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Recherchée
  • Текст добавлен: 7 октября 2016, 18:54

Текст книги "Recherchée"


Автор книги: Karin Alvtegen


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Триллеры


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– Cela fait longtemps que nous voulions la vendre. Mais nous préférions attendre le printemps pour en tirer un meilleur prix.

Elle masqua son visage dans sa main droite, comme si elle ne voulait pas que Sibylla voie qu'elle pleurait.

– Sören était malade depuis longtemps. Le cancer du foie. Il y a un peu plus d'un an, il a subi une grave opération. Elle a donné des résultats dépassant toutes nos espérances. Les docteurs avaient dit qu'il n'avait que 44 % de chances de survivre.

Elle secoua la tête.

– J'avais commencé à reprendre espoir. Il prenait ses médicaments et procédait régulièrement à des examens. Tout paraissait aller comme il fallait. Mais, bien sûr, il était souvent fatigué et n'avait plus la force de ce qu'il faisait avant. Nous avons pensé qu'il serait trop dur de garder cette maison et nous nous sommes dit que nous pourrions utiliser l'argent pour voyager un peu. Nous ne savions pas combien de temps il nous restait à vivre, n'est-ce pas?

Elle se tut à nouveau. Sibylla posa sa main sur son épaule et ce contact déclencha des sanglots.

– Nous venions très souvent ici. Dès que nous avions un moment de libre.

– Vous pouvez peut-être attendre pour la vendre?

La femme secoua la tête.

– Je ne veux plus y venir. Je n'ose même plus y entrer.

Elles restèrent un instant sans rien dire. Sibylla avait ôté sa main. Soudain, une fanfare déchira l'air. Sibylla regarda autour d'elle, stupéfaite.

– Ne vous inquiétez pas: ce n'est que Magnusson. Il sonne le réveil, le matin, et le couvre-feu, le soir, quand il est ici. Il aime ça, dit-il.

Gunvor Strömberg esquissa un sourire, au cœur de sa douleur.

Sibylla ferma les yeux. Pouvoir vivre ici. Toute seule, en paix et avec pour seul voisin, à bonne distance, quelqu'un qui jouait de la trompette pour son simple plaisir.

Un rêve de bonheur.

– Combien en demandez-vous?

Gunvor Strömberg se retourna et la regarda.

– L'agence dit qu'elle peut valoir dans les trois cent mille...

Sibylla vit ses espoirs s'effondrer.

– ...mais, pour moi, l'important, c'est la personnalité de l'acquéreur.

Elles se regardèrent.

– Sören et moi l'avons construite en 57. Nous nous sommes donné un mal fou pour joindre les deux bouts et nous avons connu bien des joies, ici. Il y avait des moments où il nous paraissait impossible de partir et que quelqu'un d'autre vienne s'installer à notre place. Et que la maison reste ici. Sans nous.

Sibylla baissa les yeux vers les planches du ponton et Gunvor Strömberg serra sa veste sur son corps.

– Comme si nous n'avions été qu'une parenthèse et n'avions joué aucun rôle.

– Mais si, dit Sibylla, très sincèrement. C'est ce qui rend cette maison unique. Les traces de vie que vous y avez laissées. Et à l'extérieur, aussi. Cette allée que vous avez tracée de vos pas, elle sera toujours là. Les buissons que vous avez plantés. Tout ça. Moi, je ne laisserai rien derrière moi. Il n'y aura plus rien, quand je disparaîtrai.

Elle se tut. Qu'était-elle en train de faire? Pourquoi ne pas dire à cette femme comment elle s'appelait, pendant qu'elle y était?

– Mais vous avez un fils.

Sibylla se racla la gorge.

– Bien sûr, dit-elle, gênée, avec un sourire. Je ne sais pas pourquoi je dis tout ça.

Elle se tourna vers la maison et s'écria.

– Patrik! Il faut qu'on s'en aille, maintenant, si on veut arriver à temps pour prendre le car.

– Vous êtes en voiture? demanda Gunvor Strömberg.

– Non. Nous sommes venus en taxi.

– Alors, je peux vous ramener en ville, j'y vais.

Ils arrivèrent juste à l'heure. Sibylla était assise contre la vitre et tenait dans sa main le numéro de téléphone de Gunvor Strömberg.

Pour le cas où elle voudrait acheter la maison.

Elle plia le morceau de papier et le glissa dans sa poche. Patrik la regarda avec curiosité.

– Alors, t'as appris quelque chose d'intéressant?

Sibylla dut s'extraire de son rêve et le regarder.

– Je ne sais pas au juste. Elle n'a rien dit sur le meurtre lui-même. Elle m'a simplement confié que son mari avait un cancer et avait été opéré il y a environ un an.

Patrik eut l'air déçu.

– Mais tu devais lui poser des questions sur le meurtre!

– Ce n'était pas facile!

Ils restèrent un moment sans rien dire. Patrik sortit alors ses documents et les examina une nouvelle fois. Il avait écrit quelque chose au crayon, au verso de la photo du mur.

– Qu'est-ce que c'est que ça?

– Y avait une chemise en plastique contenant le journal intime de son mari, dans son sac à main. J'ai recopié un ou deux trucs.

Elle le regarda, scandalisée.

– Tu as fouillé dans son sac?

– Ben oui. Comment tu veux faire, autrement?

Elle secoua la tête et fut soudain prise d'une crainte.

– Tu n'as rien fauché, n'est-ce pas?

Il la regarda avec de grands yeux.

– Si. Quatre millions.

Elle lui fit une grimace et tendit la main pour prendre ses notes. Au moment critique, il retira le papier.

– Pourquoi t'as autant d'argent?

– Comment ça?

– Pourquoi tu loges dans le grenier d'une école alors que t'as plein de billets de mille autour du cou?

– C'est mon affaire.

D'abord, elle se moqua qu'il fasse la tête à nouveau. Il croisa les bras sur la poitrine et se détourna ostensiblement. Elle regarda alors par la vitre et ce ne fut que lorsqu'ils eurent dépassé Söderköping qu'elle comprit qu'elle lui devait une explication.

– Ce sont mes économies, dit-elle, toujours tournée vers la vitre.

Il la regarda.

Elle lui confia alors son rêve, cette maison qui lui permettrait de changer de vie et de se passer des subsides mensuels de sa mère, désormais interrompus. Il l'écouta avec intérêt et, quand elle eut fini, il lui tendit la feuille de papier.

– Tiens.

Il avait eu le temps de noter la date des séjours de Sören Strömberg à l'hôpital et de ses opérations. Elle sauta certaines expressions et abréviations incompréhensibles, mais, soudain, elle buta sur un mot qu'elle avait déjà rencontré quelque part. Sandimmum Neoral.

Quelqu'un l'avait prononcé devant elle peu auparavant. À moins qu'elle ne l'ait lu quelque part? Patrik observa sa réaction.

– Qu'est-ce qu'il y a?

Elle secoua la tête, pensive.

– Je ne sais pas.

Elle montra du doigt la feuille de papier.

– Ça, là: Sandimmum Neoral, cinquante milligrammes. Je ne sais pas pourquoi, mais ça me dit quelque chose.

Patrik regarda le mot.

– On dirait que c'est un médicament. Contre quoi?

– Aucune idée.

– La mère d'un de mes copains est médecin. Je peux lui demander.

Bien sûr. Va demander à sa mère pourquoi on prend du Sandimmum Neoral. Les garçons de quinze ans font ça tous les jours.

Elle lui sourit. Elle aurait voulu prendre sa main mais n'osa pas.

– Patrik.

– Mmouais.

– Merci de ton aide.

Il eut l'air un peu gêné.

– Bah, j'ai encore rien fait.

Son sourire se fit plus large.

– Oh si. Tu as déjà fait beaucoup.

Elle passa la nuit suivante dans le grenier de l'immeuble de Patrik. C'est lui qui l'y introduisit et elle déroula son tapis de sol dans un compartiment inutilisé.

Elle eut du mal à dormir. Patrik était monté lui apporter des tartines à la suédoise, ce n'était donc pas dû à la faim. Plutôt au fait qu'elle avait l'esprit encombré de tout ce qu'elle venait de vivre en si peu de temps. Diverses images et scènes défilèrent derrière ses paupières et elle ne trouva le sommeil qu'au bout de quelques heures.

Dès qu'elle ouvrit les yeux, le dimanche matin, elle sut pourquoi elle connaissait le Sandimmum Neoral. Son cerveau avait fait le tri dans ses souvenirs, pendant son sommeil.

Jörgen Grundberg.

C'était le nom qui était inscrit sur la tablette de médicaments qu'il avait sortie de sa poche à la fin du repas, au Grand Hôtel.

Elle en fut si excitée qu'elle se mit sur son séant.

Étrange coïncidence! Deux des victimes de l'assassin prenaient le même remède.

Elle fut aussitôt parfaitement réveillée et ne put s'empêcher de se lever. Elle gagna le couloir pour aller regarder par la lucarne. Il faisait jour et elle se demanda quelle heure il était. Dans combien de temps Patrik viendrait-il?

Elle dut attendre plusieurs heures.

Pendant ce temps, elle prit conscience d'un changement inattendu. Le désir de persévérer, qu'elle avait cru s'évanouir en elle, était revenu. Elle était à nouveau bien décidée à ne pas abandonner.

Lorsqu'elle entendit enfin la lourde porte de métal s'ouvrir et Patrik lui dire que c'était lui qui arrivait, elle ne put attendre une seconde pour lui annoncer sa découverte.

– Jörgen Grundberg prenait du Sandimmum Neoral, lui aussi.

– Ah bon? T'es sûre?

Il lui tendit un gros sandwich à deux étages et une bière. Mais elle n'avait pas l'esprit à cela.

– Oui. J'en suis sûre. Ça ne peut pas être une simple coïncidence.

– Moi, j'ai parlé avec la mère de mon copain.

– Déjà? Quelle heure est-il?

Il regarda sa montre.

– Onze heures dix. Je l'ai réveillée, avec mon coup de téléphone. Mais je lui ai dit que j'avais un dossier à faire – et c'est vrai, en un certain sens, hein? ajouta-t-il en ricanant. J'ai d'abord cherché un peu sur le Net, mais j'ai pas réussi à comprendre à quoi ça servait.

– Qu'est-ce qu'elle t'a dit, alors?

Il tira une feuille de papier pliée de sa poche-revolver.

– Elle m'a dit que c'est un immunodépresseur. Les gens qui ont subi une greffe prennent ça pour que l'organe transplanté ne soit pas rejeté par leur corps.

Il la regarda d'un air de triomphe et replia le papier.

– Une greffe? Tu veux dire quand on vous opère pour vous mettre un nouveau cœur ou autre chose?

– Oui. Elle m'a dit qu'on pouvait remplacer tout un tas de parties du corps de cette façon-là.

Sibylla s'assit sur son tapis de sol.

Jörgen Grundberg souffrait des reins. Sa veuve le lui avait dit, au cours de la désagréable conversation qu'elles avaient eue. Sören Strömberg, lui, avait un cancer du foie. Tous deux prenaient un immunodépresseur. Lena Grundberg avait dit que son mari avait subi une grave opération environ un an auparavant. Et, la veille, Gunvor Strömberg avait mentionné la même chose à propos du sien, dans son petit paradis.

Ce ne pouvait être une simple coïncidence.

– Tu penses la même chose que moi? demanda Patrik.

Sibylla hocha la tête.

– Je crois, oui. Mais il faudrait peut-être vérifier sur un autre, pour être sûr. Montre-moi ta liste.

– Elle est en bas, dans ma veste.

Quand il revint, il avait apporté le téléphone portable de son père. Il lui tendit la liste et elle parcourut à nouveau ces noms qui lui étaient désormais familiers.

– Bon. Tu veux appeler Bollnäs ou Stocksund?

En l'entendant poser cette question, elle se dit que son idée n'était peut-être pas si bonne que cela, après tout. Elle aurait préféré que ce soit lui qui appelle. Mais cela revenait à lui confier la conduite des opérations, une fois de plus, et elle s'y refusait. Il l'avait remise sur ses pieds et elle lui en était profondément reconnaissante, mais maintenant elle n'avait plus l'intention de se laisser manœuvrer.

– J'appelle Stocksund.

– Bon. J'ai trouvé le numéro dans l'annuaire.

Il l'aida à composer le numéro. La sonnerie retentit mais personne ne répondit. Elle avait le cœur qui battait. Patrik la dévisageait. Cela aurait été plus facile si elle avait été seule: elle n'avait pas l'habitude de mentir en public.

– Mårten Samuelsson.

Elle fut surprise d'entendre soudain la voix au bout du fil. Elle avait déjà perdu l'espoir d'obtenir une réponse. Elle vérifia sur sa liste.

– Je vous prie de m'excuser de vous déranger. Vous êtes bien le mari de Sofie Samuelsson?

Elle ferma les yeux. C'était pitoyable, comme entrée en matière. Il ne pouvait pas être le mari de Sofie Samuelsson. Plus maintenant.

– À qui ai-je l'honneur de parler?

Elle regarda autour d'elle comme si elle pouvait trouver une bonne réponse à cette question.

– C'est...

Elle regarda Patrik.

– La police, lui souffla-t-il.

– ...de la part de la police.

Pas de réponse.

– Nous aimerions savoir si votre femme a subi une greffe, récemment?

– Mais je vous l'ai déjà dit.

Elle fit un signe de tête en direction de Patrik qui leva les yeux au ciel.

– Quand cela? poursuivit-elle, reprenant courage.

– La première fois que vous êtes venus.

– Non, je veux dire: quand a-t-elle été opérée?

– Il y a treize mois, maintenant.

Sibylla hocha la tête.

– Vous souvenez-vous de la date exacte?

– Oh oui, je ne l'oublierai jamais. C'était le 15 mars. Pourquoi me demandez-vous cela?

– Eh bien, merci.

Elle tendit l'appareil à Patrik, qui appuya sur un bouton.

– La prochaine fois, je crois qu'il faudra que tu ailles droit au fait, soupira-t-il.

– Appelle toi-même, si tu es si malin. Quand est-ce que Sören Strömberg a été opéré?

Patrik fouilla dans ses papiers et parcourut ses notes.

– Il l'a été plusieurs fois.

– Est-ce que tu as trouvé quelque chose en date du 15 mars?

Il poursuivit sa lecture.

– Oui: le 15 mars 98, greffe du foie.

Elle enregistra la réponse d'un hochement de tête. Patrik ferma le poing et le brandit en l'air.

– Youpi! Ça y est!

Sibylla avait elle aussi un sentiment de victoire, même si elle l'avait déjà dépassé. À quoi étaient-ils parvenus, en fait? Ils avaient appris que toutes les victimes avaient sans doute subi une greffe. Mais qu'est-ce que cela signifiait? Pourquoi assassiner quatre personnes déjà gravement malades?

Patrik souriait toujours, derrière ses lunettes cerclées de métal.

– Je vais aller dire ça à ma vieille!

– Tu es fou!

– Pourquoi? On a trouvé le mobile, non?

– Ah oui? Et c'est quoi, selon toi?

Patrik ne sut quoi répondre et son sourire se changea en une ride entre ses sourcils.

– Ah oui, merde.

– Tu l'as dit.

Ils s'assirent sur le tapis de sol. Il faisait froid dans ce grenier et Sibylla tira le sac de couchage sur ses épaules.

– Au fait: ta mère est rentrée? demanda-t-elle en tendant la main pour prendre le sandwich et la bière. Je croyais qu'elle ne revenait que ce soir.

Patrik baissa les yeux.

– Elle s'est sentie pas bien, marmonna-t-il.

Les minutes se traînaient. Il lui avait demandé de venir avec elle, mais elle avait refusé. Elle n'avait pas l'intention de pénétrer à nouveau chez lui. Surtout pas avec sa mère couchée dans la pièce d'à côté.

À son retour, il tenait une liasse de papiers entre ses mains.

– J'ai tiré tout ce que j'ai pu, mais je suis à sec de papier, dit-il en venant s'asseoir près d'elle. Tu veux une banane?

Elle la prit et se mit aussitôt à l'éplucher. Une vraie vie de pacha. Elle n'allait pas tarder à être gâtée.

Elle prit la feuille qui se trouvait sur le dessus du tas:

Dons d'organes – réponses à vos questions

Elle lut de près l'ensemble de cette documentation, dans l'espoir de trouver quelque chose. Patrik s'était allongé sur le tapis de sol et elle avait déniché un vieux fauteuil, dans un compartiment du grenier qui n'était pas fermé à clé.

Comment faire don de ses organes à sa mort?

Cette question figurait en tête de l'une des feuilles de papier. Elle poursuivit sa lecture et comprit que bien des choses s'étaient passées depuis qu'elle s'était mise en marge du système. Elle n'avait rempli aucune fiche de donation, mais cela ne visait peut-être pas les personnes qui n'avaient plus d'existence légale. Elle se demanda ce qui arriverait si elle avait un accident. Personne ne réclamerait sa dépouille. Elle n'avait encore pas pensé à cela. Où enterrait-on les gens comme elle? Les gens dont personne ne voulait. Pouvait-on prélever sur elle toutes les parties de son corps dont la société pouvait avoir besoin? Dans ce cas, elle servirait enfin à quelque chose.

Elle prit connaissance du premier paragraphe de l'alinéa trois de la loi sur les greffes d'organes.

Il est légal de prélever du matériau biologique destiné à une greffe d'organe ou à d'autres fins médicales sur une personne décédée si celle-ci a donné son consentement ou s'il peut être prouvé par d'autres moyens qu'un tel prélèvement n'est pas contraire à ses volontés.

Du matériau biologique. Curieuse expression, quand on y pensait. Elle se demanda quelle idée on se ferait des volontés de Sibylla Forsenström quant à son "matériau biologique", le jour où la question se poserait.

Deuxième paragraphe du même alinéa.

Dans les cas autres que cités au paragraphe précédent, il est légal de prélever du matériau biologique si le défunt ne l'a pas expressément interdit, ne s'y est pas déclaré opposé par principe et s'il n'y a aucune raison de penser que cette intervention serait contraire à ses volontés.

Elle posa le tas de papiers et fixa la cloison de bois en face d'elle. On pouvait donc la dépecer, elle aussi. Le malheur des uns... Elle se demanda l'effet que cela faisait de se promener avec le cœur d'un autre. Et d'être, en plus, obligé de prendre des médicaments pour éviter que votre bon vieux corps ne le rejette. Et les membres de la famille? Quel effet cela leur faisait-il de savoir que le cœur de leur cher disparu battait dans la poitrine d'un inconnu?

– T'as trouvé quelque chose?

La voix de Patrik mit fin à ses réflexions.

– Non. Et toi?

Il ne répondit même pas et elle supposa donc qu'il en allait de même pour lui. Elle reprit la lecture de la loi.

Alinéa quatre.

Même si le matériau biologique peut être légalement prélevé en application du 2 eparagraphe de l'alinéa 3, aucune intervention ne pourra être pratiquée si un proche du défunt s'y oppose. En cas d'existence de proches, aucune intervention ne pourra être pratiquée tant que lesdites personnes n'auront pas été informées que l'on envisage de procéder à un tel prélèvement et qu'elles ont le droit de s'y opposer. Ces personnes devront disposer d'un délai raisonnable pour déterminer leur position.

Elle relut ce paragraphe et posa ensuite lentement la feuille de papier. Puis elle se leva, resta immobile et laissa travailler son cerveau.

Elle le ressentait dans tout son corps.

Malheur à qui prive l'innocent de son droit.

– Patrik!

– Mmouais.

– J'ai trouvé.

Elle entendit un bruit de papier, de l'autre côté de la cloison et, une seconde après, il se tenait dans l'embrasure de la porte.

– Quoi donc? Comment tu peux savoir?

Mais elle était sûre d'elle.

– C'est quelqu'un qui a changé d'avis.

Comme elle avait désiré le faire, un jour, il y avait longtemps de cela. Mais on ne le lui avait pas permis.

Malheur à qui prive l'innocent de son droit.

Son droit de vivre. Ou de mourir.

– Ou alors, c'est quelqu'un à qui on ne le lui a jamais demandé.

Patrik était redescendu à son ordinateur. Pour sa part, elle faisait les cent pas dans le couloir du grenier pour passer le temps.

Le donateur avait dû mourir le 15 mars 1998 ou juste avant. Mais qui était-ce? Un homme ou une femme?

S'il existait un registre de ce genre, dans ce monde secret auquel Patrik avait accès par son ordinateur, il allait le trouver. Elle en était certaine. Et pourquoi n'existerait-il pas? Puisque tout le reste existait.

Pourvu qu'il ne dise rien à sa mère. Elle le lui avait formellement interdit et avait ajouté qu'elle préférait rester le suspect numéro un. Et elle était bien décidée à résoudre le problème elle-même.

Elle se demandait si la police était sur la même piste qu'elle. Mais pourquoi le serait-elle? Elle croyait déjà tenir l'assassin!

Lorsque Patrik revint, il n'apportait pas de bonnes nouvelles. Il n'existait aucun registre public des personnes décédées. Uniquement des statistiques sur le nombre de décès au cours de l'année. Il y en avait eu 93271, en tout, et cela ne les avançait pas à grand-chose de le savoir.

– J'ai vérifié à la fois dans la rubrique État civil et dans Statistiques nationales. Mais j'ai rien trouvé. Il faut l'autorisation de la commission Informatique et Liberté.

Sa déception le faisait paraître à nouveau très jeune. Sibylla le regarda et ne put s'empêcher de sourire.

– T'es plutôt futé, pour tes quinze ans.

– Bah.

Il se détourna, mais elle avait eu le temps de voir qu'il rougissait.

Ils ne dirent rien pendant un moment.

Ce n'était pas chose facile que de traquer un assassin, quand on était obligé de se cacher dans un grenier.

– Bon sang, finit-elle par dire. Il faudrait pouvoir consulter le fichier des dons d'organes.

– Qu'est-ce que c'est que ça?

Elle en savait plus long que lui sur ce point. Même si ces connaissances étaient de fraîche date, cela lui redonna une certaine estime d'elle-même. Elle n'était pas aussi bête qu'il le pensait peut-être. Elle n'était pas une pauvre fille qu'il pourrait sauver en jouant les héros. Elle avait le double de son âge et entendait bien le lui rappeler.

Elle retourna à son fauteuil et ne tarda pas à revenir avec le tas de papiers dont elle avait pris connaissance. Elle tourna quelques pages avant de trouver celle qu'elle cherchait.

– C'est marqué dans ce document du ministère des Affaires sociales. Informations sur les dons d'organes.

Elle se mit à lire:

Question: des personnes étrangères peuvent-elles avoir accès aux informations contenues dans ce fichier?Réponse: c'est un délit, pour toute personne étrangère, de se procurer les informations qu'il contient. Nous avons pris des mesures pour assurer cette confidentialité. Seul un petit nombre de personnes ont le droit de le consulter. L'autorisation est accordée à titre strictement personnel et ne peut être déléguée.

Elle jeta la feuille de papier par-dessus son épaule.

– La question est réglée.

Il la regarda un instant.

– Ça vaudrait cher, de savoir ce qu'il y a dans ce fichier?

– Très cher.

– Combien? Plusieurs milliers de balles?

Elle hésita un instant. Plusieurs milliers, en effet. La moitié de la valeur d'une chambre à coucher.

– Pourquoi ça?

– Je connais un type qui serait capable d'y jeter un coup d'œil. Mais il sait bien se faire payer, aussi.

– Comment le connais-tu?

– Je le connais pas personnellement. Mais son petit frangin est à l'école, ici. Il est vachement connu depuis que l'autre a fait de la taule pour délit informatique.

Cela l'inquiéta. Elle avait beau désirer se procurer ces renseignements, elle ne voulait pas voir Patrik mêlé à des activités illégales.

– Quel âge a-t-il?

Il haussa les épaules.

– Je sais pas. Vingt balais ou quelque chose comme ça.

Elle réfléchit un instant. C'était leur seule chance de progresser. Puisqu'ils étaient au moins arrivés là.

Elle poussa un soupir.

– Bon. Je lui donne trois mille s'il peut nous donner le nom.

Elle avait décidé d'y aller elle-même. C'était son problème, à elle, et elle ne voulait pas en causer à Patrik. En revanche, il avait réussi à obtenir satisfaction pour elle, grâce au téléphone portable de son père et sans révéler son nom. Mais elle avait dû accepter d'aller jusqu'à quatre mille.

Elle posa la main sur sa poitrine et sentit que la bosse de la pochette était déjà nettement moins proéminente.

Mais elle n'avait pas le choix, n'est-ce pas?

Patrik lui demanda pourquoi elle prenait son sac à dos et elle lui dit la vérité. Elle ne s'en séparait que pour le déposer à la consigne de la gare centrale.

Avec un reçu ou une clé comme garantie.

L'homme habitait Kocksgatan et ce n'était donc qu'à deux ou trois minutes à pied. Patrik s'arrêta devant une entrée et appuya sur le bouton de l'interphone. La serrure se mit à grésiller avant même qu'il ait lâché le bouton.

– Tu m'attends ici?

Il hocha la tête, toujours très déçu qu'elle ne veuille pas qu'il l'accompagne.

– Ça vaut mieux, je t'assure, Patrik.

La porte d'entrée se referma derrière elle et elle monta l'escalier. Une porte s'ouvrit au deuxième étage et un jeune homme aux cheveux blonds peignés en arrière apparut.

Sibylla s'arrêta.

Ils se regardèrent sans rien dire mais, après une ou deux secondes d'hésitation, il ouvrit la porte en grand pour lui permettre d'entrer. Il portait un T-shirt blanc et la main qui tenait toujours la poignée de la porte se trouvait au bout d'un bras bien musclé sur lequel on voyait nettement les vaisseaux sanguins.

À la prison, il avait dû consacrer ses loisirs à faire de la musculation.

Il ferma la porte derrière elle et la précéda. Quand il passa près d'elle, elle vit qu'il avait en fait une queue-de-cheval et que ses cheveux lui retombaient dans le dos.

L'appartement était un simple studio. Le coin cuisine était rempli de vaisselle sale au point qu'on pouvait se demander s'il lui arrivait jamais de la faire. Dans un coin, une série d'haltères étaient posés sur un support, juste à côté d'une guitare électrique de couleur jaune et d'un ampli. Le mur de la fenêtre était entièrement masqué par des ordinateurs et du matériel électronique qu'elle ne connaissait pas mais dont elle supposait qu'il était nécessaire à tous les hackersdignes de ce nom. Sur deux des écrans défilaient des lettres et des chiffres et elle fit un pas en avant pour mieux voir de quoi il s'agissait.

Il vint se placer devant elle.

– C'est fini tout de suite. Si on procédait au paiement, en attendant?

Elle avait préparé la somme, dans sa poche.

– Oui, bien sûr.

Elle lui donna les billets et il les prit sans même les compter.

– Assieds-toi une seconde.

Il lui montra un tabouret, à l'entrée du hall, et elle alla s'asseoir, gardant son sac à dos sur elle mais l'appuyant contre le mur.

De là où elle se trouvait, elle ne pouvait plus le voir, mais, en se penchant légèrement, elle constata qu'il était assis devant l'un des ordinateurs. Elle entendait le petit bruit que faisaient ses doigts en courant sur le clavier à une vitesse ahurissante et elle se demanda comment d'aussi grosses mains que les siennes étaient capables d'effectuer un pareil travail de précision.

– Tu as de la chance, lui dit-il sans détourner le regard de l'ordinateur. Y a quelqu'un qui vient de se connecter et je n'ai eu qu'à me glisser derrière lui.

Il cessa d'écrire et elle se redressa sur son siège. Elle ne voulait pas être surprise en train de l'espionner.

Elle se demanda s'il reconnaissait les noms pour les avoir lus dans le journal. Celui de Jörgen Grundberg, au moins, avait été cité abondamment. Presque aussi souvent que le sien.

Quand elle entendit qu'il se levait, elle fit de même et il vint vers elle, une feuille de papier de format A4 à la main.

– Voilà.

Elle prit la feuille sans le lâcher du regard.

– Tu es certain que c'est la bonne personne? Il sourit devant la bêtise d'une telle question.

– Oui, eut-il l'indulgence de dire. En tout cas, je suis sûr que ce sont ses organes qui ont été transplantés sur ceux dont on m'a donné les noms au téléphone.

Elle inclina la tête de côté.

– Ils ont tous mal fini, d'ailleurs, hein? Assassinés par cette Sibylla.

Elle ne répondit pas et son sourire s'élargit.

– On se tient par la barbichette, n'est-ce pas?

Elle glissa le papier dans sa poche. Il ne pouvait rien contre elle, dans sa situation, et elle n'eut donc pas peur. S'il lui prenait l'idée de la dénoncer, elle ferait de même et ils le savaient tous les deux.

Elle le regarda. Beaucoup de muscles, mais pas mal de cervelle, aussi.

Elle fit quelques pas en direction de la porte, mais elle se ravisa au dernier moment.

– Il ne t'est jamais venu à l'idée de prendre un vrai boulot? Ce ne sont pas les capacités qui te font défaut, on dirait.

Il s'était appuyé au chambranle de la porte et avait croisé ses bras musclés sur sa poitrine.

– Non, dit-il avec un sourire en coin. Et toi?

Sur ces mots, elle sortit.

Thomas Sandberg.

C'était tout ce qui était marqué sur la feuille qu'elle tendit à Patrik, une fois dans la rue. Il lut ce nom à plusieurs reprises, comme s'il y avait toute une histoire, sur ce papier, et pas seulement quatorze lettres.

– Il t'a pas donné d'adresse?

– Non.

Il avait l'air déçu. Elle vit sur son visage qu'il estimait qu'elle n'en avait pas eu pour son argent.

– T'as une idée du nombre de Thomas Sandberg qu'il peut y avoir, en Suède?

Elle haussa les épaules.

– Aucune. Mais on sait au moins qu'il y en a un de moins, maintenant. Allez, viens.

Elle fit quelques pas. Elle était certaine que ce qu'elle voulait faire était justifié mais elle s'inquiétait de la distance que cela ne manquerait pas de creuser entre eux. Peut-être serait-ce plus facile si elle évitait de le regarder dans les yeux.

– Qu'est-ce qu'on fait, maintenant? demanda-t-il quand il l'eut rattrapée.

Au même moment, sa montre-bracelet fit entendre une petite sonnerie.

– Ah merde, c'est vrai: le repas du dimanche.

Il leva le bras pour arrêter la sonnerie.

– C'est ma vieille qui m'oblige à mettre l'alarme. Elle va être dingue, si je rentre pas.

– Eh bien, alors, fais-le.

– Tu veux bien m'attendre dans le grenier?

Elle ne répondit pas.

– Tu veux bien? répéta-t-il.

– Je suppose que c'est ce que j'ai de mieux à faire.

Ce n'était même pas un mensonge. Le mieux pour elle aurait sans doute été de rester cachée dans le grenier de Patrik pendant un certain temps et de se contenter des restes des repas de la famille qu'il lui apporterait.

Mais il était trop tard, maintenant.

Quelque part existait un être humain qui avait eu la chance invraisemblable que leurs chemins se croisent, cette nuit-là, au Grand Hôtel. Quelqu'un qui lui avait volé son nom et qui avait utilisé sa marginalité pour exercer une vengeance personnelle.

Elle n'avait pas l'intention de laisser passer cela.

Cet inconnu avait presque réussi à l'abattre. Mais seulement presque.

Lorsque la lourde porte de fer du grenier se fut refermée derrière elle et qu'elle entendit les pas de Patrik s'éloigner dans l'escalier, elle sortit l'autre feuille de papier de sa poche et la lut.

Rune Hedlund, 8-6-46 2498, Vimmerby.

Le cimetière était vaste et il lui fallut une bonne heure pour trouver la tombe. Elle finit par la découvrir dans la partie réservée aux incinérés. C'était une grosse pierre brute portant simplement, en lettres d'or, l'inscription:

RUNE HEDLUND

8 juin 1946

15 mars 1998

En dessous, il y avait de la place pour un autre nom. Une bougie brûlait dans un gobelet en plastique et, autour de la pierre, poussaient des crocus mauves et jaunes.

Le printemps était plus avancé, par ici.

Elle s'accroupit. Des feuilles mortes étaient restées coincées entre les fleurs. Elle les enleva et les jeta.

– Qu'est-ce que vous faites?

La voix la fit tellement sursauter qu'elle perdit l'équilibre et se retrouva assise par terre. Elle se remit très vite debout et se retourna. Une femme était arrivée derrière elle sans qu'elle l'entende. Sibylla sentit son cœur se mettre à battre plus fort.

– J'enlevais seulement les feuilles mortes.

Elles se jaugèrent du regard, comme deux ennemies face à face. Les yeux de l'autre femme brillaient de méfiance et d'antipathie, et Sibylla, de son côté, avait soudain la certitude qu'elle avait trouvé celle qu'elle cherchait.


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