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La fille de Fantômas (Дочь Фантомаса)
  • Текст добавлен: 21 октября 2016, 18:45

Текст книги "La fille de Fantômas (Дочь Фантомаса)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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Mais, et cela c’était ce qui surprenait le plus Fandor, tandis que Hans s’élançait en courant, criant de toutes ses forces :

– Hardi, tenez bon, me voilà.

Teddy effectua une étrange manœuvre…

Fandor, toujours dissimulé sur le sol et caché par un massif, s’aperçut que le jeune homme, loin d’attendre Hans Elders – qu’il avait appelé – se baissa, rampa presque et prenant garde à ne pas faire le moindre bruit, évitant de rencontrer Hans, se dirigea vers le cabinet de travail, y entra.

– Ah ça, pensa Fandor, mais c’est clair, je ne peux pas m’y tromper. Que diable veut faire mon ami Teddy ? Il a attiré Hans volontairement hors du cabinet de travail. Il le laisse tout seul se débrouiller au jardin et, lui, revient vers la maison.

Fandor n’hésita pas. À son tour, il se leva, il courut vers la maison…

Hélas, les fenêtres du cabinet de Hans Elders étaient maintenant fermées par d’épais volets en fer, mais sur ces volets des motifs de décoration existaient, des rosaces de fleurs ajourées. Fandor regarda au travers d’une de ses ouvertures et cette fois, il sentit qu’une sueur froide lui perlait aux tempes.

Teddy, à peine dans la pièce, avait bondi au petit meuble à cartouches. D’une main fiévreuse, il s’empara des cartouches roses… Il en déchira une, il tira la bourre, une bourre de papier, il la déplia, la regarda, et tandis que Fandor blêmissait, Teddy, à l’intérieur de la pièce, blêmissait aussi, la cartouche contenait un billet de mille francs.

Alors Teddy se hâta davantage. Il déchira deux nouvelles cartouches roses, deux cartouches qui, elles aussi, étaient bourrées de billets de banque…

– Bon Dieu de bon Dieu, se demandait Fandor. Qu’est-ce que tout cela veut dire ? Qu’est-ce que Teddy va faire ?

Ce que Teddy faisait était bien simple…

Fandor le vit prendre tout le paquet des cartouches roses et le mettre dans sa poche, après avoir rompu la ficelle toutefois et s’être assuré que nul ne pourrait s’apercevoir de son vol.

Alors Fandor absolument stupéfait hurla :

– Ah le voleur.

Peut-être même le journaliste victime de son impétuosité naturelle allait-il se précipiter et bondir sur Teddy, lorsqu’un nouveau personnage pénétra dans le cabinet de travail. C’était Hans Elders qui revenait du jardin où il n’avait vu personne. Il avait dû frôler Fandor pour gagner la porte-fenêtre et le journaliste frissonna à la pensée du danger qu’il avait ainsi couru.

– Bigre, je l’ai échappé belle !…

La porte était entrebâillée, Fandor entendit Teddy, très calme, assurer au maître de la maison :

– Oui, oui, j’ai tiré sur quelqu’un. C’est pour cela que je vous ai appelé. Et si vous ne m’avez pas trouvé, c’est que j’ai bondi ici parce qu’il me semblait que le voleur avait pénétré dans cette pièce au moment même où vous veniez de sortir.

Hans Elders pâlit :

– Un voleur, ici, fit-il. Mais que voulez-vous…

Hélas Fandor n’en entendit pas davantage.

Teddy, d’un coup de pied, venait de fermer la porte et force était bien au journaliste de se contenter de voir les deux hommes sans pouvoir écouter ce qu’ils disaient… Mais, demeuré à son poste d’observation, apercevant Teddy et Hans Elders s’entretenir, certes, avec vivacité, mais à coup sûr sans animosité. Fandor subitement crut comprendre :

– Ah nom d’un chien de nom d’un chien, de tout cela une seule chose résulte, en somme, c’est que si Hans Elders est une crapule, ce qui est bien possible, Teddy en est une autre et cela de façon certaine.

Puis, après un instant de réflexion, Fandor ajouta :

– Mais alors, si Teddy est un voleur, j’ai bigrement tort de me confier à lui ? Qui me dit qu’il n’a pas l’intention de m’attirer dans un traquenard ? Décidément, je crois que je ferais mieux de ne pas revoir cet intéressant garçon et surtout que j’ai tout intérêt à ne pas rester à cette chercherie. Je devine des pièges.

Et Fandor quitta la fenêtre, sortit du jardin, se perdit dans la nuit.

9 – PAROLE D’HONNÊTE HOMME DE FANTÔMAS

Le British Queen, grand steamer aux flancs blancs, à la croupe arrondie, voguait à travers l’Atlantique, laissant derrière lui un long remous saupoudré d’écume.

Le navire était parti avec la marée de l’après-midi du port de Southampton, et désormais, forçant ses feux, il prenait toute sa vitesse au confluent de la Manche et de l’Océan, puis il pointait vers le Sud.

Il devait s’arrêter quelques heures aux îles du Cap Vert, déposer ensuite un certain nombre de passagers sur la côte occidentale de l’Afrique, puis il piquerait vers le sud, traverserait l’Équateur pour s’arrêter encore au Cap de Bonne-Espérance.

Enfin, il remonterait dans l’Océan Indien jusqu’à Durban, port du Natal, où s’achèverait sa grande randonnée.

***

Le British Queen était un des superbes bateaux qui font le service des voyageurs et relient régulièrement la métropole anglaise avec ses colonies du sud de l’Afrique. Sa vitesse était remarquable et son aménagement intérieur comportait les derniers perfectionnements.

Trois ponts superposés permettaient de recevoir des passagers de trois classes différentes.

 L’ingénieux agencement évitait de les faire communiquer entre eux.

Pendant ce voyage, les passagers des « premières » allaient pouvoir apprécier le répertoire varié d’un excellent orchestre de dames autrichiennes qui se rendaient au Transvaal où elles avaient de brillants engagements, et qui avaient bénéficié d’une réduction sur le prix du voyage, en promettant de prêter leur concours quotidiennement et d’assurer la distraction des voyageurs en les inondant de flots d’harmonie.

La clientèle des premières classes était élégante et nombreuse.

Elle se composait en grande partie de fonctionnaires et d’officiers partant avec leur famille pour les colonies et l’on trouvait à bord un appoint très important de jeunes gens et de jeunes filles qui ne tarderaient pas à faire connaissance et à imaginer toutes sortes de distractions pour charmer les longues heures de loisir que laissent les traversées.

On sait d’ailleurs combien sont profitables aux jeunes générations ces grands voyages quelque peu monotones au cours desquels il est loisible de se connaître, de s’apprécier. C’est à bord des longs courriers que se nouent souvent des intrigues, que se créent des sympathies, que s’ébauchent des amours et dans bien des occasions, avant l’arrivée, des mariages sont décidés.

La France a l’Opéra-Comique pour les entrevues de fiancés, les sujets du Royaume-Uni d’Angleterre enchaînent volontiers leur liberté après des traversées pendant lesquelles ils ont su distraire leur neurasthénie et découvrir l’âme sœur.

***

Le British Queen avait quitté Southampton depuis quelques heures. Le crépuscule projetait des lueurs flamboyantes sur l’immensité paisible de l’océan, lorsque dans le couloir bâbord des passagers de première classe, côté impair, un homme élégant, distingué, s’approcha du domestique qui avait charge des cabines de cette section :

– M. Duval, demanda-t-il, est-il chez lui… au 91 ?

Le steward avait déjà fait connaissance avec la plupart de ses patrons temporaires. Il avait la grande habitude de son métier et, fort perspicace, expert à reconnaître les gens qu’il n’avait vus qu’une fois, il identifiait déjà tout son monde.

– M. Duval n’est pas encore revenu dans sa cabine. Toutefois, il doit être à bord, ses bagages sont placés. Qui devrai-je annoncer lorsque M. Duval reviendra ?

L’interlocuteur donnait son nom, en esquissant un sourire de satisfaction :

– Vous direz que c’est M. Smith.

Le domestique s’inclina.

Puis, pour répondre à un coup de sonnette, il se préparait à quitter M. Smith, lorsque celui-ci le retint par le bras :

– Dites-moi mon ami, fit-il, réflexion faite, c’est inutile d’informer M. Duval de ma visite. Vous ne lui direz rien.

Pour être sûr que cet ordre serait exécuté, M. Smith donna un pourboire au serviteur et s’en alla.

De l’autre côté du bateau, dans la section tribord, une scène semblable se déroulait au même instant.

À une femme de chambre préposée au service des cabines, un homme d’un certain âge avait demandé :

– M. Smith est-il chez lui, cabine 92 ?

Et comme on lui répondait par la négative, le visiteur dissimulant mal un mouvement de mécontentement avait murmuré :

– Dès qu’il arrivera vous lui direz que M. Duval est venu le demander… ou… du moins… réflexion faite, ne lui dites rien, absolument rien.

Et pour être sûr que la consigne serait observée, le personnage qui s’était donné comme étant M. Duval, glissait une gratification dans la main de la soubrette.

Puis il était remonté paisiblement par l’escalier qui conduisait au pont supérieur.

Ces deux passagers évidemment n’allaient pas tarder à se rencontrer.

Encore que les paquebots transatlantiques soient de véritables villes flottantes, il est difficile de supposer que deux personnes les habitant soient incapables de s’y retrouver, à moins qu’elles n’y mettent une fort mauvaise volonté.

Quelques instants d’ailleurs après ces petits incidents qui sont les événements courants de la vie de bord, M. Duval revenait à sa cabine, il ne songeait pas à interroger le domestique chargé de son service et celui-ci, fidèle à la consigne donnée, s’abstenait de lui parler de la venue de M. Smith.

M. Smith toutefois, avait, lui aussi, regagné sa cabine, mais plus subtil sans doute que le voyageur qui était venu le demander, il questionnait la femme de chambre.

Et celle-ci, plus loquace, eu égard à son sexe, que son collègue masculin, répondait après quelques hésitations :

– Ma foi, monsieur, il est bien venu tout à l’heure un M. Duval vous demander, mais s’il vous en parle, ne lui dites pas que je vous ai annoncé sa visite, car il m’a recommandé de ne pas le faire.

M. Smith, très satisfait semblait-il, de cette déclaration, promit bien volontiers le secret à la soubrette.

Quels étaient ces voyageurs qui sans doute se cherchaient avec impatience, et semblaient aussi vouloir s’éviter ?

On s’en doutera peut-être lorsqu’on saura que Fantômas et Juve se trouvaient précisément l’un et l’autre à bord du British Queen.

Mais comment et pourquoi ces deux irréductibles adversaires avaient-ils commis l’imprudence de monter ensemble à bord du même navire ?

L’un d’eux ignorait-il la présence de l’autre, ou bien l’insaisissable bandit et le subtil policier s’étaient-ils entendus pour naviguer ainsi de conserve ?

***

… Quelques jours auparavant, Fantômas, fidèle à la promesse qu’il avait faite à Juve au moment de son pseudo-suicide, de revenir le voir, s’était rendu au domicile du célèbre policier.

Or, les deux hommes en tête à tête, entre quatre murs, avaient eu une longue conversation qui n’avait été suivie d’aucune tentative d’arrestation, aucune tentative d’assassinat.

Certes, les deux hommes au cours de leur entretien s’étaient tenus sur une prudente réserve et méfiés l’un de l’autre, mais en réalité les circonstances étaient telles qu’ils avaient été obligés de s’épargner mutuellement.

Fantômas tenait Juve par le secret du lieu où vivait Fandor.

Fantômas était tenu par Juve, car il avait besoin de son indulgence et de sa neutralité pour retrouver dans la région même où il savait Fandor, un être éminemment cher à son cœur. Et pour le découvrir il avait besoin de la complicité, tout au moins de l’inaction provisoire du célèbre policier.

Les deux hommes avaient donc conclu un pacte tacite et le premier épisode de leur action commune avait été de prendre passage à bord du British Queen, où Juve s’était inscrit sous le nom de Duval et Fantômas sous celui de Smith.

Ces adversaires, plus que jamais irréconciliables malgré tout, s’étaient mutuellement surveillés lors de l’embarquement. Ils ne s’étaient pas perdu de vue tout le temps que le navire avait mis à appareiller et c’était seulement une fois celui-ci hors de vue des côtes, qu’ils avaient tant soit peu relâché leur mutuelle surveillance.

Quelle allait être désormais leur existence pendant les vingt-deux jours de constante cohabitation qu’ils allaient vivre à bord du paquebot ? Malgré les promesses échangées, Fantômas redoutait la colère de Juve, et Juve se méfiait de la mauvaise foi de Fantômas. L’un et l’autre peut-être, dès le lendemain du départ, avaient d’excellentes raisons pour se confirmer dans leurs inquiétudes respectives, car après la scène des cabines, ils cessèrent complètement de se voir.

Fantômas était devenu introuvable et Juve avait disparu. L’on se demandait même dans le voisinage de leurs cabines, qui pouvaient bien être cet étrange M. Duval et ce bizarre M. Smith, car ni l’un ni l’autre n’occupaient leurs appartements respectifs.

***

À quelques jours de là, cependant qu’au lointain s’estompaient les côtes du Portugal et que la chaleur de plus en plus vive annonçait l’approche de l’Afrique, deux hommes, dans l’entrepont, étaient accoudés sur la main courante qui permettait de se pencher sur la chambre des machines.

C’était un matelot anglais, un type de vieux loup de mer à la barbe grise en collier, au teint brique hâlé par la brise et un individu aux allures de cocher de bonne maison qui, profitant, semblait-il d’un certain loisir, avait négligé de faire la toilette de son visage et d’être rasé ainsi qu’il convient.

Les deux hommes venaient de lier connaissance et s’entretenaient cordialement.

– Moi, déclarait le matelot, j’en ai encore pour deux jours, car nous allons arriver aux Îles et j’y débarquerai.

– Je vais plus loin, assurait le cocher. Mon patron est vice-gouverneur du Sénégal, il m’a fait demander voici trois semaines. Nous reviendrons d’ailleurs bientôt en Europe.

Le matelot hocha la tête cependant qu’il considérait sournoisement son interlocuteur dont il identifiait difficilement les traits, vu la pénombre qui régnait dans l’entrepont.

Leur conversation, d’ailleurs, était rendue difficultueuse par le bruit des machines, qui, trépidantes et poussées à pleins feux, produisaient autour d’elles un vacarme aussi régulier qu’assourdissant.

Après une pause, le cocher interrogea :

– Ce sont des « compound », n’est-ce pas, à quadruple extension ?

– Oh oui, dit le matelot, sans aucun doute.

Le marin, tout en bourrant une pipe, dut écouter encore l’interrogation de son interlocuteur.

Celui-ci, préoccupé, semblait-il, du mécanisme de la machine à vapeur, interrogeait :

– N’entendez-vous pas des petits chocs qui semblent faire vibrer toute la mécanique ?

– Oh ! répliqua encore le marin, cela n’a aucune importance. Ces bruits sont très normaux dans des machines aussi puissantes que celles du British Queen.

– Très normaux, très normaux. C’est à savoir ? Ces chocs m’étonnent, ils n’ont pas l’air très naturels…

Le matelot haussa les épaules :

– Vous n’y entendez rien, la machine va très bien ; moi qui suis marin, je m’y connais, tandis que vous…

Le matelot dut interrompre sa déclaration car, au moment même où il parlait, des coups de sifflets stridents transmettaient des ordres à la chaufferie et, quelques instants après, une des machines ralentit, puis s’arrêta.

C’était précisément celle qui produisait le bruit insolite qu’avait remarqué le cocher.

Le cocher interrogea un quartier-maître qui passait et celui-ci expliqua :

– Vous avez raison, il y a en effet une légère avarie à la machine de bâbord. Ces claquements métalliques que vous avez entendus, proviennent soit d’un segment qui bouge, soit du piston qui est desserré. Mais ce n’est rien du tout.

Cependant que le matelot prenait une mine fort étonnée, le cocher lui mettait la main sur l’épaule, puis, se penchant à son oreille, il murmurait d’un ton ironique :

– Fantômas, il est inutile de chercher à m’illusionner plus longtemps. Voilà trois jours que je vous piste… Assurément, vous êtes merveilleusement grimé en marin et votre voix elle-même est méconnaissable, mais lorsqu’on prend la peau d’un personnage, il faut pouvoir en jouer le rôle d’une façon absolue. Or, mon brave matelot, vous ignorez complètement le moindre détail des machines à vapeur et c’est… un vulgaire cocher qui doit vous donner une leçon.

Fantômas, car c’était lui en effet déguisé en matelot, se mordait la lèvre, dissimulant son dépit, il répliqua :

– Cette leçon, je la reçois, non pas d’un vulgaire cocher… mais bien de mon adversaire… le policier Juve. Vous m’avez découvert… sans doute… je vous ai identifié aussi. Mais il ne me plaît pas que vous passiez votre temps à m’espionner. Vous avez ma parole d’honnête homme…

– Pardon, j’ai la parole de Fantômas. Ce n’est peut-être pas tout à fait la même chose.

Sur ce, les deux interlocuteurs furent séparés un instant par l’irruption dans l’entrepont d’une équipe de mécaniciens.

Cela suffisait pour leur permettre de disparaître chacun de son côté.

***

Pendant l’escale aux îles du Cap-Vert, Juve avait minutieusement surveillé les passagers qui descendaient à terre. Fantômas n’était pas dans le nombre. Depuis que le British Queen avait repris sa route vers le sud, Fantômas restait introuvable.

Depuis quelques jours, une petite personne blonde et menue était devenue la reine du bord. C’était une jeune préposée des Postes affectée à la télégraphie sans fil installée depuis peu sur le British Queen. Une vraie perle, puisqu’elle était la première employée femme ayant acquis son brevet de T. S. F. et autorisée à naviguer sur les transports publics. Pour la rareté du fait, on avait publié sa photographie et sa biographie dans les journaux de Londres.

Elle en était à son premier voyage.

Miss Dorothy était gentille, jolie. Elle présentait par sa profession même un attrait d’inédit qui lui attirait les hommages et les sympathies des hommes. Elle avait, de plus, pas mal de loisirs, beaucoup de liberté, car les dépêches étaient assez rares. Comme toute bonne Anglaise, elle flirtait volontiers.

On remarquait tout particulièrement les assiduités d’un vieil Américain aux allures de milliardaire paraissant fort épris de la jeune personne. Mais Juve, qui surveillait de loin ce petit manège, n’avait pas tardé à percer à jour la personnalité du vieux beau en question. Il s’en était fait reconnaître au cours d’une effroyable tempête qui avait débarrassé du pont la plupart des passagers.

Fantômas paru affecté d’être ainsi découvert.

– Juve, proposa Fantômas en mettant dans ses paroles un accent de sincérité véritable, Juve, ces plaisanteries ne sont pas dignes de nous… Agissons à visage découvert… vous vous méfiez de moi et moi je me défie de vous… c’est une affaire entendue… mais, s’il vous plaît, demeurons désormais à la face de tous M. Duval et M. Smith. Nous n’avons plus que quelques jours à vivre sur ce paquebot et, lorsque nous serons à terre, fidèle à ma promesse, je retrouverai Fandor. Fidèle à la vôtre, Juve, vous me laisserez alors toute liberté pour les recherches que je compte faire.

– À la condition, Fantômas, avait répliqué Juve, que vous vous conduisiez en honnête homme.

– C’est une affaire entendue, j’ai souscrit à cette trêve – trêve temporaire, bien entendu, – je ne faillirai pas à mes engagements.

***

Hélas, on ne pouvait rien attendre de bon de l’insaisissable bandit et Juve avait bien raison d’être perpétuellement sur ses gardes.

Depuis la tempête, Fantômas n’avait certes pris aucun nouveau déguisement, il était bien M. Smith comme il l’avait promis, mais voici que ce M. Smith, surveillé par Juve sous la personnalité de M. Duval, se livrait à de perpétuelles et à d’étranges incursions dans les flancs ténébreux du navire.

Les cales engloutissaient le bandit pendant des heures entières et Juve ne parvenait que rarement à retrouver ses traces, et en tout cas il ignorait toujours à quelle besogne se livrait Fantômas. Juve n’était pas tranquille.

Un soir, alors qu’il circulait dans les soutes, Juve se trouva soudain en présence d’un malheureux au fond d’un réduit, les chaînes aux mains et aux chevilles. C’était un chauffeur du bord qui venait d’être condamné à huit jours de fers, pour refus d’obéissance après boire.

– Dites-moi, demanda Juve, au prisonnier, et sans prendre d’autre formule plus protocolaire, n’aimeriez-vous pas mieux aller et venir libre dans les cales et gagner dix schillings par jour ?

Le chauffeur eut un regard de stupéfaction :

– Parbleu, déclara-t-il, vous êtes le bon Dieu ou alors un fou, pour me faire une telle question. Donnez-moi donc ma liberté et une demi-livre sterling. Vous verrez bien alors si je préfère ça.

– Minute, dit Juve, en échange de ces avantages je demande un service…

Mais l’homme, d’avance, consentait à tout, surtout qu’il venait de voir son étrange sauveur ouvrir l’anneau de fer dans lequel son bras était maintenu, avec une habileté consommée de geôlier ou pour mieux dire de policier expert.

Juve précisa ses intentions.

Il s’était renseigné sur le nom et le rôle du prisonnier, il savait, qu’embauché depuis quelques jours seulement au cap de Bonne-Espérance, il était à peine connu de ses compagnons.

Juve pouvait donc parfaitement prendre sa place sans éveiller le moindre soupçon. En échange, l’individu libéré devrait perpétuellement errer dans les cales et lui faire chaque soir un compte rendu exact de ce qu’avait fait un certain M. Smith auquel Juve déclarait s’intéresser tout particulièrement.

Le chauffeur, une intelligente fripouille, avait parfaitement compris ce dont il s’agissait.

Il assurait avoir des qualités d’agilité et d’adresse qui lui permettraient de remplir à merveille sa mission.

Et Juve s’applaudissait d’avoir trouvé ce subterfuge consistant à disparaître complètement de l’horizon de Fantômas, ce qui ne l’empêcherait pas, bien au contraire, de savoir exactement ce que faisait le sinistre bandit.

Juve avait donc pris la place du prisonnier et patiemment il attendait les résultats de sa nouvelle ruse.

Le premier soir le rapport avait été sans présenter un bien vif intérêt, mais le lendemain le chauffeur libéré par Juve revint auprès du faux prisonnier pour lui raconter la scène extravagante dont il avait été le témoin.

– J’ai encore vu ce M. Smith, déclara-t-il, près de la soute aux provisions de farine. Il avait mis des pièges ce matin. Ce soir naturellement il y avait des rats dedans.

– Des rats. Qu’en a-t-il fait ?

– Mais pas grand’chose, monsieur, du moins à ce que j’ai pu comprendre. Il m’a semblé pourtant qu’il les piquait.

– Avec quoi ? avec un couteau, une aiguille ?

– Avec une sorte de seringue terminée par une pointe.

– Et qu’ont fait les rats ?

– Après ces piqûres, ils sont restés immobiles comme étourdis, mais cela n’a pas duré longtemps, les rats se sont réveillés, ils se sont mis à bouger, mais ils avaient l’air très fatigués.

– Et alors… après ?

– Eh bien, après, ma foi, monsieur, je ne sais pas, M. Smith en a lâché quelques-uns qui sont repartis dans les cales du navire.

– C’est bon, fit Juve, continuez à me tenir au courant.

Le lendemain matin, le policier, à sa grande surprise, ne reçut pas la visite du chauffeur, et l’après-midi se passa sans qu’il le vît apparaître. Que diable était-il devenu ?

Juve se demandait anxieusement si Fantômas n’avait pas éventé le stratagème, si le chauffeur n’avait pas commis quelque imprudence, si les autorités ne s’étaient pas aperçues qu’il était libre.

Juve avait d’ailleurs rejeté cette dernière supposition, car si l’on savait le chauffeur évadé de ses fers, rien n’était plus simple que de venir l’y remettre.

Or, nul n’était venu.

Juve, toutefois, alors qu’il faisait ces réflexions, tressaillit à un bruit suspect : il entendait les pas lourds de deux hommes s’acheminer vers son cachot.

Ce cachot était une sorte de soupente que fermait une grille par laquelle un matelot indifférent, venait chaque jour lui apporter sa nourriture.

Le matelot, d’ailleurs, ne s’était jamais douté de la substitution qui avait été faite, pour cette bonne raison qu’elle s’était effectuée une heure après l’incarcération du véritable condamné, et que l’homme affecté à sa surveillance n’avait en réalité connu que Juve dans les fers.

Deux hommes venaient en effet. Juve les reconnut à la lueur de la lanterne dont ils s’éclairaient.

C’étaient le commissaire du bord accompagné d’un quartier-maître.

L’officier s’adressait au prisonnier :

– Vous bénéficiez, déclara-t-il nerveusement, d’une remise de votre peine… Il se passe des choses ennuyeuses à bord et on a besoin de tous les hommes… Sortez, allez à la douche et retournez à la chaufferie.

En un clin d’œil, le quartier-maître rendait à Juve sa liberté que le policier, d’ailleurs, aurait pu reprendre lui-même depuis longtemps déjà s’il l’avait voulu.

Intrigué par les propos qu’on venait de lui tenir, Juve, après être allé se nettoyer, ne se rendit pas à la chaufferie, mais remonta à sa cabine et là, dans le couloir, alors qu’il se demandait comment il expliquerait son absence dans son entourage, sa réapparition passa inaperçue, car un affolement général régnait.

Juve s’approcha des groupes où, sans souci des formules de politesse et de correction, on s’entretenait, on pensait tout haut, on gémissait ensemble.

Certes, le British Queen ne présentait plus l’aspect élégant et joyeux qu’il avait au départ de Southampton, on n’entendait plus les vibrants accents de l’orchestre des dames autrichiennes. Les rires s’étaient tus.

Quel cataclysme était donc venu s’abattre sur les habitants du superbe steamer ?

La peste avait éclaté à bord.

Deux cas du terrible fléau avaient été découverts le matin même. Le soir il y en avait vingt-cinq et la mort par dix fois avait effectué son œuvre irrémédiable.

Dans un morne silence plein d’angoisse et de terreur, le British Queen s’avançait longeant les côtes de l’Afrique du Sud, remontant désormais dans la direction du terminus de son voyage, vers le port de Durban.

On prévoyait encore trois jours de mer après quoi l’on serait sauvé, on se procurerait des médecins. Sans doute on pourrait enrayer le fléau. Le capitaine du bord, sans perdre la tête, avait d’ailleurs fait prendre les précautions sanitaires les plus rigoureuses. Sur ses ordres formels, on avait précipité à la mer les cadavres encore chauds des pestiférés. Dès qu’un cas de fièvre suspect se manifestait, on reléguait le malade dans une partie consignée du navire, en dépit des protestations des parents, des amis.

Cette grande ville flottante, où l’on vivait jusqu’alors sur le pied d’une cordiale intimité, s’était soudain transformée en une place forte soumise aux rigueurs de la guerre.

Juve faisait de son mieux pour passer inaperçu. Il craignait de tomber victime du fléau, avant d’avoir retrouvé Fandor et mené à bien sa mission, et il était malade de rage à la pensée de l’être abominable qui avait, sans nul doute, déchaîné le fléau. L’auteur du ravage actuel, le responsable de ces morts qui se multipliaient chaque jour dans la partie maudite du navire, c’était sûrement Fantômas.

Juve comprenait maintenant l’épisode étrange des rats qu’était venu lui rapporter le chauffeur. C’était Fantômas qui avait eu l’épouvantable idée d’inoculer à ces vilaines bestioles le fléau qu’elles ne devaient pas tarder à propager avec le succès qu’on a dit.

Depuis, qu’était devenu Fantômas ?

Selon toute prévision, le sinistre bandit avait pris ses précautions pour n’être pas atteint du mal qu’il avait provoqué.

À coup sûr, il avait voulu supprimer Juve, et lâchement, au lieu de l’attaquer face à face, il avait semé la mort anonyme, ravi d’entraîner dans la mort, outre son ennemi, tant de personnes innocentes.

Où était Fantômas ?

À la vérité, Juve éprouvait quelque difficulté à se renseigner. Le policier en effet, s’était juré de faire l’impossible pour sauvegarder sa propre existence, il possédait dans sa cabine un certain nombre de conserves qu’il espérait indemnes de la contamination. Profitant du désarroi qui régnait à bord, il avait cherché à s’isoler et il était parvenu à s’introduire dans une des chaloupes suspendues aux porte-manteaux au-dessus du premier pont.

Dans cette cachette élevée, Juve était séparé du navire. En outre il se trouvait à l’avant, à l’abri des émanations malsaines qui provenaient de l’arrière où se trouvaient groupées, parquées, les victimes de la peste. Juve toutefois ignorait, ainsi séparé du monde, ce qui se passait à bord.

C’est ainsi qu’il ne savait pas que la veille du jour où la peste s’était déclarée, alors qu’on passait à proximité du Cap des Aiguilles, un homme, un passager sans doute, était tombé à la mer. On ne l’avait pas retrouvé. On savait d’ailleurs la région infestée de requins. Qui était-ce ?

Le chauffeur libéré quelques jours auparavant par Juve, qui consciencieusement tenait à continuer à remplir sa mission auprès de son sauveur, cherchait précisément le policier pour lui dire qu’avec la chute de cet homme à la mer coïncidait la disparition de ce M. Smith qu’il surveillait.

Mais le chauffeur, en dépit de ses efforts, n’avait pu retrouver Juve.

L’homme à la mer… était-ce Fantômas ?


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