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Oms en série
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Автор книги: Stefan Wul



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STEFAN WUL
Oms en série

PREMIÈRE PARTIE

1

En silence, le draag s’approcha du hublot donnant sur la salle de nature. Souriant, il regarda jouer sa fille.

C’était une jolie petite fille draag, avec de grands yeux rouges, une fente nasale étroite, une bouche mobile et, de chaque côté de son crâne lisse, deux tympans translucides à force de finesse.

Elle courait sur le gazon, faisait des culbutes et se laissait rouler jusqu’à la piscine en poussant des cris de joie. Puis elle descendait sous l’eau le plus bas possible et prenait assez d’élan pour surgir, telle une fusée, jusqu’au plongeoir où elle s’accrochait du bout des doigts.

Comme elle recommençait pour la troisième fois son manège, elle manqua le plongeoir et dut déplier la membrane de ses bras pour planer jusqu’au gazon.

Elle resta un moment debout, rêvant à quelque nouveau jeu. Menue pour ses sept ans, elle n’avait que trois mètres de haut.

Son père entra dans la salle de nature et s’avança vers elle. Il la prit par la main, souriant toujours. Elle leva la tête vers lui.

– Je t’avais promis une surprise, dit le draag.

Elle resta un moment immobile, puis, ses yeux rouges s’allumant de joie, elle serra de ses vingt petits doigts la main de son père et cria:

– L’ome du voisin a eu son petit!

– Elle en a eu deux, dit le draag. C’est assez rare. Nous te choisirons le plus beau. Ou plutôt non, tu le choisiras toi-même.

Elle tira le bras de son père en trépignant.

– Vite, père, emmène-moi les voir!

– Habille-toi d’abord, dit le draag en montrant la tunique abandonnée sur le gazon.

À la hâte, elle passa le mince vêtement et courut devant son père pour arriver plus vite. L’un suivant l’autre, ils traversèrent le terre-plein les séparant de la demeure voisine.

– Vite, père, disait l’enfant draag en se haussant sur ses jambes pour essayer de toucher l’introducteur, simple plaque brillante fixée sur la porte.

– Tu es trop petite, ne t’énerve pas, dit le draag en touchant de la main l’introducteur.

Le visage du voisin apparut sur la plaque et dit:

– Te voilà, Praw, je vois que tu m’amènes Tiwa.

– Et dans quel état d’impatience! sourit Praw de sa large fente buccale.

La porte s’ouvrit devant les visiteurs. Le voisin les attendait, debout à l’entrée de la salle de nature. Il déplia poliment ses membranes en étendant les bras.

– Bonheur sur toi, Praw.

– Bonheur sur toi, Faoz, répondit le père de Tiwa.

Déjà, se coulant sous les jambes du voisin, la petite courait sur le gazon. Son père la rappela, mi-indulgent, mi-sévère.

– Tiwa! Tu n’as pas salué.

Tiwa déplia rapidement une membrane.

– Bonheur…, dit-elle. Oh! voisin Faoz, où sont-ils? Où sont les petits oms?

De son gros œil rouge, Faoz fit un signe complice à Praw.

– Par ici, dit-il en traversant la salle.

Ils passèrent plusieurs portes et entrèrent dans une petite omerie où flottait une légère odeur animale, malgré la propreté immaculée des lieux.

Étendue sur un coussin, une ome allaitait ses deux petits. Elle les tenait serrés contre elle dans ses bras repliés, tandis qu’ils suçaient goulûment ses deux mamelles.

Tiwa se pencha en avant pour les voir de plus près.

– Oh! dit-elle, ils n’ont presque pas de poils sur la tête!

– Quand il s’agit d’un om, on dit des cheveux et non des poils, précisa Praw. Ils viennent de naître, leurs cheveux pousseront par la suite.

Elle regarda les longs cheveux blonds de la mère.

– Est-ce qu’ils auront des cheveux dorés, comme leur maman?

– Certainement, dit Faoz, le père était aussi de race dorée.

– Ils sont de race pure? s’étonna Praw. Tu sais, Tiwa, c’est un beau cadeau que tu reçois du voisin Faoz!

– Mais non, ça me fait plaisir pour Tiwa! Lequel choisis-tu, Tiwa?

La petite avança la main.

– Je peux les toucher?

– Attention, la mère pourrait mordre. Laisse-moi te les montrer.

Faoz déplia sa membrane et caressa les cheveux blonds de l’ome. Celle-ci gronda un peu, du fond de la gorge.

– Allons, allons, la calma son maître. Sois sage, Doucette. Je ne veux pas leur faire de mal. Je vais te les rendre aussitôt… Tu comprends?

Il prit les deux jumeaux en disant:

– Elle est intelligente et affectueuse, mais ça les rend toujours un peu hargneuses d’avoir des petits. C’est l’instinct!

Il posa un petit dans la main tendue de Tiwa. Le bébé se tortilla comme une petite grenouille en agitant deux minuscules poings fermés. Une goutte de lait coulait de sa bouche braillante et édentée.

– Qu’il est mignon! admira Tiwa.

Suppliante, l’ome s’accrochait tantôt aux jambes de son maître, tantôt à celles de Tiwa en disant sans arrêt: «Bébé! bébé!». Le draag lui caressa la tête de sa main libre.

– Mais oui, ma Doucette, on va te les rendre, mais oui, sois sage!

– Ils sont tout pareils, dit Tiwa en berçant le bébé dans le creux de sa main. Je choisis celui-là. Je peux l’emporter tout de suite?

Son père protesta.

– Non, il est encore trop jeune, tu le prendras dans quelques jours, quand il saura marcher.

La petite draag parut déçue. Ses yeux rouges se ternirent.

– Mais tu pourras venir le voir d’ici là, dit le voisin en lui enlevant le bébé.

– Oui, dit le père, quelques jours sont vite passés. Et puis, il faut me laisser le temps de faire aménager une omerie à la maison.

Tiwa désigna le coussin sur lequel la mère ome retournait ses petits en tous sens pour voir s’ils n’avaient pas souffert des draags.

– Il y aura un coussin comme ça dans l’omerie?

– Bien sûr.

– Et une mangeoire comme ça?

– Mais oui!

Elle sauta sur place en faisant claquer ses membranes axillaires. Elle chantonna:

– Un petit om! Un petit om!

Puis, soudain plus sérieuse:

– C’est la bête que je préfère!

Les deux draags sourirent.

– Et pourquoi?

– Parce que ça peut parler, ça peut même nager quand on leur apprend.

– Oui, mais assez mal… Eh bien! nous allons laisser notre voisin tranquille.

Il se tourna vers Faoz en dépliant ses membranes.

– Merci, Faoz. Bonheur sur toi!

– Bonheur, dit Faoz en les reconduisant. Ne me remerciez pas, c’est peu de chose.

Il caressa la tête lisse de Tiwa.

– Bonheur, petite. Et à bientôt!

– Bonheur sur toi, voisin Faoz.

Elle traversa le terre-plein en sautillant de joie, à la suite de son père. Elle était heureuse; dans quelques jours, les petits oms sauraient marcher, elle pourrait prendre le sien.

Il est vrai qu’un seul jour de la grosse planète Ygam équivalait à quarante-cinq jours d’une petite planète nommée Terre, monde très lointain d’où les oms étaient originaires.

2

Quand le petit om choisi par Tiwa fut assez grand pour marcher seul, on le sépara de sa mère. Le voisin Faoz exigea que cette séparation fût progressive, car il était bon et aimait les bêtes.

Il commença par confier le petit à Tiwa pendant une seule heure par jour, puis deux, et ainsi de suite… Ainsi, la mère et le petit se déshabituaient peu à peu l’un de l’autre. Au début, la mère geignit interminablement à chaque départ de son fils pour la demeure voisine. Puis elle reporta de plus en plus son affection sur son autre enfant.

Quand on installa définitivement le petit om dans l’omerie aménagée à son intention, la mère ne souffrit plus que d’un vague regret sans objet précis. Mais pendant plusieurs jours encore, elle geignait, par moments, sans bien savoir pourquoi.

Quand Tiwa sut qu’on ne lui reprendrait plus son petit om, elle dit:

– Cette fois, il est bien à moi! Comment vais-je l’appeler?

– Le nom de la mère ome est Doucette, conseilla son père, appelle-le Doucet.

Tiwa regarda le jeune animal qui arrachait à poignées le gazon de la salle de nature.

Il s’accroupissait sur ses petites jambes potelées, crispait ses poings dans l’herbe avec un air de béatitude sur le visage et jetait des touffes vertes dans l’eau de la piscine en poussant de grands rires de jubilation.

– Doucet ne lui irait pas, dit l’enfant draag. Regarde comme il est vigoureux!

– Il faut l’arrêter, dit Praw. Ce petit démon va saccager la salle de nature.

Il brandit les bras, déplia ses membranes et envoya du vent en direction du petit om, en disant:

– Hou! Veux-tu bien cesser, petit démon!

– Non, père, dit Tiwa, tu vas lui faire peur. Il ne sait pas ce qu’il fait, c’est une petite bête!

Mais l’animal ne semblait pas effrayé du tout. Imitant le draag, il agitait ses petits bras et criait à son tour:

– Hou! Ti démon, hou!

Le père et la fille éclatèrent de rire. Néanmoins, le draag fit deux grands pas vers l’om et le prit par une jambe. Il le fit tournoyer dans sa main et l’emmena dans l’omerie malgré les protestations de Tiwa.

– Il faut qu’il dorme un peu, dit-il en fermant la porte de l’omerie. Il a fait assez de bêtises depuis tout à l’heure, il a besoin de se reposer.

Il ajouta, pour détourner le mécontentement de sa petite fille:

– Finalement, quel nom vas-tu lui donner? Il a déjà de beaux cheveux, comme sa mère. Appelle-le Doré.

La petite fit la moue, tandis que son père la poussait doucement vers la salle de nature.

– Il y a trop d’oms qui s’appellent Doré parce qu’ils ont des cheveux comme ça, dit-elle.

À cet instant, on entendit au loin deux petits poings frapper la porte de l’omerie tandis qu’une voix aiguë criait:

– Hou, ti démon!

Les deux draags rirent encore.

– Il est terrible! s’exclama le père.

La petite cessa de rire d’un seul coup.

– Père, dit-elle, je l’appellerai Terrible.

Praw s’étonna:

– Ce n’est pas un nom d’om!

– Ça ne fait rien, père, je trouve que ça lui va bien. Pour aller plus vite, je lui dirai Terr!

Praw sourit.

– Fais comme tu veux, Tiwa, cet om est à toi.

– J’écrirai son nom sur son collier, je… Oh! père, il n’a pas encore de collier!

– Nous lui en achèterons un.

Tiwa trépigna.

– Tout de suite, père, tout de suite. Emmène-moi acheter un collier pour Terr!

Une draag aux yeux verts entra dans la salle de nature. Praw se tourna vers elle.

– Tu entends, Wami, la petite veut que j’achète un collier pour l’om.

Tiwa supplia la draag à son tour.

– Mère, tu veux bien? Tu veux bien que je sorte avec père pour acheter un collier à Terr?

– Terr? dit la mère de Tiwa. Qui est Terr?

– C’est le nom que j’ai donné à mon petit om.

La draag fit claquer ses membranes avec sévérité.

– Je n’entends plus parler que de cet om! dit-elle. Depuis qu’il est ici, tout marche de travers. Je parie que tu ne t’es pas instruite aujourd’hui?

Tiwa lança à la dérobée un regard malheureux sur les écouteurs d’instruction qui pendaient au mur.

– Non, mère, dit-elle d’une toute petite voix en clignant ses yeux rouges.

La draag s’approcha d’elle et lui enveloppa les épaules de sa membrane. Elle dit d’un ton plus doux:

– C’est bon, Tiwa, je te dispense encore d’instruction pour ce matin.

Elle se tourna vers Praw.

– Emmène-la acheter ce collier, Praw, si ça lui fait tant plaisir.

– C’était bien mon intention, dit le père, mais il faut qu’elle me promette de se mettre à l’étude dès notre retour.

Tiwa promit tout ce qu’on voulut et entraîna son père vers la porte de sortie.

Ils franchirent le terre-plein en diagonale et, pour aller plus vite, déplièrent leurs membranes pour se laisser planer jusqu’au sol.

Du haut de sa terrasse, le voisin Faoz les vit partir.

– Comment va le petit om? lança-t-il.

– Très bien, répondit Tiwa, nous allons lui acheter un collier.

Le père et la fille montèrent dans la sphère et fermèrent le couvercle. Bientôt, la sphère quitta le sol et fila vers la ville, dont on voyait les blocs à l’horizon.

– Où allons-nous trouver ce collier, père? demanda Tiwa.

– Au bloc 12 A, il y a une grande omerie d’exposition. On y trouve tout ce qu’il faut pour les oms. C’est de là que j’ai fait venir le matériel pour notre omerie personnelle.

Ils furent en quelques minutes aux portes de la ville et quittèrent la sphère pour emprunter le chemin mobile menant aux blocs A.

Par des tunnels ou des ponts, ils traversèrent successivement les blocs des autres quartiers et parvinrent au centre de la ville, où la foule était beaucoup plus nombreuse et où les sphères des surveillants et des techniciens semblaient de grosses bulles de savon suspendues en l’air.

Ils quittèrent le chemin 3 et se laissèrent porter par le chemin A jusqu’au bloc 12. Arrivés dans le hall du bloc 12, ils montèrent dix étages et Tiwa fut émerveillée.

Un grand couloir était bordé d’un côté par des vitrines où l’on pouvait voir des oms de toutes races. Certains étaient blonds comme Terr. D’autres avaient la peau noire et les cheveux bouclés. Certains mâles avaient une crinière qui prenait naissance entre l’œil et l’oreille et, cernant la bouche, se terminait au menton.

Plus loin, s’alignaient des cages de verre où l’on voyait des chiens, des lions de Mars, des oiseaux d’Ygam et toutes sortes d’autres animaux de l’univers. Mais Tiwa n’avait d’yeux que pour les oms, cette race de petits singes venus de la Terre.

L’intérêt exclusif de Tiwa pour ces animaux n’avait rien de particulièrement original pour une draag. L’om était de loin le compagnon le plus prisé, sur Ygam. Un proverbe ne disait-il pas: «L’om est le meilleur ami du draag»? D’ailleurs, c’est devant les cages d’oms que la foule était le plus nombreuse.

Praw laissa sa fille se distraire quelque temps à regarder les vitrines, puis il l’entraîna en disant:

– Le temps passe, petite. N’oublie pas que tu dois t’instruire en rentrant à la maison. Viens choisir un collier pour ton petit om.

Ils entrèrent dans une salle où l’on vendait toutes sortes de choses pour les animaux. Un vendeur se présenta aussitôt pour leur présenter différents modèles de colliers. Tiwa en choisit un grand de couleur bleue.

Elle s’inquiéta cependant de sa taille en disant:

– Jamais cela n’ira à mon petit om.

Mais le vendeur la rassura en lui indiquant un bouton qu’il fallait presser plus ou moins pour rapetisser ou agrandir le collier. Il lui proposa aussi une laisse magnétique, simple bracelet qu’il suffisait de se passer au poignet pour empêcher l’om de s’éloigner à plus de six millistades, bracelet et collier étant réglés l’un sur l’autre.

Praw fit faire un paquet et ressortit du bloc en compagnie de Tiwa toute contente.

Au bout d’une demi-heure, ils furent de retour à la maison. Tiwa s’empressa d’aller à l’omerie, passa le collier au cou de Terr et le bracelet à son propre poignet. Puis, tenant ses promesses, elle alla s’asseoir sur le gazon de la salle de nature et mit à ses tympans ses écouteurs d’instruction tandis que le petit om, bercé par ses caresses, s’endormait sur ses genoux.

«… cycle élémentaire, murmuraient doucement les écouteurs, dixième leçon. Cette leçon sera consacrée à l’Ygamographie. Fermez les yeux, s’il vous plaît.»

Tiwa ferma les yeux et une image mentale précise se forma sous son crâne. Une sphère tournait lentement, une sphère divisée en taches irrégulières, rouges et vertes.

«Notre dernière leçon traitait de la genèse des mers et des continents d’Ygam. Voici maintenant la répartition de ceux-ci tels que les draags les ont volontairement redisposés à la surface d’Ygam. Les continents d’Ygam sont au nombre de six: quatre artificiels et deux naturels. Ces derniers n’ont pas été retouchés par les draags. Ils ont gardé la forme que le hasard leur avait donnée et servent de réserve aux espèces inférieures.

«Les quatre continents retouchés par les draags sont de forme triangulaire équilatérale et de dimensions égales. Deux sont placés à égale distance l’un de l’autre dans l’hémisphère A, les deux autres sont placés à égale distance l’un de l’autre dans l’hémisphère B. Leurs pointes sont dirigées vers les pôles, leurs bases regardent l’équateur.

«Les continents naturels sont placés à l’équateur, mais le plus loin possible des continents rectifiés, c’est-à-dire…»

Le petit om, dans un songe agréable, voyait tourner une sphère bariolée. Il entendait des paroles qu’il ne comprenait pas et n’aurait même pas pu prononcer correctement.

La main de la draag reposant sur sa tête, il en résultait que le bracelet était tout proche du collier. Par un phénomène très simple, mais auquel personne n’avait jamais pensé, Terr entendait et voyait, dans son sommeil, tout ce que sa jeune maîtresse percevait elle-même par ses écouteurs.

Les paroles et les images tombaient dans son subconscient comme des graines dans la terre vierge.

3

Terr prit l’habitude de toujours dormir sur les genoux de Tiwa quand elle s’instruisait.

Au début, les parents draag l’en empêchaient, craignant que leur fille ne fût distraite par la présence du petit animal. Mais ils remarquèrent bientôt qu’ils avaient mal jugé les choses.

En effet, lorsque Tiwa était privée de la présence du petit om, elle écourtait ses heures d’instruction pour aller plus vite jouer avec lui. Au contraire, la compagnie de son petit camarade inférieur l’incitait à rester plus longtemps les écouteurs aux tympans. Praw et Wami finirent même, après s’être rendu compte du fait, par conseiller à l’enfant de prendre le petit om avec elle pour adoucir la corvée d’instruction journalière.

Un jour, lorsque Terr eut un peu grandi, Praw entendit du bruit dans l’omerie où il l’avait enfermé pour quelques heures. Il s’approcha, prêta l’oreille et entendit chantonner l’animal. Étrange chanson aux paroles plus étranges encore:

«La ville Klud est la plus grande ville du continent A sud, la ville Torm est la plus grande du continent A nord, nord, nord… L’élément d’origine des draags est l’eau; autrefois, les draags ne pouvaient pas respirer dans l’air… l’air… l’air! Aujourd’hui, ils sont amphibies grâce aux mutations obtenues par le savant Zarek, Zarek, rek, rek!..»

Praw n’en crut pas ses tympans. Il alla retrouver Wami, sa femme.

– Wami, lui dit-il, il arrive une chose extraordinaire!

– Et quoi donc?

– Le petit om sait… c’est incroyable… le petit om sait par cœur les leçons de Tiwa!

Wami haussa les épaules.

– Tu exagères toujours. Il se peut que Tiwa lui ait appris à prononcer quelques mots, mais de là…

Praw ne répondit pas et entraîna sa femme vers l’omerie. Derrière la porte close, une voix juvénile fredonnait:

«… c’est pourquoi, c’est pourquoi… les spores de glanel ne germent pas en terrain acide, acide… Tiwa, Tiwa, vilaine… laine, veux-tu t’instruire… L’atmo… l’atmosphère de la planète Sird se compose d’un tiers d’élément fort, fort, fort… et de deux tiers d’éléments faibles!»

Praw ouvrit brusquement la porte et trouva Terr assis sur son coussin et se balançant d’avant en arrière pour rythmer sa chanson sans queue ni tête.

Terr était devenu un beau petit garçon aux cheveux bouclant sur les épaules. Il se leva d’un bond et courut dans les jambes de Praw en lui demandant:

– Sucre!

Perdant toute dignité, Wami se mit à chanter elle-même pour entraîner l’animal:

– Tiwa, petite vilaine… laine, veux-tu t’instruire!

Mais Terr éclata de rire et se tortilla pour échapper à la main de Praw. De l’œil, il guignait l’espace vert de la chambre de nature où s’ébattait Tiwa. Le draag le lâcha et le laissa courir vers la piscine où il plongea en gloussant de joie.

Perplexes, les époux draag se regardèrent.

– Après tout, dit Wami, nous avons un om qui parle mieux que les autres, il ne faut pas en faire toute une histoire. Il ne comprend absolument rien à ce qu’il dit.

– Évidemment, dit Praw. Il mélange tout, la botanique et la cosmographie, l’ygamographie et la biologie…

Ils entrèrent à leur tour dans la salle de nature et s’adressèrent à Tiwa qui sortait de l’eau.

– Sais-tu que ton petit om peut parler?

– Bien sûr, dit Tiwa. J’essaye de lui apprendre à parler comme un draag, mais c’est difficile. Il y a des mots qu’il ne peut pas prononcer.

– Vraiment? dit Wami. Ton père et moi, nous venons de l’entendre réciter tes leçons par cœur.

Surprise, l’enfant draag secoua ses membranes pour les sécher un peu. Elle dit:

– Ce n’est pas possible, Terr parle tout juste comme un bébé draag et… je ne lui ai jamais appris mes leçons, il n’aurait pas pu…

– Nous l’avons entendu! affirma le père.

La petite secoua la tête.

– Alors, dit-elle, je ne sais pas… Peut-être… Je les ai peut-être récitées sans faire attention…

Praw se tourna vers sa femme:

– Je pensais que les oms ne pouvaient pas prononcer certains mots en raison d’une conformation spéciale de leur bouche, mais ce n’est pas ça!

– Que veux-tu dire?

Praw sourit.

– Imagine, dit-il, un draag particulièrement bête sur une planète étrangère. Il arriverait à connaître dans la langue des étrangers une bonne centaine de mots utiles: sucre, sortir, faim, soif. Mais il serait incapable de former des phrases.

– Et alors?

– Mais, suis-moi bien, il pourrait parfaitement «réciter» des phrases entendues, par cœur, sans en comprendre la signification. C’est exactement le cas du petit Terr.

Wami haussa encore les épaules.

– Voilà bien des mots pour un fait insignifiant! Cet om est très attaché à Tiwa, il la suit partout. Il a dû l’entendre réciter ses leçons et les a apprises machinalement sans savoir ce qu’il faisait. L’incident est clos, n’en parlons plus.

Elle se tourna vers Tiwa.

– Cela me fait penser à quelque chose; tu ne t’es pas encore instruite aujourd’hui. Dépêche-toi de mettre tes écouteurs.

Docilement, Tiwa alla pour décrocher ses écouteurs. Mais elle s’arrêta net. Sur le mur, le crochet était toujours là, mais les écouteurs avaient disparu.

Praw s’aperçut de la gêne de sa fille.

– Où les as-tu encore laissés traîner? dit-il en faisant claquer ses membranes.

– Je ne sais pas, père.

– Cherche bien. D’habitude tu t’assois sous les palmes, au bord de la piscine.

Ils cherchèrent dans l’herbe sans rien trouver. Tiwa plongea même pour explorer le fond de la piscine. Ils scrutèrent en vain les moindres recoins de la salle de nature.

– Je parie que tu as laissé Terr s’amuser avec, gronda Praw. Ces appareils sont très chers, tu n’es pas raisonnable, Tiwa.

Les yeux rouges de Tiwa se voilèrent de contrariété.

– Je t’assure, père…

– Je ne suis pas assez sévère avec toi, coupa le draag.

– Mais, père, je n’ai jamais laissé l’om jouer avec les écouteurs, c’est la vérité!

Le père resta songeur.

– Cela expliquerait pourtant bien des choses, dit-il… Où est Terr?

– Terr! appela la petite.

Le petit om ne répondit pas à cet appel.

– Il se cache, ce petit gredin, dit Praw. Terr, veux-tu venir! Terr, un sucre!

– Terr, viens chercher un sucre!

La mère draag revint dans la salle.

– Que se passe-t-il, dit-elle. Vous en faites un vacarme. Ce n’est plus le moment de jouer avec cet om. Je t’avais dit de t’instruire, Tiwa!

– Elle ne peut pas, gémit Praw, les écouteurs ont disparu! Terr a disparu aussi!

– Mais non, dit Wami, je viens de le voir dans le couloir.

– Terr!

Ils se précipitèrent tous les trois dans le couloir.

– Où était-il?

– Là, sur ce siège.

– Bon sang, jura Praw.

Il tendit un doigt vers le siège.

– Pourquoi gesticules-tu comme ça?

– Les écouteurs! dit Praw.

– Eh bien?

– L’om pouvait très bien atteindre les écouteurs en montant sur ce siège. Je parie qu’il s’amuse avec en ce moment. S’il les casse…!

Il alla vers l’omerie dont la porte était restée grande ouverte. La petite pièce était vide.

– Où est-il passé, ce petit démon?

Tiwa éclata en sanglots à l’idée d’avoir perdu son om.

– Au lieu de pleurer, dit sa mère, tu ferais mieux de mettre ton bracelet, c’est le seul moyen de le retrouver. Tu ne l’as pas perdu au moins?

– Je… Je l’ai laissé dans la poche de ma tunique, hoqueta Tiwa.

– Eh bien, fais vite!

La petite draag courut à la salle de nature, fouilla sa tunique et passa son bracelet. Elle y pressa un bouton. Elle leva une tête malheureuse.

– Eh bien? répéta le père draag.

– Il doit être déjà loin, pleurnicha Tiwa, le bracelet me tire un peu par là, mais pas beaucoup.

Elle désignait l’entrée de la maison. La porte était entrebâillée.

– Il est sorti! Je m’en doutais, dit Praw. Tire sur la laisse, Tiwa.

– Oh! non, dit Tiwa, si je tire trop fort, il va se cogner sur quelque chose. Il peut se faire très mal.

Agacé, le père draag lui prit le bracelet et pressa le bouton au maximum pour attirer à lui le plus fort possible le collier de Terr.


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