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Oms en série
  • Текст добавлен: 17 сентября 2016, 23:17

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Автор книги: Stefan Wul



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9

Dans la ville des Hauts Plateaux, loin de chanter victoire, on attendait anxieusement la réponse des draags. Les oms étaient épuisés par une longue nuit de combat où, cependant, la plupart n’avaient rien fait d’autre que de rester couchés avec des aiguilles dans les membres pour donner du courant à l’émetteur.

Dans la salle du Conseil, Terr tripotait nerveusement le texte de ses propositions. Il en remâchait des passages à mi-voix:

– «Depuis des années déjà, des millions d’oms s’embarquent clandestinement à destination du Continent Sauvage. Nous y avons bâti une civilisation qui vaut bien la vôtre. Draags, pourquoi poursuivre une guerre inutile alors que vous avez tout à gagner à collaborer avec nous? Nous ne sommes pas vos ennemis. Nous nous sommes contentés de nous défendre. Il nous serait pourtant facile de brûler vos capitales…»

Terr soupira et jeta son papier sur la table.

– Ce bluff est notre dernière chance, dit-il. Il nous reste juste assez de courant pour dévier une vingtaine de fusées. Les oms ne tiennent plus le coup. Il ne reste qu’une petite centaine de milliers d’individus courageux en batterie. Il a fallu exempter progressivement tous les autres.

Charb lui mit la main sur l’épaule.

– Ne te désole pas. De toute façon, nous aurions mené une vie misérable chez les draags. Grâce à toi, nous avons vécu une extraordinaire aventure. Et d’ailleurs, rien ne dit que…

Une téléboîte bourdonna. Vaill se précipita sur elle et se releva presque aussitôt, les joues rouges d’excitation.

– Les draags acceptent nos propositions! cria-t-il.

Tout le monde se dressa d’un seul coup, assailli d’une joie presque douloureuse. Puis ce furent des rires et des embrassades, des vivats et des cabrioles bien peu dignes d’un Conseil.

Quand le calme revint, Terr frappa du poing sur la table.

– Pour maintenir notre bluff jusqu’au bout, dit-il, il faut que les plénipotentiaires se présentent aux draags dans un appareil éblouissant. Un navire draag doit rencontrer le nôtre dans cinq jours, en plein océan, à mi-chemin de nos côtes respectives. En cinq jours, nous avons le temps de faire des merveilles. Je veux que le navire soit révisé à fond, repeint, équipé de fausses antennes et de lance-rayons postiches qui donnent aux draags une haute idée de nos techniques. Nous n’avons pas de vérifications à craindre. Leur taille les empêche de visiter un bâtiment dont les accès sont à notre mesure.

Vaill lui coupa la parole. Il était blême.

– Nous n’avons pas pensé à une chose, dit-il. Les navires draags vont continuer de sauter sur les œufs qui pourrissent le «Siwo Retour»! Les draags vont nous suspecter de déloyauté et reprendre une offensive désespérée!

– C’est prévu, ricana Terr. Les draags sont avertis que la sortie de leurs ports militaires est menacée par nos armes. Ils acceptent d’envoyer leur bateau par un port civil situé plus au sud, dans une zone sans danger. Nous avons été intransigeants sur ce point parce que nous ne pouvions pas faire autrement. J’avais d’ailleurs une peur bleue qu’ils refusent de s’abaisser à ce point.

Vaill s’étonna:

– En somme, c’est une espèce d’ultimatum. Et ils ont accepté!

– Extraordinaire, mais vrai! Tu oublies que les draags se sont déshabitués de la guerre depuis des lustres. L’échec de leur offensive a brisé leur moral. Cela nous permet des airs de vainqueurs. Ils nous croient capables de tout. Nous allons pouvoir dicter des conditions qui, très osées de notre part, leur paraîtront d’une douceur relative étant donné nos succès.

Un vacarme filtrait de toute la ville troglodyte. Un om entra dans la salle, les yeux fous, le sourire aux lèvres.

– On demande l’Édile, cria-t-il. Montrez-vous, Édile, ou bien la foule va forcer les barrages.

Suivi des membres du Conseil, Terr enfila un corridor menant à une ouverture. Il déboucha sur une terrasse, à mi-hauteur d’une grotte immense, et leva les deux mains, salué par une foule hurlante d’oms en délire.

Le bas de la grotte grouillait de visages levés, de bouches ouvertes, de silhouettes gesticulantes. Dans leur enthousiasme primitif, des femelles s’arrachaient les cheveux et les jetaient vers l’Édile, des mâles formaient des pyramides de muscles au sommet desquelles des enfants riaient aux éclats en agitant leurs petits bras.

10

Cinq jours plus tard, deux navires se rencontraient en pleine mer et se saluaient en lançant des gerbes de rayons vers le ciel.

Le bâtiment des oms brillait de mille feux sous le soleil. Il s’avança rapidement vers le bateau draag et l’accosta en une manœuvre impeccable. Rangés sur le pont, les hommes d’équipage, casqués et magnifiques dans leurs uniformes, rendaient les honneurs à leurs adversaires de naguère.

Sanglé dans une tunique luisante, botté de plastique, arborant un rutilant pectoral, Terr monta lentement à bord du vaisseau draag, suivi par une dizaine d’oms.

Les draags n’en revenaient pas de rencontrer des oms accoutrés de la sorte. Ils les avaient toujours vus nus et humiliés par le port d’un collier. Et ce spectacle leur aurait paru comique s’ils ne s’étaient pas rappelé les événements des jours précédents.

Lui-même paré des insignes de sa fonction, le Maître Sinh accueillit l’Édile des oms avec de grands égards et l’invita à le suivre dans sa cabine.

Ils eurent une longue conversation. Terr s’efforçait de parler lentement et de bien prononcer toutes les consonnes pour se faire comprendre du draag. Mais sa pensée allait beaucoup plus vite que ses mots et lui donnait l’avantage dans la discussion.

Le vieux draag n’en était pas dupe et se sentait en infériorité.

– Je crains fort, disait-il, que la signature de ces accords ne vous rendent bientôt maîtres de la planète. Vous êtes beaucoup plus rapides que nous. Certes, nous vivons plus longtemps, mais vous vous multipliez très vite. Vos techniques, votre civilisation n’auront pas de mal à dépasser la nôtre en peu d’années.

Terr fut absolu et sincère dans sa réponse.

– Non! dit-il. Il existe, Édile Suprême, un grand danger pour une race évoluée: la sclérose. Vous connaissez le passé des oms et vous en savez quelque chose. Quand une civilisation atteint son point de perfection, elle devient une gigantesque machine, incapable de progrès, et dont tous les membres ne sont plus que des rouages sans pensée.

– C’est de cette situation que nous vous avons tirés en vous amenant sur Ygam.

– Je sais. Nous vous en sommes en quelque sorte reconnaissants. C’est pourquoi je vous mets en garde, Édile Suprême. Votre société donne des signes de sénilité. Elle est trop parfaite, et peu à peu, les draags deviennent des robots routiniers. Voyez le mal que vous avez eu à réveiller l’énergie de vos congénères. Encore quelques dizaines de lustres sur cette pente facile et vous ne serez plus qu’une vaste «fourmilière» sans âme. J’emploie des mots que vous connaissez, puisque vous avez étudié les animaux terrestres.

Le Maître Sinh eut un vague geste de membrane. Il se pencha en avant pour être à la hauteur de son interlocuteur.

– Nous serons encore plus à votre merci.

– Pas du tout. Car si vous étudiez bien l’article 10 du traité que, je l’espère, vous allez signer tout à l’heure, vous en verrez tout l’intérêt pour nos deux peuples. Il prévoit une large association de nos deux civilisations. Il n’y aura plus de race maîtresse, mais deux races égales, qui travailleront côte à côte, en se faisant mutuellement bénéficier de leurs progrès. En sentant près de vous cette amicale rivalité, vous éviterez la sclérose collective dont je parlais tout à l’heure. Et vous jouerez le même rôle sur nous. Je prévois pour nos deux races un avenir extraordinaire, conquis grâce au ressort de l’émulation.

– Tout cela sera bien long à mettre en route. Les draags sont encore désemparés à votre sujet. Certains vous chérissent comme de gentils animaux, d’autres vous craignent comme de futurs conquérants.

– Et ces deux attitudes nous blessent autant l’une que l’autre, l’une dans notre orgueil, l’autre dans notre loyauté. Les plaies sont encore trop fraîches. Faites confiance au temps.

L’Édile Suprême des draags tendit lentement sa main vers celle de l’Édile des oms. Puis il apposa son sceau au bas du traité.

Il redressa son vieux corps et alla ouvrir la porte de la cabine.

– Draags, dit-il, et vous, petits oms, j’ai signé! Le travail de vos Édiles est terminé. La mise au point des détails sera votée par les conseils. Nos deux races sont unies pour le meilleur et pour le pire!

Dans le soir doré descendant sur la mer, deux vaisseaux s’accotaient l’un à l’autre, comme deux amis. Des hymnes draags et des chants d’oms ondulaient dans la brise.


FIN

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