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Arsène Lupin
  • Текст добавлен: 28 сентября 2016, 22:01

Текст книги "Arsène Lupin"


Автор книги: Maurice Leblanc


Соавторы: Francis de Croisset
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GERMAINE

Deux messieurs ? Qui ça ?

FIRMIN

Ah ! je n’ai pas la mémoire des noms.

LE DUC, en riant.

C’est commode…

GERMAINE

Ce n’est pas les deux Charolais au moins ?

FIRMIN

Ça ne doit pas être ça.

GERMAINE

Enfin, faites entrer.

(Firmin sort.)

LE DUC

Charolais ?

GERMAINE

Oui. Figurez-vous que tout à l’heure, on nous a annoncé deux messieurs ; j’ai cru que c’étaient Georges et André du Buit…, oui, ils nous avaient promis de venir prendre le thé tout à l’heure. Je dis à Alfred de les introduire…, et nous avons vu surgir… (Elle se retourne et voit Charolais et son fils.) Oh !


Scène V

LES MÊMES, LES QUATRE CHAROLAIS

CHAROLAIS

Mademoiselle, mes civilités.

(Il salue. Le fils salue également et démasque un troisième individu.)

SONIA, à Germaine.

Tiens, il y en a un de plus.

CHAROLAIS, présentant.

Mon second fils, établi pharmacien.

(Le second fils salue.)

GERMAINE

Monsieur, je suis désolée… Mon père n’est pas encore rentré.

CHAROLAIS père.

Ne vous excusez pas… il n’y a pas de mal.

(Ils s’installent.)

GERMAINE, un instant de stupeur et coup d’œil à Sonia.

Il ne rentrera peut-être que dans une heure. Je ne voudrais pas vous faire perdre votre temps.

CHAROLAIS

Oh ! il n’y a pas de mal. (Avisant le duc.) Maintenant, en attendant… si monsieur est de la famille on pourrait peut-être discuter avec lui le dernier prix de l’automobile.

LE DUC

Je regrette, ça ne me regarde en aucune façon.

FIRMIN, entrant et s’effaçant devant un nouveau visiteur.

Si monsieur veut pénétrer par ici…

CHAROLAIS

Comment ! Te voilà ? Je t’avais dit d’attendre à la grille du parc.

BERNARD CHAROLAIS

Je voulais voir l’auto aussi.

CHAROLAIS

Mon troisième fils. Je le destine au barreau.

(Bernard salue.)

GERMAINE

Ah ! ça, mais combien sont-ils ?

LA FEMME DE CHAMBRE

Monsieur vient d’arriver, Mademoiselle.

GERMAINE

Eh bien, tant mieux. (À Charolais.) Si vous voulez me suivre, Messieurs, vous allez pouvoir parler à mon père tout de suite.

(Pendant ce temps, Charolais et ses fils se sont levés. Bernard est resté debout près de la table. Germaine sort suivie par Charolais et ses deux, fils. Bernard qui paraît admirer le salon empoche deux objets qui sont sur la table et va pour sortir.)

LE DUC, vivement à Bernard.

Non, pardon jeune homme.

BERNARD CHAROLAIS

Quoi ?

LE DUC

Vous avez pris un porte-cigarettes.

BERNARD CHAROLAIS

Moi, mais non. (Le duc empoigne le bras du jeune homme et fouille dans la casquette qu’il tient à la main. Il en sort le porte-cigarettes. Feignant la stupeur.) C’est… C’est… par mégarde.

(Il veut sortir.)

LE DUC, le retenant, sortant un écrin de la poche intérieure de Bernard.

Et ça, c’est par mégarde aussi ?

SONIA

Mon Dieu ! le pendentif !

BERNARD CHAROLAIS, avec égarement.

Pardonnez-moi, je vous en supplie, ne me trahissez pas.

LE DUC

Vous êtes un petit misérable !

BERNARD CHAROLAIS

Je ne recommencerai plus jamais… par pitié… si mon père savait… par pitié…

LE DUC

Soit !… pour cette fois… (Le poussant vers la porte.) ! Allez au diable !

BERNARD, sort en répétant.

Merci… merci… merci…


Scène VI

SONIA, LE DUC

LE DUC

C’est en effet là qu’il ira, ce petit… Il ira loin. Ce pendentif… c’eût été dommage !… (Il le pose sur le chiffonnier.) Ma foi, j’aurais dû le dénoncer.

SONIA, vivement.

Non, non, vous avez bien fait de pardonner.

LE DUC

Qu’avez-vous donc ? Vous êtes toute pâle !

SONIA

Ça m’a bouleversée… le malheureux enfant.

LE DUC

Vous le plaignez ?

SONIA

Oui, c’est affreux. Il avait des yeux si terrifiés, et si jeune… et puis être pris là… en volant… sur le fait… Oh ! c’est odieux.

LE DUC

Voyons, voyons… que vous êtes impressionnable !…

SONIA, tout émue.

Oui, c’est bête… seulement… vous avez remarqué ses yeux, ses yeux traqués ? Vous avez eu pitié, n’est-ce pas ? Vous êtes très bon au fond.

LE DUC, souriant.

Pourquoi… au fond ?

SONIA

Je dis « au fond », parce que votre apparence est ironique, et votre abord si froid ! mais souvent c’est le masque de ceux qui ont le plus souffert, et ce sont les plus indulgents.

LE DUC

Oui.

SONIA, très lentement, avec des silences, des hésitations.

Parce que quand on souffre, n’est-ce pas, alors on comprend… enfin on comprend…

(Un temps.)

LE DUC

Vous souffrez donc bien ici ?

SONIA

Moi ? Pourquoi ?

LE DUC

Votre sourire est désolé, vous avez des yeux inquiets et peureux… vous êtes comme un petit enfant qu’on voudrait protéger… (S’avançant de deux pas vers Sonia et lentement, doucement.) Vous êtes toute seule dans la vie ?

SONIA

Oui.

LE DUC

Et vos parents… vos amis ?

SONIA

Oh !

LE DUC

Vous n’en avez pas ici à Paris… mais chez vous, en Russie ?

SONIA

Non, personne…

LE DUC

Ah !

SONIA, avec une résignation souriante.

Mais ça ne fait rien… j’ai été habituée si jeune (un temps), si jeune. Ce qui est dur… Mais vous allez vous moquer de moi.

LE DUC

Non… non…

SONIA, souriante, sans coquetterie mais avec un trouble heureux.

Eh bien, ce qui est dur, c’est de ne jamais recevoir de lettres… une enveloppe qu’on ouvre… quelqu’un qui pense à vous… un souvenir… Mais je me fais une raison, vous savez, j’ai une grande dose de philosophie.

LE DUC

Vous êtes drôle quand vous dites ça : « J’ai une grande dose de philosophie. » (Après l’avoir regardée il ajoute encore une fois) philosophie…

(Ils continuent à se regarder.)

GERMAINE, entrant.

Sonia, vous êtes vraiment impossible. Je vous avais pourtant bien recommandé d’emballer vous-même dans ma valise mon petit buvard en maroquin ? Naturellement, j’ouvre au hasard un tiroir… Qu’est-ce que je vois ? mon petit buvard en maroquin.

SONIA

Je vous demande pardon… je vais…

GERMAINE

Oh ! ça n’est plus la peine… je m’en charge, mais ma parole, vous seriez une invitée au château, vous n’en prendriez pas plus à votre aise… Vous êtes la négligence en personne.

LE DUC

Germaine… voyons… pour une petite distraction.

GERMAINE

Ah ! mon cher, je vous en prie… vous avez la fâcheuse habitude de vous mêler des affaires de maison… l’autre jour encore !… je ne peux plus faire une observation à un domestique…

LE DUC, protestant.

Germaine !

GERMAINE, désignant à Sonia un paquet d’enveloppes et de lettres que Bernard Charolais a fait tomber de la table en s’en allant.

Vous ramasserez les enveloppes et les bouquins, et vous porterez le tout dans ma chambre… (Avec impatience.) Eh bien ?

(Germaine sort.)

SONIA

Oui, Mademoiselle.

(Elle se baisse.)

LE DUC

Je vous en prie… non… non… je vous en prie… (Il ramasse les enveloppes. Ils sont à genoux l’un près de l’autre.) Vous savez, Germaine est bonne au fond. Il ne faut pas trop lui en vouloir, si parfois elle est un peu… brusque…

SONIA

Je n’ai pas remarqué…

LE DUC

Ah ! tant mieux… parce que j’avais cru…

SONIA

Non, non.

LE DUC

Vous comprenez… elle a toujours été très heureuse, alors, n’est-ce pas, elle ne sait pas… (ils se relèvent), elle ne réfléchit pas… C’est une petite poupée… un petit être très gâté par la vie… Je serais désolé si sa sortie de tout à l’heure devait vous faire de la peine.

SONIA

Ah ! ne croyez pas ça… non… non…

LE DUC, lui tendant le petit paquet d’enveloppes et le retenant.

Voilà… Ça ne sera pas trop lourd ?

SONIA

Non… non… merci.

LE DUC, retenant toujours les enveloppes, les yeux dans ses yeux. Vous ne voulez pas que je vous aide ?

SONIA

Non, monsieur le Duc.

(Il lui saisit vivement la main et l’embrasse dans un geste irréfléchi. Elle défaille une seconde, puis s’éloigne. À la porte elle se retourne et lui sourit.)


Scène VII

GOURNAY-MARTIN, arrivant par la terrasse avec Charolais père et ses fils.

(Ils s’arrêtent à la porte du salon.)

GOURNAY, bruyant, un peu vulgaire, important.

Non, c’est mon, dernier prix… c’est à prendre ou à laisser. Dites-moi adieu ou dites-moi oui.

CHAROLAIS

C’est bien cher.

GOURNAY

Cher ! Je voudrais vous en voir vendre des cent-chevaux à 19 000 francs en ce moment-ci ! Mais, mon cher Monsieur, vous m’entôlez.

CHAROLAIS

Mais non, mais non.

GOURNAY

Vous m’entôlez littéralement ! Une machine superbe que j’ai payée 33 000, francs et que je laisse partir à 19 000. Vous faites une affaire scandaleuse.

CHAROLAIS

Mais non, mais non.

GOURNAY

D’ailleurs, quand vous aurez vu comme elle tient la route !

CHAROLAIS

19 000 francs, c’est cher !

GOURNAY

Allons ! Allons ! vous êtes un roublard. (À Jean.) Jean, accompagnez ces messieurs au garage. Vous vous mettrez à leur entière disposition. (À Charolais.) Et vous savez, vous êtes un homme redoutable en affaires ; vous êtes rudement fort. (Les quatre Charolais sortent, il rentre dans le salon et au duc) Je l’ai roulé comme dans un bois.

LE DUC

Ça ne m’étonne pas de vous.

GOURNAY

L’auto date d’il y a quatre ans. Il me l’achète 19 000 francs et ça ne vaut plus une pipe de tabac. 19 000 francs c’est le prix d’un petit Watteau que je guigne depuis longtemps. Il n’y a pas de sottes économies. (S’asseyant.) Eh bien, on ne me demande pas de nouvelles du déjeuner officiel, on ne me demande pas ce qu’a dit le ministre !

LE DUC, indifférent.

Au fait, vous avez du nouveau ?

(Pendant la scène le jour commence à tomber. Firmin est entré et a allumé.)

GOURNAY

Oui, votre décret sera signé demain. Vous pouvez vous considérer comme décoré. Eh bien, vous êtes un homme heureux, j’espère ?

LE DUC

Certainement.

GOURNAY

Moi, je suis ravi. Je tenais à ce que vous fussiez décoré. Et après ça… après un ou deux volumes de voyages, après que vous aurez publié les lettres de votre grand-père avec une bonne préface, il faudra songer à l’Académie.

LE DUC, souriant.

L’Académie ! mais je n’y ai aucun titre.

GOURNAY

Comment, aucun titre, mais vous êtes duc !

LE DUC

Oui, évidemment.

GOURNAY

Je veux donner ma fille à un travailleur, mon cher. Je n’ai pas de préjugés, moi ! Je veux pour gendre un duc qui soit décoré et de l’Académie française… parce que ça c’est le mérite personnel ! Moi, je ne suis pas snob. Pourquoi riez-vous ?

LE DUC

Pour rien, je vous écoute, vous êtes plein de surprises.

GOURNAY

Je vous déroute, hein ? Avouez que je vous déroute ? Et c’est vrai, je comprends tout, je comprends les affaires et j’aime l’art, les tableaux, les belles occasions, les bibelots, les belles tapisseries, c’est le meilleur des placements. Enfin, quoi, j’aime ce qui est beau… et sans me vanter je m’y connais… j’ai du goût, et j’ai quelque chose de supérieur encore au goût : j’ai du flair.

LE DUC

Vos collections de Paris le prouvent.

GOURNAY

Et encore vous n’avez pas vu ma plus belle pièce, ma meilleure affaire, le diadème de la princesse de Lamballe, il vaut cinq cent mille francs.

LE DUC

Fichtre ! Je comprends que le sieur Lupin vous l’ait envié.

GOURNAY, sursautant.

Ah ! ne me parlez pas de cet animal-là, le gredin !

LE DUC

Germaine m’a montré sa lettre. Elle est drôle.

GOURNAY

Sa lettre ! Ah ! le misérable ! J’ai failli en avoir une apoplexie. J’étais dans ce salon où nous sommes, à bavarder tranquillement quand tout à coup Firmin entre et m’apporte une lettre.

FIRMIN, entrant.

Une lettre pour Monsieur.

GOURNAY

Merci… et m’apporte une lettre (il met son lorgnon) dont l’écriture… (regarde l’enveloppe) Ah ! nom de Dieu !

(Il tombe assis.)

LE DUC

Hein ?

GOURNAY, la voix étranglée.

Cette écriture… c’est la même écriture.

LE DUC

Vous êtes fou, voyons !

GOURNAY, décachète l’enveloppe et lit haletant, effaré.

« Monsieur. Ma collection de tableaux que j’ai eu le plaisir, il y a trois ans, de commencer avec la vôtre, ne compte en fait d’œuvres anciennes qu’un Vélasquez, un Rembrandt et trois petits Rubens. Vous en avez bien davantage. Comme il est pitoyable que de pareils chefs-d’œuvre soient (il tourne la page) entre vos mains, j’ai l’intention de me les approprier et me livrerai demain dans votre hôtel de Paris à une respectueuse perquisition. » Nom de Dieu !

LE DUC

C’est une blague, voyons !

GOURNAY, continuant.

« Post-scriptum. (Il s’éponge.) Bien entendu, comme depuis trois ans vous détenez le diadème de la princesse de Lamballe, je me restituerai ce joyau par la même occasion. » Le misérable ! le bandit ! J’étouffe ! Ah !

(Il arrache son col. À partir de cet instant, toute la fin de l’acte doit être jouée dans un mouvement très rapide, une sorte d’affolement.)

LE DUC

Firmin ! Firmin ! (À Sonia qui entre à droite) Vite un verre d’eau, des sels. M. Gournay-Martin se trouve mal.

SONIA

Ah ! mon Dieu !

(Elle sort précipitamment.)

GOURNAY, étouffant.

Lupin… Préfecture de Police… téléphonez !

GERMAINE, entrant à droite.

Papa, si vous voulez arriver à l’heure pour dîner chez nos voisins (Voyant son père). Eh bien, qu’est-ce qu’il y a !

LE DUC

C’est cette lettre, une lettre de Lupin.

SONIA, entre par le fond avec un verre d’eau et un flacon de sels.

Voilà ! un verre d’eau.

GOURNAY

Firmin d’abord, où est Firmin ?

FIRMIN, entrant.

Est-ce qu’il faut encore un verre d’eau ?

GOURNAY, se précipitant sur lui.

Cette lettre d’où vient-elle ? Qui l’a apportée ?

FIRMIN

Elle était dans la boîte de la grille du parc. C’est ma femme qui l’a trouvée.

GOURNAY, affolé.

Comme il y a trois ans. C’est le même coup qu’il y a trois ans ! Ah ! mes enfants quelle catastrophe !

LE DUC

Voyons, ne vous affolez pas. Si cette lettre n’est pas une fumisterie…

GOURNAY, indigné.

Une fumisterie ! Est-ce que c’était une fumisterie, il y a trois ans ?

LE DUC

Soit ! Mais alors si ce vol dont on vous menace est réel, il est enfantin et nous pouvons le prévenir.

GOURNAY

Comment ça ?

LE DUC

Voyons : Dimanche 3 septembre… Cette lettre est donc écrite d’aujourd’hui ?

GOURNAY

Oui. Eh bien ?

LE DUC

Eh bien ! Lisez ceci : je me livrerai demain matin dans votre hôtel de Paris à une respectueuse perquisition… Demain matin !…

GOURNAY

C’est vrai ? Demain matin.

LE DUC

De deux choses l’une, ou bien c’est une fumisterie, et il n’y a pas à s’en occuper, ou bien la menace est réelle et nous avons le temps.

GOURNAY, tout joyeux.

Oui, mais oui, c’est évident.

LE DUC

Pour cette fois le bluff du sieur Lupin et sa manie de prévenir les gens auront joué au bonhomme un tour pendable.

GOURNAY, vivement.

Alors ?

LE DUC, vivement.

Alors, téléphonons.

TOUS, vivement.

Bravo !

GERMAINE, vivement.

Ah ! mais non, c’est impossible…

TOUS, vivement.

Comment ?

GERMAINE, vivement.

Il est six heures. Le téléphone avec Paris ne fonctionne plus. C’est dimanche.

GOURNAY, s’effondrant.

C’est vrai. C’est épouvantable !

GERMAINE

Mais pas du tout, il n’y a qu’à télégraphier.

GOURNAY, tout joyeux.

Nous sommes sauvés !

SONIA, vivement.

Ah ! mais non, impossible.

TOUS, vivement.

Pourquoi ?

SONIA, vivement.

La dépêche ne partira pas. C’est dimanche. À partir de midi le télégraphe est fermé.

GOURNAY, effondré.

Ah ! quel gouvernement !

LE DUC

Voyons il faut en sortir… Eh bien, voilà ! il y a une solution.

GOURNAY, vivement.

Laquelle ?

LE DUC

Quelle heure est-il ?

GERMAINE

Sept heures.

SONIA

Sept heures moins dix.

GOURNAY

Sept heures douze.

LE DUC

Oui, enfin, dans les sept heures… Eh bien, je vais partir. Je prendrai l’auto. S’il n’y a pas d’accroc, je peux être à Paris vers deux ou trois heures du matin.

(Il sort.)

GOURNAY, même jeu.

Mais nous aussi nous allons partir. Pourquoi attendre à demain ? Nos bagages sont expédiés, partons ce soir. J’ai vendu la cent-chevaux, mais il reste le landaulet et la limousine, nous prendrons la limousine. Où est Firmin ?

FIRMIN, apparaissant.

Monsieur ?

GOURNAY, vivement.

Jean le mécanicien, appelez-moi Jean.

GERMAINE, même jeu.

Nous arriverons avant les domestiques. Arriver dans une maison pas installée…

GOURNAY, même jeu.

J’aime mieux ça que d’arriver dans une maison cambriolée. Ah ! Et les clefs de la maison ? Il faut pouvoir rentrer chez nous.

JEAN, qui est entré.

Monsieur m’a demandé ?

GERMAINE

Tu les as enfermées dans le secrétaire.

GOURNAY

Oui, c’est vrai. Allez vous apprêter maintenant. Allez vite, (Elles sortent). Jean, nous partons, nous partons tout de suite pour Paris.

JEAN

Bien monsieur. Dans la limousine ou le landaulet ?

GOURNAY

Dans la limousine. Dépêchez-vous. Ah ! ma valise !

(Il sort à droite. Jean resté seul siffle. Apparaît Charolais suivi du troisième fils. Scène très rapide jouée sourdement.)


Scène VIII

CHAROLAIS père, à voix basse.

Eh bien ?

JEAN, même jeu.

Eh bien quoi ils partent, ils partent pour Paris. Naturellement !… chaque fois qu’on fait un coup, on a la manie d’avertir. C’était si simple de cambrioler l’hôtel à Paris sans envoyer de lettre. Ça les a tous affolés.

CHAROLAIS, même jeu, il fouille les meubles.

Imbécile. Qu’est-ce qu’on risque ? c’est dimanche. Et les affoler c’est ce qu’on a voulu. On a besoin de leur affolement pour demain, pour la suite et pour le diadème. Oh ! ce diadème ! mettre la main dessus.

JEAN

Le diadème est à Paris.

CHAROLAIS

Je commence à le croire. Voilà trois heures que nous fouillons le château. En tout cas je ne m’en vais pas sans les clefs.

JEAN

Elles sont là dans le secrétaire.

CHAROLAIS, courant au secrétaire.

Animal ! Et tu ne le disais pas !

JEAN

Mais le secrétaire est fermé.

CHAROLAIS

Poussière !

BERNARD CHAROLAIS, entre.

C’est fait papa.

CHAROLAIS

Ton frère ?

BERNARD CHAROLAIS

Il est aux communs. Il attend Jean.

CHAROLAIS, à Jean.

Vas-y. Ah ! Comment est la route pour Paris ?

JEAN

Bonne. Mais avec le temps qu’il fait, il faudra prendre garde aux dérapages.

(Il sort.)

CHAROLAIS, troisième fils, prenant le pendentif sur le chiffonnier.

Oh ! papa, ce bijou ?

CHAROLAIS père, vivement.

Ne touche pas à ça. Ne touche pas à ça.

CHAROLAIS, troisième fils.

Pourtant… papa…

CHAROLAIS père, furieux.

Ne touche pas à ça ! (Le fils repose le bijou.) Qu’est-ce que fait le pante ?

CHAROLAIS, troisième fils, se dressant sur la pointe des pieds et regardant au-dessus des rideaux de la porte vitrée de droite.

Il fait sa valise.

BERNARD CHAROLAIS

Les autres doivent en faire autant.

CHAROLAIS père.

On a quelques minutes… (Essayant de forcer le secrétaire.) Pourtant il nous faut ces clefs.

BERNARD CHAROLAIS

On pourrait peut-être s’en passer.

CHAROLAIS

Nous verrons ça quand nous les aurons. Ah ! ça y est ! T’as les clefs de rechange ?

BERNARD CHAROLAIS

Voilà.

(Il lui jette un trousseau de clefs.)

CHAROLAIS

Oui, ça ressemble.

(Il met les clefs dans le tiroir qu’il referme.)

Filons, maintenant.

CHAROLAIS, troisième fils.

Attention ! Le pante.

(Précipitamment il se colle contre le mur à côté de la porte de droite. Charolais père et Bernard se collent contre le mur du côté du battant de gauche de la baie et derrière le piano. Gournay-Martin entre avec sa valise. Dès qu’il est entré, Charolais troisième fils sort de derrière la porte, entre dans la chambre et ferme la porte. Gournay-Martin ahuri se retourne. Au même instant, Charolais père se glisse en dehors, suivi de son troisième fils qui ramène violemment sur lui le battant de la baie. Un temps. Effarement de Gournay-Martin.)


Scène IX

LE DUC, entrant de gauche avec sa valise, puis GERMAINE.

Eh bien ! nous partons. Germaine n’est pas encore descendue ? Allons bon qu’est-ce que vous avez encore ?

GOURNAY, ahuri.

Je ne sais pas… je ne sais pas… Il m’a semblé entendre. (Il ouvre avec précaution la porte de droite.) Non il n’y a personne ! (Il ferme la porte.) Je vis dans un cauchemar, dans un cauchemar ! Ah ! mes clefs !

(Il va au secrétaire, prend ses clefs et les met dans sa poche.)

FIRMIN, accourant, bouleversé.

Monsieur ! Monsieur !

TOUS

Qu’est-ce qu’il y a ?

FIRMIN

Jean le mécanicien, il avait un bâillon sur la bouche… il était ligoté.

TOUS

Qu’est-ce que vous dites ?

JEAN, arrivant, il est dans un état effrayant, col arraché, cheveux en désordre.

Enlevées… volées… les autos.

TOUS

Quoi ?

GOURNAY-MARTIN

Parle… mais parle !

LE DUC

Qui les a volées ?

JEAN

Les quatre messieurs.

GOURNAY, s’effondrant.

Les Charolais ?

JEAN

Il n’y a que la cent-chevaux qu’ils n’ont pas prise.

LE DUC

Heureusement !

GOURNAY-MARTIN

Ah ! c’est trop, cette fois, c’est trop !

GERMAINE

Mais comment n’avez-vous pas crié, appelé quelqu’un ?

JEAN

Appeler ! Est-ce que j’ai eu le temps ? Et puis quand même… tous les domestiques sont partis.

GOURNAY-MARTIN

Épouvantable !

LE DUC, à Gournay-Martin, vivement.

Allons, allons, ce n’est pas le moment de manquer d’énergie. Puisqu’il reste la cent-chevaux, je vais la prendre.

GERMAINE, vivement.

Nous allons tous la prendre…

GOURNAY-MARTIN, vivement.

Voyons, tu es folle, il n’y a que deux baquets. (On entend l’orage qui gronde. La pluie commence à tomber.) Et puis, regarde ça, regarde ce qu’il va tomber.

GERMAINE.

Oui, tu as raison.

SONIA

Mais le train, il doit y avoir un train.

GOURNAY-MARTIN

Un train, mais nous sommes à douze heures de Paris. À quelle heure arriverons-nous ?

GERMAINE

L’important est de filer d’ici.

GOURNAY-MARTIN

Ça évidemment.

LE DUC

Qu’ai-je fait de l’indicateur ? Ah ! oui, il est là !… (feuilletant) Paris ! Paris !

GOURNAY-MARTIN

Eh bien, il y a un train ?

LE DUC

Attendez ! (à Gournay-Martin.) Quelle heure est-il ?

GERMAINE, vivement.

Sept heures dix.

SONIA, vivement.

Sept heures moins vingt-quatre.

GOURNAY-MARTIN, vivement.

Sept heures.

JEAN, vivement.

Oui… enfin… toujours dans les sept heures… Eh bien, vous avez le temps, vous avez un train à huit heures et demie.

GERMAINE

Il y a un wagon-restaurant ?…

LE DUC

Oui, il y en a un, parfaitement et vous arriverez à… cinq heures du matin.

GERMAINE

On va être frais.

GOURNAY-MARTIN

Tant pis. Tu veux partir ? Eh bien, il faut partir. (À Jean.) Vous êtes en état de mettre la cent-chevaux en marche ?

JEAN, qui est resté à l’écart et qui écoute avec attention.

Ah ! pour ce qui est de l’état, Monsieur, ça va bien, mais pour ce qui est de l’auto…

GOURNAY-MARTIN

Comment ?

JEAN

Monsieur sait bien… les pneus d’arrière sont crevés. Il faut bien une demi-heure.

GOURNAY-MARTIN

Isolés ! c’est l’isolement ! plus moyen d’arriver à la gare.

JEAN

Si Monsieur et ces demoiselles veulent bien se contenter, on peut faire atteler.

TOUS

Ah !

JEAN

Il y a la charrette.

TOUS

Oh !

GOURNAY-MARTIN

Tant pis. À aucun prix il ne faut passer la nuit ici. Vous savez atteler, vous ?

JEAN

Dame, une charrette ! Seulement je ne sais pas conduire.

GOURNAY-MARTIN

Je conduirai moi-même.

GERMAINE

Oh ! papa ! Eh bien, ça va être du propre.

GOURNAY-MARTIN

Voyons, partez, partez. (Les poussant dehors, il revient.) C’est la meilleure solution… Ah ! mais non.

LE DUC

Quoi ?

GOURNAY-MARTIN

Et le château ? Qui gardera le château ? Il faut au moins barricader… fermer les volets. J’ai bien confiance en Firmin, mais qui me dit qu’une fois que je serai parti, il s’en occupera, plutôt que d’aller boire la goutte ?

LE DUC

Ne vous inquiétez pas, je resterai.

GOURNAY-MARTIN

Et comment reviendrez-vous ? J’ai besoin de vous à Paris.

LE DUC

Eh bien, et la cent-chevaux ?

GOURNAY-MARTIN

Les pneus !… les pneus sont crevés. Ah ! l’acharnement du sort.

LE DUC

Ne vous affolez pas comme ça. Pendant qu’on vous conduira à la gare, Jean changera les pneus.

(Entre Firmin.)

GOURNAY-MARTIN, vivement.

Ah ! Firmin ! Justement… Voilà ! nous partons. Vous allez garder le château avec Jean.

FIRMIN

Bien, Monsieur.

GOURNAY-MARTIN

Je m’attends à tout, Firmin. À un cambriolage, à n’importe quoi ! Souvenez-vous que vous étiez garde-chasse.

FIRMIN

Que Monsieur n’ait pas peur. J’ai vu la guerre de 70. Seulement où c’est que Monsieur et ces dames s’en vont comme ça sur la charrette ?

GOURNAY-MARTIN

À la gare, naturellement.

FIRMIN

À la gare !

GOURNAY-MARTIN, précipitamment.

Mon Dieu ! Sept heures et demie, nous n’avons plus qu’une demi-heure. (À Germaine qui entre avec sa valise à la main.) Eh bien, tu es prête ? Où est Sonia ?

GERMAINE, même jeu.

Elle descend. Jacques, je ne peux pas fermer ma valise.

LE DUC.

Voilà… Eh bien, il est matériellement impossible de la fermer. Qu’est-ce que vous avez mis là-dedans ?

GERMAINE, même jeu.

Eh bien, j’en ai mis trop (à Irma) portez-la comme ça dans la voiture.

IRMA, sortant.

Quelle affaire, mon Dieu !

FIRMIN, entrant en courant.

La charrette de Monsieur est attelée.

SONIA, arrivant à droite.

Ah ! je suis prête. Mais je ne sais pas comment j’ai mis mon chapeau.

(Elle va vers le chiffonnier et se regarde dans la glace qui le surmonte.)

FIRMIN

Seulement, Monsieur, il n’y a pas de cocher.

GOURNAY-MARTIN

Je conduirai moi-même.

FIRMIN

Il n’y a pas de lanterne non plus.

GERMAINE

Pourvu qu’il y ait un train.

GOURNAY-MARTIN, vivement.

Au revoir, mon bon Jacques, arrivez à l’aube, et tout de suite, réveillez Guerchard… la Préfecture… Je me fie à vous.

GERMAINE, vivement.

Au revoir, Jacques. Si vous pouvez emporter dans la cent-chevaux mes trois cartons à chapeaux…

GOURNAY-MARTIN, vivement.

Il s’agit bien de chapeaux ! Veux-tu venir ! Nous n’arriverons jamais.

GERMAINE, vivement.

Nous avons vingt-cinq minutes.

GOURNAY-MARTIN, vivement.

Oui, mais c’est moi qui conduis.

(Ils sortent.)

GERMAINE, déjà dehors.

Mon écrin ! J’ai oublié mon écrin !

GOURNAY-MARTIN, dans la coulisse.

Il n’y a plus le temps.

GERMAINE, dans la coulisse.

Jacques, sur le chiffonnier… je crois… mon écrin… cherchez-le.

LE DUC, dehors.

Oui, oui, dépêchons.

(La scène reste vide un instant.)


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