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La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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Текст книги "La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)"


Автор книги: Марсель Аллен


Соавторы: Пьер Сувестр
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Les arguments du vieux gentilhomme était évidemment péremptoires, car son jeune compagnon n’insistait pas outre mesure.

– Que faire en ce cas ? demandait-il.

– Simplement l’attacher à un arbre, près du fusil, la police le trouvera bien.

La proposition était raisonnable, on se mit en devoir de la réaliser immédiatement.

Et, tandis qu’Anselme Roche, de dessous son bâillon, hurlait désespéré :

– Mais vous êtes fous ! Je vous dis que je suis le procureur de la République de Bayonne. Je vous dis que ce n’est pas moi qui ai tiré ce coup de fusil. Relâchez-moi.

Ses sauveteurs, sans s’occuper de ses protestations, l’attachaient solidement au tronc d’un bouleau.

Même, le vieux gentilhomme, griffonnait hâtivement quelques mots sur une feuille de papier :

Gardes civils, écrivait-il, cet homme est un assassin, c’est l’auteur du meurtre qui vient d’être commis au château voisin.

Cela fait, la feuille de papier était épinglée au revers du veston du magistrat, puis les Espagnols s’éloignaient.

– Caramba, avait juré le vieux gentilhomme. Hâtons-nous, Señor nous n’avons déjà que trop perdu de temps.

Et Anselme Roche, incapable de bouger, la rage au cœur, dut rester lié à son arbre, cependant que ceux qu’il avait d’abord pris pour d’empressés sauveteurs regagnaient leur automobile et s’éloignaient à toute vitesse.

C’étaient les Espagnols qui, le soir même, devaient enlever Hélène au château de Garros.

25 – S.O.S. BOUZILLE

– Il est incontestable que je n’ai pas de chance. À Beylonque, où je m’étais installé propriétaire, j’ai eu tous les ennuis du monde avec les gens de justice, qui se sont obstinés à me considérer comme un malfaiteur, alors que j’étais tout simplement un rentier sans rentes. De Beylonque, je suis parti pour aller récolter des champignons à Garros. Des champignons ? Ah ! je t’en fiche. J’avais à peine fait quatre cueillettes que je tombais dans la plus fantastique des aventures et j’étais obligé de libérer un brave jeune homme qui, deux minutes plus tard, tombait assassiné sans que seulement j’aie rien compris à la façon dont on l’avait tué sous mes yeux. Très bien. Il faut être philosophe. Comme je ne réussissais guère à Garros, je suis parti pour Biarritz. J’espérais bien à Biarritz découvrir un moyen solide pour faire une fortune idem. Mais à Biarritz, j’ai tout bonnement rencontré des bougres de ma sorte, pas méchants, bien sûr, mais peu placés pour m’avancer des capitaux. De plus, si je ne suis pas devenu complètement imbécile, j’ai deviné que le Fantômas n’était pas loin. Évidemment Fantômas ne m’a jamais fait de mal, à moi, mais il a, malgré tout, rudement compliqué ma vie, et pas dans le meilleur sens. Il n’y a pas de place sur la terre, au même endroit, pour Fantômas et Bouzille. Comme ce n’est pas Fantômas qui s’en ira, je crois que j’ai fait sagement en fichant le camp de Biarritz. Me revoici à Garros. Qu’est-ce que je vais encore devenir ?

« J’ai déjà été de la police, se disait Bouzille, qui n’oubliait pas le court séjour qu’il avait fait à Monaco, pourquoi ne me referais-je pas indicateur ?

L’idée, d’abord vague qu’il avait eue, se précisait dans sa pensée. Bouzille savait que Juve devait être à Garros, il allait sans hésiter au château, dans le désir de voir le policier et de se faire embaucher par lui.

Bouzille, d’ailleurs, ne s’inquiétait nullement de l’accueil que lui réserverait Juve, il était sans rancune, et n’en voulait nullement au détective qui, cependant, l’avait fait arrêter au moment précis où il arrivait à Beylonque déguisé en charlatan.

– Ce vieil ami de Juve, pensait Bouzille, a de temps en temps des mouvements un peu vifs, mais enfin, c’est un excellent homme, qui sait ce que parler veut dire, et nous pourrions ensemble faire d’excellente besogne. Juve sera enchanté, Juve me paiera très cher. Juve me confiera des missions.

Marchant d’un grand pas, un gros bâton à la main, Bouzille, à la façon d’un conquérant, entra dans le parc de Garros, prêt à se diriger vers chez Fargeaux.

Malheureusement, si Bouzille avait de beaux projets, il avait aussi d’excellents souvenirs. Quelque part, dans le parc, à quelque distance du pavillon, Bouzille savait fort bien qu’il avait posé une douzaine de collets avant son départ.

– Je vais aller les chercher, pensa Bouzille, après tout, je ne suis pas pressé de voir Juve, et si cet après-midi, un lapin ou un lièvre, voire même un faisan voulait se débarrasser de la vie, je n’y verrais aucun inconvénient.

Bouzille abandonna la route, coupa à travers bois. Or, il y avait à peine cinq minutes qu’il cheminait dans les fourrés du parc lorsqu’il s’arrêta brusquement, le nez en l’air et sa figure chafouine, prit un air inquiet. Bouzille avait entendu ou cru entendre un appel.

– Hé, hé, pensa le chemineau, est-ce que par hasard il y aurait un garde par ici ? Je n’aime pas rencontrer du monde, moi. J’ai plutôt la vocation d’ermite que celle de chef du protocole. Il s’agirait de ne pas tomber à l’improviste sur le passage de quelque individu.

Bouzille qui prêtait toujours l’oreille et ne bougeait aucunement, tressaillait encore quelques minutes plus tard.

– Mais on appelle, se répéta le chemineau. Il n’y a pas à hésiter, on appelle, et on appelle au secours.

Bouzille, d’abord, pensa fuir. Puis, il se ravisa.

– Au moment où j’entre dans la police, il ne serait peut-être pas mauvais de commencer par opérer un sauvetage. Si j’allais voir qui crie ?

En fait, si Bouzille revenait sur ses pas, c’était peut-être moins dans un esprit de dévouement, que dans le désir de donner satisfaction à sa curiosité toujours en éveil.

Bouzille avec de grandes précautions, s’arrêtant de longs instants derrière de gros arbres pour observer les environs, puis, se décidant à avancer de trois pas, et recommençant son manège, marcha dans la direction d’où il lui avait semblé entendre des gémissements.

Bouzille ne s’était pas trompé. Au fur et à mesure qu’il approchait, il entendait en effet, et de plus en plus distinctement, une sorte de plainte étouffée qui ne pouvait être qu’un appel au secours, un appel très angoissé.

– Seigneur Dieu, Jésus, grommelait de temps à autre Bouzille, bien sûr que je vais encore trouver un particulier pris dans une sale situation. Mais où est-il donc ce particulier ?

Plus Bouzille, en effet, s’approchait de la route, et plus les plaintes devenaient distinctes. Or, Bouzille voyait parfaitement le sol blanc de la chaussée, et il ne s’y trouvait personne.

La route était déserte.

À force d’avancer pourtant, Bouzille finit par apercevoir l’homme qui gémissait. Seulement, au moment même où Bouzille le distinguait, le chemineau s’immobilisa et il éclata d’un grand rire.

– Ah bien, déclara-t-il, elle est pas ordinaire celle-là. Qu’est-ce qui a pu se passer ?

Bouzille s’élança en avant, sans plus prendre de précaution, il courut à un arbre, contre lequel était attaché, bâillonné de très près, le malheureux procureur de la République, M. Anselme Roche.

Bouzille connaissait fort bien le magistrat qui l’avait interrogé, lors de son arrestation à Beylonque.

Il le salua d’un geste ample, avec une excessive politesse :

– Monsieur le procureur, demanda Bouzille, je serais bougrement satisfait de savoir pourquoi vous montez la garde ici, ficelé à cet arbre comme une andouille, sauf vot’ respect ?

Anselme Roche, était bien empêché pour répondre étant donné que son bâillon lui laissait à peine la faculté de pousser des gémissements. Bouzille, par bonheur était à ce point bavard qu’il suffisait à lui seul, très facilement, pour entretenir une conversation :

– Ça ne fait rien continuait donc le chemineau, qui tournait autour du magistrat, et semblait s’amuser follement. Vous êtes dans une drôle de situation. J’ai déjà entendu dire que les juges comme vous, c’étaient des attachés au Parquet, mais je ne savais pas que c’étaient des attachés aux arbres. Après tout, c’est peut-être bien de l’éducation physique que vous faites ? Vous suivez peut-être la méthode du D r Kneipp [6].

Bouzille tout en tournant, autour de l’arbre qui servait de poteau de supplice au magistrat, aperçut enfin, la feuille de papier que celui-ci portait, épinglée à son veston. Bouzille lut le document.

– Oh, oh, déclara-t-il, et comme ça vous êtes un assassin ? Vous avez donc changé de situation ? Drôle d’idée. J’aurais cru que ça rapportait plus d’être juge. Au fait, Monsieur le procureur, vous attendez pt’être, que je vous détache ? Oui, c’est cela que veut dire ce grognement, que vous poussez ? eh bien, c’est compris je m’en vais vous rendre la liberté.

Bouzille se mit en devoir de défaire la corde qui immobilisait Anselme Roche lorsqu’il s’arrêta, pris de peur.

– Dites donc, commença-t-il, je vous libère, c’est entendu, mais va falloir faire attention, vous savez. Ça ne leur porte pas bonheur, aux gens, d’être mis en liberté par moi. Je vous conseillerais même de ne pas passer sur la petite colline de sable. Martial Altarès, lui, quand je l’ai fait sortir de sa cave… Ah, mais au fait, vous ne connaissez pas cette histoire-là !

Bouzille acheva de délier le magistrat, lui enlevait son bâillon.

– Et alors, demanda-t-il, d’un ton sympathique, ça va mieux, la petite santé ?

Anselme Roche, cependant, une fois affranchi de ses liens, se hâtait de respirer profondément, de se détendre les membres, en homme que l’immobilité a terriblement engourdi.

– Bouzille, déclarait le magistrat, vous venez de me rendre un service que je n’oublierai jamais et, ma foi…

– Ça vaut vingt ronds, dit Bouzille, la reconnaissance, moi je m’en fiche. J’aime mieux vingt sous, c’est beaucoup plus utile.

Anselme Roche, cependant, après avoir donné satisfaction à Bouzille, et généreusement lui avoir remis non pas vingt sous mais vingt francs, parut retrouver son sang-froid.

– Bouzille, appela-t-il, d’où venez-vous ? Savez-vous où est Juve ?

Bouzille se gratta le front :

– Ça, faisait-il, c’est pas des affaires à me demander. J’ai oublié d’où je viens, et je ne sais pas où je vais. C’est drôle tout de même, que les gens comme vous, ça passe toujours son temps à questionner. Je ne suis pas indiscret, moi, je vous trouve contre un arbre, je ne vous demande pas comment que vous y êtes ?

Bouzille parut vexé. Le magistrat éclata de rire :

– Ne vous fâchez donc pas, Bouzille, dit-il sur un ton conciliant, je n’ai nullement l’intention, en ce moment, de vous causer des ennuis, je voulais vous trouver une occasion de gagner de l’argent sans peine.

– Ouais, répondait Bouzille, ça, c’est bien parlé. Qu’est-ce que vous avez à me proposer ?

– Savez-vous si Juve est encore à Garros ?

– Peut-être bien.

Et, après cette réponse énigmatique, Bouzille accentua l’air idiot de sa physionomie, cligna des yeux, ajouta :

– Je sais aussi peut-être où se trouvent d’autres personnes ; par exemple, une dame, une dame qui… enfin, une dame que…

– De qui parlez-vous ? demandait-il, il n’y a pas de femme dans les affaires dont nous nous occupons, Juve et moi, et, par conséquent…

Bouzille éclata de rire.

– S’il n’y a pas de femme, dit-il, alors, je retire ce que j’allais dire. Moi, M’sieu le procureur, je m’imaginais qu’une certaine M me Borel…

– Bouzille, ordonnait-il, dites-moi tout de suite où est M me Borel ?

– Ça, expliqua Bouzille, c’est une revanche de la destinée, les femmes m’ont coûté assez d’argent, faut maintenant qu’elles m’en rapportent. Je vous le dirai, Monsieur le procureur, si vous me donnez encore vingt ronds. Vingt ronds, c’est mon tarif. Maintenant, si vous préférez vous soulager d’un autre louis, je n’y vois pas d’inconvénient.

Anselme Roche, sans calculer, vida le contenu de son porte-monnaie dans les mains du chemineau.

– Parlez donc, Bouzille, parlez, bon Dieu, c’est de la plus haute importance !

Or, en guise de réponse, Bouzille, tranquillement, s’assit sur la mousse.

– Dites donc, Monsieur le procureur, commençait le chemineau, vous savez qu’on ne paye pas les chaises ici. Et j’en ai des choses à vous dire.

– Vite, vite, parlez Bouzille.

– Eh bien, voilà, faut pas être pressé, faut laisser le temps à chaque chose d’arriver et de se produire, comme disait feu Napoléon. Monsieur le procureur, sur les mânes de Mahomet, voilà tout ce que je sais, je vous le jure : M me Borel, c’est comme qui dirait une parente ou une alliée à Fantômas. Et Fantômas, sûr comme je vous vois, qu’il manigance un trafic extraordinaire au phare de l’Adour. Ça ne m’étonnerait pas même que M me Borel y soit.

– J’irai au phare de l’Adour.

– Ah, mais non, justement faut pas que vous y alliez. Si je suis ici, c’est pour aller voir Juve et lui vendre mes renseignements. N’est-ce pas que ça serait pas honnête de ma part si j’indiquais à Juve où est M me Borel, et que vous vous y rendiez avant lui ?

Mais c’étaient là des arguments sans valeur et la décision du procureur était prise.

– Bouzille, commençait-il, vous allez immédiatement porter à Juve un mot que je vais écrire. Ah, au fait, je vous ai donné tout l’argent que j’avais sur moi. Il faut que je retourne prendre le chemin de fer, prêtez-moi vingt francs, Bouzille ?

Bouzille fit la grimace :

– J’aime pas beaucoup cela… commença le chemineau. Combien que vous me donnerez d’intérêt ?

– Je vous rendrai vingt-cinq francs.

– Vous êtes solvable au moins ?

– Je vais écrire à Juve qu’il vous les donne de ma part.

Bouzille hésita quelques instants :

– Eh bien, ça va, finit-il par dire. Tiens, au fait, c’est une idée que vous me donnez maintenant, je vais, me mettre banquier.

Bouzille, péniblement, car cela lui coûtait, remit au magistrat l’une des pièces d’or qu’il avait quelques minutes avant empochées avec quelle hâte ! Anselme Roche pendant ce temps, écrivait un mot, sur une feuille arrachée à son carnet.

– Portez cela, Bouzille, hâtez-vous. Juve doit être au château de Garros. En tout cas, il n’est certainement pas loin. Dites-lui que, moi, je pars immédiatement au phare.

Deux minutes plus tard, tandis qu’Anselme Roche se dirigeait vers la gare, Bouzille, souriant aux anges et faisant joyeusement tinter dans sa poche l’argent qu’il venait d’extorquer, se dirigeait vers le petit pavillon désert près duquel il avait tendu ses collets.

– Tout ça, pensait Bouzille, c’est pas des raisons pour que je ne dise pas un mot aux lapins, aux lièvres, ou aux faisans de l’endroit.

Or, Bouzille, en arrivant au pavillon, tout naturellement, allait se pencher au soupirail qui lui avait servi à faire évader jadis Martial Altarès.

Bouzille n’avait pas jeté un regard dans la cave, qu’il s’arrêtait muet de stupéfaction. Dans cette cave, il y avait deux personnes, deux prisonniers, qui n’était autres que Backefelder, enfermé là par Juve, et Delphine Fargeaux, incarcérée par Fantômas. Bouzille, qui ne pouvait se douter de ce qui s’était passé à Garros, se demanda, avec une terreur soudaine s’il n’était pas devenu fou. À peine, en effet, les deux prisonniers l’eurent-ils aperçu que d’un commun accord, ils le supplièrent de les remettre en liberté.

– Ah mais, ronchonna Bouzille, ça commence à devenir ennuyeux cette histoire-là. Maintenant, je passe mon temps à remettre des gens en liberté. D’abord, comment se fait-il que vous soyez là ?

Parlant en même temps, se bousculant presque, Backefelder et Delphine Fargeaux racontèrent leur histoire à Bouzille :

– Faites-moi sortir, disait l’Américain, Madame est charmante, mais j’aimerais bien me promener un peu à l’air libre.

– Sauvez-moi, hurlait Delphine Fargeaux, si Fantômas revient je suis sûre qu’il me tuera.

– Je ne comprends pas, dit Bouzille, toujours penché au soupirail, comment il se fait, si ce que vous me dites est vrai que Fantômas a enfermé M meFargeaux dans la cave où Juve avait enfermé un monsieur. Ça c’est des mensonges que vous me racontez ?

– Non, non répondit la jeune femme en sanglotant, croyez-nous, c’est bien la vérité. M. Backefelder s’est caché quand Fantômas est venu et Fantômas ne l’a point vu, voilà tout. Sauvez-nous, sauvez-nous, par pitié ! Nous avons de l’argent. Nous vous en donnerons.

Bouzille, déjà, revenait à de meilleurs sentiments.

– Vous avez de l’argent ? Hé hé, c’est intéressant. Dites voir, combien avez-vous ?

Delphine Fargeaux passa à Bouzille une petite bourse en or que le chemineau soupesa, avec une évidente satisfaction.

– Oh, oh, dit-il, il y a là-dedans trois louis. Bon, je ne suis pas plus mauvais qu’un autre. Même à l’occasion, je suis honnête. Je n’en prends qu’un ma petite dame, je vous rends les deux autres.

– Prenez tout, prenez tout, mais dépêchez-vous de nous faire sortir.

– Et votre compagnon ? votre amoureux ? Il m’a rien donné lui.

Backefelder n’avait sur lui que du papier-monnaie.

– Ah non, protesta Bouzille, ça j’en veux pas ! la Banque de France n’a pas confiance en moi, je ne vois pas pourquoi j’aurais confiance en elle. Voyons, vous avez bien vingt ronds ?

Backefelder, en effet, en fouillant dans ses poches, trouva de la menue monnaie.

Bouzille sauta dessus, puis, satisfait, calculant qu’il avait fait une excellente journée, il s’occupa à faire sortir de la cave les deux prisonniers. On se souvient du barreau descellé.

À peine Backefelder et Delphine Fargeaux étaient-ils dehors que Bouzille les interrogea à son tour :

– Et comme ça, demandait-il, un service en vaut un autre, vous savez probablement où est Juve, Monsieur Backefelder ? Dites~le moi ?

Mais Backefelder avait éclaté de rire. Et la réponse qu’il fit à Bouzille n’avait certainement pas été prévue par le chemineau :

– Toute peine mérite salaire, déclara avec flegme l’Américain, vous m’avez fait payer pour me sortir de la cave, donnez-moi, vous aussi, de l’argent, et je vous dirai où est Juve.

Bouzille atterré, parlementa, raisonna, accumula les malédictions, mais l’Américain que la scène amusait, tint bon :

– Donnez-moi cent sous, mon cher Monsieur, répétait-il inlassablement, et je vous dis où est Juve.

Contraint et forcé, Bouzille s’exécuta.

– Voilà cinq francs, déclara avec regret le chemineau. Si vous voulez, M. Backefelder, vous vous associerez avec moi. Vous avez le sens du commerce. Enfin, passons. Où est Juve ?

L’Américain haussa les épaules :

– Je ne sais pas. Il n’est pas là en tout cas, il n’est pas à Garros non plus, peut-être est-il sur un bateau, et ce bateau est peut-être sur la mer. Cherchez et vous trouverez.

Sur cette réponse énigmatique, Backefelder, laissait Bouzille tout décontenancé, et offrait galamment son bras à Delphine Fargeaux :

– Je crois, Madame, que nous ferions mieux de nous éloigner d’ici, voulez-vous venir avec moi ?

Delphine Fargeaux, déjà, avait rajusté ses cheveux, pris un sourire aimable, elle répondit en jetant au millionnaire une œillade incendiaire :

– Je veux bien, Monsieur. Avec plaisir.

26 – LA GARDIENNE DU FEU

Mais Fandor, qu’était-il donc devenu ? Depuis le pillage de l’express, dans la forêt embrasée, avait-il été mis à mort par la bande de Fantômas ?

Le journaliste, lorsqu’il s’était vu brutalement jeté dans le poussier garnissant le tender de la locomotive, avait bien pensé, en effet, vivre les dernières minutes de sa malheureuse existence :

– Je suis fichu, se disait Fandor avec cette philosophie résignée qui lui était particulière, ça devait m’arriver et par conséquent cela ne m’étonne pas, mais tout de même je regrette une chose, c’est qu’ayant les yeux pleins de charbon, je ne peux pas voir la façon dont on va m’expédier dans l’autre monde.

Fandor, d’ailleurs, devait être rapidement satisfait. S’il désirait apercevoir ses agresseurs, il n’eut pas longtemps à attendre, non seulement pour les regarder, mais encore pour les reconnaître.

Une secousse brutale l’arracha au tas de charbon. On lui lia les mains et les pieds. On le bourra à coups de poing, on le bâillonna et ceux qui agissaient ainsi n’étaient autres qu’Œil-de-Bœuf et Bec-de-Gaz, dirigés par le Bedeau lui-même, c’est-à-dire le principal lieutenant de Fantômas.

– Ça va bien, pensa Fandor, acceptant toujours avec une extrême philosophie ce qu’il ne pouvait empêcher, ça va très bien. Tout à l’heure ils vont me balancer sur la voie et je serai proprement coupé en deux, ou trois ou quatre morceaux par les roues des wagons attelés à cette locomotive du diable.

Fandor se trompait. Après vingt minutes d’une course folle, le train stoppait, le journaliste était jeté sur un talus et là, impuissant, il assistait à un cambriolage en règle des wagons et des bagages.

– De plus en plus amusant, se déclara le journaliste, voilà maintenant que je suis au Châtelet et que j’assiste à l’attaque d’un convoi par les Peaux-Rouges.

C’étaient bien des Apaches, mais des apaches parisiens qui pillaient le train, et la situation n’était rien moins que rassurante pour Fandor qui devait s’attendre d’une minute à l’autre à ce que le pillage une fois terminé, on revînt s’occuper de lui.

Une fois encore, cependant, le journaliste devait se tirer indemne de la terrible aventure qui lui arrivait.

Loin de le mettre à mort, comme cela semblait inévitable, ses agresseurs se contentaient tout tranquillement, leur pillage achevé, de le rouler dans une grande couverture de voyage, tel un paquet et de l’emporter.

– Je ne peux pas voir le paysage, conclut Fandor et c’est bien dommage, car j’imagine que dans une petite heure, j’aurai le plaisir de me trouver face à face avec mon vieil ami Fantômas.

Pour Fandor en effet, l’affaire était claire. C’étaient les hommes de Fantômas qui avaient arrêté le train. C’étaient eux qui avaient dû incendier la forêt. Le hasard seul avait voulu que Fandor se trouvât dans ce train. Il avait été reconnu. On l’avait fait prisonnier. Ce n’était que provisoirement qu’il avait la vie sauve. Fantômas n’oubliait rien.

Emporté à dos d’homme par de robustes compagnons, Fandor, après une demi-heure de marche à travers champs, se sentit déposé, sans aucune douceur, dans une voiture automobile dont le moteur tourna. Ses ravisseurs, vraisemblablement, prirent place sur la banquette alors que lui-même fut jeté sur le plancher, puis la voiture démarra.

– On m’offre une promenade. Très bien. Il y a quelque chose comme ça dans l’histoire des condamnés à mort. C’est en voiture qu’on les conduit à la guillotine. Je me demande par exemple si c’est à un supplice aussi doux que la guillotine que l’on me véhicule maintenant.

La voiture roulait toujours. On devait traverser des villages, peut-être même pénétrer dans une grande ville car Fandor, de dessous son bâillon, entendait ou croyait entendre des timbres de tramways, des bruits de roues et des grincements d’essieux.

L’automobile tourna plusieurs fois enfin, comme si elle marchait à travers des rues encombrées. Brusquement les freins hurlèrent.

– Le terme du voyage, songea Fandor, mélancolique.

On le prit par les pieds et la tête, on le transporta. À nouveau il était jeté sur un plancher de bois dont il identifiait immédiatement la nature :

– Tiens, c’est rigolo, me voilà dans une barque, suis-je sur un fleuve par exemple, sur un lac, ou dans la mer ? après tout je m’en fiche. Il est probable que tout à l’heure on me balancera dans l’onde, j’aurai tout le loisir voulu pour en déguster assez et reconnaître ainsi si c’est de l’eau salée ou de l’eau douce.

La barque cependant dérapait, et Fandor ne pouvait garder la moindre illusion à la houle qui secouait l’embarcation : elle voguait sur la mer.

– Bougre, songea le journaliste, ça se complique. On ne va pas encore j’espère m’enfermer dans une caisse et m’envoyer à l’autre bout du monde. J’en ai assez, sapristi, des voyages en wagon capitonné.

Mais ce n’était évidemment pas une traversée aussi bizarre que celle qu’il avait effectuée jadis à destination du Natal qui se préparait pour Fandor.

Après avoir vogué, probablement à la voile, pendant deux grandes heures, la barque racla contre un fond que Fandor estima devoir être de rocher. À nouveau, le journaliste se sentit saisi et si un petit frisson lui courut le long de l’échiné quand il se dit qu’on allait peut-être le balancer dans les eaux, il éprouva un plaisir à voir qu’au contraire, avec des ménagements relatifs, on l’emportait sur la terre ferme.

– Drôle de voyage, pensa Fandor, mais attendons la fin, je n’aime pas beaucoup l’arrêt aux stations.

Fandor riait en lui-même du détestable mot qu’il venait de commettre, lorsque ceux qui l’emportaient, après avoir gravi un escalier, semblaient en descendre un autre. Fandor crut reconnaître, au travers de sa couverture que l’on respirait un air glacial et humide. En même temps, une sorte de bruit sourd, continuel et monotone lui emplissait les oreilles :

– Où diable suis-je et que diable va-t-on faire de mon estimable personne ?

***

Cinq jours plus tard, Fandor, délivré de ses couvertures, de ses liens et de ses bâillons, arpentait fou furieux une sorte de petite cave parfaitement ronde, noire, encombrée de ballots de marchandises.

Fandor, tout en tournant en rond, tapait à grands coups de poing contre les murailles lisses et hurlait d’une voix colère :

– La gardienne, allons la gardienne, venez m’écouter, bon sang de bonsoir ! Voulez-vous descendre, sacrée mégère que vous faites ! Si vous n’êtes pas là dans cinq minutes, jour de ma vie, je vous renvoie dans les étoiles !

Peu à peu il se calma.

– Bon, ce n’est pas la peine de m’enrouer, se déclara-t-il, subitement, cette maudite fumelle serait déjà venue si elle m’entendait, elle doit être dehors. N’importe où. Elle ne peut m’entendre. Patientons.

La patience n’était pas le fort du journaliste. Aussi bien il ne se faisait plus d’illusions et depuis de longs moments, savait exactement à quoi s’en tenir.

La cage ronde qu’il occupait, dans laquelle on le maintenait soigneusement, Jérôme Fandor l’avait parfaitement reconnue.

– Ça, s’était dit le journaliste, lorsque après avoir rompu ses liens, il avait pu inspecter sa prison, ce n’est ni plus ni moins, que le soubassement d’un phare. On m’a emmené en automobile jusqu’à un point de la côte. Là, on m’a embarqué sur un canot, lequel a rallié un phare et c’est dans ce phare que je suis enfermé. Le bruit de la mer que j’entends, suffirait à me convaincre si je pouvais douter de la chose, mais je n’en doute pas. D’ailleurs, la question n’est pas de savoir où je suis, non plus que la façon dont j’y suis, l’essentiel est pour moi d’inventer un moyen de m’en sortir.

Tout cela était fort exact, mais ne comportait pas, hélas, de bien certaines conséquences pratiques. Jérôme Fandor pouvait avoir deviné qu’il était dans un phare et pouvait bien encore décider qu’il allait en sortir, tout ceci ne l’avançait guère. Les murailles étaient solides et Jérôme Fandor avait beau se meurtrir les poings en y appliquant de furieux coups, il ne pouvait que se convaincre de l’inutilité de ses efforts.

Bientôt Jérôme Fandor conçut une nouvelle crainte fort légitime, dans les circonstances particulières où il se trouvait.

– Ah çà, se demanda-t-il, suis-je destiné à crever de faim ? Va-t-on me laisser mourir d’inanition ? Zut, je connais ce genre de mort. Sous les fontaines chantantes, j’ai déjà goûté à ce genre de torture. Je ne tiens pas du tout à recommencer.

Il allait protester, hurler, appeler au secours, lorsque précisément, un bruit de pas se produisit au-dessus de sa tête, et qu’il eut la surprise d’entendre une voix de femme qui semblait provenir du plafond et qui lui disait :

– Tendez la main. Voici de la viande, du pain, je vous passe une bouteille de vin aussi.

Fandor, de surprise, en oublia tout son ressentiment.

– Vous êtes bien honnête, Madame, cria-t-il, mais si cela ne vous fait rien, je voudrais bien m’en aller. Qui êtes-vous ? Où suis-je ? Que me veut-on ?

Ses questions restèrent sans réponse, la visiteuse s’éloignait. Jérôme Fandor attaqua, d’une dent affamée, les provisions qu’on venait de lui passer.

Son appétit satisfait, Jérôme Fandor, naturellement recommença, à examiner minutieusement la prison où il se trouvait et les ballots qui y étaient enfermés avec lui.

Une chose le préoccupait surtout :

Comment était-il entré dans cette pièce ? comment lui avait-on passé le dîner qu’il venait d’absorber ?

Mettre des caisses les unes sur les autres pour se faire une sorte de pylône, grimper sur ces caisses, c’était pour Fandor une besogne aisée. Le journaliste reconnut qu’au centre du plafond de sa cave, se trouvait une trappe formée par une grille aux barreaux assez espacés. C’était à travers ces barreaux qu’on lui avait glissé les provisions. La trappe n’avait dû s’ouvrir qu’au moment où on l’avait introduit dans la cave et Fandor reconnut vite que la grille qui la fermait était assez solide pour qu’il fût parfaitement chimérique d’essayer de l’arracher et de passer au travers.

– C’est assommant, grommela le journaliste en redescendant du haut de son échafaudage, je suis exactement dans la situation d’un serin jaune des Canaries. On m’a enfermé dans une cave et l’on me passe à manger à travers les barreaux. Charmant séjour pour un journaliste. Fantômas doit bien se payer ma tête. C’est vexant.

Fandor, après avoir grommelé, avoir minutieusement parcouru sa cellule en tous sens, décida qu’il n’avait rien de mieux à faire qu’à se coucher pour prendre un peu de repos.

– Dormons, la nuit porte conseil. C’est le cas ou jamais d’en faire l’expérience.

Fandor dut dormir longtemps, dormir en toute tranquillité, sans avoir le moindre cauchemar, car, lorsqu’il se réveilla, il se sentit parfaitement reposé, frais et dispos.

– Dommage, pensait-il, tout en s’asseyant sur son séant et en vérifiant qu’il lui restait encore quelques cigarettes dans sa poche, dommage que je ne puisse prévenir Juve que j’ai découvert un tel lieu de repos. Je ne doute pas que mon excellent ami, dûment averti, ne vienne y faire une cure de santé.

Tirant une cigarette, Jérôme Fandor allait l’allumer lorsque, brusquement, il s’abstint de le faire, ayant eu une pensée qu’il appelait lui-même, lumineuse.

– Je suis un crétin, songeait Fandor, puisque j’ai une allumette et que j’en ai même plusieurs, puisque je possède une boîte de tisons, toute neuve, il s’agit d’en tirer parti.

Fandor, sans faire de bruit, grimpa au sommet de l’échafaudage qu’il avait constitué la veille au soir. Là, il eut la patience de demeurer debout pendant de longues heures, approchant son visage autant qu’il le pouvait de la grille de la trappe :


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