, dans une vallée.

Mais le cavalier connaissait, probablement pour l’avoir maintes fois suivie, la route qu’il avait empruntée cette nuit. C’est avec une main ferme qu’il dirigeait sa monture, il ne paraissait avoir aucune difficulté à s’orienter et, ne prenait souci de rien, sauf des trois bêtes qu’il sifflait par moments, et par moments encore, encourageait de la voix :

– Taïaut ! petits ! là ! c’est beau ! et n’aboyez pas !

Les chiens, superbes bêtes, comprenaient avec une intelligence quasi-humaine les recommandations de leur maître. À sa voix, de brefs frissons leur couraient le long de l’échine. Leur tête féroce se levait vers lui, dans leurs yeux un regard d’affection brillait et puis ils sautaient vers lui comme pour quêter une caresse, une flatterie de la main, et cela en poussant un court grognement rauque qui, sans doute, affolait le cheval, car la bête alors pointait, ruait et force était au cavalier de la calmer, de la pousser en avant en usant de toute sa vigueur.

– Drôle d’endroit ! drôle de course disait à haute voix le cavalier, qui maintenant souriait presque. Je me demande si je n’ai point tort de faire ce que je vais faire et si je n’emploie pas des moyens trop romanesques. J’aurais pu déposer ma trouvaille chez lui. Mais serait-ce prudent ? Il hospitalise sans cesse n’importe qui. Si par hasard il n’était pas seul cette nuit je risquerais de lui faire cette restitution pour qu’un autre en profite. Tant pis, je vais l’intriguer un peu. Le jeu en vaut d’ailleurs la peine.

Le cavalier soudain interrompait son monologue brutalement, il venait d’arrêter sa monture, net, au tournant d’un ravin.

– Tiens ! fit-il presque à voix haute, je suis arrivé ? c’est curieux comme la nuit les distances paraissent plus courtes que le jour. J’étais si absorbé par mes réflexions qu’en vérité je ne me doutais nullement que j’étais déjà au carrefour. Allons ! Décidons-nous…

D’un mouvement souple, d’un saut léger qui eût prouvé à qui ne s’en serait pas encore aperçu qu’il était jeune, très jeune, le mystérieux cavalier qui ce soir-là chevauchait sur les plateaux déserts des collines qui avoisinent la ville de Durban, descendit de cheval.

Il réfléchit quelques instants.

Puis, de l’une des fontes de la selle il tira une longe, la passa à la gourmette du mors, puis il attacha l’extrémité de la corde à la branche basse d’un arbre.

– Là, mon ami, déclara-t-il, et tâchez de ne point hennir.

Son cheval attaché, le cavalier maintenant s’occupa des chiens. Il les siffla, les rassembla : en un tour de main il passa au collier des trois superbes animaux une autre corde, qu’il attacha aussi à un arbre voisin.

– Et maintenant nous allons rire, s’écria le cavalier de la nuit.

Ses chiens attachés, il revint vers son cheval et ouvrit soigneusement un paquet pris au trousquin de sa selle. Ce paquet défait, il alla le faire flairer aux chiens…

– Voyez cela, mes petits amis, leur dit-il, à voix basse et comme persuadé que les bêtes devaient comprendre ses paroles, c’est de la viande, de la bonne viande, et comme il y a toute une journée que vous n’avez mangé, j’imagine qu’elle vous fera plaisir.

Le cavalier tenait, en effet, un quartier saignant de viande rouge. S’éloignant alors des chiens qui tiraient sur la corde, le cavalier se dirigea alors vers une maison noyée dans l’ombre, une ferme, une cahute plutôt. Le cavalier s’en approcha, prenant garde de ne faire aucun bruit.

Il ne manifesta d’ailleurs aucune hésitation et, d’une main sûre, il décrocha la cheville de bois qui retenait les volets.

– C’est sa chambre, murmura-t-il, et il passa la tête par la fenêtre :

À droite, contre le mur, une table. Plus loin, une chaise sur laquelle des vêtements étaient posés. Enfin, au fond de la chambre un lit, un grabat plutôt.

Un homme sommeillait lourdement.

– Quel réveil il va avoir, pensait le cavalier.

Et, disant cela, le jeune homme avait jeté à l’intérieur de la pièce, le quartier de viande qu’il tenait toujours. Le dormeur ne s’était pas réveillé.

Ce devait être ce qu’avait espéré le cavalier car il se frotta les mains, satisfait, cependant qu’une sorte de rire muet lui éclairait le visage :

– Mon vieux Jupiter, dit-il à mi-voix, dans cinq minutes vous allez avoir grand peur, mais dans une demi-heure, j’imagine qu’un autre sentiment va s’emparer de vous.

***

Étrange type que le bon nègre Jupiter, ami de la famille Hans Elders. La nature qui l’avait doué d’une force herculéenne, l’avait, en même temps, doté de cette sorte de bonhomie enfantine, de cette naïveté du Bon Noir des légendes.

Jupiter, enfant du hasard, qui n’avait jamais connu très exactement ses parents, s’était élevé un peu tout seul. De bonne heure il avait été, au cours d’une razzia, emmené loin du village cafre où il avait vu le jour.

Jupiter, dans la bonne, comme dans la mauvaise fortune, était resté le même. Son égalité d’humeur était parfaite et il était toujours enjoué malgré tout.

Il avait, à vrai dire, des colères terribles, des paroxysmes de chagrin et de désespoir, mais l’espace d’un quart d’heure. Jupiter tenait à bien manger, à mieux boire, à dormir tranquille, il n’aimait pas exagérément travailler, et n’eût été l’amour ardent qu’il professait pour ce qu’il appelait son noble métier de boxeur, il aurait passé sa vie dans un farniente tranquille, dans une oisiveté monotone et plaisante.

Jupiter pourtant avait éprouvé un violent chagrin, lorsqu’un voleur inconnu l’avait dépouillé de la riche bourse de son dernier match. Mais, une heure après le vol, il n’y songeait même plus.

On lui avait dérobé sa bourse, c’était vrai, mais il lui restait en somme une parure de chemise, ainsi que le bracelet d’or, et Jupiter qui ne connaissait pas exactement la valeur de l’argent, n’était pas éloigné de considérer qu’il était préférable qu’on lui eût volé les cent mille francs plutôt que son bijou qui valait une fortune.

Jupiter n’avait donc perdu ni le boire ni le manger. Moins encore, il n’avait pas perdu ses qualités de dormeur extraordinaire.

Et dans son lit, dans la cahute qu’il occupait, une cahute qu’il avait élevée lui-même, on ne savait trop pourquoi dans ce ravin isolé, il dormait béat, en homme qui n’a aucun souci et qui rêve à un festin gigantesque.

Et dans ce rêve d’un bonheur fou, Jupiter à l’imagination gargantuesque, goûtait des plaisirs impossibles et irréels…

Soudain, comme il était en train d’attaquer un pâté énorme où quelque cuisinier avait, dans une pâte croustillante et dorée, enfermé un mouton entier, il sursauta… des cris rauques avaient retenti, il avait senti sur son corps quelque chose de lourd et de remuant s’abattre par trois fois.

Il ouvrit alors les yeux, il distingua dans la pénombre trois êtres noirs qui sautaient, dont l’un bondissait sur sa table, dont l’autre trépignait sur son lit, dont le dernier, dans une course circulaire sur le plancher, renversait les chaises, dispersait les vêtements, le tout en poussant des grognements épouvantables.

Et c’est alors que Jupiter sauta hors de son lit.

Il cria au secours.

Comme si sa voix avait excité les mystérieux visiteurs, ceux-ci s’étaient précipités vers lui en poussant des cris atroces.

Jupiter, bousculé, chancela, renversa le lit. Et ce fut le signal d’une scène horrible.

Le point d’appui qu’il cherchait lui avait fait défaut, Jupiter s’étala de tout son long sur le plancher en poussant des cris :

– Li être des diables…

Il criait et les chiens s’énervaient, se disputaient, sautaient, bondissaient. Jupiter s’étant dépêtré tant bien que mal de sa paillasse et des couvertures qui l’avaient à moitié enseveli dans leur écroulement, se trouva soudain nez à nez avec ses agresseurs :

– Li être pas des diables, fit-il, en soufflant un peu, li être des chiens.

C’étaient en effet les trois grands chiens du mystérieux cavalier – qui avaient bondi à l’intérieur de la case et réveillé le bon Jupiter. Par bonheur ces chiens n’étaient pas féroces. Jupiter qui venait d’enfiler un pantalon, constata qu’ils avaient l’air de se disputer quelque chose. Et soudain sa face s’éclaira : un farceur lui avait joué un mauvais tour. Mais qui pouvait être ce farceur ? Jupiter acheva de s’habiller, puis courut à la porte de sa case.

– Hello, cria-t-il, qui être là ? qui s’avoir moqué de Jupiter ?…

Une voix avait répondu :

– Par ici, Jupiter, par le sentier creux.

– Toi, être un farceur, mais moi attraperai toi et moi te tirer les oreilles ensuite.

Et il était beaucoup plus près de rire que de se fâcher. Jupiter d’ailleurs, à un rayon de lune, apercevait le sol du sentier. Il avait plu peu avant et des traces fraîches y apparaissaient. Des traces de fers de cheval…

Jupiter en conçut une violente colère…

– Toi être à cheval et moi à pied.

Mais il n’en continua pas moins à courir. Jupiter, quelques instants après courait même à perdre haleine, coudes au corps, tête basse, comme pris d’une terreur subite. Le noir, en effet, n’était pas rassuré. L’aventure se compliquait. Voilà qu’un nouveau coup de sifflet avait retenti dans la nuit, un coup de sifflet, auquel des aboiements avaient répondu. Jupiter qui tout d’abord n’avait imaginé qu’une très anodine plaisanterie, avait été fort effrayé de voir arriver, galopant vers lui et suivant le sentier creux, les trois chiens qu’il avait laissés dans sa case, en train de massacrer son mobilier.

Or, Jupiter, sans qu’il eût besoin de réfléchir longtemps, avait immédiatement compris la situation. Il était entre les chiens et leur maître. Il était dans un sentier encaissé où il avait juste la place de passer par endroits. Si les chiens voulaient le devancer, ils allaient infailliblement le renverser, le piétiner, le mordre peut-être.

Pour éviter semblable aventure, il détalait de toute la vitesse dont il était capable. Le noir par bonheur, avait une certaine avance sur ses poursuivants. Il atteignit bientôt la sortie du sentier, il déboucha sur la plateforme constituant le promontoire entouré par la mer…

– Ouf, fit-il.

Mais sentant les chiens sur ses talons, il n’en continua pas moins d’avancer.

Or, comme le noir avait parcouru une centaine de mètres, voilà qu’une découverte ahurissante le laissait immobile, muet de stupéfaction, cloué sur le sol, eût-on dit… De l’endroit où il était arrivé, Jupiter pouvait apercevoir la totalité ou presque du petit cap…

Jupiter était persuadé que là enfin il allait rejoindre celui qui lui avait joué la sotte plaisanterie dont il était victime, mais un coup d’œil lui avait permis de se rendre compte qu’aucun être humain ne se trouvait sur le promontoire. En revanche, quelque chose s’y voyait qu’à coup sûr le noir ne s’attendait pas à trouver.

– Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ?

Et c’est à pas précautionneux que Jupiter s’approcha d’une lanterne. Oui, d’une lanterne toute allumée, posée sur le sol et qu’il venait de découvrir. Jupiter n’était plus qu’à quelques mètres de la mystérieuse lumière, quand soudain il s’arrêta, se retourna :

– Et les chiens, fit-il, où li être ?

Les chiens débouchaient du sentier. Jupiter pensa fuir plus loin, mais à ce moment un nouveau coup de sifflet retentit et après avoir marqué un temps d’hésitation, les braves bêtes, d’un seul mouvement, abandonnaient la poursuite du noir, pour bondir à travers les rochers et disparaître dans la nuit.

– Moi, pas comprendre. Pas comprendre du tout, murmura Jupiter qui, haletant encore, essoufflé par sa course rapide, sentait ses jambes vaciller sous lui…

Et, débarrassé des chiens, il recommença de s’avancer vers la lanterne. Le brave noir fit quelques pas, puis, soudain lança un véritable gloussement de joie…

Jupiter venait d’apercevoir, posé sur le sol, près d’elle, dans la lueur jaune de ses rayons un portefeuille, un portefeuille rouge. Que contenait-il ? Jupiter avidement ramassa la pochette, l’ouvrit et roula des yeux joyeux et effarés. De ce portefeuille il venait de tirer toute une liasse de billets de banque.

De longues minutes durant, Jupiter demeura immobile, ahuri, cherchant à rassembler ses idées. Les chiens… le cavalier… les sifflets… la lanterne… les billets de banque… tout cela lui tourbillonnait dans l’esprit. Et puis il comprit…

Et pris d’une envie impérieuse de manifester son contentement devant ce coup du sort qui lui permettait de rentrer ainsi, à une heure où il ne s’y attendait certes pas, en possession de la petite fortune dont il avait été dépouillé, Jupiter dansa une gigue effrénée.

***

– On ne passe pas.

– Moi, pas pouvoir passer ?

– Non, je vous dis qu’on ne passe pas.

– Mais pourquoi ? Moi être Jupiter, le noir…

– Oui, oui, ça va bien. Vous êtes l’homme qui s’est sauvé du bateau.

– Moi, m’être sauvé du bateau ?

– Allons, allons, fais pas l’imbécile. Si tu avances d’un pas, mes hommes tirent sur toi, c’est compris ?… vous autres en joue…

Il était décidément écrit, sur les tables que le malheureux Jupiter n’aurait pas une minute de paix.

Comme il avait enfin serré dans sa poche le portefeuille si mystérieusement retrouvé, voilà qu’au débouché du promontoire il se heurtait à une troupe de soldats qui, commandée par un jeune officier, lui interdisait absolument de quitter la presqu’île.

Et le brave noir, sentait croître en lui, en même temps qu’une grosse envie de fondre en larmes, une colère furieuse qui lui faisait serrer ses énormes poings et les brandir dans un geste de menace.

Mais s’il ne comprenait rien aux paroles de l’officier, Jupiter en revanche, saisissait fort bien la signification du geste des soldats…

Voilà qu’on le couchait en joue ?

Tournant sur ses talons, Jupiter s’enfuit en courant. Puis une formidable explosion retentit.

Jupiter, d’effroi s’en étala de tout son long sur le sol…

Il y resta quelque temps sans oser bouger. Il se demandait à lui-même s’il était mort. Mais il avait si peur qu’il se rendit à l’évidence qu’il était vivant. Il tourna la tête, il regarda dans la direction où devaient être les soldats. Il murmura :

– Li ont fait sauter un rocher pour empêcher que pauvre noir passe. Alors ? Alors, moi être prisonnier ?

Jupiter ne se trompait pas.

12 – AMOUR… AMOUR

Comme tous les mercredis, Winifred recevait ce jour-là.

La propriété de Hans Elders était réputée parmi les plus élégantes de la banlieue de Durban. On y trouvait des hôtes aimables et accueillants.

C’est pourquoi les réceptions de Winifred Elders étaient toujours très suivies. On arrivait vers trois heures, et ceux qui venaient de loin trouvaient élégamment servi un thé copieux, que l’on prenait, soit sous les ombrages du jardin, soit dans le jardin d’hiver, puis, tandis que les personnes d’un certain âge s’installaient dans les fauteuils d’osier pour deviser des potins et des affaires, les jeunes gens, plus actifs s’adonnaient aux joies du tennis, voire même à celles du golf, jusqu’à la nuit tombante.

Ce mercredi-là, en dépit d’une température exquise et d’un soleil radieux, la réception de Winifred Elders ne présentait pas le caractère de gaieté et d’entrain qui lui était habituel.

– Enfin, interrogea miss Edith, fille d’un haut fonctionnaire, croyez-vous à cette histoire, colonel, et devons-nous nous inquiéter ?

– Hélas, mademoiselle, répondit le militaire, la situation est grave.

– Colonel, vous êtes comme le sphinx, vous parlez par énigmes, un peu de lumière s’il vous plaît.

– Ma foi, madame, le British Queen, ce beau steamer arrivé hier d’Angleterre, n’a pas obtenu des autorités du port la permission d’accoster, et cela, parce qu’une épidémie s’est déclarée à bord. La quarantaine est d’ailleurs décidée.

– Une épidémie ? mais de quoi ?

Le colonel expliqua à voix basse, d’un ton ému :

– C’est la peste, dit-on, qui est à bord du British Queen, elle aurait déjà fait de terribles ravages.

Un mouvement de stupeur succéda aux déclarations de l’officier.

Un jeune fonctionnaire, attaché à la chancellerie et qui était, lui aussi, au courant du drame, annonça autour de lui, sur un ton de suffisance rassurée :

– Il ne faut pas, mesdames, vous effrayer outre mesure et tout fait croire que le terrible fléau n’arrivera pas jusqu’à nous. Les précautions sont prises pour empêcher, même par la force, la moindre tentative de débarquement que voudraient essayer les malheureux pestiférés.

– Dieu soit loué, fit une vieille dame, nous serons sans doute épargnés. Si la peste éclatait à Durban, ce serait effroyable.

Mais le colonel Morriss, un pli soucieux au front, intervint à nouveau dans la conversation.

– Il va falloir prendre les plus grandes précautions. Certes, nous voulons tous espérer que la sinistre maladie ne touchera pas le sol de l’Afrique, mais il n’est pas moins certain que les douaniers ont signalé sur le bord des côtes la présence d’un naufragé sans doute, qui peut-être provient du British Queen… Il a reçu l’ordre, mesdames, déclarait l’officier de ne point quitter le rocher isolé de la falaise sur lequel il est venu aborder. Les troupes le gardent à vue et à distance.

– Quel genre d’homme ?

Le colonel haussa les épaules, esquissa un geste vague.

– On ne sait pas très exactement. On ne l’a vu que de loin. Il semble que ce soit un homme de couleur.

– Si c’est un noir, dit miss Edith, il n’y a absolument qu’à le tuer…

Le père de Winifred Elders, Hans, le chercheur de diamants, sur ce, avait entraîné l’officier dans le petit cabinet de travail qu’on connaît déjà.

– Eh bien, colonel, fit-il, qu’avez-vous décidé pour ce malheureux lieutenant ?

– Le lieutenant Wilson Drag est actuellement aux arrêts, à la caserne. D’ici quelques jours le conseil de guerre interviendra pour se prononcer sur son compte. C’est une affaire regrettable.

Hans Elders, hypocritement baissa la tête :

– C’est bien malheureux, en effet, colonel, surtout pour moi, pour ma fille. La pauvre enfant se remettra-t-elle jamais de cette émotion ?

D’un geste apitoyé, Hans Elders désignait à l’officier, Winifred qui passait, accompagnée d’un jeune homme, avec lequel elle s’entretenait, devant la fenêtre grande ouverte.

En réalité, la jeune fille n’avait pas l’air accablée outre mesure.

La jeune fille se promenait depuis une heure environ avec un jeune homme élégant, aux manières distinguées, à l’allure enjouée, et qu’elle connaissait depuis peu. La jeune fille ne le quittait plus. C’était un nouveau venu dans le petit groupe des habitués de Diamond House, et Winifred aimait beaucoup à faire de nouvelles connaissances.

Son nouveau chevalier servant était d’ailleurs, d’une personnalité suffisamment nouvelle et originale, pour bénéficier légitimement des frais que faisait la jeune fille à son égard.

C’était un étranger, un homme plein de charmes, et qui venait de ce pays prestigieux : la France, de cette capitale mondiale : Paris. Le jeune homme en question, n’était autre que Jérôme Fandor. Après l’affaire du National Club, il avait été présenté par Teddy, à diverses personnalités mondaines, comme étant un riche touriste, et on l’accueillait bien. Hans Elders l’avait même invité.

– C’est un mauvais début pour vous, monsieur, disait Winifred, arriver dans notre pays au moment où il est menacé du plus terrible des fléaux.

– Mon Dieu, mademoiselle, répliqua Fandor, il faut savoir prendre les choses comme elles viennent, et je vous avoue que j’admire vos réactions. Les hommes ont à peine tressailli, n’en ont pas moins continué à fumer leur cigare, les dames ont pris leur thé, comme si de rien n’était, et la partie de tennis ne s’est pas arrêtée.

– Vous croyez, monsieur, que nous sommes des gens froids ?

– Il doit y avoir des exceptions, mademoiselle, dit Fandor, avec un regard appuyé.

Winifred supporta hardiment le regard du journaliste :

– Alors, dit-elle, le Natal vous plaît ?

– Oui, fit Fandor, beaucoup…

– Cela m’étonne. Nous devons vous paraître des sauvages auprès de vos élégantes et gracieuses Européennes, auprès surtout de ces fameuses Parisiennes. Elles sont si jolies. Elles ont un tel chic…

– Je ne voudrais pas médire de mes compatriotes, mais je vous assure, mademoiselle, qu’il y a des femmes aussi charmantes, aussi spirituelles ailleurs.

Winifred rougit et Fandor se dit :

– Après tout, pourquoi ne serais-je pas, moi aussi le « flirt » de cette jeune fille ?

Elle était, en effet, très séduisante cette jolie brune, au teint velouté, à la belle chevelure noire et abondante, à la taille cambrée, à la silhouette majestueuse.

Winifred paraissait légèrement émue de l’admiration muette dont elle se sentait l’objet.

Ils continuèrent tous deux à s’éloigner de la maison, ils s’avancèrent dans une allée étroite, aux senteurs parfumées, à l’air frais, pleine d’ombre.

***

Fandor, de plus en plus intrigué par les événements et les mystères autour de Hans Elders et de sa famille, avait désiré faire plus ample connaissance avec le riche chercheur de diamants.

Or, voilà qu’il était dans la place et qu’il commençait même à se gagner l’intimité de la fille de la maison. Certes, il n’en abuserait dans aucun sens, mais enfin il était bon d’appartenir à l’intimité de ceux qu’il voulait étudier.

Si Fandor avait pu découvrir Fantômas, et s’il avait eu des nouvelles de Juve, il aurait été fort heureux. Hélas, Fandor aurait-il jamais le loisir de se reposer, la tranquillité d’esprit pour faire un retour sur soi-même, et de songer à l’avenir en considérant son passé ?

Les aventures les plus extraordinaires étaient son pain quotidien. Lorsqu’il n’était pas le héros de drames ou de cataclysmes, c’était autour de lui que naissaient les mystères, que se développaient des intrigues auxquelles il était forcé de participer, bon gré, mal gré.

La dernière aventure dont il avait été le témoin et le héros, celle du National Club, était encore fort mal élucidée dans l’esprit de Fandor.

Le journaliste se demandait toujours quel pouvait bien être le vrai coupable.

Certes, il avait foi dans les déclarations de son ami Teddy. Mais la grosse question pour lui, c’était de savoir quelle était la part respective de culpabilité de Hans Elders et du lieutenant Wilson Drag. Quel but ils avaient visé chacun de leur côté. Et la fameuse et sinistre tête de mort ?

Fandor, en venant à la réception, avait quelque peu redouté des questions indiscrètes ou gênantes, car assurément l’algarade de l’avant-veille au National Club, pouvait être connue.

Elle l’était, en effet, mais heureusement pour Fandor l’actualité qu’il constituait personnellement était reléguée au second plan, par une nouvelle plus troublante, plus récente aussi : la peste à bord du British Queen.

***

Fandor et Winifred, peu à peu s’étaient éloignés du reste des invités, dans le jardin.

Et voici qu’ils se trouvaient seuls, en plein bois, au milieu du grand silence africain.

Fandor considérait la jolie brune avec émotion. Entreprenant, audacieux, le jeune homme, qui, non seulement se laissait aller à un penchant naturel, mais qui éprouvait en outre un vif désir de savoir jusqu’à quel point la jeune fille était fidèle au souvenir du lieutenant, se rapprocha d’elle.

Dans un élan passionné, il prit sa main dans les siennes.

– Monsieur, dit Winifred, d’une voix étouffée, que faites-vous, je vous prie ?

Winifred, toutefois ne retirait pas sa main. Mais soudain, la jeune fille poussa un cri et Fandor s’arrêta net.

Winifred, au surplus s’arracha brusquement à son étreinte et disparut en courant, laissant Fandor, en tête à tête avec un tiers qui venait de surgir du plus épais de la forêt.

Teddy.

Teddy à cheval et qui, de la pointe de sa cravache frappait sa botte molle.

Fandor qui avait redouté l’irruption de quelque personnage auquel il aurait fallu fournir des explications, poussa un soupir de soulagement.

– Parbleu, fit-il, Teddy, mon ami, vous êtes joliment malin, j’ai la prétention d’avoir l’oreille exercée, mais je ne vous ai pas entendu venir.

– Vous étiez fort occupé, répliqua Teddy d’un petit ton sec, cependant qu’il fixait sur Fandor ses grands yeux noirs, brillant d’un éclat singulier.

– Le fait est, reconnut Fandor que je ne m’ennuyais pas du tout. Cette mademoiselle Elders est une charmante jeune fille, un peu coquette, peut-être, mais elle vous a une grâce, un entrain, un charme.

– Je vous en prie, interrompit Teddy, il est inutile de m’énumérer ses qualités, je suppose que vous les connaissez déjà. D’ailleurs, ce n’est pas pour vous entretenir de Winifred que je suis ici. Je venais vous prévenir…

– Quoi de nouveau ?

– Jupiter a retrouvé son argent, ainsi que je vous l’avais annoncé. Vous voyez Fandor que je ne suis pas un menteur. L’argent que je possédais l’autre soir n’était donc pas celui du noir.

Les yeux du jeune cavalier s’étaient remplis de larmes.

– Au fond, déclara Fandor, je ne vous ai jamais soupçonné Teddy. Tant mieux, si le noir a retrouvé son argent, il ne nous reste plus maintenant…

– Il l’a retrouvé par mes soins, par ma volonté, loin d’ici, au bord de la mer, sur la côte. Avez-vous revu Jupiter depuis ?

– Ma foi non, fit Fandor… Ah ça, mais il faudrait tout de même savoir, Teddy… Le colonel Morriss parlait tout à l’heure d’un homme que l’on croyait échappé du British Queen et que l’on garde à vue sur les récifs de la falaise. Un noir, paraît-il, ne serait-il pas. Est-ce le pauvre Jupiter ?

Teddy semblait frappé par la coïncidence.

– Vous devez avoir raison, Fandor, déclara-t-il, mon Dieu ce ne serait pas de chance.

– Où allez-vous, interrogea Fandor… vous partez déjà ?

Teddy s’éloignait en effet.

– Je vois aux nouvelles, je vais voir Jupiter, il faut que je tire ça au clair.

– Sapristi, s’écria Fandor, ne vous sauvez donc pas comme ça. J’irais bien avec vous.

Teddy, déjà loin, s’arrêta pour crier au journaliste :

– Vous serez beaucoup mieux ici, mon cher. Vous irez faire la cour à Winifred. Amusez-vous bien, amusez-vous bien.

Et Teddy, enfonçant rageusement les éperons dans les flancs de la bête, disparut dans les fourrés.

Fandor demeura songeur un instant.

Il se décida ensuite à retourner à Diamond House, où évidemment l’avait précédé la charmante Winifred…

– Oh ! oh ! pensait Fandor lorsqu’il eut regagné le jeu de tennis devant lequel on prenait le thé, oh ! oh ! décidément, mon petit ami Teddy a quelque chose qui le turlupine. Mais quel est l’organe attaqué ? Est-ce le cerveau ou est-ce le cœur ?


    Ваша оценка произведения:

Популярные книги за неделю