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Франция: Общественно-политические реалии
  • Текст добавлен: 15 октября 2016, 07:33

Текст книги "Франция: Общественно-политические реалии"


Автор книги: Владимир Конобеев


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«C'est au pouvoir, dès lors, qu'il faut une stabilité sans laquelle aucune efficacité n'est possible. Et s'il est souhaitable – ou plutôt parce qu'il est souhaitable – que puissent être dominés des clivages trop tranchés, cela doit être dans la clarté. Aucune réforme du mode de scrutin n'abolira les rapports de force. Mieux vaut donc les connaître et rechercher des compromis plutôt que de les obscurcir ou d'en nier l'existence.Le système majoritaire est trop brutal, le système proportionnel est trop dangereux.

« II est certain que le mode de scrutin actuel, s'il a permis la modernisation des institutions françaises, a eu un prix et qu'il est lourd. Il crispe les affrontements et leur fait perdre leur substance : lé débat d'opinions n'a plus droit de cité, on ne juge pas les idées mais ceux qui les émettent, les hommes politiques sont désormais les seuls auxquels sont interdites les propositions originales qui, pour être prises en considération, doivent émaner de personnes réputées neutres.

«Le peuple, tout d'abord, n'est plus maître des choix décisifs. Qu'il s'agisse de l'homme par lequel l'électeur souhaite être représenté : il sera imposé par l'ordre de la liste. Qu'il s'agisse du lien personnel qui unit le citoyen à son élu : on le verra_dissous ou distendu faute d'un ressort géographique suffisamment restreint. Qu'il s'agisse surtout du choix entre des projets politiques clairement définis : s'y substituera le choix entre des options que les candidats s'attacheront à rendre aussi vagues que possible.

«II y a tout à craindre d'un mouvement paradoxal de surenchères avant le vote, ouvrant sur tous les compromis après. Dans le régime actuel, les dirigeants de l'opposition n'ont guère de motifs de ménager l'extrême droite, dont ils attendent – sans avoir été déçus jusqu'ici – qu'elle leur apportera, bon gré mal gré, ses voix au second tour. À la proportionnelle au contraire, le président du RPR, par exemple, aura dramatiquement besoin des suffrages qui se portent vers le Front national. Est-il absurde de penser qu'il ne pourra les attirer qu'en empruntant certains de ses thèmes, une partie de son discours ? Qui peut garantir d'ailleurs que les socialistes ne soient pas contraints d'agir de même en direction des communistes ? De sorte que ce qui est supposé rapprocher pourrait en fait approfondir les divisions, durcir les oppositions, nul, jamais, ne voulant laisser le champ libre à son voisin le plus direct.

Ce mode de scrutin, surtout, risque fort de fragiliser l'exécutif, ce dont nous avons le moins besoin. De deux choses l'une, en effet : ou la réforme ne change rien, la droite ou la gauche a à elle seule la majorité absolue, survit alors la bipolarisation à laquelle il s'agit de mettre fin. Ou, au contraire, il n'est de majorité que de coalition. Dans ce cas, le gouvernement devra son existence aux seuls groupes parlementaires qui le soutiendront, plus précisément à leurs chefs, qui pourront le renverser à tout moment, quitte à reformer un nouveau cabinet avec les mêmes forces mais quelques autres hommes.

«Et le chef de l'État, dans tout cela ? Il a pour lui l'arme absolue, celle qui, par son utilisation ou plus souvent par sa simple menace, contraint les majorités à demeurer soudées, disciplinées et stables : le pouvoir de dissolution. Seulement, voilà justement où le bât blesse, comme l'exemple italien le prouve. Dans un système proportionnel, la dissolution ne fait plus peur qu'aux candidats en fin de liste, ceux qui pèsent le moins. Aux autres, les plus nombreux, elle coûte les frais d'une campagne mais en aucun cas leur siège qu'ils savent devoir retrouver puisque à peu près les mêmes reviennent. Pourquoi s'effrayeraient-ils alors? Supprimez cette épée et Damoclès pourra fauter, l'Assemblée donner le rythme et les ministres valser.

16. Information. La «contrôler» prend, chez les hommes politiques, une dimension quasi obsessionnelle. Ils ne lui reprochent pas d'être partiale ; ils lui reprochent de l'être au profit de leurs adversaires. Tant et si bien que la revendication de liberté et d'objectivité prend souvent des allures d'antiphrase.

Même s'il exige beaucoup de vigilance, le pluralisme, en France, ne semble pas moribond. Quant à l'espoir de maîtriser les organes d'information, c'est faire bien peu de cas du goût que les professionnels ont pris à leur indépendance. Journalistes et hommes politiques ne se retrouvent d'ailleurs que sur un point, pour partager une même erreur, celle qui consiste à surestimer l'influence des premiers.

Aucune information, jamais, ne peut faire juger bonne une politique mauvaise ou faire juger mauvaise une bonne politique. Qu'on laisse donc les journalistes faire leur métier et les électeurs le leur. Dans la distinction classique entre le savoir-faire et le faire-savoir,un homme politique doit poursuivre son petit bonhomme de chemin peur ameliorer le premier et faire confiace aux journalistes pour le second.

17. Conseil constitutionnel. II a déjoué tous les pronostics. Initialement suspect de «rendre des services plus que des décisions», plusieurs années lui ont été nécessaires pour confirmer ce que Thucydide avait déjà affirmé : tout pouvoir va au bout de lui-même. Cela signifie qu'il en va des institutions comme il en va des hommes : elles finissent toujours par utiliser pleinement les facultés qui leur ont été confiées, parfois pour un usage autre que celui conçu à l'origine.

De cette évolution, il subsiste un contrôle de constitutionnalité des lois à ce point étranger à la tradition juridique française que, plus de trente ans après son émergence réelle, il continue de susciter des controverses. Chaque décision du Conseil est l'occasion d'un procès en légitimité instruit toujours au nom d'un même fantasme, celui du « gouvernement des juges ».

Le bon sens est ailleurs, qui guide quelques réponses.

Premier élément, le contrôle de constitutionnalité des lois est une nécessité. Cèrtes, il a quelque chose de choquant au regard des principes d'origine : la volonté générale est souveraine ; la loi est l'expression de la volonté générale ; donc la loi doit être souveraine et ne peut être soumise à la censure de quelque instance que ce soit, et moins encore d'une instance dont le recrutement est douteux

Deuxième élément, le Conseil constitutionnel remplit sa fonction d'une manière dont les Français se satisfont. Il est rare qu'une institution recueille un tel taux d'adhésion. Rituellement attaqué, à tour de rôle par la droite et la gauche, il ressort grandi de cette convergence des critiques. Mieux que n'importe quelle démonstration, elle atteste l'équilibre, et les Français en déduisent que ce que les hommes politiques dénoncent et encensent tour à tour ne peut pas être tout à fait mauvais.

Troisième élément, la composition du Conseil lui est plutôt un_ atout. L'âge de ses membres fait qu'ils occupent probablement là leur dernière fonction officielle. Ainsi ne peut-on rien faire miroiter, à leurs yeux, en contrepartie de services éventuels. C'est là un facteur essentiel qui donne le goût de l'indépendance même à ceux qui ne l'auraient pas spontanément. Le fait, ensuite, qu'ils aient souvent accompli une longue carrière politique leur a donné l'expérience nécessaire pour distinguer le possible du déraisonnable. S'ils savent mêler l'audace et la prudence, c'est à peu près toujours à bon escient.

18. Constitutions. Il n'en est pas de parfaite. Il n'y a que constitutions qui fonctionnent et celles qui ne fonctionnent pas.

Fonctionne celle qui offre à l'électeur des choix clairs et qui permet, à ceux que le scrutin a désignés, de gouverner dans de bonnes conditions. Au regard de ces critères, il ne fait aucun doute que la Constitution de la Ve République fonctionne. Aussi faut-il éviter de mettre en cause à chaque instant ses règles du jeu, et s'attacher davantage à le jouer loyalement. Nous avons mieux à faire que de nous mobiliser, et pire encore de nous déchirer, sur un débat constitutionnel.

On a la tentation à opter pour un régime présidentiel, sans responsabilité du gouvernement devant le Parlement, sans possibilité pour l'exécutif de dissoudre le législatif. On y voit des avantages : revalorisation du rôle du Parlement, partage clair des tâches entre exécutif et législatif. Or non seulement il existe d'autres moyens d'obtenir les mêmes résultats, mais celui-ci serait le pire. Aux États-Unis, ce système donne satisfaction pour trois raisons au moins qui toutes feraient défaut en France : la présence de fort contrepouvoirs, liés notamment à l'existence d'États fédérés ; l'absence de fracture grave entre démocrates et républicains qui permet d'éviter les blocages ; enfin la tradition qui a huilé tous ces rouages.

A la fin des fins les régimes parlementaires modernes se ressemblent tous beaucoup et que, les pouvoirs des organes respectifs dans les systèmes britannique, allemand, scandinaves et français, par exemple, sont beaucoup plus proches qu'on ne dit généralement.

Élargir les possibilités de référendum, raccourcir la durée du mandat présidentiel, pour ne citer que les deux hypothèses les plus fréquemment émises, voilà des choses parfaitement concevables. Ce qui importe alors n'est pas de savoir si elles constitueraient ou non des changements importants. Cela importe d'autant moins que ce type d'appréciation est aléatoire.

Ce qui importe vraiment, c'est que de telles modifications ne soient pas l'occasion de déchirements politiques. Il ne faut les entreprendre que si elles sont sinon voulues par tous, au moins acceptées par à peu près tous. La Constitution n'est pas la chose d'une majorité. Il est bien assez de sujets sur lesquels se diviser pour n'en pas rajouter qui ne soient pas indispensables. En matière constitutionnelle, la preuve est faite qu'ils ne le sont pas puisque, au total, nos institutions ont affronté aveç succes toutes les épreuves auxquelles l'Histoire les a soumises. Dans ce domaine plus que dans tout autre, que l'on propose, soit ! Que l'on impose, surtout pas.

19. Culture. L'idée qu'elle puisse relever du politique ne va nullement d'elle-même.

La culture est avant tout affaire de goûts, pourra-t-on dire, et relève donc de choix individuels. Faire intervenir l'État au-delà de la seule defense du patrimoine risque d'ouvrir la porte à un art officiel ou, au contraire, à des artistes autoproclamés dont nul public ne viendrait sanctionner la création.

Une conception inverse soutient que c'est du foisonnement que vient la découverte, que toute création est intrinsèquement respectable et doit être encouragée dans la mesure du possible, que les plus grands artistes n'ont pas forcément atteint de leur vivant la notoriété que méritait leur génie, qu'il vaut donc mieux risquer, en aidant tout le monde, d'en faire profiter quelques médiocrités que de laisser sans ressources un Mozart ou un Van Gogh.

Une autre approche ne se préoccupe que des richesses du passé. Les préserver d'abord, en diffuser les témoignages ensuite, et veiller par la formation à ce qu'ils ne soient pas l'apanage de quelques catégories sociales, voila a quoi il est légitime que l'État consacre ses efforts.

20. Drogue. Entre la préoccupation et la psychose, il y a un pas qu'il ne faut pas franchir. Lutter contre la drogue exige d'abord de voir le phénomène dans son ampleur réelle, qui est relative. .

En France, il semble qu'il y ait une stabilisation. Chaque année, depuis quatre ans, entre 150 et 200 morts sont dues à une « overdose ». Dans le même temps, on dénombre environ 10000 suicides et 40 000 morts provoqués directement ou indirectement par l'alcool. Par ailleurs, l'âge moyen des toxicomanes a cessé de baisser et commence à grimper. Les jeunes paraissent donc commencer à rejeter la drogue tandis que l'alcool connaît parmi eux une forte progression.

Cela dit, la dépendance à l'égard de la drogue – coûteuse et illégale, contrairement à l'alcool – aggrave l'insécurité. Pour se procurer leur dose, les usagers se font délinquants ou dealers.

Poursuivre les trafiquants avec fermeté, les punir avec sévérité, naturellement ! Encore faut-il avoir conscience des limites de cette répression. En premier lieu, elle doit concerner également les dealers, qui incitent à la consommation et sont à l'origine de nombreuses rechutes. En second lieu, aux grands réseaux de naguère ont succédé des trafiquants moyens, plus nombreux, moins réguliers, plus difficiles encore à mettre hors d'état de nuire.

Agir sur l'offre n'est donc pas suffisant, et c'est aussi vers la demande de drogue qu'il faut se tourner. De ce point de vue, initiative est bienvenue. Celle à laquelle Michel Platini a apporté son prestige, celles auxquelles l'Éducation nationale apporte son soutien, celles que relayent des films ou des chansons, montrent la voie qu'il nous faut suivre.

21. Nationalisations-dénationalisations. Au départ, il y avait un problème simple : en France, traditionnellement, l'épargne se portait sur la pierre et la terre plus que sur l'industrie et l'entreprise. Plusieurs grandes sociétés, de ce fait, ne trouvaient, ni auprès de leurs actionnaires ni sur le marché financier, les capitaux dont elles avaient besoin pour investir, c'est-à-dire pour affronter l'avenir.

Deux solutions s'offraient alors : recourir aux capitaux étrangers ou faire appel au contribuable. La seconde fut naturellement préférée. C'était cela, c'aurait dû n'être que cela.

Mais l'équivoque est née de ce que cette mesure que le bon sens guidait a pris l'allure d'une remise en cause de l'économie de marché. Destinée à procurer des capitaux, elle devenait anticapitaliste ! Financière, elle devenait idéologique. Moyen, elle devenait une fin.

De là est venue l'idée fausse selon laquelle à l'importance des nationalisations, et à leur pourcentage, pouvait seul se mesurer l'enracinement à gauche. De là aussi, et de ce fait, le choix de procéder à 100%.

Les illusions sont aujourd'hui dissipées, celles notamment consistant à penser que les salariés de ces entreprises verraient leur sort notablement amélioré : nationalisées, elles restaient des entreprises soumises aux contraintes de toutes les entreprises et ne pouvant s'en affranchir.

Mais au moins doit-on rendre cette justice qu'a été atteint l'objectif initial. Les chiffres parlent d'eux-mêmes et la différence entre le prix d'achât en 1982 et le prix de vente cinq ans plus tard est un vibrant hommage. Les denationalisations ne sont pas le contraire des nationalisations : elles en sont le négatif.

Toutes les entreprises visées en 1982 le sont en 1986, et même

un peu plus pour faire bonne mesure. On nationalisait à 100%: on

privatise à 100%. On aurait pu dépenser moins en 1982: on aurait dû

récupérer plus en 1987 pour les besoins propres de l'entreprise,

22. Défense. Vivre libre, c'est n'accepter de se soumettre à la force de personne. Avant même les raisons solides et nombreuses qui existent pour défendre notre nation, sa richesse humaine, son patrimoine culturel, son message de justice et de démocratie, celle-là prime toutes les autres qui naît du refus de se voir imposer quoi que ce soit par la violence d'autrui.

Si cela ne tenait qu'à nous, démocrates et pacifiques, la dépense militaire n'aurait pas lieu d'être, en tout cas pas si lourde.

Mais nous ne sommes pas seuls, et nous sommes contraints de proportionner notre effort à l'agressivité que manifestent les autres. Conflits d'intérêts, conflits de civilisations, nous ne sommes à l'abri ni des uns ni des autres, et seul peut actuellement nous prémunir le respect qu'on inspire. Une proie facile est une proie vite dévorée.

Dès lors, quelque regret qu'on ait de si fortes dépenses, quelque dépit qu'on ressente de les voir employées à cela, rien ne sert de se lamenter et il nous faut agir. Agir signifie alors deux choses: d'une part consacrer tout ce que nous avons d'énergie à éloigner le spectre de la guerre, à rendre la paix plus générale et plus durable et le désarmement possible; d'autre part, en attendant d'y parvenir, veiller à n'être pas pris en défaut, inspirer, à qui pourrait nous agresser une crainte salutaire et se donner les moyens d'une défense impérativement crédible pour l'hypothèse où nos intérêts vitaux seraient menacés.

C'est la fonction de l'armement nucléaire, et il faut reconnaître qu'il ne s'en est pas mal acquitté. Si aucune guerre mondiale n'a embrasé la planète, si les tensions qu'a connues l'Europe depuis plus de cinquante ans n'ont jamais dégénéré en un conflit armé, c'est évidemment à l'armement nucléaire qu'on le doit, plus qu'à la sagesse des hommes. La France dispose d'une force nucleaire reconnue et acceptee.

Une situation s'est ainsi créée dont nul – à l'intérieur ou hors de nos frontières – ne peut s'abstraire. Elle a sa logique qui s'impose désormais à chacun et structure l'ensemble de notre système de défense. C'est la raison pour laquelle, puisqu'on ne peut fractionner les moyens de notre sécurité, nos forces conventionnelles trop longtemps sacrifiées doivent aujourd'hui être renforcées. C'est maintenant que réside l'urgence la plus grande. Si le danger le plus pressant, celui qui pourrait supposer l'emploi des armes stratégiques ou préstratégiques, vient de l'Est, cela signifie qu'en cas de guerre européenne la France ne serait pas forcément la première nation touchée et que ce role peu enviable serait plus probablement tenu par nos voisins et particulièrement par l'Allemagne.

23. Formation. Le savoir a une durée de vie brève. La rapidité d'évolution des sciences et des techniques est telle que nul ne peut raisonnablement espérer achever son parcours professionnel avec les connaissances qu'il a acquises avant de l'entamer.

Deux conséquences s'en déduisent naturellement. D'une part, plutôt qu'inculquer un savoir rapidement obsolète, il faut apprendre à apprendre, de sorte qu'ensuite chacun puisse s'adapter au rythme des changements sans être, par eux, ni déstabilisé ni dépassé. D'autre part, la césure doit être moins marquée entre une période initiale de formation et une période ultérieure d'activité. Il n'est de bonne formation que permanente.

Le consensus est tel sur sa nécessité que nul ne songerait à la remettre en cause. Elle constitue un investissement qui ne laisse personne indifférent, travailleurs, entreprises ou collectivités publiques.

Simplifier l'accès des usagers potentiels suppose ensuite de développer l'information. Cela aurait, secondairement, l'avantage d'offrir une protection contre les marchands de formation peu scrupuleux, heureusement assez rares, mais dont l'activité proche de l'escroquerie porte une ombre néfaste sur l'ensemble du système.

Moderniser l'offre, enfin, doit conduire les pouvoirs publics à soutenir les organismes qui acceptent de regrouper leurs forces pour disposer de formations meilleures. De même des progrès sont-ils possibles pour individualiser l'éventail des formations. De ce point de vue, le retard que nous prenons par rapport à nos partenaires est préoccupant. Et l'alternance entre des périodes de formation en entreprise et des périodes hors entreprise peut être utilement généralisée.

24. Société (problèmes de). Le « microcosme », en fait le parisianisme, rend sourd. Replié sur ses petits querelles internes, préoccupé seulement de garder ou conquérir le pouvoir, bruissant de rumeurs de toute sorte, entretenant réseaux, chapelles et coteries, le monde politique utilise les problèmes de société plus qu'il ne s'attache à les connaître ou à les traiter. Ils sont l'occasion de prises de position souvent hâtives, de discours inexperts, ou de fabrication artificielle d'images flatteuses.

Cette coupure, malgré tout, présente un avantage. Si tout problème de société devenait un problème politique, sur lequel se reproduiraient les clivages habituels, le dogmatisme deviendrait contagieux, la politique étendrait son emprise, au détriment des véritables solutions.

C'est à la société elle-même de régler ses problèmes, le politique n'étant qu'un des moyens, une des instances, et pas nécessairement des plus importants. La loi et le décret ont des limites et il faut les connaître.

Il faut également que ceux qui exercent les pouvoirs publics soient assez attentifs aux malaises et aux inquiétudes de la société pour anticiper sur les effets. Qu'il s'agisse de drogue, de délinquance, d'intolérance, aucun trait de plume législative ne peut en supprimer les causes, mais les avoir comprises aide à les expliquer, contribue à y remédier.

Il est à l'œuvre, dans les profondeurs de notre corps social, des mouvements lents, .perceptibles au rythme de la décennie, mais essentiels et gros de conflits multiples, s'ils ne sont pas reconnus, accompagnés, validés, par la coutume ou la loi. L'une de ces évolutions, par exemple, est celle qui petit à petit érode la notion de hiérarchie, l'ampute de ce qu'elle comporte de militaire ou de disciplinaire, pour lui substituer une division fonctionnelle des compétences, et une adhésion consensuelle. Historiquement, la social-démocratie a beaucoup agi dans ce sens, et ses héritiers sont à l'aise pour poursuivre cette transformation, dont on dira un jour qu'elle fut une révolution.

25. Environnement. L'environnement est une des principales préoccupations des Français ; il vient le plus souvent juste après l'emploi et la sécurité dans les sujets sur lesquels ils souhaitent une amélioration. Cet intérêt est encore plus marqué chez les jeunes. Quand on considère la relative abstraction du sujet, ce souci pourrait nous surprendre : tant d'observateurs blases nous répètent que les citoyens ne s'intéressent plus qu'à ce qui les touche individuellement et immédiatement. Cest oublier un peu vite que nos concitoyens,savent repérer ressentiel, qu'ils ont le sens de l'avenir et la volonté d'être de plus en plus maîtres de leur destin.

Ce constat encourageant est d'autant mieux venu ici que l'environnement demandera une discipline toujours plus exigeante de la part de la société tout entière. Pour rester assurés d'un environnement de qualité, nous devrons marcher sur nos deux jambes : une société dont les individus et les groupes prennent chacun leurs responsabilités, un État qui emploie efficacement ses ressources et son autorité. Il n'y aura pas d'environnement satisfaisant sans mobilisation locale, sans presse vigilante, sans associations vigoureuses, sans entreprises conscientes de leurs devoirs, sans civisme individuel et collectif. Il n'y aura pas non plus d'environnement satisfaisant sans une administration exigeante, qui encourage les recherches décisives, qui exerce loyalement et rigoureusement sa surveillance des nuisances et des dangers, qui soutienne efficacement les centres locaux de mise en valeur du milieu naturel.

La maitrise de l'environnement, c'est d'abord etre capable de premunir les citoyens contre les agressions quotidiennes de la pollution, du bruit ; c'est contrôler efficacement les transports de matières dangereuses, étendre à tout le pays un assainissement des eaux et un traitement des déchets adaptés au XXIe siècle. La prévention des risques majeurs est aussi une priorité, car notre collectivité doit s'assurer contre les dangers qui la guettent encore. À cet égard, notre démocratie peut se donner des formes incontestables d'expertise publique, d'information transparente sur les grandes fonctions économiques génératrices de risques, comme le nucléaire ou la chimie lourde. Enfin, la gestion locale de l'environnement, les missions multiples de préservation et de mise en valeur attendent encore une organisation technique et sociale qui permette de valoriser leur extraordinaire potentiel d'emploi et d'insertion professionnelle.

Mais il faut aussi veiller à trois défis nouveaux qui pèsent sur notre avenir commun:

– l'aménagement de l'espace rural exigera des décisions majeures à mesure que la compétition et la rigueur financière ecarteront de la production agricole des espaces défavorisés ; la mise en valeur des paysages ruraux est une responsabilité publique dont dépend l'équilibre futur de notre territoire ;

les nouvelles technologies fines, pour « propres » qu'elles paraissent au regard de la pétrochimie ou du génie civil lourd, comportent des menaces peu soupçonnées : l'informatique a maintenant son code, mais les bio-technologies, par exemple, contiennent un potentiel stupéfiant de dérèglement écologique, à la mesure de leur puissance de demultiplication ; il faudra y veiller, au contact des chercheurs, qui d'ail

leurs le demandent eux-mêmes ;le rapport environnement-compétitivité est en train de se modifier complètement ; l'exigence des consommateurs est telle, le souci de qualité se propage si vite, que les contrôles et les standards de protection sont maintenant un puissant argument de vente ; la production

« propre » devient rentable dans tous les domaines. Dans ce contexte,

la frilosité avec laquelle les organisations patronales et les administrations spécialisées abordent – notamment à Bruxelles – les mises aux normes nécessaires témoigne d'une réflexion insuffisamment renouvelée.

26. Responsabilitй. Elle a une double dimension : répondre de ses actes et agir consciemment. Prenons l'exemple d'un ministre et de celui qui le conteste. Le ministre, constitutionnellement, est responsable de ses actes (politiquement, voire pénalement), tandis que son opposant ne l'est pas. Mais, par bêtise ou par incompétence, par intérêt ou par démagogie, le ministre responsable peut prendre des décisions irresponsables, alors que son opposant qui n'exerce pas de responsabilités peut prendre des positions responsables (il peut également se produire qu'un ministre soit responsable dans les deux sens, et plus facilement encore qu'un opposant ne le soit dans aucun...). À négliger cette dualité, on amputerait la responsabilité quand elle n'a de signification qu'à condition d'être entière. Fuir ses responsabilités est haissable.

L'exigence d'autonomie s'accompagne désormais d'une revendication de responsabilité. À celle-ci prennent goût tous ceux qui en pressentent la dignité. Ils sont chaque jour plus nombreux ceux qui aspirent à faire davantage par eux-mêmes et sont prêts à en supporter les conséquences. Les entreprises les plus performantes sont souvent celles qui en tiennent compte avec leurs salariés. Les fonctionnaires aiment moins qu'on ne dit le fameux parapluie qu'ils ouvraient naguère en faisant décider par autrui. Il les protège mais il leur pèse.

27. Patrie. Vouloir preserver sa purete en l'isolant du monde, etre exclusif et sourcilleux et, comme on faisait jadis de femmes recluses derriere des jalousies, cacher sa beauté de peur que d'autres ne la voient, c'est qu'on appelle un patriotisme machiste. Il n'exclut pas l'amour, mais ne le prouve pas non plus.

L'aimer par habitude mais la trouver vieillie, ne voir de vraie vitalité que dans des nations plus jeunes, qui fascinent et qu'on singe, c'est avoir l'attachement nostalgique. L'amour de la patrie connaît aussi ses démons de midi.

Etre à ce point pénétré de ses qualités propres qu'on les croit supérieures à tout ce qui existe,ne percevoir les autres qu'avec condescendance et ne les supporter qu'ébahis, c'est l'amour vaniteux, le patriotisme arrogant.

La patrie est une mère exigeante, mais trop de ses enfants sont des fils abusifs.

28. Parlement. Au-delà des apparences, il ressort bien vite que le Parlement français a presque exactement les mêmes pouvoirs que ses homologues des démocraties comparables, anglaise, allemande, espagnole, scandinaves... Dans chacun de ces pays, c'est l'exécutif qui domine le système, la majorité soutient le gouvernement plus qu'elle ne le contrôle, le Parlement vote les lois qui lui sont demandées plus qu'il n'en prend l'initiative. Le même phénomène se produit en France. Plus qu'il ne s'est abaissé, le Parlement francais s'est aligné sur les Parlements étrangers, sur les systèmes modernes qui font que le pouvoir est principalement aux mains de l'exécutif.

Il reste que l'Assemblée nationale et le Sénat français fonctionnent notablement plus mal que leurs équivalents européens. Mais le remède à ce défaut ne réside certainement pas dans la perspective d'un rééquilibrage mythique entre les pouvoirs de l'exécutif et ceux du législatif, solution illusoire et anachronique.

Il réside au contraire dans une autre manière d'exercer des pouvoirs inchangés. Si, plutôt que se croire en pays à peu près conquis grâce au fait majoritaire, les ministres appelés à faire voter des lois se préoccupaient de leur durée, ils seraient conduits à rechercher des compromis avec leur majorité autant qu'avec l'opposition. Moins soucieux d'imposer, ils le seraient de transiger. Cela n'a pas grand-chose à voir avec ce qu'Edgar Faure a appelé « les majorités d'idées », dans lesquelles il voyait le moyen de prendre acte d'un consensus existant au-delà des divisions partisanes. Le consensus se constate, tandis que la transaction se recherche.

29. Entreprise. «Patrons français, soyez fiers de l'être». C'était le titre superbe que donnait Jaurès à son éditorial de La Dépêche de Toulouse du 28 mai 1890.Objets de méfiance pour l'opinion, l'entreprise et son chef se voyaient écartés du prestige, recherché dans les arts ou les sciences, puis dans le sport ou la fonction publique, mais pas chez eux.

Seul pays du monde dont l'histoire minière fut migratoire, seul d'Europe dont la densité de population ne permettait pas de rentabiliser le chemin de fer, la France fut mieux dotée par la nature pour l'agriculture que pour l'industrie. Que de faillites derrière ce constat simple!

La banque, dans un environnement plus dur qu'ailleurs, a tôt pris l'habitude de se méfier du risque : à l'État donc de protéger ou de combler les pertes (Colbert, au demeurant, n'a jamais hésité à créer des entreprises royales quand un besoin apparaissait). Quand d'autres pays bénéficiaient de liaisons fluviales ou maritimes, notre géographie a vite exigé des infrastructures routières. Le coût est bien plus grand, tant en génie civil qu'en protection de police. L'État a gardé l'habitude de ne marchander ni l'un ni l'autre, sans calcul de rentabilité.De ce fait la situation des travailleurs n'évoluait de temps à autre, en droit, que par la loi, le plus souvent à l'issue de graves crises sociales (1936, 1945, 1968), que provoquait notamment la volonté historique du patronat de ne faire aucune concession quant au pouvoir au sein de l'entreprise. Seuls lois et décrets ont pu l'y contraindre quand ailleurs cela s'est fait par des conventions négociées.Le consensus était moindre et l'efficacité aussi.


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